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coupent pour cela deux bouts de bois qu'ils vendent, qui eft un vol manifefte d'une partie du bois: ajoûtez que le Charpentier, par cette réduction en fournit une plus grande quantité; après cela, il ne faut pas s'étonner fi bien des gens font ruinez à bâtir. C'eft pourquoi il eft bon d'entrer en connoiffance de toutes ces tromperies, afin de s'en garantir, principalement à la Campagne, où ces fortes d'Ouvriers croyent trouver leurs dupes.

Tromperies des Couvreurs.

Ils trompent plus que les autres Ouvriers, par l'impuiffance où on eft d'aller foi-même verifier leur travail; ils en ont moins d'occafion dans les Ouvrages neufs que dans les autres, fi ce n'eft quand ils employent de mauvaises lattes pleines d'aubier, & des tuiles mal façonnées.

Mais c'est dans les reparations & les recherches qu'ils trompent le plus; quand on toile la couverture aux Us & Coûtumes, les Couvreurs malicieux ôtent du long des murs les vieilles tuiles, y mettent de la neuve; ils en employent de femblables au haut des faîtes, dans tous les égoûts & le long des plâtres; ils pofent les vieilles dans le milieu du comble, en forte qu'ils font d'un comble, un tableau dont la tuile neuve fait la bordure; par-là leurs plâtres fe toifent par tout, ils fe trouvent pied par pied, & fe payent fur le même pied de la tuile le long & autour de laquelle ils font mis; par cette ruse, ils tirent d'un fac de plâtre qui vaut cinq ou fix fols, fept à huit francs, au lieu que s'ils n'avoient employé que de la tuile vieille en ces endroits, ce même plâtre toifé comme on a dit, ne leur produiroit que trente fols; c'est pourquoi fur ces remarques, il eft bon, pour se mettre à couvert de cette fraude, de ftipuler par écrit ce qu'on veut qu'ils faffent, & non pas abandonner l'Ouvrage à leur foi; cet article eft de très-grande confequence, pour ne pas dépenfer dix fois plus qu'on ne devroit.

Tromperies des Menuifiers.

'Pour ne parler que de ce qui concerne nôtre Bâtiment de Campagne, les Menuifiers trompent en mettant en œuvre de mauvais bois; ce-qui fe manifefte bien-tôt, lorfqu'il eft verd, nouveau, roulé, plein d'aubier ou échauffé; & pour peu d'ailleurs qu'on ait de connoiffance dans les Ouvrages de Menuiferie, il eft aifé de voir fi l'affemblage du bois eft bien fait, foit en rainure ou autrement; on appelle Ouvrage en rainure, celui qui eft creusé en canal

dans le bois.

Tromperies des Serruriers.

Ils vous trompent en achetant chez des Quinqualliers des ferrures vieilles, mal garnies & de mauvais fer; quoique fur la foi de leur reputation, vous les payiez comme bien faites, bien garnies, neuves & de bon fer.

Leur fraude confifte encore à fournir du fer aigre ou moins pefant qu'ils ne le mettent dans leur Memoire, ce qu'il faudroit verifier avant que les ferrures fuffent attachées.

Tromperies des Carreleurs.

Au lieu d'affeoir leur carreau fur du plâtre pur, ils ne le pofent que

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fur de la pouffiere; de plus, ils donnent du carreau mal cuit, ce qui fait qu'il dure très peu ; & lorfqu'on fe plaint qu'ils l'affoient mal, ils vous difent que s'ils le pofoient fur du pur plâtre, ce plâtre le poufferoit, ce qui eft très faux, puifqu'il eft d'experience que le plâtre pur attache le carreau fi ferrément, que jamais il ne fe détache.

Voilà à peu près les tromperies ordinaires aux Ouvriers en fait de Bâti ment; il faut auffi avouer qu'ils y font quelquefois contraints par la necef fité qu'on leur impofe. Les Ouvriers de toutes fortes de Profeffions cherchent à travailler; mais un avare qui veut avoir pour rien les materiaux, l'art & la peine des Ouvriers, donne lieu lui-même aux tromperies que l'indigence les force à lui faire; à quoi les honnêtes gens ne les expofent pas. L'impatience de celui qui fait bâtir eft encore fouvent l'occafion des fraudes des Ouvriers ; ils ne manquent pas d'augmenter cet empreffement, à la faveur duquel ils fourrent de mauvais materiaux, & ne font que fuperficiel un Ouvrage dont le Maître ne veut que voir la fin.

