vieux Prez on ne prend pas tant de peine pour en détourner ces eaux, d'autant qu'elles ne font fouvent qu'y apporter l'abondance, parce qu'elles aménent avec elles la fubftance, la graifle & les fels des autres terres : Mais auffy il eft quelquefois dangereux que les terres ou les fables qu'elles entraînent n'étouffent l'herbe de vôtre Pré par la croute qui s'y forme. Quand le Pré eft une fois affablé, fi cela arrive, il n'y a point d'autre remede que d'attendre que le hâle ait feché l'eau & les terres d'apport, on les gratte alors avec des rateaux à dents de fer afin que l'herbe y revienne plûtôt.

Quelquefois au contraire les Prez ont befoin d'eau en Hyver même ; & en ce cas quand la faifon n'en donne point, il faut que l'art vienne au fecours, & on ne doit point leur épargner l'eau pendant les mois de Novembre, Décembre, Janvier & Fevrier : il n'y a que les vieux Prez fur lefquels il ne faut point faire courir l'eau quand il fait grand froid, parce qu'ils fouffriroient. trop des gelées & des glaces fi l'eau venoit à manquer.

L'Eté eft la vraie faifon des arrofemens, & on abreuve alors les Prez de huit jours en huit jours, à moins qu'il ne furvienne quelque pluie. On les abreuve par le moïen de quelqu'éclufe ou bâtardeau fait de terre glaife, de. pierres ou de planches qui coupent le cours de l'eau, & la font par confé quent gonfler & refluer par les foffez & les rigoles qu'on doit avoir foin de bien entretenir dans toute la longueur, la largeur & les traverfes du Pré, afin que l'eau fe répande par tout: Et quand on juge que le Pré a affez bû, on léve où on romp l'éclufe ou la digue pour que l'eau reprenne fon cours. S'il y a quelque foffe ou eau dormante dans vôtre Pré, ayez foin d'y faire des tranchées fuflifantes pour la faire écouler; car le long féjour de l'eau & fa trop grande quantité y font autant de tort qué la fécherelle..

Il y a même certains Prez qu'il ne faut gueres arrofer, ce font ceux où ils y a beaucoup de treffle; autrement cette herbe mourroit bien vîte.

2

C'est au Printemps qu'on defféche, à force de rigoles & de faignées, les Prez trop fujets aux eaux.

Il y a auf des Moulins pour élever des eaux, vuider des batardeaux, fecher des marais &c. par le moïen des pompes, des godets, des chapelets, comme on voit en Hollande & à Versailles : mais il ne s'agit pas de celà pour nôtre Economie; & c'eft à force de bras qu'il faut deffecher & fertilifer les endroits marécageux en faifant écouler les eaux par des rigoles, des feignées & des fofles ou trous éloignez des lieux, d'où l'on veut détourner les eaux croupiffantes.

III. Il faut fumer les Prez tous les trois ou quatre ans, & même plus. fouvent, pour remplacer la graiffe & les fels que la végétation continuelle épuife. On juge qu'ils ont befoin d'amendemens, quand leurs productions font languiffantes, & qu'il y croît d'autres herbes que celles qu'ils doivent naturellement porter.

C'est toujours en Décembre, Janvier & Fevrier qu'on les fume; ahn que le fuc & les fels du fumier étant détrempez par les pluies, ils fe mê lent mieux avec la terre & agiffent avec vigueur dans le temps que la nature fe renouvelle. Il faut fumer plus abondamment & plus fouvent les vieux Prez que les jeunes : & quand le terrain qu'on amende eft fur le penchant d'une colline ou beaucop en pente, il faut mettre beaucoup de fumier dans.

le

le haut, un peu moins dans le milieu, & encore moins dans le bas, parce que les pluies y en apportent toûjours affez d'au-deffus.

il s'in

Nous avons dit que pour faire un Pré nouveau, le fumier le plus neuf & le plus frais étoit le meilleur : c'eft tout le contraire pour les Prez faits, il n'y faut que du fumier bien pourri; car s'il fortoit recemment de deffous le bétail, comme on ne fait que le répandre fur le Pré fans l'enterrer, corporeroit bien moins avec la terre, & toute fa chaleur fe diffiperoit en dehors, ou ne ferviroit qu'à brûler la tendre pointe des herbes ; & ce qui eft plus important, il n'auroit pas le temps de fe confommer, les Faucheurs le retrouveroient fous leurs faux & le mêleroient avec le foin, où il ne feroit que de très mauvais effets, foit au grenier ou aux étables & aux beftiaux. C'est pourquoi il n'y en faut mettre que de bien fin & bien pourri.

Le crotin de Pigeons & de toutes fortes de volailles non aquatiques y eft bon; de même que le fumier de Moutons, de Boufs, Vaches, Che vaux & Mulets, pourvû qu'il foit bien confommé & repoté depuis long temps. Les boues des rues & grands chemins, les curures de mare bien déchargées de toute leur humidité, & mêlées avec d'autres fumiers, ou avec de la poudrette, y font merveilles; de même que les cendres de leffives, celles d'herbes ou de gazons brûlez, & les feuilles d'aulnes d'eft pourquoi bien des font curieux d'entretenir beaucoup d'aulnes autour de leurs Prairies. De bonne terre bien meuble & mêlée avec du fien y fera plus de profit que le meilleur fumier des Etables: ou bien ramaffez la boue ou la pouffiere des chemins les plus frequentez, & des ruës; mêlez la avec toutes les ordures de la Maifon & de la Baffe cour, & avec toutes fortes de fientes & de fumiers ;. & quand tout ce mêlange aura été bien détrempé par les pluies & meuri par les gelées, répandez le fur vôtre Pré, il s'y incorporera, le pénétrera & le fertilifera à fouhait.

