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Il n'y a rien de meilleur pour échauffer & engraiffer un champ que la Marne; & il feroit à fouhaiter qu'elle fut encore plus commune qu'elle n'est en France.

C'est une terre foffile, graffe & approchante de la glaise, qui eft trèspropre à rendre les terres merveilleufement fécondes. Elle eft ordinairement blanche & c'est la meilleure de toutes; il y en a de grife, de grifatre, de noire, jaune, & même de rouge, bleue & colombine; elles font à peu près de même vertu; mais celles qui reffemblent à l'argile, au tuf & au fable font bien moindres. En Irlande la Marne eft extrêmement commune, & on l'y trouve affez souvent à un pied & demi de terre, heureusement pour le terroir qui eft extrêmement marécageux: mais en France, quoiqu'il y ait beaucoup de marnieres, il la faut chercher plus avant, & fouvent les carrieres d'où nous la tirons font très- profondes. Souvent auffi la Marne fert à faire de la chaux que l'on fait cuire comme la pierre dans des fourneaux faits exprès.

Pour peu que le Domaine d'une terre foit étendu, il eft aifé d'y trouver quelque fond de marne, en creufant aux endroits où l'on en voit quelque apparence; telles que font les veines de terres, qui à deux ou trois pieds de profondeur fe trouvent être de craie ou de chaux; il n'y a alors qu'à foüiller hardiment en tout cas & comme l'ouverture d'une carriere à marne coûte fouvent beaucoup à faire, ceux qui n'ont befoin que de peu de Marne pour leurs terres, font mieux de recourir aux marnieres de leurs voifins, qui de leur côté font auffi bien aife de vendre le fouterrain de leur terre, dont toute la dépense n'a confifté qu'à en faire l'ouverture; en ce cas on en fait le marché à tant la voiture ou à tant l'arpent.

On doit tirer la Marne d'un endroit le plus proche que l'on peut de celui qu'on veut marner; la proximité épargne la dépenfe: on fait porter & ranger la marne fur les fillons en tas qu'on appelle marnons, par des voitures à foi, dans des tombereaux dans les temps que les Chevaux ne font pas grand chofe, comme en Hyver ou aux mois de May & de Juin ; & quand on ne veut pas y employer fes Chevaux, on prend des Anes, qui avec deux paniers chacun, faits exprès & qui fe vuident par le bas, voiturent vôtre marne conduits par un homme ou deux, avec qui vous faites marché tant pour eux que pour les Anes, à la voiture ou à l'arpent; moyennant quoi ils doivent encore venir enfuite répandre la marne fur le champ quand il en eft temps. La dépense du marnage eft de different prix, felon que les marnieres font plus ou moins proches par les marchez ordinaires avec ceux qui doivent marner nos terres à force d'ânes, un arpent de terre coûte environ vingt- cinq livres, & pour bien mainer une terre, l'on doit mettre jufqu'à mille à douze cens marnons ou voies de marne par arpent; fur ce pied on peut regler le prix pour les marnieres qui font plus éloignées.

La Marne étant ainfi tirée de la carriere & tranfportée fur votre champ par marnons; avant que de l'employer & de la répandre, il faut que l'Hyver palle par-deffus, pour l'amollir & la réduire prefque en pouffiere, car elle eft dure & pierreule en fortant du trou; ainfi foit qu'on la tire au mois de Juin

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LaBourage

ou au mois de Novembre, qui font les temps les plus libres &par conséquent les plus propres pour cette forte de travail: il faut laifler la marne en tas, pour que le Soleil, les Pluies & la Gelée la pulvérifent, & qu'elle puiffe mieux fe répandre & fe mêler avec la terre quand on viendra à la labourer.

Il faut répandre la marne également fur tout le champ, comme le fumier; mais il faut la ménager d'avantage; & quoiqu'il en faille plus aux terres humides on maigres qu'aux autres, il n'en faut pourtant jamais donner avec excès, parce qu'elle eft extrêmement chaude & brûlante; & même quelque prudence que l'on ait pour la diftribuer, il arrive prefque toujours que la premiere année elle détruit une partie du bled, par fon extrême chaleur; il ne faut pas s'en étonner & ce n'eft proprement que les années fuivantes qu'on a le plaifir de recueillir de belles & abondantes moiffons de la terre marnée.

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Il ne faut aucun fumier avec la marne, & elle a cela de particulier qu'elle convient à toutes fortes de terres, foit humides ou fablonneufes, fortes ou maigres, parce qu'elle eft très-graffe quoique très chaude; & qui plus eft, les terres marnées, quelque efpece de fruits qu'elles portent, font abondantes pendant dix-huit à vingt ans & même jufqu'à trente, fuivant la bonté du fond; mais auffi au bout de ce temps la marne les rend plus fteriles & les effrite c'est-à-dire qu'elle les ufe ; en forte que quand une fois un champ a été marné, il faut recommencer à le marner quand la marne eft ufée, ou du moins lui donner un demi marnage, c'est-à-dire la moitié moins de marne que la derniere fois.

