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c'est pour cela que nous avons dit de mettre deux vergettes de fer & deux anneaux. La journée ordinaire d'un tireur eft de tirer trois livres de foye & chaque écheveau ne doit pas pefer plus d'une livre, parce que s'ils étoient plus gros, ils feroient trop difficiles à tirer du devidoir, & ils le feroient fouvent caffer, à caufe qu'il faut qu'ils fechent deffus; car fi on les en ôtoit avant que la foye foit parfaitement feche, elle perdroit beaucoup de fon luftre, demeureroit toûjours froiffée, feroit très difficile à devider, & n'étant pas unie, il s'en perdroit beaucoup au devidage & au moulinage. Quand les Coucons ne fe devident pas facilement, on augmente le feu fous le chaudron, & on le diminuë quand la foye s'en retire aifément : il faut avoir soin de tenir l'eau bien nette en l'écumant de temps en temps, & en la changeant quand elle est trop fale.

Pendant que le tireur s'arrête, il faut, avec une groffe épingle, ôter des échevaux tout le fleuret & les ordures qui peuvent avoir fuivi le bout de foye; on les retire bien plus aifément quand elle eft encore moüillée, que quand elle eft féche, & elle conferve mieux fon luftre.

Les bouts que le tireur ôte des Coucons, feront mis à part pour en faire les liens des échevaux ; il en faut huit du tirage de la journée à chaque écheon en met deux fur chacun avant de le tirer du devidoir, & les autres auffi-tôt après qu'il en a été tiré & plié ; ces liens, quoique groffiers, pasfent au même prix que la foye fine dont nous parlons. On dit que l'eau dans laquelle on a tiré les Coucons, ôte toutes fortes de taches fraîchement faites; il n'y a qu'à tremper le drap ou l'étoffe dans l'eau chaude, & l'y bien battre & frotter. On dit auffi que cette même eau eft excellente contre toutes fortes de douleurs de jambes : elle ne fe garde point; mais on en fait toutes-fois-&-quantes qu'on en a befoin, avec de la filofelle ou des Coucons percez, ou même avec de la feconde écorce de Mûrier.

Pour tirer la foye groffiere, c'eft àdire celle des Coucons doubles, foibles, ou groffiers & mal- bâtis, il n'y a qu'à mettre feize ou dix-huit brins à cha que bout fans le faire croifer, & il faut le nourrir & entretenir avec plus de foin, parce qu'ils fe rompent plus souvent & font plus difficiles à tirer que ceux de foye fine.

Il ne faut pas même s'amufer à vouloir tirer ceux que l'on verra n'être quafi que de bourre, ni ceux qui feront extrêmement foibles ou au travers defquels on diftingue le Ver; ce feroit une peine perduë que de vouloir tirer de la foye foit groffiere ou fine de ces Coucons; ainfi que de ceux qui font ou percez ou pourris: c'est pourquoi plûtôt que de les moüiller il faut les ouvrir avec des cifeaux, en ôter les vers & les peaux, pour les donner à filer au fuseau ou au roüet, & les employer comme nous le dirons des fleurets.

L'eau, de riviere pourvû qu'elle foit claire, eft meilleure pour le tirage de la foye, que celle de puit. Plus les Coucons font forts, plus l'eau doit être chaude; il faut pourtant que le tireur ait de l'eau fraîche à côté de lui, pour en jetter fur les Coucons, quand l'eau du chaudron fera trop chaude; il faut auffi que le tireur ait foin d'en ôter avec un écumoir ou avec fon balay tous les Vers qui corromproient l'eau: il eft même bon de changer l'eau du chaudron deux ou trois fois le jour, afin que la foye en foit plus belle & plus luftrée.

Ce décreufement emporte toutes les couleurs des Coucons & fait toutes les

foyes blanches; c'est la teinture qui leur donne enfuite telle couleur qu'on

veut.

Celle qu'on tire fans feu & qu'on dévide fans faire bouillir le Coucon, s'appelle foye - cruë; on en fait des gazes & autres étoffes : elle est beaucoup plus pure, pourvû qu'on ôte l'envelope exterieure du Coucon & la petite peau qui renferme le Ver ou la Féve; il eft défendu de mêler la foye crue avec la foye-cuite, c'eft-à-dire avec celle qu'on a fait bouillir pour la mieux dévider.

On fait avec la foye les Velours, Pannes, Gros-de-Tours ou de Naples, Poux de foye, Taffetas, Satins, Damas, Venitiennes, Tabis à fleurs, Brocards, Crêpes, Serge de foye ( qui eft une étoffe de foye croifée obliquement,} Rubans, Bas, Gans, &c. les étoffes toutes de foye comme Velours, Pannes, Gros-de-Tours, Satins, Damas & Taffetas, doivent avoir une demie aulne moins un vingt- quatrième de largeur.

