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Méteil, Seigle ou autres dont nous parlerons au Chapitre 6. ci-après. Ces trois labours s'y font pendant l'année que la terre a pour fe repofer.

1o. On donne le premier labour ou après la moiffon aux environs de la faint Martin, ou après la femaille des Mars vers Pâques. Il eft pourtant bien plus d'ufage de le faire en Automne: mais comme cette premiere façon n'eft que pour commencer à ouvrir la terre & pour détruire les mauvaises herbes, il n'y a point de saison fatale pour le faire; on fe regle fur l'ufage des lieux & fur le temps qu'ont les bêtes de labour, qu'il faut toûjours employer au plus preffant & au plus utile. Cette premiere façon s'appelle en bien des Païs faire la Caffaille: En Bourgogne on dit fombrer ou faire les fombres; en d'autres endroits égerer & jacherer, ou bien lever le gueret & guerter; en Languedos mouvoir, en Normandie caffer, tourner ou froißer les jacheres.

2°. Le Premier labour ne doit pas être bien profond, & cela afin que la terre s'ameubliffe mieux dans la fuite & que les beftiaux qui la remuënt pour la premiere fois y ayent moins de fatigue; c'eft pourquoi quatre doigts de

profondeur fuffifent; il faut feulement avoir foin que les rayes foient le plus

près l'une de l'autre & le plus en droite ligne qu'il fera poffible, pour que la terre foit maniée mieux & plus également.

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3°. Il eft affez ordinaire comme nous l'avons déja dit, d'y laiffer le chaume de la précedente dépouille foit de bled ou de mars; & on le mêle avec la terre par le labour pour l'engraiffer, ou bien on met le feu à ces chaumes & on laboure par-deffus la cendre; elle deffeche la grande humidité de la terre, fait périr les herbes, les racines & les infectes, confume ce qu'il y a de mauvais, y donne de nouvelle fubftance & de nouveaux fels, & prépare admirablement bien les voies de la végétation, fur-tout dans les terres argilleufes & fortes. Il y a pourtant des gens qui font arracher ce chaume; ou quand on l'a laiffé bien haut on le fait fcier, puis on le met en meule pour s'en fervir enfuite à couvrir des bâtimens de Campagne, à faire des littieres aux beftiaux ou à chauffer le four : On n'emploie à cette menuë récolte que des Femmes & des Enfans, dans les temps où on n'a rien de mieux à faire.

Parmi ceux qui trouvent plus d'avantage à laiffer le chaume pour engraiffer la terre, il y en a beaucoup qui le font enterrer par un premier & leger labour fi tôt que la moiffon eft faite ; & quand les pluies font venues pourir & incorporer le chaume, ils y retournent aux environs du mois de Décembre donner le premier des trois veritables labours, ce qui fait un double bien à la terre, elle en eft même plus aifée à travailler, à caufe du premier la bour & des pluies qui l'ont attendrie.

4°. Il y a des gens qui fument leurs terres avant le premier labour. Nous avons dit le pour & le contre de cet ufage dans le Chapitre précedent; c'cft pourquoi nous n'en parlerons plus ici.

5°. Je fuppofe qu'avant le premier labour on aura eu foin d'épierrer la terre, s'il eft néceffaire ou fi on juge à propos de le faire; ou du moins que fi l'on a des femmes, des enfans, ou autres gens de journée à bon marché, on les emploiera à mettre dans le fond des raies du labour, les plus groffes pierres, fi ils ne les ont pas ôté du champ auparavant..

6o. Un autre travail qu'il ne faut pas manquer de faire après le labour c'est d'émotter la terre ; c'est-à-dire d'en caffer les mottes pour la rendre plus

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unie, plus maniable & plus meuble, afin que les autres labours fe faffent aifement, qu'elle en reçoive mieux & plus également les amandemens & les benefices de la pluie, du Soleil & de la rofée, & qu'elle foit mieux préparée & plus fructifiante. Cet émotage fe fait ordinairement avec la caffe-motte qui eft un aftancile de labour dont nous avons ci-devant parlé, ou avec la tête d'une coignée, d'autres fe fervent d'un gros rouleau de bois fait en forme de cylindre qu'on fait traîner par un Cheval; ou bien on émotte la terre en la herfant avec une puiffante herfe garnie de groffes dents de fer, & on la charge de quelques groffes pierres pour lui donner plus de poids; mais il n'y a gueres que les terres fortes qu'il faille émotter, parce que les autres ne font gueres

de mottes.

