Imágenes de páginas
PDF
EPUB

pez en faifon, les Garennes bien peuplées de Hazes: fi les Terres ne font point trop négligees ou trop pouffees; car fouvent on fe trouve également trompé ou par les avances & le bon état d'un gros Fermier qui ne s'eft prefente que pour forcer & épuifer nos Terres à fon profit, ou par la facilité d'un autre qui aura offert ou agréé tout ce qu'on aura voulu, parce qu'il ne cherchoit qu'à entrer & vivre fur vôtre bien. Il faut arrêter compte tous les ans avec fon Fermier, & ne lui point laisser accumuler trop d'arrerages, de peur qu'ils ne l'accablent ou que le Maître ne les perde. Les Païfans ont auffi fouvent la malice de négliger vôtre Terre, de la décrier dans le Païs & à vous-même, pour en dégoûter les autres & en tirer meilleur parti; méfiezvous-en, auffi- bien que de ceux qui tâchent de vous détourner d'ajuster & de vifiter souvent vôtre Maison; ils ne le font que parce qu'ils craignent que vous ne vous y attachiez, & que vous ne voyez trop le gros gain qu'ils font fur vôtre bien, ou l'indolence, la gueuferie & quelquefois la mauvaise foi avec laquelle ils abufent de vôtre bien: mais auffi quand on eft affez heureux pour avoir un bon Fermier, c'eft à-dire un homme qui paye bien & qui entretient bien la Terre, loin de le changer ou de le rudoyer, il faut le traiter le plus cordialement & l'accommoder dans fa Ferme le plus à fon gré qu'il fe peut. On remarque que les gros Domaines ne déperiffent que parce que les Seigneurs à qui ils appartiennent changent trop fouvent de Fermiers, & ne vifent qu'à tirer annuellement le plus qu'ils peuvent, ce qui fait qu'ils n'ont que des Fermiers qui ne connoiffent point la Terre ou qui ne s'y affectionnent pas, & n'ont que le temps de la pouffer pour eux le plus qu'ils peuvent pendant leur Bail.

Les Pâturages, les Etangs, les Garennes, les Coulombiers font toutes chofes que l'on afferme affez communement; mais il faut y veiller attentivement, de peur que le Fermier ne les épuife & ne les dégrade fans retour. On afferme plus volontiers les Terres qu'on n'eft pas à portée de faire valoir, & celles qui font trop ingrates ou trop éloignées.

Ceux qui afferment leurs biens, les donnent ou à l'argent ou à fruits, c'eft-à dire à la charge d'en payer par an telle fomme en argent, ou telle quantité de Grains, Vins, Beftiaux, Gibier ou autres fruits (car tout ce la Terre produit eft compris dans le mot general de fruits.) Les Normands appellent encore Blanches-fermes, celles dont les redevances fe payent à l'argent & non en grains.

que

Parmi ceux qui donnent leurs Terres à fruits, qui eft proprement ce qu'on appelle admodier fon bien; les uns conviennent qu'ils partageront avec le Fermier tout ce que la Terre produira, & qu'ils en prendront la moitié, le tiers, le quart ou autre portion, fuivant l'ufage des lieux & la fécondité des Terres; & en ce cas le Maître & le Fermier courent les mêmes rifques, foit de fterilité, inondations, guerres ou autres qui peuvent arriver, jufqu'à ce que les fruits foient recueillis : les autres chargent le Fermier de leur donner par an une certaine quantité de grains, fourages, vins ou autres efpeces, fans avoir égard à ce que la Terre peut en produire ; & alors le Fermier doit acquitter la redevance en efpeces, quand même il ne trouveroit pas dequoi le faire parmi les fruits de la Ferme,

Ces deux differentes manières d'affermer fon bien, l'une à l'argent, l'auTome I. sff

tre en fruits, ont chacune leur bon & leur mauvais : la redevance en argent eft la plus aifée, la moins embaraffante, le revenu en eft fixe & toûjours le même, enforte que cette efpece d'admodiation convient fort à ceux qui font éloignez de leur bien, & à ceux qui ne veulent compter que fur un revenu liquide & reglé, fans avoir befoin d'aucuns des fruits de leur Terre pour leur ufage ni pour leur commerce : les redevances en fruits au contraire, font plus avantageufes à tous ceux qui ont ou des befoins journaliers, ou des débouchemens certains ou du moins apparens qui leur confomment ce qu'ils tireront en nature de leurs Fermages; c'eft pourquoi de pareilles redevances conviennent fort à des Moines ou autres gens oififs qui font à portée de veiller par eux-mêmes à la perception de leurs Fermages, qui fe les font payer fur le champ, de gré ou de force, & en trouvent la confommation dans les lieux mêmes en les employant aux provisions de leurs Maisons, ou en les vendant aux environs.

