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Toit fraîchement coupée & moüillée, il faut toûjours l'emporter le premier ou tout au plus tard le deuxième jour, à caufe du retardement & du toit qu'elle feroit à la Luzerniere. Car cette herbe, n'eft pas fujette à moifir, comme celle des autres prez, pour quelqu'humidité qui refteroit. On la met dans quelqu'endroit couvert, pour la faire fécher tout à fait auparavant de la ferrer au grenier ou à la grange, il faut que ces lieux foient bien couverts pour que la pluie n'y pénétre point.

La deuxième herbe de la Luzerne eft fajette à certaines chenilles noires qui s'engendrent par les grandes chaleurs; l'unique reméde eft de faucher l'herbe auffi-tôt qu'on s'apperçoit qu'elle blanchit à l'extrêmité, fans attendre qu'elle foit en fleur; cette blancheur fe forme dès que les infectes ont commencé à piquer l'herbe, & elle n'eft pas plûtôt coupée que les chenilles meurent toutes avec l'herbe à laquelle elles font attachées, en forte que la troifiéme heibe vient fans danger & en abondance.

IV. Graine. On peut tirer de la graine de Luzerne : mais cela en retarde toû jours la dépouille fuivante du foin, & ordinairement on en fait une de moins que, de coûtume: par exemple on ne fauche que trois fois, au-lieu qu'on auroit fauché quatre, fi on n'avoit pas voulu avoir de la graine, parce qu'il faut du temps à la fleur pour le perfectionner en graine.

C'eft toûjours la troisième herbe qu'on laiffe venir à graines; & il n'en faut point prendre que la plante n'ait deux ou trois ans, afin qu'elle foit dans sa force.

Sa graine eft très petice & vient dans de petites gouffes, qu'il faut couper en faison & adroitement, pour qu'elle ne fe perde point. Quand on voit l'herbe bien endurcie & les gouffes & la graine jaunes, on va à la pointe da jour couper les gouffes, ou plûtôt les fommitez des tiges, doucement avec des faucilles, les gouffes s'ouvriroient & la graine fe perdroit, fi on les fcioit pendant la chaleur du jour : On les met fur un drap à mesure qu'on les coupe, enfuite on les fait fécher au Soleil fur le drap, pour diffiper la rofée & l'hu midité interieure des gouffes & des graines. Quand elles font bien feches, on les bat legérement fur le drap avec un fleau, puis on les vanne pour séparer la graine de tout le refte, & on la garde jufqu'à ce qu'on l'emploie ou la vende.

Après que la graine a été ainfi moiffonnée on retourne au prẻ pour faucher l'herbe de deffus laquelle on a recueilli la graine: Il faut couper cette herbe auffi-tôt qu'on a enlevé la graine, afin que la Luzerne poulle de nouveau. Quoique l'herbe qui a rapporté de la graine ne foit pas fi délicate ni fi fucculente que les autres, elle eft pourtant toûjours d'un bon ufage.

V.Durée. Une Luzerniere dure ordinairement huit à dix ans ; on n'en voit pas paffer quinze années, & il y en a qui durent moins de huit ans : ce qui dépend du fond & du climat.

Les Racines de la Luzerne groffiffent en vieilliffant, & fes productions diminuent en nombre & en force avec l'âge. Quand on voit ainsi une Luzerniere s'affoiblir & dégenerer, il faut la renouveller, Pour cet effet on en retourne toute la terre avec la bêche & on la met en petits monceaux, pour qu'elle paffe ainfi l'hyver, & qu'elle foit plus meuble enfuite; ce premier labour fe donne au mois de Septembre: au mois de Mars enfuivant, on y en donne un fecond, qni unit toute la furface de la Luzerniere, & on y re- féme de nouMMmm iij

