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Manieres de quelques Païs étrangers pour dépouiller les Ruches.

En Italie ils ont beaucoup de Ruches à trois faces, & ouvertes en-deffus. Lorfqu'on veut tirer le miel, on leve le couvercle, on bouche le trou qui eft au baş de la Ruche, on fait de la fumée deffous pour en chaffer les Mouches, & avoir par ce moyen le temps de faire la récolte du miel qu'on tire entierement ou en partie, felon qu'on le juge à propos. Cela fait on raccommode la Ruche comme elle étoit auparavant, puis on l'expose au Midi, & la chaleur excite les Abeilles à recommencer leur ouvrage.

On en agit de même, lorfque les Ruches font quarrées ou rondes, & qu'il y a un couvercle par-deffus.

Les Peuples des environs de Gironne & de Mantouë, châtrent leurs Mouches de cette maniere. Ils commencent par ôter le couvercle du Panier enfuite ils prennent un fac dont ils enveloppent le haut de la Ruche par la bouche, ils l'attachent bien, puis enfumant les Mouches par-deffous, elles montent toutes dans le fac qu'on lie auffi- tôt, & on les laiffe à terre pendant qu'on tire le miel du Panier, fans crainte d'être piqué : cela fait, on remet le couvercle de la Ruche, on y attache le fac à l'entrée, & les Mouches s'y remettent & travaillent tout de nouveau.

Ces mêmes Peuples fe fervent d'un autre moyen qui paroît meilleur : on suppose que ce foit un Panier rempli de vieilles Mouches; on met tout proche un autre Panier vuide, c'eft en plein jour que cela fe doit faire, & fur la fin de Juin ou de Juillet: ce Panier doit avoir été parfumé d'hérbes odoriferentes, puis on foigne de laiffer au couvercle un trou large comme la main & en rond, afin que les Mouches y entrent lorfqu'elles auront empli la Ruche où elles travaillent jufqu'en haut & à plus de moitié. Enfuite on leve celui qui eft plein au commencement de Septembre, bouchant le trou du Panier qui eft deffous: cela fait, il n'y a plus de Mouches à craindre, & on tire tout à l'aife le miel qui y eft; on fait la même chose aux Abeilles qu'on a châtrées en May ou Juin, parce qu'ayant une grande abondance de fleurs en cette faifon, elles empliffent également le Panier de deffus & celui de deffous; on tient même que les Effains nouveaux quit tent leurs meres, & s'y arrêtent fans aller chercher d'autres gîtes.

On en agit encore autrement en d'autres endroits : les uns coupent pardeffous une partie des rayons, y en laissant néanmoins affez pour entretenir les Abeilles.

Il y en a d'autres qui prennent tout ce qu'il y a de meilleur dans la Ruche, environ vers le commencement d'Août, après avoir chaffé les Abeilles, puis ils les y remettent, & les Mouches recommencent à travailler comme auparavant : c'est ainfi qu'on le pratique dans la Lorraine, & les habitans de ce Païs appellent ce travail, traverser.

Quelques-uns d'entre eux fuivent une methode plus groffiere : ils rompent tous les rayons qu'ils font tomber dans quelque vaiffeau, après avoir fait mourir les Mouches avec de la fumée de foûfre, de foin, ou de paille: c'est ainsi que les Peuples du Luxembourg en agiffent; mais c'eft à proprement parler, couper un arbre pour en avoir le fruit.

Pour revenir à la pratique des Lorrains, lorfqu'ils veulent faire la récolte

du miel, on creufe autant de folles d'un pied de large, & d'un pied & demi de profondeur, qu'on a de Paniers; on met les Ruches le bas en-haut fur le foir, & on les y laiffe ainfi paffer la nuit, la fraîcheur ralentit beaucoup les Abeilles; le lendemain de bon matin on ajufte un Panier vuide fur chaque Panier plein, en forte que les embouchures fe rapportent, & on les environne d'une toile qui empêche les Mouches de fortir; il y en a qui font cette jonction des Ruches dès le foir : le matin venu, on frappe doucement avec deux bâtons fur la Ruche d'en. bas l'efpace d'un quart d'heure ; le bruit & le mouvement que cela excite dans la Ruche, fait monter les Mouches dans le Panier de deffus qu'on ferme avec la même toile, pour les porter dans un lieu accoûtumé pour y paffer l'Eté, pendant qu'on tire tout le miel des Paniers.