7°. Je ne parle point du foin qu'on doit prendre avant le premier labour de bien effarter les terres, c'eft-à-dire d'en bien ôter les fouches & racines d'arbres, couper les ronces, les épines, buiffons & grandes herbes ; ces mauvaifes productions ne fe trouvent point dans les terres qui font actuellement à ufage de labour; mais feulement dans les Novales qu'on laboure pour la premiere fois, & je fuppofe qu'avant que d'y mettre la Charue on les aura préparées comme il faut qu'elles le foient pour le labour.

II. Le fecond labour s'appelle binage : fi les terres à bled ont eu leur premiere façon avant l'Hyver, on les bine quand la terre commence à s'ouvrir & à fe renouveller; c'eft-à-dire fi-tôt après que l'Hyver eft paffé & que les eaux font écoulées. Quand elles n'ont eu leur premiere façon qu'après l'Hyver, on leur donne la deuxième un mois ou fix femaines après.

On avance ou on recule le deuxième labour fuivant le tems qu'il fait, & fuivant l'abondance & la force des herbes qui naiffent fur le gueret; car il faut les détruire le plus & le plûtôt qu'on peut; elles prennent la meilleure fubftance de la terre, émouffent fes fels, & on ne pourroit plus s'en défaire fi on les laiffoit croître.

Il faut que le deuxième labour foit plus profond que le premier; c'est fouvent celui auquel on fume les terres; il eft bon d'avoir auffi foin de les épierrer & émotter à chaque façon qu'on y donne.

III. Le troisième labour s'appelle en quelques endroits tierçage, en d'autres rebinage. Il faut fumer les terres avant que de le donner, fi on ne l'a pas fait plutôt. Ce labour doit être plus profond que les premiers, & on le fait quand l'herbe commence à abonder fur le gueret, & qu'on eft prêt à l'emblaver; car il faut qu'il y ait un labour immédiatement avant la femaille ; & cependant il faut détruire les herbes le plus qu'on peut.

C'eft pourquoi il y a bien des terres qui demandent plus de trois labours; telles font ordinairement les terres fortes qui pouffent beaucoup d'herbes pendant leur année de repos ; on leur donne affez fouvent quatre à cinq labours, à mesure que les herbes y viennent & qu'on a le temps, ce qui ne fait que les engraiffer & les abonnir. Dans plufieurs endroits où on donne un quatriéme labour, qui eft celui qui précéde la femaille, on le fait leger & en travers de la terre: certe façon s'appelle traverfer; mais elle ne convient pas à toutes fortes de terres, principalement à celles qui font glaifeufes, dans des fonds, ou fujettes aux eaux, parce que les raies de traverle en empêchent l'écoulement, & par là elles retardent de beaucoup la femaille & nuifent à la végétation. Il

ya des Païs, comme dans le Vivarez, dans la Principauté d'Orange & aux environs, où l'on donne le premier labour dès le mois d'Aouft, le deuxième vers Noël, le troifiéme au mois de Mars & on continue à en donner quelquefois jufqu'à neuf, tant que les terres en ont befoin & que le temps de femer qui eft la fin d'Aouft foit venu.

Les terres legeres & fabloneufes au contraire demandent peu de labours, & fouvent deux fuffifent, parce que comme elles ont peu de fubftance & d'humidité, les frequens labours ne feroient que les alterer.

Labourer à bied, c'eft donner le dernier labour qui fe fait immédiatement avant la femaille des bleds.

Façons des Terres à menus grains.