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velle graine. Il y a des gens qui au-lieu de mettre, comme je le viens de dire, la terre par monceaux la fouillent par tranchées, dont on jette la terre à côté de chaque tranchée, qu'on remplit enfuite de la terre, qu'on tire de la tranchée qu'on fait un peu plus loin, & ainfi fucceffivement d'efpace en espace jufqu'à ce qu'on ait remué toute la fu: face du pré: on lui donne comme a l'autre maniere, un fecond labour au mois de Mars, & enfuite on l'enfemence. D'autres trouvent-plus de profit à laiffer convertir en pré leur Luzerniere, qu'à la renouveller quand elle eft vieille. C'est pourquoi fans s'amufer à en rompre le fond pour le forcer à reproduire de la Luzerne, ils font une autre. Luzerniere ailleurs dans une terre préparée comme nous l'avons dit ci deffus, & font de l'ancienne un pré à foin ordinaire; ce qui eft fort aifé & d'un grand profit, quand le fond y eft propre, ou quand on y peut procurer quelques arrofemens en faignant un Ruiffeau voifin ou autrement : Les Racines de la Luzerne pourriffent, & il y croît quantité d'herbes & entr'autres une Luzerne bâtarde qui naît de ces racines, elle eft femblable au Treffle des prez & fait partie de ce qu'on appelle bon foin: Une Luzerniere devenue pré de cette maniere, rapporte beaucoup & dure affez long-temps en cet état ; il y a plus d'avantage à en faire un pré, qu'à la remettre en Luzerne.

Quand le pré s'affaiblit, on le met en terres labourables; il y a même biendes gens qui d'une Luzerniere ufée font tout d'un coup des terres à grains, & elles réufliffent parfaitement pour peu qu'on y mette du fumier.

VI. Vages. La Luzerne eft extrêmement nourriffante, & elle engraiffe le bé. tail fort vite: on la donne en verd aux Vaches, & en fec aux Chevaux & aux Boeufs. Ils engraiffent visiblement en huit ou dix jours de temps, quand on leur en donne tout leur foû, fur-tout lorfque c'eft de l'herbe de la premiere fauchaifon, & elle leur tient lieu d'avoine & de foin. Mais il eft très-dangereux de leur en donner trop; on doit même y mêler toûjours moitié de paille, parce que la Luzerne eft fi fubftancielle, que les beftiaux qui en ont trop mangé crévent fouvent de gras- fonda; & il eft affez ordinaire qu'elle les étouffe avant même que l'embonpoint qu'elle produit se foit manifefté au dehors; C'est un genre de mort particulier que bien des gens appellent Fourbure. Par la même raison on ne doit pas donner de la Luzerne verte à aucun bétail, si ce n'est aux Meres, comme Vaches, Brebis & Chévres, pour leur faire avoir du lait, parce que cette herbe prife en verd a encore plus de fuc & fe convertit plus vite en aliment que quand elle est bien féche; c'est pourquoi ce qui eft bon aux bêtes meres feroit pernicieux à leurs mâles & à leurs petits; il faut pourtant toûjours y mêler d'autre fourage, & en proportionner la quantité au temperament & aux befoins de la bête.

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Le grand ufage de la Luzerne fe fait l'Hyver; & il n'y a point de beftiaux qu'elle n'accommode fort, pourvû qu'on la leur diftribue fagement, Bêtes de charge, bêtes à cornes, bêtes à laine & autres, elle rétablit les malades, engraiffe les maigres, délaffe celles qui font fatiguées, fait avoir abondance de lait aux meres; les Poulains même, les Veaux & les Agneaux s'élevent à merveille avec cette nourriture, elle leur fait bonne chair, leur donne de la vivacité & de la force pour refifter aux plus grands froids; elle nourrit, ra-. gaillardit & engraiffe toute la famille des animaux paiffans. Il n'y a perfonne: qui ne conçoive par là, combien une Luzerniere lui fera utile pour fa Basse. cour ou pour le débit.

III. De l'Efparcet.

L'Efparcet eft une espèce de foin fort commun en Dauphiné, fur-tout auprès de Die; il fournit beaucoup, il eft fucculent, très-nourriffant & prefque auffi eftimé que la Luzerne; outre l'herbe de cette plante, dont tous les beftiaux font friands (raifon pour laquelle il faut bien empêcher qu'ils n'approchent des endroits où il y en a de femé) la graine leur fert d'avoine & d'orge, quand on en dépoüille affez pour cet ufage; elle eft excellente pour toutes fortes de volaille, & notamment pour les Poules qu'on veut faire beaucoup pondre.