par

Cet ufage eft encore affez utile à de grandes Maisons qui fe font là des provifions annuelles & journalieres, où l'Econome doit trouver un profit très-confiderable. Les Redevances en fruits font pareillement avantageufes à tous ceux qui peuvent en trouver de promptes défaites, ou attendre qu'il en vienne de lucratives, foit par le courant de leur Province, par leurs correfpondances, parce qu'ils fe trouveront Limitrophes de Païs où leurs fruits feront d'un bon débit, ou parce que leur propre Province fera le Théatre ou la voifine de quelque Guerre; car en ce cas les fruits augmentent au double, au quadruple & quelquefois au centuple ; pendant que ceux qui n'ont alors que des Redevances en argent à prétendre, n'ont aucune augmentation à efperer, parce que leur Fermier ne leur doir qu'une fomme fixe & profite feul de la cherté generale, quoique le bien du Maître courre les rifques & les ravages qui ne regardent que le Proprietaire : c'eft en quoi il eft bon de prévoir & de prevenir tous les cas dans les Baux de biens qui peuvent être expofez aux fureurs de la Guerre & aux autres defastres, foit pour augmenter la redevance en cas de Guerre, foit pour regler la part du Fermier dans les contributions, & fon indemnité en cas de fouragemens, incendies ou autres cas extraordinaires.

Au furplus il y a plus de hazard à affermer fes Terres à moitié ou autre portion de fruits, qu'à les louer à prix d'argent : la redevance en argent eft toûjours la même ; au lieu qu'il y a tantôt de la perte & tantôt du gain quand elle eft en grains, puifque la valeur du grain dépend principalement de l'infertilité de l'année; quelquefois elle ne donne rien du tout, & alors le Proprietaire n'a rien à efperer non plus que le Fermier. La quotité de fruits que le Fermier doit, dépend de l'Ufage des lieux & de la convention que font la Parties, la moitié, le tiers ou le quart, fuivant que le Maître donne ou ne donne pas de femence; fouvent même le Bourgeois qui donne fa Terre à moitié fruit, eft obligé de fournir des Calvaniers à fon Fermier.

Le Fermier eft obligé de voiturer chez fon Maître la portion qui lui revient des fruits de fa Terre; fi le Maître demeure fur le lieu même, il doit avoir une grange bien fermante à clefs, féparée de celle du Fermier, pour que fes grains ne foient pas à la difcrétion du Païfan, qui trouve toujours le fecret d'égrener une partie des gerbes que l'on confie à la bonne foi.

Il y a des Païs où on afferme auffi les Vignes à moitié fruits; mais il faut y prendre garde à deux chofes. 1°. Que les Fermiers ne pouffent point trop la Vigne en bois, pour en tirer plus de raifin, ce qui la ruine bien vîte. 2o. Qu'ils y mettent autant d'échalats qu'il en faut ; quand on n'a pas foin de leur en faire faire la dépenfe, ils fe mocquent encore de vous en vous difant que ce ne font point les échalas qui produisent le Raifin.

III. Les perfonnes qui veulent jouir de leurs Terres par eux-mêmes, fans en avoir ni les foins ni l'embarras des Domestiques, prennent un Métayer, c'est-à-dire en bon François, un Maître-Valet, & en Provençal un Payre, qui fait valoir la Terre fous leurs yeux, prend & nourrit les gens neceffaires pour cela, & en rend tout le produit au Proprietaire, moyennant une certaine fomme qu'on lui donne par an, tant pour fe nourrir, payer fes gens, que pour fon profit; mais avec cela on lui fournit tout ce qui eft neceflaire à l'Agriculture, comme Volailles, Beftiaux, outils & femences : cette maniere de faire valoir fon bien eft commode & avantageufe, quand on eft affez heureux pour avoir un Métayer zelé, laborieux, exact, fidel de bon compte, induftrieux, fédentaire, économe & fobre : il eft bon qu'il foit marié; car quand fa femme eft ménagere, la Baffe-cour & le dedans de la Maifon n'en va que mieux pour le Maître, qui doit en ce cas les efti

les ménager, compter fouvent avec eux, & veiller au furplus, comme nous avons dit qu'il le faut faire fur le Fermier; ce qui demande encore plus d'attention & de détail à l'égard des Métayers, parce que ce font ordinairement tous gueux & malheureux, qui n'ayant rien à perdre, promettent & font d'abord monts & merveilles; mais enfuite à moins qu'on n'y veille de près ils dérobent fourdement, pêchent en eau trouble, labourent & charient pour d'autres, vendent les fumiers, ne font valoir que vos meilleures Terres, & les dégradent toutes.