Après ce qui vient d'être dit en détail des façons des terres à bled, il reste de chofe à dire des terres destinées à porter les menus grains; car comme peu ce font des productions plus legéres, pour lefquelles on ne laiffe aux terres d'autre repos que le temps qui s'écoule depuis le mois de Juillet ou d'Aout qu'on les a dépouillé en bled, jufqu'aux environs du mois de Mars qu'on les enfemence de menus grains, on ne leur donne en quelques endroits qu'un labour à la fin de Fevrier, ou au commencement de Mars, qui eft le temps de femer les menus grains.

Ceux qui veulent les abonnir davantage, y laiffent les chaumes du bled qu'elles ont rapporté l'année précedente, & leur donnent deux labours; le premier après que la moiffon eft achevée, & qu'on eft un peu débaraffé du gros ouc'eft-à-dire vers la faint Martin; ils brûlent le chaume & en mêlent les vrage, cendres avec la terre par le labour, où ils font tout d'un coup ce mêlange en labourant le champ & le chaume qui y eft encore en pied; c'eft ce qu'on appelle recaffer la terre: on donne au même champ le deuxième ou plûtôt le veritable labour vers le mois de Mars qui eft le temps de l'enfemencer. Ce double labour ameublit & fertilife beaucoup la terre; au lieu qui négligent de la recaffer, & qui ne lui donnent pour les Mars qu'un fimple labour en l'enfemençant, ne dépouillent prefque rien, & laissent déperis le fond par leur négligence.

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que ceux

On ne peut pas déterminer plus précisément quand fe doit donner la façon des terres à Mars, parce que ce labour, ainfi que la femaille qui fe fait auffitôt, avance ou recule depuis environ le quinze Fevrier jufque dans le mois de Mars, fuivant que le temps, la faifon, la nature de la terre & le climat le demandent.

Des Bêtes qui fervent à labourer.

Les Chevaux & les Bœufs font celles qu'on y employe le plus. Quant à la préference, entr'eux, elle dépend de la nature de la terre, & encore plus de l'ufage des lieux. Car dans les Provinces où il eft d'usage de labourer avec des Bœufs, les Chevaux font ordinairement rares, & au contraire les Bœufs le font dans celles où on ne laboure qu'avec des Chevaux; on y emploie celui de ces deux animaux, dont l'espèce eft la plus commune dans le

Païs.

D'un côté le Bae af laboure plus profondément & eft plus propre aux terres Xxx iij

argilleufes & fortes, il va au travail plûtôt que le cheval, & en revient plus tard, il resiste plus au travail, eft moins fujet aux maladies, coûte bien moins en nourriture & en harnois, & quand il eft ufé de fatigue ou de vieillesse, il est encore bon à vendre ou à manger; au lieu que le cheval ufé n'est plus.

bon à rien.

D'un autre côté, le bœuf ne va qu'une fois le jour au labourage, de forte que l'après-midi il y faut un autre attelage que celui qui a travaillé le matin, au lieu que les mêmes chevaux vont matin & foir; de plus le Cheval y fait trois fois plus d'ouvrage; il eft infiniment meilleur pour le charoi, il eft unique pour la felle & pour les voitures de commodité, & il n'y a point d'animal au monde qui rende plus de fervice: il y a des endroits où l'on met les Vaches à la charuë, mais elles y font bien moins d'ouvrage, & demandent beaucoup plus de ménagement que les Bœufs.

En Italic, on fe fert de Buffles, leur travail eft encore plus fort & plus. profond que celui de nos Bœufs, ils travaillent même plus long. temps, font plus diligens & coûtent moins de harnois.

On laboure en Auvergne avec des Mulets; ils font affez bien ce travail, font de grandes fatigues & déperiffent peu, mais ils font fort lunatiques; les Mules font plus d'ouvrage que leurs mâles.

Les Anes fervent auffi au labourage, principalement dans la Sicile, dans la Calabre & dans beaucoup d'autres endroits; mais en France, où les terres font apparemment plus fortes & les Anes moins puiflans que dans ces endroits, on ne les employe guéres au labour, à moins que ce ne foit dans. des terres extrêmément légeres.

Les bêtes qui fervent au labourage doivent être choifies fortes, d'un bon corfage, jeunes, ni graffes ni maigres, & être bien nourries & bien en

tretenues.