Elle eft très-aifée à cultiver, vient dans des terres maigres, & ne fait qu'amander les bonnes. C'eft une plante vivace qui dure quatre ans. On në la dépouille point la premiere année; mais elle fournit en abondance les trois années fuivantes; l'herbe en est assez forte, & elle croît à la hauteur de deux pieds. Au refte on croît que c'eft une efpece de Sain-foin du moins on ta féme, on la dépouille dans les mêmes temps, autant de fois, la graine vient de même & on la façonne tout comme le Sain foin ; & quand elle eft ufée, on la convertit auffi en terre labourable; c'est pourquoi fans que j'en parle davantage, il n'y a qu'à y pratiquer ce que j'ai dit du Sain-foin.

IV. Du Sennegré.

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Le Sennegré, qu'on appelle autrement Fenu- grec, Fænum - gracum, eft une plante qui reffemble au Treffle & qui eft fort connue parmi les Apotiquaires, parce qu'outre qu'elle eft d'une bonne nourriture pour les beftiaux (raifon pour laquelle nous en parlons ici) elle a auffi de grandes vertus médicinales. Elle a quantité de racines, de tiges & de branches toutes fort menuës; les feuilles dentelées tout autour; les fleurs blanches & petites, qui jettent des petites gouffes faites comme des cornes, courbées, longues, déliées, pointues & de mauvaise odeur, où la graine eft enfermée; elle eft graffe, de couleur fauve & forte en odeur; la racine eft unie & bien fournie quoique fort mince.

Le Sennegré vient affez aifément dans toutes fortes de terres, mais principalement dans les graffes; on le féme au mois de Mars, & il fimpatife fort avec la veffe. Il ne faut qu'un labour à la terre où on le féme; mais ce labour doit être uni & peu profond; fi le grain avoit plus de trois ou quatre doigts de terre, il ne pourroit pas il ne pourroit pas lever ni germer; c'eft pourquoi il faut que la charue & la herfe paffent legérement. Le Sennegré fleurit en juillet & on le coupe peu de temps après. Il y en a beaucoup de fauvage, fur-tout en Dau phiné, fur les Montagnes d'Ambrun.

V. De la Dragée.

La Dragée n'eft autre chofe qu'un mêlange d'orge, d'avoine, de veffe & de Sennegré qu'on féme pêle-mêle au mois de Mars dans un bon fond labou ré de deux façons & bien fumé, & que l'on coupe enfuite, ou en verd, ou à fon point de maturité, pour nourrir les beftiaux. Il y en a qui ne fément que de lorge pelé pour en faire du fourrage,

VI. Des foncs-Marins.

Il y a encore le Jonc-Marin cultivé, qui eft d'un bon fecours pour la nourriture des beftiaux: nous avons parlé ci-deffus de fon utilité & de la maniere dont on le cultive. Voyez pages 254 & 267 bis.

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CHAPITRE IL

Des Etangs,

Viviers, Canaux, Foffez, & Mares.

N trouvera ce Traité au fecond Tome, avant la Pêche, parce que ce prem mier Tome fe trouve trop gros.

CHAPITRE III.

Des Bois.

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ES Bois font une nature de biens très-importante & très-lucrative, en France encore plus qu'ailleurs, parce qu'ils y font plus rares, à proportion de la confommation qui s'y en fait il en faut pour brûler, pour bâ tir & réparer fur la terre & fur l'eau ; il en faut pour la beauté d'une terre, pour toutes les neceffitez & les commoditez de la vie, & pour la plûpart des Arts & Mêtiers: ils fourniffent la glandée & le pâturage aux bestiaux ; on en fait des Garennes & des Parcs; & cette forte de biens, que la Nature nous donne d'elle-même, & fans lefquels tout languit, demande enco re moins de dépenfe, & eft fujette à moins d'accidens que les foins. Outre cela on met en Bois des terres qui ne rapporteroient rien ou prefque rien, fi on ne les employoit à d'autres ufages.

