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temps avant la femence perd une partie de fes fels, en employe un autre à produire de méchantes herbes, fe diffipe par les labours qu'on donne enfuite, & agit toûjours en bien ou en mal, en attendant la femence; au-lieu que quand on fume au dernier labour, le fumier tout neuf agit auffi. tôt, pénétre & anime toute la terre, & fournit au grain une ample & fucculente nourriture. Bien entendu que ce n'eft pas du fumier de Mouton ou de Pigeon; car à l'égard de ceux-là, il en faut toûjours laiffer éteindre la chaleur, comme nous l'avons dit ci- deffus.

Il faut répandre le fumier le plûtôt qu'on peut dès qu'il eft fur le champ le répandre également fur la fuperficie de la terre & l'y enterrer enfuite, de maniere qu'il ne paroiffe plus au dehors; ce qui fe fait par un bon labour de fix à dix pouces de profondeur, & non plus avant, de peur de le mettre hors de la portée des racines des grains & plantes qu'on veut élever ; & ce répandage de fumier fe fait ainsi, afin qu'il s'en diffipe moins & que toute la terre foit également fumée.

Quand on n'a point pû fumer fon champ en temps convenable, on peut prendre du crotin de Chévre fec & pulvérifé, & le répandre comme fi on femoit du bled, puis le couvrir avec la herfe. Si on peut répendre le fumier part un temps fombre & qui foit fuivi d'une pluie, le fumage en fera meilleur, parce que l'engrais fe fera bien moins évaporé, & la pluie en le confommant avancera fort la difperfion des fels de fecondité.

Avant que de fumer un fond, ce n'eft pas affez de confiderer la qualité du fumier qu'on y met, il en faut examiner la quantité. Il eft vrai qu'en general fi la terre qu'on veut amender eft feche ou fablonneuse, on y doit employer les fumiers les plus gras, comme font ceux de Vaches, de Chevaux, de Mulets au contraire fi la terre eft forte & péfante, il lui faut des fumiers chauds & legers, comme le font le crotin de Mouton & ce qu'on tire des coulombiers & des lieux où on nourrit la volaille; mais il faut proportionner la quantité du fumier à la force ou aux befoins de la terre, de même qu'il faut confulter la qualité du Sol', pour fçavoir quel engrais on y doit mettre. La quantité du fumier ne doit être ni trop petite ni exceffive; l'excès eft dangereux, de même que le fecours eft prefque inutile quand il n'y en a pas affez, fur tout dans les terres maigres : en forte que tout le fecret confifte à trouver la médiocrité qui doit amander & échauffer la terre & non pas la rendre brûlante: l'excès eft plus à craindre pour les Jardins fruitiers que pour les terres de plain champ, ou même pour les Jardins potagers. Cependant il vaut mieux fumer plus fouvent une terre que de la fumer trop à la fois : Il faut plus de fumier aux terres humides qu'aux autres, & il n'en faut prefque point aux bonnes terres. Un favant Auteur a dit qu'il faut dix-huit tombereaux pour un arpent de terre en plaine campagne, & qu'il en faut vingt-quatre quand il eft fur une coline ou fur une montagne, parce que les terres des Plaines ont plus de fubftance & profitent des pluies & des inondations qui ne font qu'entraîner les engrais & la fubftance des lieux montagneux.

Il faut bien fe garder de mettre le fumier trop avant dans la terre, parce que les humiditez qui diffolvent les fels, les emporteroient avec elles dans des endroits trop bas, pour que les racines puiffent y pénetrer; en forte que. le fumier deviendroit abfolument inutile: il faut donc le mettre à la fuperficie.

de la terre, fur tout en fait des terres labourables, pour qu'il se répande par tout où peuvent aller les racines des grains & vignes qui pénétrent encore bien moins que les vrais plants: faire autrement ce feroit tomber dans l'abfurdité d'une blanchiffeufe qui mettroit fes cendres au fond du cuvier, au- lieu de les répandre au- deffus du linge qu'elle veut décraffer.

Enfin une derniere obfervation qu'on ne doit jamais perdre de vûë, eft que la perfection de l'art de fumer les terres confifte à employer le fumier, de maniere qu'il rende la terre graffe & principalement meuble, c'est à dire fufceptible du benefice des rofées & de la pluie & facile à pénetrer par le suc nourricier & par les grains & plantes qui y croiffent.