CHAPITRE II.

L'Année, les Préfages & les Uftancilles du Labourage.

LA che des qualitez & de la continence de fon Terrain, af A premiere chofe à laquelle le Chef de Famille doit s'appliquer après bien fçavoir le Plan de tout ce qu'il y a à faire à la Campagne pendant toute l'année, afin qu'il fçache à point nommé ordonner le détail de toutes les faifons, & occuper toûjours fes Domeftiques quelque temps qu'il faffe, fans cependant trop exiger d'eux : tout réüffit & tout profite quand on fçait bien employer fon temps & faire les chofes en faifon.

ARTICLE PREMIER.

L'Année du Laboureur.

En Janvier, il fera faire à la maison pendant le froid & la pluie tout ce

qu'il feroit obligé de faire dans un temps plus précieux, on nettoye & on raccommode les Charettes, Tombereaux, Charues, Harnois & tous les autres Uftancilles de Labourage, on fait provifion de tous les Outils tranchans ou autres neceffaires au ménage des Champs; on met tout en état de fervir, on apprête les Echalas & Oziers pour hier la Vigne, on la déchauffe quand c'eft l'ufage de le faire pour la faire avancer, on la taille quand il fait beau, on coupe les Saules, les Bois à bâtir & autres, on releve les Foflez, on façonne les Hayes, on remue des Terres pour terrer les Vignes, on fume les Arbres fruitiers qui languiffent, on émonde les autres, on effarte les Prez, on bat les Grains, on retourne le Fumier fait depuis la faint Martin pour qu'il foit confommé bien également lorfqu'on le repandra, on laboure les Terres legeres & fablonneufes qui ne l'ont point été vers la faint Martin; quand il fait doux on ente tous les Arbres & Arbriffeaux hâtifs, comme Pruniers de Damas, Avant- Pêchers, Amandiers, Cerifiers, Rofiers, & on enterre les Cormes, les Noyaux, Amandes & Noix dont on veut avoir des Arbres; on fait travailler les Servantes à tiller le Chanvre, & à filer, quand le temps ne permet pas qu'elles aillent faire des fagots d'Epines & de menus Bois; on met couver les Poules qui le demandent, on marque les Agneaux qu'on veut garder, on fale les Cochons, dans les Païs chauds on rompt les Guerets & on prépare les Terres pour la femaille des Mars, on feme dès lors les Pois en Italie, & fur la fin de ce mois on feme le Senegré & la Vefce qui doit venir en graines; & dans les Païs où il y a beaucoup de Mirthes, de Laurier & de Lentifque, on en fait des Huiles dont l'ufage eft merveilleux en Medecine.

En Février, on continue la plupart des Ouvrages du mois précedent, on plante les Vignes, on cure, on taille, on fume & on échalade les autres, on fume les Arbres, les Champs, les Prez, les Jardins & les Couches, on acheve d'élaguer les Arbres & de les nettoyer de toutes feuilles fales, vers, mouffe & ordure, & de garnir les Hayes; on donne la façon aux Terres deftinées en Mars, principalement fur les Côteaux où il y a moins d'humidité, on feme même l'Avoine en bien des endroits, parce qu'Avoine de Février remplit, dit-on, le Grenier; on feme auffi les Lentilles & les Pois Chiches, même le Chanvre, le Lin & le Pastel dans les Païs chauds; on prépare les Terres destinées au Sainfoin, on vifite les Vins, principalement ceux qui font foibles & délicats, on plante les Bois, les Saules & les Rejettons enracinez de toutes fortes d'Arbres, tant Fruitiers que Sauvages, même Figuiers, Oliviers & Grenadiers; on nettoye le Colombier, le Poulaillier & les Toits des Oyes, des Cannes & des Paons, parce que fur la fin de ce mois tous ces Animaux commencent à s'échauffer & à couver; on repeuple la Garenne & on raccommode les Terriers; on achete les Mouches à Miel & on nettoye leurs Ruches: en Provence & dans les autres Païs chauds, on lie dès-lors la Vigne à l'Echalas; on rechauffe les pieds d'Arbres qu'on a déchauffé avant l'Hyver, & on donne le Verrat aux Truies; on attend plus tard dans les Climats temperez.