gens

IV. Je ne voudrois jamais voir ni arbres ni aucunes bêtes dans les Prez & ils ne font deftinez que pour rapporter du foin, & non pas pour être des plants, ni pour fervir en pacage. On a des pâturages, des vergers & plufieurs autres endroits qu'on peut employer à fon gré à ces differens ufages, & je ne vou drois pas les confondre; ils en produifent beaucoup davantage quand ils font: tout-un ou tout autre. Cependant on voit bien des Païfans qui envoient leurs beftiaux paître dans les Prez: fouvent même les troupes d'Oyes & de Poulesd'Indes y font mêlez avec les Chevaux & les Anes, fans forger au tort que cela fait au Pré & aux beftiaux même : An Pré, parce qu'il y a quantité de racines endommagées par le pied & par la dent du bétail, & beaucoup d'herbe enlevée, qui auroit bien mieux multiplié en foin; aux bêtes, parce que le duvet, la plume, & la fiente de la volaille, principalement des Oyes, fait mal aux bêtes Cavalines & Afines: on ne doit même jamais laiffer les Oyes non plus que les Cochons, dans les Prez, parce que le groüin de ceux. ci en foüillent toute la terre, & la fiente des autres en gâte toute l'herbe. Les moins fcrupuleux ont toujours grand foin de ne laiffer approcher aucune bête de leurs Prez, depuis que l'herbe commence à y piquer, jufqu'à ce qu'elle. foit fauchée & enlevée, & le regain auffi, quand le Pré en produit. Quant aux arbres on n'en devroit mettre aucuns dans les Prez que l'on veut bien ména fauf à faire ailleurs des plants aquatiques; cependant on peut mettre une Tome L LLI

ger,

rangée de faules, aulnes, ou autres, le long des grands courans dans les endroits marécageux qui ne produifent que des herbes groffieres qui ne four pas bonnes en foin.

Au refte les Prez ne craignent d'ailleurs que les Taupes, ou les torrens & les ravines qui les engravent & enroüillent l'herbe par leurs inondations. Nous avons enfeigné ci-deffus les moïens de prévenir, & d'affoiblir les eaux, ou d'en réparer le defordre. Quant aux Taupes elles endommagent auffi beaucoup les Prez; il y a des gens qui leur font la chaffe en même-temps qu'ils arrofent leurs Prez, enforte qu'ils font d'une pierre deux coups: Pour cela, quand il eft befoin de les arrofer, on le fait dès la pointe du jour, qui eft la temps que les Taupes travaillent ; & comme elles craignent fort l'eau qui pénétre bien vîte les Taupinieres, elles montent fur terre pour l'éviter, & alors il eft aifé de les prendre toutes vives. D'autres fans lâcher d'eau, se mettent en fentinelle fur le Pré dès la pointe du jour, près de l'endroit où les Taupes ont foüy le plus fraîchement; elles travaillent ordinairement quand le Soleil fe léve, & fi-tôt qu'on voit remuer la terre, on y donne avec la bêche ou la houë un grand coup, de côté, pour enlever en même-temps la terre & la Taupe. On verra ci-après dans le Traité du Jardinage d'autres moïens pour les détruire.

V. Il fe trouve fouvent dans les Prez des endroits foibles ou tout-à-fair dégarnis d'herbe; foit parce qu'en le femant il fera tombé peu de graine à cet endroit, foit parce qu'on en aura enlevé des arbres ou des pierres, ou que l'herbe en aura été ruinée par les Taupes, par les inondations, par la féchereffe ou autrement. Il faut regarnir ces vuides par le fecours des fumiers, & s'ils ne fuffifent pas y labourer & femer de nouveau.

VI. Il faut avoir foin de renouveller les Prez de la même maniere, quand on voit qu'ils s'affoibliffent, qu'ils languiffent & rapportent peu de chofes, foit parce qu'on les a négligé ou parce qu'ils vieilliffent; fur-tout quand la mouffe y croît. Pour la détruire il faut répandre au mois de Décembre, de la cendre de leffive, ou quelqu'autre puiffant engrais, bien épais fur-tout le Pré; il fe ranimera, & la mouffe périra i elle n'y eft point inveterée mais fi elle a fi fort pris le deffus, que l'amandement n'y faffe rien; alors il faut on changer le Pré en Novale, ou le façonner de nouveau pour le remettre en Pré, de la même maniere que nous l'avons dit ci-deffus, d'une terre qu'on veut mettre en Pré pour la premiere fois.

Avant de labourer la terre qu'on veut femer en herbes, il y a des gens qui font lever au mois d'Avril tout le gazon du Pré par mottes, font des fourneaux fur le Pré même, & y réduifent tout ce gazon en cendres, qu'ils fément fur le champ, enfuite y labourent & fement la graine de foin; rien ne fait plus de bien au Pré que le fel de ces cendres: Voyez ce que nous en avons dit au chapitre des Amandemens.

Un Pré réduit en Novale rapporte du grain abondamment pendant fix à fept ans de fuite, fouvent même on ne lui donne point du tout de repos : il eft bon d'en brûler l'herbe, ou même les gazons, avant d'y mettre la charuë, pour en faire une terre à bled.

Quand on le deftine pour être toûjours terre à bled, on n'y feme la premiere année que de la veffe, du treffle ou des pois qui ne font qu'engraiffer

Recolte des Foins