Les foyes de Meffine font les meilleures pour les étoffes pleines & unies, parce qu'elles prennent une belle teinture. Les foyes de Perfe & de la Chine font blanches & très-fines. Les plus belles foyes de Syrie font celles de Luges, Souf & Billedun. On appelle foye Grege ou en mutaße celles qui fortent de deffus le Coucon & qui font par pelottes comme le chanvre & le lin avant que d'être filez, on en trafique en balles. On appelle Boures & Straßes de foye, les groffes foyes qu'on fait paffer fouvent pour fines ; & on appelle Soyes apprêtées ou Organfin de Boulogne celles qui font torfes, apprêtées, bien conditionnées, & qui après avoir paffé deux fois par le Moulin font prêtes à mettre

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Il y en a en Orient une plante qui produit auffi la foye; les feuilles de cette plante font peu larges, hautes d'un pied & armées d'aiguillons semblables à ceux des Artichaux; fon fruit eft une gouffe qui reffemble à un Peroquet Verd ayant comme lui, pieds, queue, & tête, avec de petits cercles jaunes qui figurent comme fes yeux; cette gouffe contient une matiere très - blanche & déliée; on la fille & c'eft la foye; fa graine y eft mêlée dans la gouffe, on en a apporté en France par curiofité; elle y a été deux ans à venir, & elle n'y a pas profité.

Soye de la Chine.

La foye qu'on recueille à la Chine eft plus groffiere que la nôtre, parce qu'elle fe fait à la Campagne dans les Champs mêmes, où font les Muriers; car on y a une fi grande quantité de Vers, qu'on ne peut pas les faire travailler tous dans les Maifons. Quand les Vers font éclos, les Chinois voyent combien un Mûrier en pourra nourrir, & felon ce qu'ils en jugent, ils en font échaler Cela fait, ils ne fe mettent en peine que d'aller recueillir la soye, quand les Vers l'ont fabriquée. Les œufs ou graines font beaucoup plus grands que ceux de ces Païs ci; c'eft une chofe agréable à voir que leurs Mûriers on croiroit de loin qu'ils portent des Abricots.

Des Fleurets.

On appelle la boure du Coucon Fleuret, parce que cette boure eft la fleu du Ver, comme le Coucon en eft le fruit.

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Pour mettre tout à profit, on comprend parmi le fleuret, generalement tout ce qui ne peut pas, ou ne peut que très difficilement être tiré en foye, comme reftes de Coucons, boutes, bouts rompus, Coucons percez ou pouris, refte des liens.

On affemble tout cela ; & après en avoir ôté tous les Vers & les ordures, on le laiffe tremper pendant quatre jours dans de l'eau claire, qu'on a foin de renouveller tous les jours, afin que les fleurets y foient plûtôt blanchis; ils s'amolliffent dans l'eau, parce qu'elle diffoud la gomme; enfuite on fait bouillir le tout ensemble dans un chaudron plein d'eau de leffive, claire, coulée & nette de cendres, & cela pendant une demie heure, jufqu'à ce que la gomme qui rendoit les Coucons rudes comme du parchemin, foit tout-à-fait ôtée; on lavera ces fleurets à la riviere, & quand ils feront fecs, on n'aura plus qu'à les filer comme de la laine au fufeau ou au roüet, ou bien on les fera carder pour être filez plus facilement.

On mêle fi on veut le fleuret avec la foye ou la laine; on en fait des étoffes, des paffemens, des rubans qu'on appelle Padouës.

que

Si ces fleurets font filez fort fin, on en poura faire des étoffes auffi fines celle des foyes tirées au métier : d'autres en font des foyes à coudre auffi luftrées que les foyes fines; mais les étoffes de fleuret n'approchent pas du luftre de celles de foye. Les Coucons qu'on a ouverts font les meilleurs de tous les fleurets; c'eft d'eux principalement que fe font les veritables oüattes, il y a plus de profit qu'à les filer, quoiqu'ils foient les plus faciles à filer.

Les fleurets coutent beaucoup plus à filer & valent plus de la moitié moins que la foye tirée au métier ; une femme ne peut filer que quatre onces de fleuret au plus par jour, au- lieu qu'un bon tireur tire au métier jufqu'à quatre livres de foye; & fi le fleuret vaut quatre francs la foye en vaudra dix; d'ailleurs en décraffant le fleuret avec de la leffive, la diminution eft plus grande que celle des Coucons dans le chaudron; c'eft pourquoi il ne faut met tre en fleuret que ce qu'on ne pourra pas tirer en foye groffiere eu fine.

