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Au refte ces Bourdons fortent du Roy, comme les Abeilles, & font pondus fous la forme de vers, dans les plus grands avéoles, avec les mêmes céré monies, & traitez enfuite par l'Etat, avec les mêmes foins, jufqu'à la fin de l'Eté.

Leurs convains.

VIII. Il y a deux fortes de Couvain : le premier eft celui d'Automne qui fe conferve l'Hyver dans les Ruches, fcellé & cacheté d'une pellicule de cire avec la provifion ordinaire : il éclôt vers le mois de May, quand les chaleurs font venues. Ce couvain eft fort & robufte, & c'eft de lui que viennent les premiers Effains.

Le fecond convain fe fait & éclôt depuis le mois de May jufqu'à la fin de Juillet: il n'eft pas fcellé, comme le premier : il eft dans l'ouvrage neuf an bas de la Ruche, au lieu que le premier eft au milieu.

On appelle faux-convain celui qui ne vient pas à bien; il en naît plus de Bourdons que de bonnes Mouches; & il y en a plus ou moins, à proportion que l'année eft plus ou moins pluvieufe. Dans des années extrêmement humides, quelquefois les Mouches voyant tout le premier couvain avorter, le tirent avant qu'il ait pris vie, & le jettent dehors auprès de la Ruche; on y voit des Bourdons tout formez.

Il n'eft pas vrai que ce foit la chaleur des Bourdons qui faffe éclôre le cou vain, comme la chaleur de la poule fait éclôre les pouffins : c'eft la chaleur de toute la maffe des Mouches, qui fe tient toûjours au lieu où eft le couvain, Depuis Septembre jufqu'en May, il n'y a plus de Bourdons dans les Ruches; & il commence a y avoir du couvain dès la fin de l'année. Au fujet des Bour dons: Voyez ce qui en va être dit ci-après Numero 12. de cet article.

Age des Ruches.

IX. Il faut remarquer que paffé trois ans elles ne font plus bonnes pour oriner, c'eft-à-dire pour engendrer d'autres Mouches; & cela parce que la cire étant vieille & trop deffechée, elle eft incapable de recevoir ou du moins de former, nourrir & perfectionner l'embrion.

On connoît l'âge des Mouches d'une Ruche ou plutôt de la cire qui y anime les couvains, à sa couleur : la cire blanche eft d'un an ; la jaune de deux ans; & la noire de trois ans au moins; car paffé trois ans on ne fçauroit plus juger de l'âge des Ruches, ni de la cire, que par le petit nombre des Mouches qui y reftent; de même qu'après fix ou fept ans on ne fçauroit plus juger de Fâge des Chevaux par leurs dents, mais feulement par d'autres fignes équi

voques.

Leur Police.

X. Les Ruches font autant de petits Etats Monarchiques, bien policez, & dont le peuple eft nombreux & extrêmement laborieux : Tout le gouverne ment ne confifte que dans un parfait accord & dans une Emulation generale & toûjours égale. Tout le monde y travaille & chaque Abeille a fes occupations differentes; on fe dreffe des loges, on les avictuaille pour y vivre & perpétuer la race: elles obéiffent toutes à leur Roy; mais les unes gardent le

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361 Monarque, les autres la porte; & d'autres font fentinelle ou reçoivent le butin de celles qui vont battre la Campagne ; & de la cire qu'elles rapportent à leurs jambes de derriere, on bâtit les loges. Il y en a qui amolliffent & paîtriflent la cire, en l'étendant avec leurs crochets ; & il y en a qui la mettent en œuvre, & en compofent leurs bouteilles ou creufets, dans lefquels elles mettent le miel dont le forment les couvains ; d'autres ont foin de tenir la Ruche nette, elles en emportent toutes les faletez maniables, comme marc de cire & lie de miel; de fiente, ou elles n'en font point, ou elles la vuident en volant: elles fortent des Ruches les Mouches mortes, & les traînent loin de leur habitation de peur d'infection; mais elles le font avec pompe; une vingtaine d'Abeilles accompagnent la morte, deux la trainent en volant un pied fur terre jufqu'au fepulcre, d'où elles retournent à la Ruche toutes ensemble.

Miellée.