Il ne faut pas non plus écouter en tout les avis des Ouvriers, qui dans le cours des Ouvrages les fçavent prodiguer pour fe tailler de la befogne;. il faut dès l'entrée leur impofer filence, ftipuler que fi le cas arrivoit qu'on changeât quelque chofe, il feroit fait un état préalable de ce qui devoit être fait fuivant le marché, pour le défalquer; c'eft une clause qui ferme la porte à l'eftimation qui eft le falut de tous les Ouvriers.

Le fecret pour tenir les Maffons en refpect, eft de regler la maniere du toifé, à la charge de ne toifer pour quoi que ce foit les vuides.

Pour la Charpente, il faut arrêter précisément le toifé de bout avant, qui fera fait feulement fur la longueur des bois; il faut preferire la quantité de bois qui entreront dans les combles, dans les planchers & dans les cloifons, la diftance qu'il y aura entre eux, & fixer les groffeurs differentes des bois, felon les endroits où l'on doit les mettre en œuvre; & il faut abfolument rejetter tout toifé aux Us & Coûtumes; c'eft où les Ouvriers attendent les Bourgeois pour les tromper.

Lorfqu'on a un marché à faire avec un Couvreur, on ftipulera que l'Ouvrage fera toifé quarrément de bout avant, fans y comprendre les plâtres, les folins, les rueillées, les égoûts & le refte; & que pour prevenir toutes dif ficultez, il fera mis une ficelle d'un égoût à l'autre en traversant tous les toits, laquelle ficelle fera rapportée d'un bout du faîtage à l'autre, pour fur cette ficelle être formé le toifé de long & de large.

Tout ce qu'on vient de dire fur la mauvaife façon des Ouvrages, tant de Maffonnerie, Charpenterie, que Menuiferie & Couverture, n'eft que trop d'experience pour en douter; ainfi comme il n'y a point d'inftructions qui ne foient importantes, on croit que ceux qui voudront faire bâtir y trouveront leur compte. Les Ouvriers qui fe fâcheront qu'on a dévoilé ces tromperies, s'en avoüeront coupables, les honnêtes gens ne s'en fâcheront: point

ARTICLE

ARTICLE IV.

Du Toife.

Quoiqu'on fçache le prix de tous les Materiaux & Ouvrages, on ne peut néanmoins fçavoir a combien pourra revenir le total du Bâtiment, fi on ne fçait le Toifé, & en quelle façon les Maffons, Charpentiers & autres Ouvriers le pratiquent, parce que c'eft d'eux qu'on dépend pour l'execution; & c'est à la Toife qu'ils travaillent à Paris & dans tous les lieux un peu notables: il n'y a que quelques petits endroits de Province où on puiffe, en bâtiffant, fe paffer des regles du Toife, parce que celui qui bâtit n'y employe que des gens à journée, aufquels il fournit & fait faire tout fous les yeux; encore le Toifé lui eft-il neceflaire dans ce cas particulier pour fçavoir ce qu'il fait, comme on le va voir par le détail,

Le Toifé n'eft autre chofe que le mefurage d'une furface ou d'un corps folide, qui fe fait avec une mesure de fix pieds de long; cette mefure eft ordinairement de bois, & les pieds & poûces y font marquez par des lignes qui traverfent la Toife, ou par des petits clouds: on mefure quelquefois avec des chaînes de fer ou de cuivre, qui font plus fûres que la meture de cordes. On appelle Toise Courante, celle où on ne mefure que la longueur ; Toise Quarrée ou de Surface, celle où on ne mefure que la fuperficie en longueur & en largeur : en forte que la Toife Quarrée a fix pieds de longueur, autant de largeur, & par confequent trente fix pieds d'aire, parce qu'en multipliant la longueur d'une furface par fa largeur, le produit en fait le total qui s'appelle Aire ou Sole en fait de fuperficie: & on nomme Toife Cube, celle qui a fix pieds en tout fens, en longueur, en largeur & en profondeur ou hauteur, en forte que toute la Toife cube contient deux cent feize pieds cubes. Tellement que la Toife courante eft une fimple ligne; la Toife quarrée une furface; & la Toise cube un corps folide qui eft compris dans fix quarrez égaux, comme un dé: car on nomme Cube tout corps folide, dont les fix côtez font égaux; & on appelle corps ou folide, tout ce qui a longueur, largeur & profondeur, ou hauteur; ainfi un foffe, quoique vuide, eft un Corps, un Solide, parce qu'il eft mefurable. Or, pour mesurer la maffe d'un folide, il n'y a qu'à en multiplier la longueur par la largeur, & le produit par la hauteur; de cette forte, les fix pieds que la Toife cube a en longueur, étant multipliez par les fix pieds qu'elle a auffi en largeur, cela fera trente-fix pieds, qui multipliez par les fix pieds que la même Toife a encore en hauteur ou profondeur, donneront deux cent feize pieds pour la maffe totale de la Toife cube, comme je l'ai dit.

