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elle eft bonne jufqu'à la derniere goute pour toutes fortes de grains & de
graines. On féme ce bled encore un peu humide : il en faut un tiers moins
par arpent; on peut même à coup-fûr, n'en mettre que la moitié de ce qu'on
a coûtume d'employer à l'ordinaire, & y mêler du fable de Mer ou de la
paille hachée bien menu, pour groffir le volume, afin que le Laboureur puiffe
Temer à l'ordinaire à pleine main. Il n'eft point néceffaire de fumer la terre;
mais en cas qu'on ait du fumier, il eft bon de l'employer, la récolte n'en
fera que plus forte.

Produit de ces multiplications, & comment on les applique aux Vignes, aux
Arbres fruitiers ou autres, aux Fleurs, aux Légumes & même aux Animaux.

L'effet de tous ces differens procedez, eft d'ouvrir les conduits des germes contenus à l'infini dans la graine de toutes les plantes, & d'y attirer & animer la féve néceffaire pour mettre au jour tout ce qu'il y a de reffources naturelles. Ainfi il eft aifé de conclure que cette multiplication peut également fe faire fur les vignes, arbres, fleurs & légumes : voici comment il faut s'y prendre.

I. A l'égard des Vignes & des Arbres, pour les planter, on fait un trou à l'ordinaire; le plus étendu eft le meilleur : on met au fond deux poûces de benne terre; on y place la Vigne ou l'Arbre; puis à la racine on met de la liqueur de quelques-unes des Multiplications marquées ci-deffus. La derniere eft la plus generale & elle me paroît la plus fûre. Si on en met beaucoup, la plante vegéte, fleurit plû-tôt & fructifie plus abondamment. Enfuite l'on jette de la terre deffus, & de dix ans il ne faut y toucher. Point de labour, point de fumier, & il y aura du fruit dès la feconde année.

Si les Vignes, ou les Arbres font en place, l'on en découvre le pié à un poûce près des racines, & l'on y verfe pareillement de la liqueur de la derniere Multiplication. Cela fait on remet la terre fur les racines, fans parler d'y travailler de plus de dix ans. Il faut avoir foin d'arracher les méchantes herbes, qui pourroient croître au pié, & fe nourrir de ce qui n'eft point deftiné pour elles..

Les Arbres qu'on alimente de la forte, fe renouvellent, deviennent forts, pleins de féve & de vigueur. Ils portent une abondance de fruits, qui étonne & qu'on ne comprend pas; ces fruits font de meilleur goût, beaucoup plus gros & plus beaux qu'à l'ordinaire : & ce qui eft très-considérable, c'eft que les mauvais temps leur font moins d'outrage.

Les Vignes feront auffi des productions beaucoup plus belles, les fleurs feront plus nombreuses, plus groffes & d'une odeur plus forte & plus agréable, les plantes potageres feront pareillement d'un volume, d'un goût & d'un parfum extraordinaire, elles viendront toutes bien plus vîte & en plus grand nombre, fi on les arrofe des Préparations ci-deffus.

De même les animaux ne feront que croître & embellir, fi on moüille leur fon ou fi on trempe leur grain, dans quelqu'une de ces Préparations, princi palement dans la liqueur de la derniere Multiplication.. Il y faut fans doute de la propreté, & cette liqueur doit être plus claire & plus nette, que pour la

femaille ou le limon même eft utile. Je voudrois que l'on composât une liqueur exprès pour les animaux, bien filtrée, bien préparée, dont le nitre feroit la bafe, & dans laquelle on ne mettroit que des fels de plantes en fleur & en grain: il faut laiffer un peu imaginer le refte à ceux qui aiment l'innocent ménage de la Campagne. Je fçai par experience qu'un Cheval, dans l'avoine duquel on a mis un peu de cette liqueur, eft plus fort, plus gaillard & plus fain. Les Laboureurs & les Rouliers conferveroient par-la leurs Chevaux, leurs Bœufs & autres beftiaux dans toute leur vigeur, les Vaches en donneroient bien plus de lait & les Poules plus d'œufs, tout feroit vif & gaillard dans la Baffe-cour.

Sans exageration on peut affûrer que le revenu d'un bien de Campagne augmentera confiderablement par ces Multiplications. Je fuppofe qu'on n'executera que fort imparfaitement ces differentes maniéres de multiplier le bled, & que la multiplication n'ira pas comme certaines gens ont publié qu'elle peut aller ordinairement, à deux cents cinquante épis fur une feule tige. Je n'en mets que vingt; bien des tiges en auront davantage; au- lieu que par la culture ordinaire, il y a peut-être quatre épis par tige; ainfi en m'en tenant-là, voici un produit du quadruple: en forte qu'une terre qui ne me donnoit en bled que mille francs, m'en donne cinq mille; & celle qui m'en donnoit cinq mille m'en rapportera vingt-cinq: Les Vignes, les Arbres, la Ménagerie tout augmentera à proportion.

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ou

Voici les autres avantages de ces Multiplications. 1°. Jamais la terre ne fe repofe. 2. Elle peut tous les ans porter du froment. 3°. Point de fumier, à moins que l'on en ait dont on ne fçache que faire il ne gâte rien. 4°. Un seul labour fuffit. °. On ne féme qu'à demi femence les deux tiers tout au plus. 6°. Il faut moins de Chevaux ou de Bœufs pour labourer. 7°. Le bled en réfifte mieux aux pluies fortes, & aux gros vents, qui font ordinairement verfer les bleds: Les tuïaux font plus forts & fe relévent. 8°. Il est moins sujet à la Nielle & fe défend mieux contre les broüillards qui gâtent les bleds quand ils font prêts à meurir. 9o. Dans les bonnes terres, les tiges font des rejettons & pouffent de nouveaux tuïaux pour la feconde année. Sur ce pié- là, fans labourer ni femer, on auroit une feconde récolte. 10°. Ceux qui fçavent un peu les interêts du ménage de la Campagne, ne craignent rien tant que les récoltes & les vendanges tardives, parce qu'elles font fujettes à de grans inconviens & qu'ordinairement elles ne font pas bonnes : par le moïen de nos Multiplications, le bled & le raifin font mûrs plus de quinze jours plûtôt.