D'autres ramaffent le miel fur les fleurs & fur les feuilles d'arbres. Celles de chêne & de tilleul font les plus propres à recevoir la miellée qui tombe du Ciel, quelquefois en fi grande abondance, que les Païfans le recueillent dans les forêts fur les feuilles de chênes principalement, il y eft blanc comme la manne de Calabre, & fait en forme de larmes. Dans ce temps de miellée les bleds en épi font en grand danger, & ils deviennent tout rouges.

Ce miel fe conferve bien mieux dans les Forêts qu'à la Campagne où le So cela pour leil le defleche & l'altere dans l'inftant. C'eft que dans le temps de la miellée les Mouches vont affez volontiers dans les bois, & qu'elles font alors plus diligentes, vont aux Champs avec plus d'ardeur, de plus grand matin & reviennent plus tard. Il y en a même dans les Ruches qui excitent les autres au travail par un bourdonnement particulier qui reffemble au fon des Cornets & des Trompetes, & que l'on entend facilement dans la faifon des Effains, en prêtant le foir l'oreille auprès des Ruches.

Outre la miellée, & hors le temps d'icelle, les Abeilles enlevent, comme nous l'avons dit, avec leur trompe, le fuc qui fort des fleurs par tranfpiration; elles le renferment dans un refervoir qu'elles ont vers la gorge, & le revomiffent dans leurs cellules pour en compofer le miel; ce fuc ou ce miel leur fert de nourriture.

Les Abeilles ont un preffentiment du beau & du mauvais temps, des changemens, des pluïes & du tonnerre : la veille elles reftent plus tard aux champs, y retournent le lendemain de meilleure heure, & le jour ne s'écartent point & rentrent en foule un peu avant la pluye ou la tempête.

Il fe forme dans les Ruches, de vieilles Mouches noires qui ne fortent jamais, & qui ne font propres qu'à conduire l'ouvrage.

Du Roy.

XI. Chaque Ruche a fon Roy & fes Officiers, qui compofent la Cour & le Confeil d'Etat. On connoît les uns & les autres à leur taille. Le Roy eft presque de moitié plus grand que les autres Mouches, fon ventre eft plus gros & fe termine en pointe, au- lieu que celui des autres eft rond. Il a un aiguillon mais fans venin, comme pour marquer la douceur de fon gouvernement; auffi ne fe fert-il pas de l'aiguillon, & on a vû des perfonnes en manier & les tenir long

temps dans leurs mains nues fans en avoir reçû la moindre atteinte. Il a la tête petite à proportion de fon corps, les aîles & les pieds plus courts, & le corps plus menu & plus long, que les autres Mouches; fa couleur eft dorée ou d'un jaune aurore. Il a les jambes droites, la marche grave, & au front une marque qui fait comme la Couronne: on dit qu'il eft femelle & qu'il jette environ dix mille œufs par an. Ses Officiers font auffi plus gros que les Abeilles ordinaires, & quelquefois dorez.

C'eft le Roy qui donne le mouvement à tout le refte. S'il fort de la Ruche toutes les Mouches le fuivent en même temps & ne forment plus qu'un peloton: s'il s'attache à quelque endroit, elles l'environnent toutes & ne l'abandonnent jamais: s'il tombe, ce qui arrive affez fouvent, parce qu'il eft plus lourd & a les aîles moins fortes que le peuple, tout le fuit, & ils le relévent ou du moins il a toûjours une vingtaine de Mouches pour fa garde ordinaire, qui ne desem parent d'auprès delui que quelque temps après la mort.

Le Roy ne fçauroit fouffrir de Compagnon. Quand il s'en est formé plufieurs dans un même Effain, les Mouches fe partagent & de-là vient la guerre, le Roy le plus foible périt dans le Combat: ou s'ils prennent chacun une demeure fé parée, ils périffent tous ; d'autant que pendant la divifion les Abeilles n'amaf fent rien, & le temps de la recolte fe paffe: Ainfi quand on voit plufieurs pelotons de Mouches autour d'une Ruche, c'est une marque qu'il y a plufieurs Rois; & dès qu'on s'en apperçoit, il faut faire ce que nous dirons ci-après pour mettre la paix & faire profiter les Effains.

Il y a auffi quelquefois de faux Rois dans les Ruches; ce font des bâtards qui viennent de dehors pour tiranifer les Mouches : On les connoît à leur laideur & on les difcerne aifément, parce qu'ils font fales, noirs, velus, plus grands que les bons, & bruïent extraordinairement.