Les Curieux prétendent qu'il ne faut point mettre de fumiers aux arbres ni aux vignes; c'est ce que nous examinerons ailleurs ; il ne s'agit ici que des terres à grains, & il eft certain de tout temps qu'à l'égard de cette espece de terres, c'est la ftercoration, c'est-à-dire l'art de les fumer, qui donne la fertilité à celles qui n'en ont point,ou qui la rétablissent par de nouveaux fels quand elle eft épuisée par de fortes & continuelles vegetations,

Autres Amandemens,

1o. Il n'y a rien de tout ce qui eft forti de la nature, ou qui a été nourri par elle, qui ne puiffe fervir à l'amander en y retournant par les voies de la corruption. Tout ce qui rentre dans la terre lui rend ce qu'elle avoit perdu, & la ranime en redevenant terre: ainfi toutes fortes d'étoffe & de linge, la chair, la peau, les os, les cornes ou les ongles des animaux, les urines, les excrémens, les boües, les curures d'égoûts, de puits, d'étangs, la fuie de cheminée, les plumes, les rognures de cuir, peaux, vieux fouliers, vieux gans, les bois des arbres, leurs fruits, leur marc, leurs feuilles, les cendres, le chaume, la paille, toutes fortes de grains, d'herbages & de fruits pouris; tout cela améliore la terre & lui fait faire fans relâche de belles productions. Ainfi pour avoir un fumier qui fe faffe & augmente toûjours, on fait une grande foffe dans quelque coin de la Baffe-cour, quand elle eft un peu vafte, fi-non au bord d'un champ qui eft le plus à portée; on jette dans cette foffe les bois pouris, les feuilles d'arbres & d'épines, les fougères, les boues des Carrefours, les ordures de la Baffe cour, les os, les charognes, les cendres, le chaume, l'ordure des éviers & jufqu'au baliüres de la maifon, la pouffiere des grands chemins & toutes fortes d'immondices; on laiffe tout cela fe confommer dans la foffe & on s'en fert au befoin; j'ai vû des gens y mettre une piece de bois de chêne verd pour empêcher que les ferpens & autres bêtes de cette nature ne s'y engendrent ou n'y viennent; on y fait couler de temps en temps quelque ruiffeau d'eaux de pluie, pour que la fange qu'elles entraînent toûjours avec elles augmentent la fubftance du fumier.

2o. La poudrette ou pour parler plus populairement, les excrémens de l'Homme font un amandement fort gras, chaud & plain de fels; il a même la vertu de détruire les mauvaises herbes ; mais fa puanteur eft caufe que quel ques gens répugnent à s'en fervir, fur tout pour les plants fruitiers; on dit même qu'on a vu des bleds qui avoient pris un peu de fon odeur la premiere année feulement, mais la délicatelle paroît outrée, car on l'emploie avec fuccès dans les environs de Paris, dans toute la Flandre & ailleurs'; il n'y a

qu'à le laiffer repofer long-temps à l'écart avant que de l'employer, ou le mêler avec d'autres fumiers, il n'en eft pas pire & il fertilife jufqu'aux plus mauvaises terres. Dans bien des villes, comme à l'Ifle en Flandres, à Dieppe en Normandie, où le grand nombre des Fontaines empêche d'avoir des Latrines, les Laboureurs & Jardiniers des environs ne fe contentent pas de venir enlever la groffe ordure; ils ont encore foin de répandre de la paille dans toutes les ruës, & elle s'y convertiit bien tôt en fumier, qu'ils viennent enlever avant qu'il foit détrempé, parce qu'il y feroit trop de faletez & feroit trop confommé ou trop humide pour les terres.

3. Les curures d'Etang, de Marre, de Foffez à eau font fort graffes & fort humides; elles font par conféquent très bonnes pour les terres Leches ou maigres; mais il ne les faut point employer que le Soleil & la Gelée n'ayent paffé une année ou deux par deffus, & n'ayent fait périr entierement toutes les graines & racines de plantes aquatiques qui étoient dans l'Etang, & qui confervent long-temps leur difpofition à reverdir, ce qui gâte le champ, quand on y transporte trop tôt ces curures d'Etang.

Les boues des rues & des grands chemins font de même fort graffes, mais moins humides que les curures d'Etang, enforte qu'il leur faut moins de temps pour s'égouter; pour cela on les met par petits monceaux fur le Champ, le bled y vient enfuite en abondance.

