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au Soleil, & quand elles font feches & bien nettes on les porte au grenier lorfqu'on en a beaucoup; s'il n'y en a gueres, on les met dans de grands pots ou autres vaiffeaux dans lefquels on les conferve faines & entieres. Elles deviennent quelquefois extrêmement dures, & on en trouve qui font prefque pétrifiées.

Lupins.

1. Les Lupins font une efpece de pois fauvage, dont la plante n'a qu'une feule tige qui eft forte, & jette alternativement des feuilles veluës molles,. quelque peu blanches & divifées en fept portions; fa fleur eft d'un blanc-pâle. tirant fur le bleu ; fes gouffes font refferrées, dentelées à l'entour, longuettes comme celles des féves, & elles enferment cinq ou fix grains ronds hormis vers le milieu; il y en a de blancs & d'autres jaunâtres, tous deux fort amers; le fruit fort du milieu de la tige, & fes racines tirent quelquefois fur le jaune & font fort écarquillées.

Il y a auffi des Lupins fauvages dont il y a grande quantité aux environs de Madrid, qui font agréables à voir, parce qu'ils ont une fleur rouge in

carnate.

II. Ufages. On trempe les Lupins dans l'eau, pour leur faire perdre toute leur amertume; ils fervent principalement à nourrir les Boeufs l'Hyver, mais il faut qu'ils foient trempez dans de l'eau de riviere falée, & on les fait cuire enfuite on en fait auffi du pain en temps de cherté. On en donne auffi aux Chevaux, après les avoir fait pafler par plufieurs eaux, pour leur ôter leur amertume. Lis engraiffent le bétail & les terres où on les féme: c'eft pourquoi ils font de grand ufage en Italie & en Espagne, pour amander les terres & nourrir les beftiaux, même les Hommes. Les grains de Lupins brûlez fervent de caffé en Italie, & on en met la moitié moins que de caffé à caufe de leur amertume. On en cultive auffi beaucoup en Avignon & dans tout le Dauphiné.

III. Culture. Ils ne demandent prefque point de culture, viennent dang les terres les plus maigres & les plus ufées, & ils fe plaifent dans les lieux fecs & fablonneux. Il n'y a qu'à les femer en Fevrier ou Mars, après un fimple labour; ils fleuriffent en trois temps differens, depuis le mois de May jufqu'au mois d'Aouft, font mûrs à la fin de Septembre, ou en Octobre, on les arrache toûjours avant les gelées : & on les garde pour les battre à loifir...

Souvent on en féme pour amander le terroir, en les y enterrant labour, dès qu'ils ont jetté leurs deuxième fleurs.

par le

Quelque légere que foit le labour qu'on aura donné à la terre, & de quel que maniere qu'on les ait femé, ils viennent fans qu'on les farcle; il feroit non feulement inutile, mais encore dangereux de le faire, parce que pour peu qu'on endommageât les racines on les feroit périr. Il ne peut refter aucune mauvaise herbe dans le voisinage; c'eft pourquoi bien des gens en fément parmi la vigne, pour qu'ils en attirent toute l'amertume qui leur eft familiere. It ne les faut gueres couvrir de terre; on remarque qu'ils tournent fuivant le cours du Soleil. On ne les doit cueillir qu'après qu'il a plû, parce que quand) il fait fec, ils quittent la goulle trop aifément & fe perdent, Pour les garder DD ddij

il ne faut point comme aux autres légumes les mettre repofer au gtenier, mais plûtôt fur un plancher où la fumée donne; car fi l'humidité les faifit, les vers s'y engendrent auffi-tôt & les rongent.

Le fourage des Lupins eft un bon engrais pour la vigne: pour cela on F'enterre comme un vrai fumier au pied de la vigne lors du labour qu'on lui donne vers la faint Jean: ou bien on brûle le fourage de Lupins, & la cendre fert à fumer la vigne; on en met une écuellée au pied de chaque fouche.

Des Racines. ·

Les Naveaux, les Raves, les Panais & les Carottes, font toutes racines qu'on dépouille en plain champ auffi bien que dans les Jardins où elles occupent trop de place; elles font beaucoup de profit à la campagne, parce qu'elles font d'un grand ufage en alimens, & quand on en a trop, c'eft une des meilleures nourritures pour les beftiaux, à qui les feuilles de ces plantes font toûjours un secours agréable.