II. On ne fait point d'attention à la caufe des Maladies Populaires, qui défolent quelquefois la Ville & la Campagne Elles viennent des bleds gâtez par les broüillards & par les mauvaifes pluies, qui furviennent quand les moiffons commencent à meurir; les vins verds y contribuent auffi. Les fiévres pour prées qui firent tant de mal en 1693. & 169 4. venoient des moiffons gâtées, & des vins faits de raifins qui n'avoient pas acquis une parfaite maturité. La multiplication par le Nitre empêche, que l'intempérie de la faifon & les mauvaises vapeurs de l'air ne nuifent aux bleds & aux vignes. Le Nitre qui y domine , ne s'allie qu'avec le Nitre même de l'air

& empêche la corruption. Ce fel tout divin entroit dans la compofition dont les Egyptiens embaumoient les corps qu'ils vouloient mettre au-deffus des atteintes de toutes pourritures; en quoi ils réuffiffoient parfaitement

bien.

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C'est ici la place du Traité des Vignes: mais l'abondance des matieres de ce premier Tome qui font toutes importantes & variées, nous ont obligé de renvoyer celle dosVignes au feoend Tome, après le Jardinage, dont aussi-bien la Vigne fait souvent v un des plus agréables ornemens,

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les Prez, les Etangs, les Bois & les Garennes

CHAPITRE PREMIER.

Des Prez & autres Herbages...

ES Prez font les meilleurs biens que l'on puiffe avoir à la Campagne; parce que fans dépense, foins, ni ́rifque, ils rapportent d'eux mêmes tous les ans des récoltes amples & affurées qui font également d'un bon débit, pour la vente, & d'un grand ufage pour la nourriture des Beftiaux KK kk

Tome Is.

1

dans lefquels confifte le plus grand revenu du ménage des Champs, para que les Beftiaux empliffent la bourfe & engraiflent les terres de leur Maître. Auffi les Païs de pâturages font-ils toûjours les plus abondans.

On diftingue ordinairement deux fortes de Prez, les Piez humides & les Prez fecs, c'est à die Prez fituez dans des lieux ou humides & arrofez, ou fecs. Mais comme il ne peut y avoir de bon Pré fans humidité, je ne m'arrêterai point à cette diftinction; & pour donner une idée plus nette de l'utage & de la difference des Prez, j'aime mieux les partager fuivant les Titres des

trois Articles fuivans.

1. J'appelle vrai, Prez, les Prez à foin, c'eft-à-dire les terres qui fans femaille produifent d'elles mêmes de lherbe qu'on fauche une ou plufieurs fois l'an; car il y a des Prez qui donnent jufqu'a trois herbes par an: on appelle en quelques endroits Guimaux, les Prez que l'on fauche deux fois l'an, comme en Poitou.

2. Les Pâturages font les Prez dont on ne fauche point l'herbe, mais où l'on met les Beltiaux pour s'en nourrir; & j'appelle ces pâturages Paris quand ils font fecs, pour les diftinguer d'avec les Prairies qui font des pâturages humides: cependant il faut avouer que dans l'ufage, on confond aflez fouvent ces differens mots, Prez, Prairies, Pâturages, Pâtis, Pâtures & Pâcages.

3o. Ce que je nomme Prez cultivez, font ceux où l'on feme & dépouille par culture reglée des herbes particulieres qui fervent, comme le foin ordi maire, à la nourriture des. Beftiaux.

ARTICLE PREMIER,

Des vrais Prez, ou Prez à fain.

Tous les terrains gras & pleins de fucs font bons pour produire du foin. C'est pourquoi on peut faire des Prez fecs dans une Plaine, fur une rente de terres, fous des Avenues, même fur des Côtéaux, pourvû que le terroir en foit bon & qu'il ne foit pas bien éloigné de quelque Ruiffeau, Etang ou Riviere, ou que du moins il foit un peu humide au fond; enforte qu'en y faifant une foffe médiocrement profonde, on y trouve de l'eau, car l'hu midité eft une des nourrices du foin.

Au défaut de ces terres graffes & fucculentes propres à faire des Prez fecs, on en fait d'humides dans toutes fortes de terres, fortes, legeres ou maigres, pourvû qu'on y ait la commodité d'un Ruiffeau pour les arrofer, & qu'elles foient un peu en pente fans l'être trop, afin que l'eau des ar rofemens, des pluies & des inondations imbibe tout le Pré, & s'écoule enfuite doucement fans le noyer par un trop long séjour. Les Prez qui re. çoivent la chute ou qui font trop voifins des Fleuves, des Etangs, des Laes & autres grandes pieces d'eau, en font fouvent très incommodez, à caufe des gravois & des inondations qu'elles y portent, il n'y vient que du foin groffier & plein d'herbes rudes, larges & peu agréables aux Beftiaux. Le foin des Prez humides n'eft pas même pour l'ordinaire fi bon ni fi délicas que celui des Prez secs; mais aufli il y vient en plus grande abondance.

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