4°. Le Marc de raifin eft le meilleur amandement que l'on puiffe donner aux Terres froides, humides ou fortes, & generalement à toutes celles qu'on veut rendre legeres, parce qu'ayant beaucoup d'efprit & de feu, il anime & fubtilife la matiere. Le Marc des autres Fruits eft different fuivant la nature du Fruit même, dont il tient toûjours pour la qualité; ainfi le Marc de Pommes & celui de Poires font excellens pour engraiffer & rafraîchir médiocrement un fond; le Marc de Poires eft pourtant un peu plus chaud que celui de Pommes, mais on les mêle ordinairement.

5°. Les Cendres font un fort bon amandement, de quelque endroit & de quelque matiere qu'elles viennent, foit de foyer ou de lefcive, du four à pain, à charbon, à tuile, à chaux ou autres; comme elles ont beaucoup de fels & peu de chaleur, elles conviennent affez à toutes fortes de Terres. On les mêle ordinairement avec le fumier, pour qu'il s'en perde moins, & pour augmenter le volume de l'engrais. Quand un Champ eft maigre, ou qu'il ne produit que de mauvaises herbes comme de la fougere, il est affez ordinaire d'y mettre le feu, pour l'engraiffer par les cendres de fes propres productions, & où le laboure auffi-tôt. On fait fouvent la même chofe des Prez fteriles ou ufez; ou bien on en leve, comme nous l'avons dit ci def fus, toute la surface par petits gazons qu'on brûle, & dont on porte les cendres pour amander d'autres Terres qui en profitent à merveille, pendant qu'on laboure la Terre neuve du pré dépouillé; ce qui change fouvent deux Terres fteriles en deux fécondes.

6o. La Terre de Gazons eft encore un engrais très doux & très fructifiant ; ceux qu'on coupe fur les grands chemins font les meilleurs de tous, parce que la Terre en eft moins ufée en productions, & qu'elle reçoit l'amandement des Bestiaux qui paffent deffus : il n'en faut prendre que la hauteur d'un demi- pied, à moins que le fond ne foit entierement bon; on doit la bien

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couper & la hacher par petits morceaux, avant que de l'enterrer fur le fond qu'on veut amander, afin qu'elle fe mêle mieux avec la Terre naturelle & qu'elle lui communique fa bonté, comme cette forte d'engrais eft très-doux, fans chaleur & très nourriffant, il eft excellent principalement pour les Arbres qu'on transplante ou qu'on amande, mais il faut pour cela que le gazon foit meuble & en poudre.

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7°. Les Terres neuves,c'eft-à-dire celles qui fe trouvent au-deffous du Gazon, font encore meilleures que le gazon même : comme elles n'ont jamais été travaillées & qu'elles ont encore toute la fertilité qu'elles tiennent de la. nature, on n'en fçauroit trop mettre au pied des Plants & fur les Terroirs qu'on veut abonner; peu de temps après qu'elles ont été transportées s'apperçoit de leur fécondité. Mais quand on les leve fur un fond, il faut preferer celles de deffus à celles de deffous: car quoique les dernieres, comme plus profondes, foient par confequent plus neuves que les premieres qui ont toûjours produit au moins quelques herbes, cependant la terre de deffus eft bien plus remplie de fels & de fubftance que celle de deffous ; & cela non feulement dans les endroits où le tuf & la glaife font près de la fuper ficie de la terre, mais auffi dans ceux où ils font fort profonds : la raison eft que les Terres un peu profondes n'ayant jamais reffenti la chaleur & les influences du Soleil, ni reçû les douceurs que la rofée & les pluies por-. tent avec elles, elles font comme mortes, & par confequent hors d'état de faire de belles productions.

8°. Le Chaume eft encore un fort bon engrais; c'eft pour cela que dans bien des Provinces, pour engraiffer les Terres qui ont porté du Bled, on y laiffe le Chaume, ou on l'y brûle & on laboure la Terre vers la faint Martin pour la premiere fois, afin que le Chaume fe mêle avec la terre ; & au commencement du Printemps on y donne un fecond labour pour y femer auffi-tôt les Mars; c'eft ce qu'on appelle en quelques endroits recaffer la

terre.