III.

Du miel, de la maniere de le tirer, & de fes differentes efpeces.

Les rayons étant ôtez de la Ruche & apportez à la maifon le plûtôt que l'on peut, il faut, 10. Les y mettre dans un lieu qui foit non feulement frais, mais encore fecret & bien fermé, enforte que les Mouches qui s'acharneroient à ravoir leur bien, n'y puiffent point du tout entrer; car fi elles y avoient la moindre entrée, il feroit impoffible d'y travailler; elles piqueroient cruellement les ouvriers ou leur perdroient les yeux, & quelque foin que vous puisfiez prendre à boucher les portes & les fenêtres, elles confommeroient tout vôtre miel en très-peu de temps. Malgré la bonté de la clôture de ce lieu, il eft toûjours bon d'y faire continuellement en-dedans & tout autour endehors, de la fumée avec du vieux linge ou du foin moüillé, pour empêcher les Abeilles d'en approcher.

2o. Si on a chaffé les Mouches des Paniers, & qu'on apporte dans le laboratoire les Ruches pleines d'ouvrage pour l'y façonner, il faut les mettre auffi. tôt fur la fumée de foûfre pour tuer les Mouches qui pourroient y être reftées, elles piqueroient les ouvriers en maniant les rayons.

30. Si on fait la recolte avant la fin de Septembre, on trouvera du Couvain dans les Ruches : il faut le mettre à part; car il fe convertit en une eau blanchâtre qui donneroit mauvais goût au miel, l'empêcheroit de durcir & en diminuëroit le prix: ces rayons où il y aura du Couvain, feront fondus avec la cire.

4°. De même, avant que de preffuger le miel, on doit éplucher foigneufement les gâteaux, Jen ôter toutes les ordures, les Mouches, la vieille cire, les vers, les papillons, finon le miel fe gâteroit ou diminuëroit notable.

ment.

5°. Cela fait, on tire le miel des gâteaux de trois façons differentes, qui font autant d'efpeces differentes de miel.

Miel-vierge, on premier miel.

La premiere eft celle du Miel- vierge : c'eft comme le vin de mere goute, c'eft-à-dire que c'est le miel qui coule de lui même fans expreffion & fans feu, des gâteaux nouvellement tirez qu'on pofe tout chauds (après les avoir

rompus ou coupez) fur une petite claie d'ozier ou fur une nappe fufpenduë par les quatre coins, fous laquelle on met un vaiffeau bien propre pour recevoir le miel. Voici la Figure de la Claie.

進口 D 1975

C

A

A. Claie d'ozier. B. Gâteau de miel rompu. C. Vaisseau pour recevoir le miel. D. Miel qui diftille.

Il y en a qui fans fe fervir de Claie ni de nappe pour tirer le miel- vierge, & fans en rompre les gâteaux, les mettent tout chauds les uns contre les autres debout dans un panier, fur une poële dans un lieu fort chaud; on égratigne feulement un peu les rayons, afin que le miel coule plus prompte

ment.

Le miel-vierge eft incomparablement meilleur & plus délicat que les autres on le met dans des pots de terre bien propres & verniffez; il devient fort dur, & il eft prefque toujours blanc. Celui de Languedoc & particulierement celui de Narbonne eft le plus eftimé.

Après que le miel-vierge a coulé, on peut encore tirer du miel blanc des gâteaux d'où il vient, en les mettant feuls legérement en preffe ; mais comme il s'y mêle toûjours un peu de cire, ce fecond miel quoique blanc, n'est pas fi bon à beaucoup près que le miel vierge, & il fent la cire.

Second miel.

Le fecond miel se tire par la preffe fans feu, & il eft plus épais que le premier. La feconde maniere de tirer le miel eft donc de prendre les gâteaux tout chauds & bien épluchez; on en remplit des petits facs de toile claire, ronds & pointus comme des chauffes à hipocras; on les met dans une preffe & on en exprime le miel qui tombe dans un vaiffeau mis pour cela fous la preffe; en voici la Figure.