Comme il en fera parlé ci-après dans le Jardinage, je dirai feulement ici en general qu'on féme les Navets dans les terres gralles, péfantes & humides, & les Raves dans les terres legéres : la qualité du terroir fait quelquefois changer les Raves en Naveaux, & les Naveaux en Raves, en moins de deux ans. Je ne parle pas feulement des Raves longues de la petite efpece, mais auffi des gros Raiforts & des Raves que nous appellons de Limoufin, parce que les Limoulins & les Savoyards qui n'ont prefque point de grains & fort peu de viandes, s'en vangent fur les groffes racines qui font auffi précieuses pour leurs beftiaux; c'eft pourquoi on y crie famine quand les Raves gêlent ou manquent. Elles ont cela de particulier qu'elles produifent fort fouvent un très- gros fruit d'une très-petite graine. Elles veulent être femées fort drues, en terre moite; & elles viennent plus belles par la neige, les brouillards & le froid, quand elles y réfiftent, que par le beau temps. Il faut que la terre où on les féme foit bien meuble, & il eft bon de les tremper la veille dans du jus de Joubarbe, & enfuite les arrofer d'eau, pour qu'elles viennent plus vite & ne foient point fujettes à vermine. Les Navets en feront auffi meilleurs, fi avant de les femer on les laiffe tremper dans du lait ou du mout pendant deux ou trois jours. On mêle la graine de ces racines avec un peu de terre pour ne la point femer fi drue; fur- tout il ne faut point les mettre dans des endroits ombragez. Elles lévent fort vite, & alors quand on voit qu'elles font trop druës particulierement les Navets, il faut en arracher une partie pour les trans planter ailleurs ou les donner aux beftiaux.

Il n'y a rien de plus aifé que d'avoir beaucoup de Raves & de Navets : auffi-tôt que l'Orge. prime eft dépouillé, il n'y a qu'à les femer dans la même terre; de cette maniere elle rapportera deux recoltes par an. Ainfi, comme on féme l'Orge-prime avant l'Hyver & qu'on le dépouille à la fin de Juin, ou au commencement de Juillet; auffi-tôt qu'on l'a enlevé on met le feu dans le chaume qui y eft refté, le jour même fi l'on peut enfuite on laboure la terre le plûtôt qu'il eft poffible, parce que le Soleil l'endurcit, fi elle n'eft promptement labourée; on la herfe bien avec la herfe la plus péfante pour la rendre plus meuble, & enfuite on y feme les racines quand il y a apparence de pluie, le plûtôt eft toûjours le mieux, les racines en viennent plus groffes,

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Pour faire groffir les Raves & Navets, au commencement d'Octobre roupar deffus une barrique pleine d'eau ; cela abbat les feuilles & fait groffic la racine: quand la feuille commence à jaunir, ils font en leur maturité & ne groffiffent plus, & c'eft pour l'ordinaire en Novembre: on les tire de terre avant les grandes gêlées; on coupe la feüille en les arrachant, pour empêcher que cela ne les échauffe; on les met à couvert de la pluie qui les feroit pourrit étant bien confervez, ils se gardent jufqu'en Avril.

Loge à Racines.

Si vous en avez quantité & que vous n'ayez pas affez de place pour les mettre à couvert; voici la defcription d'une Loge qui fe fait fans frais; vous y conferverez des vingt, trente & jufqu'à cent charetées de Raves & Navets,

Figure de la Loge.

On la place en plain air, en dehors & proche de la maison;'on prend quatre perches & davantage felon la grandeur qu'on veut lui donner: On plante ces perches en terres, en quarré, & on y attache des claïes qui garniffent les côtez & font les murs de la Loge; au haut des perches on laiffe un vuide pour fervir d'entrée, par où on jette les racines dans la Loge; on en garnit le deffus

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avec d'autres perches, par-deffus lefquelles on met de la paille en piramide pour fervir de toit & garantir la Loge de la pluye. On monte avec une Echellejufqu'à l'ouverture qu'on y a laiffé pour y ferrer les Raves & Navets; mais il faut en arracher les feuilles à mefure qu'on les ôte de terre, parce qu'elles les échaufferoient & les feroient pourrir. Il est encore bon que pour les rafraîchir, l'air & le vent entrent dans la Loge; pour cela il faut y laiffer un peu de vuide par enhaut, & les claïes ne doivent pas être entrelaffées de fi près que le vent ne puiffe point paffer au travers. Les racines font fujettes à s'échauffer & à fe pourrir bien vite dans les granges où l'air & le vent ne pénétrent pas affez; la Loge fupplée à cela, & on y laiffe dans le bas une petiteporte par laquelle on tire les racines à mefure qu'on en a affaire, celles de deffus tombent à mefure, & on n'a pas la peine de monter à l'Echelle pour les aller prendre.

CHAPITRE VII.

Du Chanvre & du Lin.

Nme de quoi le nourrit: Le principal fervice de celles, ci eft de contri

Ous avons parlé jufqu'à prefent de femences qui fourniffent à l'Hom

buer à le vêtir, & c'est un objet confiderable, tant pour l'interieur de la maison que pour le commerce en dehors.

Du Chauvre.