Des Bourdons.

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XII. Les Bourdons qu'on appelle autrement Mouches fainéantes n'ont point d'aiguillon & ne vont point au fourrage : ils vivent du travail des ména geres, fe lévent tard, car ils ne fortent que fur le midi, font beaucoup de bruit & point de befogne; c'eft pour cela qu'à l'entrée de l'Automne, que le fourage commence à manquer, les petites Mouches les tuent; ordinairement trois ou quatre fe jettent à la gorge du Bourdon & l'étranglent. On en voit alors un grand nombre de morts à l'entour des Ruches.

Les Bourdons ne viennent pas du faux Couvain des Mouches à miel, comme quelques-nns l'ont cru: car il s'en trouve dans tous les Effains bons ou mauvais. Les vieilles Ruches en ont pourtant plus que les autres, mais c'est à caufe que la cire n'eft plus propre à produire des Mouches parfaites.

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Quelques-uns croient que ces Bourdons font mouches femelles, qui donnent le Fray ou Couvain qui fe fait dans les Ruches, ou qu'elles le jettent fur les feüilles d'où les Mouches à miel le transportent dans leurs bouteilles.

D'autres difent que le Bourdon tient de la nature du poiffon & jette fon eau ou chiaffe, que la Mouche qui le fuit féconde par fon germe : d'où vient que l'on voit les Bourdons aller avec les Mouches entrer les premiers dans les paniers où ils veulent jetter leur couvain, depuis la mi May jusqu'au huit Juillet; & leur fait ils fe retirent. D'où vient auffi que les Mouches qui ne jettent Aaa iij

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point de l'année, chaffent les Bourdons de bonne heure comme inutiles ; & qu'au contraire les Effains de l'année ne chaffent leurs Bourdons qu'après la mi Aouft, leur couvain d'Hyver étant alors fait, & n'ayant plus affaire des Bourdons qui diminueroient notablement la provifion. Les Mouches pour fe défaire des Bourdons, leur rompent une aîle ou la nuque du col, ou les tuent tout à fait. Il en refte cependant toûjours quelques-uns qui fe cachent dans un coin de la Ruche, ou fe fauvent chez les jeunes Effains, où on les fouffre plus volontiers. Si les chofes vont ainfi, il n'y a point d'apparence à foûtenir que toutes les Mouches à miel font vierges.

§. II.

Où on deit placer les Abeilles.

Venons maintenant aux préceptes, & difons que la premiere chofe à laquelle il faut prendre garde quand on veut avoir des Mouches, eft de fçavoir on a des endroits qu'elles puiffent habiter.

Les lieux qui font à l'abri du Septentrion & du Couchant, & fur-tout les vallées qui font arrofées de quelque ruiffeau & environnées de prairies font les plus propres.

Celles qui font placées dans les bois taillis profitent beaucoup, mais elles font fujettes à être pillées par les Mouches étrangeres, ce qui les fait périr : outre celà les oifeaux leur y font la guerre, & on arrête difficilement les Effains.

Les Montagnes couvertes de ferpolet, marjolaine, bruyeres, &c. leur font favorables, pourvû qu'elles foient à l'abri du gros vent; on y recueille plus de miel qu'ailleurs & il eft meilleur.

On ne doit pas feulement éviter les expofitions du Nord & du Couchant; mais auffi les grands vents & les grandes chaleurs; les uns & les autres empêchent leurs ouvrages ou les gâtent & les dégoûtent. C'est pourquoi on les expofe au midi dans les païs froids ou temperez, & au Levant d'Automne dans les païs chauds; elles en font moins pareffeufes, vont aux champs plus matin & profitent davantage. On les place ou fur quelque beau terrain bien expofé & à l'abri, ou le long des murailles, ou fous quelque appentis; fouvent même on leur bâtit de petites logettes, ou des tablettes, ce qui eft le meilleur, & de cette forte on peut en avoir beaucoup dans un petit terrain foit Jardin ou autre. Aux païs froids & même en Bretagne, Normandie, Picardie & Flandre, on les met dans des trous que l'on fait aux murailles des maisons, ou bien on les expofe au midi le long des murs, il y en a peu en plaine place.