Il ne faut point non plus épargner foins ni dépenfes pour leurs harnois, parce que quand ils font en bon état, elles en font bien plus d'ouvrage. On dit qu'elles ne font point incommodées des mouches, fur- tout les Becufs, quand avant de les mener aux Champs on les a frotté avec des bayes de laurier cuites dans de l'huile..

Regles du Labourage..
Aprêt.

1. Le Laboureur ne doit jamais aller aux Champs qu'il ne foit en état de faire un labour parfait; c'eft à-dire qu'il faut, 1°. Qu'il ait fondé le fond pour fçavoir fi le foc y mordera, & fi le tuf ou l'eau ne font pas trop près de la fuperficie: il faut toûjours dix-huit poûces de bonne terre au moins, pour que la femence réuffiffe. 2°. Qu'il connoiffe la qualité du Champ qu'il façonne, pour y remplir les regles fuivantes. 30%. Que fes bêtes de labour & fes harnois foient en bon état, & lui muni de quelques outils tranchans. & autres pour raccommoder la charuë & les harnois, couper les branches & racines qui l'arrêteroient, &c.

Temps.

II. Il ne doit labourer que dans des temps convenables; ainfi, 1°. Il ne doit jamais labourer en Hyver, la terre n'eft point traitable, & la faifon eft trop rude.

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2o. Il faut faire les labours à point, ni trop tôt ni trop tard, & prendre fi bien fon temps pour la premiere façon, que l'on foit moralement fûr d'avoir le temps & les faifons propres pour pouvoir donner à propos toutes

les autres.

3. Ne point labourer la terre quand elle eft trop féche; car alors fi elle eft trop forte, on ne fait que l'égratigner; & fi elle eft legere, en la remuant on ne fait que diffiper le peu qu'elle a de fubftance, fur-tout quand la saifon eft un peu chaude; une terre féche ne fe manie jamais bien, & la charuë ne fait que rouler en fautant & fatiguer fon homme.

la

4°. Il ne faut pas au contraire labourer dans un temps mou ou par pluie, & encore moins labourer une terre chargée ou imbibée d'eau, le labour réduiroit lá terre en mortier, & enfuite elle durciroit fi fort, que de toute l'année elle ne deviendroit pas meuble, enforte que la femence n'y feroit rien qui vaille, & ce feroit femer fur des pierres; les terres argilleufes & fortes font principalement fujettes à cet inconvenient, à la difference des fablonneufes qui boivent l'eau.

5. Il faut donc, comme il eft aifé de le conclure de ce qui vient d'être dit, labourer la terre quand elle eft un peu adoucie; par exemple, après une pluie ou après de forts brouillards; le temps n'eft que plus favorable quand il est couvert & un peu humide, parce que les eaux précédentes, pourvû qu'elles foient bien imbibées dans les terres, & la moiteur de l'air attendriffent les terres fortes, hume&tent les féches & en confervent toute la fubstance; ou bien quand on n'a point un temps moëte & propre à labourer generalement toutes fortes de terres, il faut profiter du temps fec pour la bourer les terres humides, & façonner celles qui font féches & fablonneufes quand le temps eft humide. Plus un terroir eft leger & fableux, moins les eaux & l'humidité lui font de mal.

6°. Le vrai temps de donner ou renouveller les labours, eft quand les herbes commencent à gagner fur la terre ; & le dernier labour fe donne immédiatement avant la femaille.

Façons.

III. Il faut auffi proportionner le nombre & la profondeur des labours à la qualité & à l'ufage de la terre. 1°. A l'usage, c'eft-à-dire qu'une terre à Bled par exemple demande plus de façons qu'une terre à menus grains; & c'eft ce que nous avons expliqué ci-dessus.

2o. On ne sçauroit trop labourer les terres graffes, les fortes & les nova les, principalement celles qui font humides; ni les labourer trop profondément, parce que plus elles font remuées, plus la terre fe mêle, fe defféche, fe fubtilife, s'ameublit & s'amolit; ainfi on donne aux terres fortes qui doi vent être enfemencées en Bled, au moins trois labours, & fouvent quatre & cinq, & quelquefois davantage. Il y a des Laboureurs qui fe font une

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