Hhh iij

A

B

D

A. Preße. B. Bout du fac qui eft en Preffe. C. Vaiffeau recevant le miel. D. Miel diftillant.

Les pots de terre ou autres dans lefquels vous mettrez ce fecond miel, feront placez dans un lieu propre & fec. On les y laiffera découverts pendant quelque temps, jufqu'à ce que le miel ait fermenté: il fe purifie & s'éclaircit en pouffant en dehors une écume qu'on aura foin d'ôter avec une cuillere propre; & quand toute l'écume fera dehors, on couvrira les pots; il n'y faut que du papier.

Troifiéme miel.

La troifiéme maniere de tirer le miel, donne celui qui est le moins eftimé. On ramaffe tous les gâteaux vieux ou nouveaux, même ceux qui ont donné le miel vierge & les Couvains; on jette tout cela dans une chaudiere avec un pot d'eau, qu'on fait tiédir fur le feu en remuant toûjours : quand ils font tiédes on en remplit des petits facs, & on les preffure comme je viens de le dire du fecond miel.

Il ne faut pas faire trop chauffer le miel, car il deviendroit noir & de mauvais goût; & outre cela il s'y mêleroit de la cire, ce qui feroit une don

ble perte, parce que miel.

, parce que la livre de cite vaut toûjours beaucoup plus que celle de

Il ne faut pas non plus mettre beaucoup d'eau pour chauffer le miel, il en eft bien moins bon à proportion.

Quand on n'a point de preffe, on fe fert du preffoir: chaque Païs a fa guife; & il y en a où on ne fait que deux fortes de miel, le vierge & celui qu'on exprime des gâteaux chauffez dans l'eau.

Plutôt on peut tirer le miel, meilleur il eft, & plus on en tire. Lá chaleur du lieu où on le travaille, contribuë auffi à la quantité.

Le miel commun eft jaune, & il vient des deux dernieres manieres de le tirer: il emporte toujours un peu de cire; & comme il a paffé par le feu, du moins par la preffe, & qu'il n'eft pas fi nouveau que le blanc qui est prefque toujours miel-vierge, il eft plus âcre, plus laxatif & plus déterifif que le blanc; c'eft pourquoi on l'employe dans les lavemens & pour les

remedes exterieurs.

Le miel blanc vaut ordinairement le double du commun ou jaune ; & celui de Narbonne vaut à Paris quatre fois plus.

Le miel blanc fe fait aux environs de Paris, des rayons des jeunes Elfains de l'année qu'on tire fans feu.

Choix du miel.

On doit le choifir épais, grenu, clair, nouveau, transparent, lourd, qui file, d'une odeur douce, agreable, un peu aromatique & d'un goût doux & piquant; celui qui furnage eft le moindre.

Entre les blancs, celui de Narbonne eft le plus délicieux à cause de la chaleur & de la quantité de romarin qu'il y a dans le Païs, quand il eft

il eft auffi dur que du fucre candi. Quant au miel commun, celui de Champagne paffe pour le meilleur des jaunes, à caufe qu'en general le Terroir y eft fec & les herbes fines & aromatiques. Celui de Mingrelie est excellent, parce qu'il y croît force meliffe.

Le miel fait au Printemps eft plus eftimé que celui qui a été fait en Eté; & celui de l'Eté plus que celui de l'Automne, à cause de la force des fleurs.

Il faut preferer le blanc ou le pâle au plus foncé ; celui qui écume un peu en bouillant, à celui qui écume beaucoup; l'acre doux à celui qui n'a que de la douceur; enfin le miel d'une mediocre odeur, à celui d'une odeur trop fenfible, ce dernier étant d'ordinaire fophiftiqué par le thim ou autres herbes qu'on y mêle,

Usages du miel.

Il eft d'un grand ufage non feulement en alimens, mais encore en afsaifonnemens & en boiffons, foit hidromel vineux, hidromel commun, ou fimple eau miellée, comme nous l'expliquerons ailleurs, & encore en medecine. Autrefois on l'emploioit par-tout au lieu de fucre, qu'on ne connoiffoit pas encore: bien des ménageres en mettent encore actuellement dans leurs confitures communes, pour épargner. le sucre.

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