Quand on veut en avoir un grand nombre, on fait faire des bancs foit de pierre, de planches ou de maçonnerie; on les éleve de distance en distance afin que l'on puiffe agir & manier aifément les Ruches entre chaque banc ; ils doivent aller toûjours en s'élevant les uns au- deffus des autres fans s'entretoucher, en forte que le tout ait la forme d'un amphitéatre. Vos Ruches placées fur ces bancs auront chacune leur part du Soleil: elles feront une belle reprefentation, & les Mouches auront toutes la liberté de fortir & rentrer à leur aife t Vous les tournerez toûjours au Midi ou au Levant autant qu'il fera poffible.

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Mais en quelque endroit qu'on les mette & de quelque maniere qu'on les arrange, on ne les doit guere éloigner de la maifon pour être plus à portée d'y donner fes foins: Il eft bon qu'elles foient au bas de quelque coline, elles s'envolent & reviennent plus aifément; qu'il y ait quelques arbres à certaine distance des Ruches pour divertir les Abeilles, faciliter leur vol, & empêcher que les nouveaux Effains ne s'écartent; il doit auffi y avoir près des Ruches quelque eau courante, quelques cailloux jettez dans l'eau & quelques branches d'arbres en travers & à côté, afin que les Abeilles puiffent y boire, s'y repofer, se garantir du chaud, se baigner facilement & fe raffembler ou fe fauver de l'eau quand quelque coup de vent les y a précipité ou les a difperfé. Mais il faut les éloigner des Etangs & des Rivieres, de peur qu'il ne s'y en noye un trop grand nombre par le vent ou par le poids des charges qu'elles apportent à leur Ruche. Au défaut d'eau courante & naturelle, vous aurez foin de leur en mettre, foit de puits ou de citerne, auprès de leurs paniers; vous la tiendrez toûjours nette en la changeant de temps en temps, pour qu'elle ne devienne point puante ou bourbeufe; & vous la borderez de pierres & de branchages, afin que les Mouches puiffent fe repofer & boire aifément fans avoir loin à aller.

Sur-tout qu'elles foient dans un lieu abondant en herbes odoriferantes, comme thin, romarin, fariette, méliffe, lavande & ferpolet; car elles aiment fort les odeurs, les fleurs & la rofée qui s'y amasse, tout cela rend leur miel exquis & leur en fait produire beaucoup.

Il eft bon de les éloigner, comme on fait en Languedoc, des ormes, des Ifs, du Genet, de l'Arboifier & du Tithimal, parce que les fleurs de ces arbres ou plantes les rendent malades, & le fuc qu'elles en tirent fait un mauvais miel.

On ne fçauroit avoir trop d'attention pour les garantir des animaux domeftiques & de toutes les bêtes qui leur nuifent: par exemple les Hirondelles les prennent en volant, fur-tout quand quelque orage approche, pour les porter à leurs petits; les Chévres & les Cochons boulleverfent les Ruches, mangent ou gâtent les fleurs; la laine des Brebis qui refte aux haies, les embarraffent très-fouvent; en un mot tous les animaux les chaffent, les épouvantent ou les détournent. C'est pourquoi on enferme l'endroit où font leurs Ru ches, de murs, de paillaffons ou de bonnes haïes. On doit même avoir foin de n'en laiffer approcher aucuns des animaux qui gâteroient les fleurs, les arbriffeaux & les herbes des lieux voifins qui doiveut être confervez pour les Abeilles. Il faut encore avoir foin de les éloigner du fon des cloches & de toutes fortes de grands bruits, comme Forges, Moulins, Marêchaux, Charons, &c. de même des marécages, bourbiers, fumiers & autres lieux corrompus, parce qu'elles haïffent extrêmement les mauvaises odeurs & le grand bruit. C'eft pourquoi on les place ordinairement au bas de quelque Coline ou dans des Jardins où il y ait abondance d'herbes odoriferantes.

Les lieux fales ou infects ne font pas les feules caufes du peu de profit des. Abeilles; la mal-propreté & la mauvaise odeur des perfonnes qui les appro chent, les fait encore fouvent deferter. C'eft pourquoi les punais, les rouffeaux & les femmes qui font mal-propres par habitude ou par accident, ne doivent pas en approcher, ils feroient mourir les jeunes Abeilles.

Quoique les Mouches haïflent fort les lieux fales on puants, principalement parce qu'ils leur attirent beaucoup de maladies ou de bêtes ennemies; cepen

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