En Mars, on feme les petits. Bleds, le Lin, les Avoines, & les autres Mars & Légumes; on acheve de tailler & d'échalader les Vignes; on leur donne le premier labour, & on fait des fagots de farment; on donne la fe

conde façon aux Jacheres, on farcle les Bleds, on feme les Olives & autres Fruits à noyau, on drefle les Pepinieres, on greffe les Arbres avant qu'ils bourgeonnent, & on met tous les Jardins en bon état, on feme de la lie d'Olives fur les Oliviers languiflans; c'eft encore dans ce mois qu'on défriche les Prez & qu'on y feme les Mars: on achete auffi des Boeufs, parce que comme ils font maigres ils font à bon marché; on prétend même qu'on en connoît mieux les défauts, & qu'ils font plus aitez à dompter: on achete encore alors des Veaux de deux ans, des Genifles & de jeunes Poulains, pour les élever, & des Taureaux, Chevaux & Anes pour l'Etalonage.

En Avril, on continue de femer les Mars & le Sainfoin, de labourer les Vignes & les Terres qui ne l'ont point encore été, de greffer les Arbres Fruitiers & de planter les Oliviers; on greffe auffi les autres, on taille la Vigne nouvelle, on a foin de donner à manger aux Pigeons, parce qu'alors ils ne trouvent rien aux Champs, on fait donner l'Etalon aux Cavales, aux Anelles & aux Brebis ; on nourrit bien les Vaches, dont la plûpart vêlent ou nourriffent en Avril; on achete des Mouches, ou on en cherche dans les Bois, on nettoye les Ruches des autres, & on fait la chasse aux Papillons qui abondent quand les Mauves fleuriffent.

En May on continue dans les Païs froids de femer le miller & le panis, & ailleurs de labourer les Jacheres, & de farcler les bleds. On donne le fecond labour & les foins néceffaires à la Vigne, on en ôte tous les pampres & farmens qui n'ont point de fruits; on étête les arbres, on émonde & on ente les oliviers; on commence à foigner affiduement les mouches à mil & encore plus les vers à foye; on tond les Brebis, on fait force Beurre & fromages, on remplit les vins, on châtre les veaux & on coupe dans les forêts de jeunes feüillages pour nourrir les beftiaux, fur-tout les Chévres.

En Juin on continue de labourer, d'ébourgeonner & de lier la vigne; de foigner les vers à foye, de châtrer les veaux, faire provifion de Beurre & de fromage, & tondre les Brebis dans les Païs froids; on donne le deuxième labour aux Jacheres, on prepare & on nettoye l'aire de la grange, ou on la fait dans les champs quand c'eft l'ufage du Païs; on châtre les mouches à miel & on tient leurs ruches bien nettes; on fauche les prez & les vefces, on fane le foin, on recueille les légumes qui font en maturité; fur la fin du mois on commence à fcier les orges quarrez: En Italie on commence aussi à dépouiller les fromens, du moins on fe munit & on fe prépare par tout pour la moiffon prochaine; on bat du bled pour la femaille fuivante; on dépouille les cerifes, on amaffe les claies on, dreffe les parcs & on commence à faire parquer les Brebis,

les lé

En Juillet on acheve de biner les jacheres, & on dépouille les orges, gumes & les vers à foye; on donne le troifiéme labour à la vigne, on en ote le chiendent & on en unit la terre pour que le Soleil ne brûle pas les racines; on décharge les pommiers & les poiriers de fruits gâtez, ou qui les chargent trop, & on raffemble ceux que la chaleur ou le vent fait tomber pour mêler avec les autres & en faire le cidre dans la faison; on fait couvrir les Vaches plus qu'en aucun autre temps; on vifite de même les troupeaux, fes beftiaux & fes pâturages pour voir fi tout va bien; on court les foires de temps en temps, pour y vendre ou racheter des beftiaux, dont le commerce enrichit

sff iij

« AnteriorContinuar »