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ÉCONOMIE GENERALE

DE LA CAMPAGNE.

KQUDUQU DURU QURUKUKU Bukuk

PREMIERE PARTIE.

CONTENANT

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L'Interieur & la Baffe-cour de la Maison
Ruftique.

LIVRE SIXIEM E.

Commerce & débit, ufages & qualitez de tout ce qui fe tire de la Baffe-Cour.

CHAPITRE PREMIER.

Commerce & débit de tout ce qui fe tire de la Baffe-Cour.

N

OUS ne parlerons point encore ici des fruits, des grains ni de tout ce qui fe tire des Jardins, Terres labourables, Prez ou Bois; à la fin de chaque Livre de cet ouvrage, qui traitera de ces differentes efpeces de biens, nous parlerons du débit de ce qui en provient: Il n'eft donc ici queftion que de ce que produit la Baffe-Cour; c'eft-à-dire du Commerce & débit de ce qu'on en peut tirer: 1°. De la Volaille. 2°. Des Bêtes à laîne. 3°. Des Bêtes à cornes. 4°. Des Cochons & des Chévres. 5o. Du laitage. 6. Des Chevaux. 7°. Des Mouches à miel, miel & cire, & des Versa Loye, Soyes & Fleurets.

Le débit des danrées & le commerce de la Baffe- Cour eft le principal du ménage des Champs: Au point qu'un bon Fermier trouve dans la Balle-cour dequoi payer le Roy & fon Proprietaire, & dequoi entretenir fa maison; en forte qu'il profite abfolument du refte de fa Ferme. Outre les profits journaliers qu'une bonne ménagere fçait fe faire de la volaille & du refte du détail de fa Baffe cour, le commerce des beftiaux eft feul plus important que les autres, & ç'a été de tous temps le plus enrichiffant, de même que les Païs de pâturages font les plus opulans : Une Ménagerie bien conduite eft un tréfor vivant, une mine qui renaît tous les jours; mais auffi il faut que le Chef de nôtre Maison Ruftique foit affez aifé, ou qu'il prenne affez bien fes mesures, pour qu'il puiffe non feulement fournir aux charges & aux dépenfes ; mais encore attendre les faifons, les occafions & les années favorables pour fon Commerce, & pour le débit de fes danrées : Il s'y trouve quelquefois en avance pour quelque temps, mais il retire bien-tôt fon argent au double.

Il s'appliquera à connoître quelle eft l'efpece des differents produits de la Baffe-cour, dont il aura mieux le débouchement, & il reglera fon Commerce de chaque efpece fur le plus ou le moins du débit qu'il fera à portée d'en avoir. Par exemple, s'il eft près de quelque ville, ou lieu d'où il puiffe tirer un grand profit de Cochons de lait, de Veaux, d'Agneaux, de Beurre & de Lait, il s'attachera à avoir & à débiter le plus qu'il pourra avoir de ces efpeces; au contraire, il élevera fes volailles & fes beftiaux pour faire de groffes nourritures, & il tendra plûtôt aux fromages, que de ne pas tirer tout le profit pof fible de fes Beures & de fes Laits..

Commerce de la Volaille.

Les Cocqs, Poules, Poulets, Poulardes & Chapons; les Dindons, Dindes & Dindonneaux; les Canards, Cannes & Cannetons; les Pigeons, lesFaifands, les Cailles, les Cignes, les Paons, les Oyes, & font un profit confidérable; c'est un fecours tout prefent pour la Maison; c'eft de l'argent comptant quand on les porte à chacun des Marchez des lieux circonvoifins & il y a quantité de Poulaillers & de Pourvoyeurs qui les viennent chercher jufqu'à trente & quarante lieuës de Paris.

On commerce de la chair des volailles, des petits qu'elles donnent, & même de leur duvet & de leurs plumes. Les œufs que la plûpart donnent

font auffi de défaite.

1o. On vend les Poulets depuis le commencement du Printemps jufqu'au mois d'Octobre, parce qu'on a foin de mettre les Poules couver de bonne heure, & elles fe fuccédent les unes aux autres.

Les Dindonneaux fuivent de près les Poulets de grain, & le débit en eft bon aux mois d'Avril & de Juin, parce qu'ils font encore chers,

Les Poulardes fuccédent depuis le mois d'Aouft jufqu'en Mars: Enfuite viennent les Chapons, les Dindes & Dindons, depuis l'Automne jufqu'au Printemps.

Les Oyfons fe vendent pendant les mois d'Aouft & de Septembre, & à la fin de Septembre commence la vente des Oyes, qui dure jufqu'au Carême. Les Canards viennent dans le même temps & font bons jufqu'au mois de Mars,

Quant

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