Il eft vrai qu'il faut attendre quelques années pour joüir des Bois que l'on plante; mais, 1. Il ne s'agit pas toûjours d'en planter ; le principal & le plus ordinaire eft de fçavoir bien ménager & accroître ceux que l'on a 2. Quand même il s'agit d'en planter, la brieveté de la vie de l'homme ne doit pas nous rebuter; il ne faut que dix ans pour jouir d'un taillis que l'on apra planté : ces dix années s'écoulent infenfiblement à voir croître fon ouvrage; on efpere toûjours en jouir, & l'on a du moins le plaifir de le laiffer aux fiens en bon état : qui n'eft bon que pour foi, n'est bon à rien; & à la ‹ Campagne encore plus qu'ailleurs, l'ordre & l'économie veulent que nous travaillions pour nos Succeffeurs, comme nos Peres ont fait ne l'avoient pas fait, nous aurions été fort à plaindre; & fi nous n'en faifons pas autant, nôtre bien dépérit......

pour nous; s'ils'.

ARTICLE

ARTICLE PREMIER.

Des Bois que l'on veut faire.

- Terres propres en Bois.

On ne met point en Bois fes meilleures terres, par exemple de belles Plaines, des fonds fertiles; parce que ces fortes de terrains réüffiffent parfaitement bien en d'autres productions, foir grains, foins ou autres : mais auffi il ne faut pas croire qu'il n'y a qu'à femer ou planter des Bois, pour qu'ils viennent, même dans les plus mauvaises terres il faut éviter les deux extrêmitez, employer en grains les bonnes terres, & en bois celles de bonté médiocre; ou compter que l'on rifque, quand on n'en met que dans celles qui font abfolument mauvaises.

On voit fouvent des terres qui ne font pas bien fertiles en grains, & qui produifent cependant de beaux Bois : c'est ordinairement à celles-là qu'on

s'attache.

des

Il faut prendre garde que la nature du fond convienne à la qualité du Plant qu'on y met. Ainfi il ne faut planter dans des terres humides que des Arbres aquatiques, comme Peupliers, Trembles, Saules; des Ormes, Frefnes & autres Arbres amphibies, dans des fonds mitigez & gras ; Chênes & des Châtaigners dans des terres fortes; des Pins, des fapins, dans les terres legéres, & ainfi du refte: en forte que quand on feme un Bois de quelque ́étendue, on étudie les veines, les expofitions & les fituations de la terre pour y mettre les Plants convenables, les aquatiques dans les fonds, les Ormes, Frefnes & Hêtres au deffus; les Chênes & Châtaigners un peu plus à fec, & ainfi des autres.

On doit encore prendre garde à la profondeur du terrain qu'on veut charger de Bois. Car les gros Plants, fur-tout les Arbres qui pivotent, c'estdire qui pouffent en terre leur principale racine en ligne perpendiculaire, comme le Chêne, demandent au moins trois à quatre pieds de profondeur de bonne terre, pour pouffer & étendre leurs racines; & ils périffent, quand

d'abord ils rencontrent le tuf

Quant à la quantité des terres à mettre en Bois, cela dépend du goût du Maître, de la qualité & de l'étendue de fes fonds, s'ils ne font bens qu'en Bois, & de la confommation qu'il peut en avoir; car ce font là les cas, où on multiplie fes Bois le plus qu'on peut : nous voyons des Domaines dont le principal revenu n'eft qu'en Bois.

On voit tant de terres en friche auprès de belles & grandes Forêts qu'il y a tout lieu de croire que ces terres feroient d'un bon produit, fi elles étoient bien plantées & bien cultivées. On voit auffi de tous côtez quanrité, de morceaux de terre, qui pouffent de graines, ou de racines, quantité de fauvageons; elles ne demandent qu'à rapporter du Bois, & il n'y a qu'à les aider, les clore de haies & de foffez, & les laiffer croître ; le Bois fe fortifiera petit à petit: certe voie eft longue, mais elle eft fans peine & fans NNnp

frais.

Tome 1.

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