Il y a trois chofes à fçavoir dans le Toifé; 1. Ce qu'il faut toiser, 2o. Comment on toife. 30. Sur quel pied eftimer les differentes Ouvrages de chaque Art qu'on toife. Car comme chaque Profeffion fait beaucoup d'Ouvrages ou de fournitures differentes, pour chacune defquelles on ne pourroit pas avoir un prix fixe & jufte, on ramene, on réduit le tout à une certaine mefure qui fert de regle pour évaluer tout ce qu'il y a d'Ouvrages & de fournitures: par exemple, dans les Ouvrages de Maffonnerie, c'est la Toife de gros mur qui fert de regle, & on y réduit par eftime les enduits

Tome I

H

& autres Ouvrages inferieurs dont on fait le Toifé & l'eftimation: en Charpenterie, on compte & on toife à la Piece & au cent de Pieces, & on ré duit à la Piece les differentes façons & les differens morceaux. C'est un détail qui va être expliqué féparément pour ceux qui auront à s'en fervir.

Quant à la maniere de toifer, l'operation en eft aifée a comprendre & à faire, quand la chofe que l'on toife eft d'une figure égale & reguliere; il n'y a qu'à y pratiquer ce qui vient d'être dit des Toiles quarrées & des Toiles cubes; c'eft-a-dire multiplier pour les furfaces la longueur par la largeur; & quand c'eft un folide cube, multiplier par la hauteur le produit de la longueur & de la largeur.

Ainfi pour toifer un foffé ou une terraffe, il n'y a qu'à en prendre la longueur & la largeur, multiplier l'un par l'autre ; & le produit qui en viendra étant lui-même multiplié par la profondeur, donnera le vuide total du follé & la maffe entiere de la terraffe, fuppofé que le foffé, auffi-bien que la terraffe, foit égale par tout.

Mais file fofle a du talus, il faut ajoûter la largeur de la base à la largeur haute, en prendre le milieu ou la moyenne proportion; en la multipliant par la longueur du foffé, le produit donnera une fuperficie moyenne entre la haute & la batle, qui étant multipliée par la perpendiculaire ou profondeur du foflé, le produit en donnera le vuide; de même des Turcies ou Levées des Canaux ou Rivieres.

Nous expliquerons bien-tôt la maniere de toifer les autres Ouvrages de figures inégales, comme voûtes, marches d'Escaliers : ainfi refte à parler ici des chofes qu'il faut toifer ou ne point toifer; pour cela il faut connoître les deux fortes de Toifez qui font en ufage.

Des deux fortes de Toifez.

L'un s'appelle Toilé aux Us & Coûtumes de Paris ; & l'autre à Toile Bout-Avant fans retour.

Par le premier, on toife les vuides auffi-bien que les pleins, à moins que ces vuides ne foient exceffifs, ce qui ne fe trouve jamais au dire des Experts Architectes: on toife auffi toutes les faillies & toutes les moulures; de forte que toute piece de moulure, quelque petite qu'elle foit, comme un filet & un quart de rond, eft comptée pour demi pied chaque moulure, quoiqu'elle n'ait pas quelquefois un demi-poûce; fi bien que par cette maniere de toifer, une corniche qui n'aura pas un pied de haut, peut revenir à plus de fix pieds. Quand les marchez font conçus en ces termes, felon les Us & Coûtumes de Paris, les Maffons enrichiffent leurs Ouvrages & embelliffent les Bâtimens de moulures & de faillies le plus qu'ils peuvent.