L

CHAPITRE IV.

Le Labourage.

Es labours font également néeeffaires & utiles à la terre, pour préparer les voies de la femence, pour animer la substance & les fels de la terre & pour

lui en donner de nouveaux.

La maneuvre du labourage feul contient cinq opérations très-fructueuses: Elle fend la terre, & par la elle détruit les méchantes herbes qui la fuccent; elle l'unir, pour que la fubftance du fond, les engrais, les raïons du Soleil & la douceur de la rofée & des pluies s'étendent par tout également ; 'elle la mêle, pour ranimer les fels néceffaires à la vegetation; elle la rejoint, pour mieux nourrir dans fon fein les grains qu'elle adopte, & pour les défendre contre les froidures, contre les humiditez & contre les oyfeaux; & enfin elle la rend meuble, pour qu'elle foit & plus tendre & plus active aux befoins de fes ductions, plus fufceptible des influences fuperieures, & plus riche pour fournir à la nourriture, à l'accroiffement & à la perfection de fes fruits.

pro

La culture des terres eft differente fuivant les païs ou plûtôt fuivant la qualité du terroir fur lequel il eft à croire que chaque province regle fon ufage; tout revient pourtant toûjours au même point, qui eft de proportionner les bêtes & les uftanciles du labourage, le nombre, la profondeur, la figure, faifon des labours & le repos des terres à la qualité des terres mêmes.

Tome I.

Xxx

la

Il y en a qui produisent tous les ans, mais il y en a peu de cette force; il n'y en a même que fort peu, à qui il fuffit de donner la cinquième année de repos: il y en a d'avantage qui produffent & fe repofent alternativement d'an

née à autre.

En general il y a par tout trois fortes de terres dans un Domaine, pour pen qu'il foit étendu : il y en a de fertiles, de moïennes & de maigres, ordinairement plus des unes que des autres fuivant la fituation du fond & le climat. En tout cela on ne peut donner d'autre regle à fuivre que l'ufage des lieux, qu'il faut croire fondé en bonnes experiences; fi mieux on n'aime éprouver la fertilité de fon fond, mais fans épargner les engrais & fans vouloir opiniâtrément forcer ou épuifer fa terre.

Mener fes terres par foles.

La maniere prefque generale de cultiver à propos un bien de quelque étendue, eft d'en divifer les terres en trois parties égales, ou à fort peu près; c'est ce qu'on appelle mettre les terres en foles: on féme une partie en bled; l'autre en avoine ou autres menus grains qu'on appelle ordinairement Mars, parce qu'ils fe fément en Mars; & la troifiéme partie refte en Fachere, c'est-àdire en repos & fans femance: l'année fuivante, la Jachere se seme en bled, on charge en avoines celle qui étoit en bled,& celle qui étoit en avoine demeure en Jachere ; & ainfi fucceffivement d'année en année les unes après les autres; en forte que dans un cercle de trois années toutes les terres font alternativement en bled, en Mars & en Jacheres: Enfuite elles recommencent leur tour comme au paravant; & par cette circulation triennale & perpétuelle, on a toûjours le tiers de fes terres en bled, le tiers en Mars & le tiers en Jachere. C'eft pourquoi dans bien des Provinces on ne compte le nombre des terres que fur le pied de ce partage, ce qu'ils appellent compter à la fole: ainfi ils difent une Ferme de cent arpens à la fole, pour marquer une Ferme qui a trois cens arpens de terre en tout; ma fole de bled eft forte cette année, 'eft. à-dire que la portion de mes terres qui eft en bleds eft plus forte qu'aucune des deux autres qui font l'une en Mars & l'autre en Jachere.

Cette divifion des terres eft très commode & très- utile tant pour l'égalité des années que pour le repos des terres même & pour le travail des façons & la diftribution des amandemens. Il est même à propos de partager fi-bien fa terre, que chaque fole, ou pour mieux dire, chaque partie de la divifion foient égales les unes aux autres, pour la bonté des fonds auffi- bien que pour leur étendue, autant que la chofe eft poffible, afin que les années foient égales & que l'on ne foit point expofé ni aux dérangemens que l'inégalité pourroit caufer dans l'Economie de nôtre ménage, ni aux hazards, & aux mauvaises fuites que l'infertilité d'une année & le trop d'abondance d'une autre attirent prefque toûjours. Il n'eft pas permis à un Fermier de deßoler les terres, c'està-dire d'en déranger les foles & les faire porter plus fouvent ou des grains plus forts que l'ufage & le mécanisme du labourage ne le permettent.

Façons des Terres à Bled.

On donne ordinairement trois façons, c'est-à dire trois labours aux terres de les enfemencer en bled de quelque efpece qu'il foit, avant que Froment,

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