Le Chanvre eft la plante qui porte pour graine le Chennevi, & qui a pour écorce une espece de tiffu de filets dont on fait de la filaffe, des cordes & cordages, de la toile de ménage & des voiles à Navires. Les feuilles de cette plante font femblables à celles du Frêne, & ont une odeur forte. Il y en a de. mâle & de femelle ; & au contraire de tous les autres Etres vivans, c'eft le. mâle qui porte & non pas la femelle : mais en récompenfe elle eft plus eftimée. que le mâle, à cause de la finesse de la filaffe qu'elle fournit Le mâle duit de fa tige une plus grande quantité de branches, & paroît un arbrisseau projufque-là que de fon tronc ou tuïau on fait du Charbon, qui entre dans la compofition de la poudre à canon. La femelle a les tiges plus minces & elle eft prefque fans branches, n'a que des feuilles, & point du tout de graines ; . les feuilles du mâle font plus grandes & plus noires que celles de la femelle, & fortent cinq à cinq ou fix à fix d'une feule queue: leur racine est fort chevelue. La femelle qui ne porte jamais de graine, donne cependant des fleurs; & le mâle ne fleurit jamais, quoiqu'il donne la graine.

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Quant au chennevi ou graine de chanvre, tous les oyfeaux l'aiment fort, il fert à nourrir ceux qui font en cage ou en voliere, de même que les Pigeons. & les Poules qu'on veut faire pondre l'Hyver, parce qu'il les échauffe beaucoup: on en fait auffi de l'huile qui fert particulierement à brûler. Le Jus de l'herbe du chanvre verte bien exprimé, répandu par terre, y attire auffi-tôt. les vers qui en font très-friands; 'c'eft ainfi que les Pêcheurs les prennent

573 pour en faire l'appas des Poiffons; & quand ils trouvent des trous de vers ils les en font fortir auffi- tôt en y jettant de ce jus ; c'est par ce moyen qu'ils trouvent continuellement dequoi amorcer leurs hameçons de même fi on met de ce jus de Chanvre verd dans le fondement d'un Cheval, il fera auffi fortir les vers que le Cheval aura dans le corps. Il y a des Devots qui pren nent du Chennevi pour calmer les ardeurs de la chair: la dofe eft depuis un fcrupule jufqu'à une dragme, & il en faut prendre, difent-ils, plufieurs jours

de fuite.

Il y a un Chanvre fauvage dont la graine & la racine font femblables à celles de la Guimauve, & les tiges auffi, fi ce n'eft qu'elles font plus petites, plus noires, plus rudes & hautes d'une coudée, ou pied & demi pied; fes feuilles reffemblent au Chanvre domeftique, mais elles font plus rudes & plus noires.

Chennevière.

Pour faire une Chennevière, c'eft-à dire une terre à Chanvre, il faut choisir un fond fertile & gras, bien expofé, bien amandé & bien meuble. On le prépare dès la fin de l'Automne; il faut le bien labourer devant & après l'Hyver, & y mettre les fumiers propres au temperamment de la terre. La fiente de Pigeon eft très-bonne dans les Chennevieres, pourvû que la terre en foit forte ou humide & qu'on y répande ce fumier huit ou dix jours avant que le couvrir. Il y a bien des gens qui fement de ce fumier fur les fillons; mais il ne le faut faire que quand on eft fûr d'avoir bien-tôt de la pluie, ou n'y mettre que du crotin bien amorti; autrement la femence coureroit rifque d'être brûlée & tromperoit l'attente des femmes, qui font ordinairement plus de cas de leurs Chenneviéres, que du reste de leur Maifon de Campagne.

Avant de femer le Chanvre, la Chenneviére doit avoir eu trois labours 3 le premier avant l'Hyver, pour que la gelée, les brouillards, la neige & les pluies meuriffent le gueret, l'engraiffent & le rendent plus doux ; le second immédiatement après l'Hyver, & le troifiéme dans le temps qu'il faut l'enfemencer: c'est le moyen de la rendre bien meuble. Quand le Champ de la Chenneviere eft un peu grand, & qu'on a un habile Laboureur, on fait ces trois labours avec la charue; mais il eft plus ordinaire & meilleur d'y employer la bêche, la terre en eft remuée plus à fond & plus également. On ne doit pas négliger de paffer la herse par-deffus chacun de ces labours: & pour qu'il ne manque rien à ces façons, la meilleure maniere eft, dès le premier labour qu'on donne avant l'Hyver, de mettre toute la terre du Champ par petites buttes grandes & groffes chacune quatre fois comme une taupiniére, & efpacées à proportion de leur grandeur. Quand on vient y don ner le fecond labour, on en trouve la terre incomparablement plus meu ble. વી

Les Chennevieres ont cela de particulier, que quand la terre y eft pros pre & bien ameublie, elles rapportent les années fuivantes de plus beau chanvre & en plus grande quantité, que les premieres années pourvû qu'on ait soin d'en entretenir la fécondité par de bons fumiers.

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