9o. Dans le Poitou où les terres font la plûpart extrêmement fortes, ils ont une maniere particuliere pour les cultiver, pour les engraiffer & pour y avoir toûjours abondance de grains & de pâturages. Ils environnent ces terres.. graffes, de haies bien vivantes, hautes & fortes, qui en peu d'années deviennent meilleures que les mûrs qui coutent le plus : ils mettent d'abord dans ces terres, du bled qui y vient en abondance; la deuxième année ils y font des Mars; la troifiéme ils y engraiffent des beftiaux, qu'ils y mettent pour pâturer l'herbe que ces terres fortes, aufquelles ils n'ont donné aucune culture, n'ont pas manqué de produire en quantité, & enfuite elles rapportent auffi fans culture un grand nombre d'une espece de genet épineux qu'ils brûlent, & avec la cendre ils engraiffent merveilleusement bien la terre en la labourant la quatrième année, pour recommencer à rapporter du bled. Voila tout l'engrais qu'ils donnent aux terres, & par là elles font toûjours bien entretenuës, & elles ont fur quatre ans une année de production de plus que les nôtres.

10. Les poids, les féves, les lupins, les vefces & le fennevé font auffi d'excellens engrais, principalement pour les fonds fablonneux. On féme ces grains & legumes dans leur faifon ; & quand ils font en fleur ou en verd, on

laboure la terre par deffus, pour les y mêler, ce qui l'engraiffe à fouhait ; quand ce font de groffes terres rouges, il n'y faut enterrer les coffats que quand ils font un peu durcis.

En Piedmont & dans les autres endroits où cette maniere d'engraiffer les terres eft en usage, on féme les lupins vers la fin de Juin, fur les jacheres, immédiatement après la deuxième façon; en forte que ces legumes font encore en verd quand il faut donner le troifiéme labour & femer les bleds. On éprouve dans ces Païs-là que cet amandement dédommage avec ufure, des legumes ou fourages que l'on perd; mais ceux qui aiment à ne rien perdre, fe contentent, lorsqu'on laboure, d'y mettre les coffats des fruits qu'ils ont cueillis.

11o. En Angleterre, les Laboureurs font ramaffer de toutes parts au commencement de Juin les herbes vertes qui fe trouvent fur les montagnes, dans les vallées, le long des bois & en d'autres endroits; il les font fécher au Soleil, les font brûler enfuite, en mêlent les cendres avec du fable de la Mer, & répandent cela fur les terres quelques jours avant de les enfemencer.

Il eft certain que cet ufage eft très - bon; parce que le fel des cendres, des plantes & celui du fable marin, donnent à la terre une fecondité merveilfeufe rien n'y contribue tant que le fable de Mer, & plus il eft pris avant dans la Mer, plus la récolte eft riche.

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Tis fe fervent auffi en Angleterre d'Algue-marine & de limon, pour fertiliser leurs champs; & quoiqu'ils foient naturellement infertiles, par ce moïen ils y recueillent des bleds au dela de ce qu'on peut s'imaginer. L'Algue-marine qu'on appelle en Normandie Vvarec, en Bretagne Goefmond & en Poitou Sar, eft une herbe que la Mer jette, qui croît fur les bords, & qu'on ne connoît gueres hors des ports de Mer & des Verreries, que parce qu'on en voit fur les paniers d'huitres pour les tenir fraîches.

12°. La terre à falpêtre, quand elle a paffé par le fourneau, eft encore trèsbonne pour rendre un champ fecond.

13°. D'autres y emploïent de la chaux; pour cela on fait avant l'Hyver, fur le bord du champ qu'on veut enfemencer l'année fuivante, une tranchée profonde d'un pied, large comme deux Sillons & longue fuivant la quantité d'amandement qu'on veut donner à la terre; on emplit cette tranchée de chaux vive qu'on couvre de terre fans la moüiller; on la laiffe ainfi passer 'Hyver; & quand on veut labourer on prend la chaux qui s'eft amortie & prefque réduite en poudre, & on la féme fur le champ. Il y a des gens qui ne font que battre de la chaux, & la réduire en pouffiere comme du plâtre, puis la fément à claire - voie à mesure qu'on laboure; Elle anime. fort la vegetation & elle détruit toutes les méchantes herbes & les infectes: elle eft bonne principalement pour les terres froides. Dans la Gueldre & au Païs de Juliers, on la mêle fouvent avec du fumier.

14°. Pour bien amander des terres legeres & feches, quand la fituation du terrain le permet, on y fair couler l'eau fur les bleds par des rigoles pendant neuf ou dix jours au mois de Fevrier, ce qui contribue beaucoup à l'abondance du grain; mais cela n'eft bon que pour les Païs chauds, car dans nos climats temperez, les terres n'ont ordinairement que trop d'humidité en

Hyver.

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