C'est pour remedier à ces abus, que l'autre maniere de toifer à BoutAvant fans retour, a été établie par Ordonnance de Henry II. de 1557. & cette Ordonnance oblige les Mallons à enrichir leurs Ouvrages & orner le Bâtiment de faillies & de moulures, fuivant fa qualité, fans que les faillies & moulures puiffent être toifées, non plus que le vuide, mais feulement le plein; ainfi il eft aifé de voir que ce Toifé eft bien plus avantageux aux Bourgeois qui font bâtir, que le Toifé aux Us & Coûtumes: auffi les Entrepreneurs & Malfons fçavent-ils bien éluder l'Ordonnance, &

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les Bourgeois font toûjours leurs dupes, a moins qu'on ne les lie par quelque bon écrit, où la maniere de toifer foit difertement & amplement prévûe & expliquée, & toutes les claufes du Marché bien exprimées, comme je le dirai en particulier, en parlant du Toifé de Mallonnerie & de Charpenterie.

Toife de Maßonnerie.

I. Selon les Us & Coûtumes, tous les murs, foit de pierre de taille ou de moüellon, fe toilent Toile pour Toife, de quelque épaiffeur qu'ils« foient, & l'on ne rabbat aucun vuide pour les croifées, ni même pour les portes-cocheres, quand il y a un feuil de pierre de taille; s'il n'y en a point, on rabat la moitié du contenu aux portes. On ne toile point les tranchées & rigoles.

Les faillies, avant-corps, arriere-corps, rétables & entablemens, moulures, &c. se toisent, outre le corps des murs; & s'il fe trouve des ornemens figures ou armes, on ne les toife pas, on les eftime.

Les cloifons recouvertes des deux côtez, les enduits des galetas, à caufe qu'il faut contre-latter, le fcellement des lambourdes qui fupportent les ais & parquets, les pavez à carreaux & les languettes des tuyaux de cheminées, vont pour gros mur: néanmoins il y en a qui ne comptent ces fcellemens qu'à trois Toifes pour deux.

Les aires & planchers de plâtre, les cloifons non recouvertes de part ni d'autre & les aîles de lucarnes, vont à deux Toifes pour une; fi elles font recouvertes d'un côté, elles fe comptent à trois Toifes pour deux.

L'enduit des vieilles murailles qu'il faut rehacher, fe compte à fix Toifes pour une; mais quand elles n'ont jamais été enduites, ou quand il y a beaucoup à reformer & à rétablir, les enduits vont à quatre Toifes pour une..

Les folins qui font au-deffus des poûtres ne fe comptent qu'à un quart de pied chacun. On compte un pied pour chaque fcellement de corbeaux lorfqu'ils font fcellez avec bon tuileau & plâtre fur le derriere, & bons éclats de pierres fur le devant ; on compte auffi un pied pour chaque fcellement de gond aux contre vents; mais pour le fcellement des autres, on ne compte que demi-pied.. Le fcellement des barreaux de fer, fe toife pour demi-pied chacun dans la pierre de taille, & dans le plâtre pour un quart.. On compte auffi demi-pied pour chaque piece de moulure, quoiqu'elle n'ait pas plus d'un doigt de groffeur..

Mais il faut remarquer que tous ces Marchez a une, deux, trois & quatre Toises pour une de gros mur, ne s'eftiment de la forte que lorfqu'on: entreprend un Bâtiment entier où il y a beaucoup de murs de Mallonnerie :: car s'il ne s'agiffoit, par exemple, que de l'enduit d'un lambris, la Toise: duquel va pour Toife de gros mur en fourniffant de lattes & de clouds ;; cette Toife d'enduit, en n'y faisant point de nouveau mur de Maffonnerie, ne feroit prifée que quatre livres ou environ;.au lieu qu'elle pafferoit pour le prix de huit & neuf livres en un Bâtiment neuf, à caufe que le Maffon en ce cas, fait meilleur prix de la Toife de gros mur, laquelle il n'entre prendroit pas quelquefois pour douze livres, s'il n'y avoit point d'autre befo gne que du gros mur..

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