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par-deffous les mûrs du Clapier, on obferve d'en faire les fondemens bien profonds; on y fait une maçonnerie folide & un bon pavé pofé la pointe en haut tout autour des fondemens; ils ne pourront point creufer au-delà, & demeurans enfermez dans un petit espace, ils y peupleront à foifon.

Au lieu d'y laiffer le terrain tout uni, on le met par petits monts, afin que les Lapins s'amufent à le foüiller. On leur donne de la mouffe & du petit foin pour faire leurs nids.

On les nourrit dans le Clapier, de fon, d'avoine, de toutes fortes de fruits & d'herbes ; l'Hyver de fon fec, de foin le plus menu & le meilleur, & de quantité d'autres chofes aufquelles ils s'accoûtument aisément.

Quand il y a quelque femelle pleine qui approche du terme, il faut tenir les mâles enfermez dans les Tanniéres qu'on leur a fait; car le Lapin, au contraire de tous les autres mâles, dévore fes petits pour mieux jouir des meres.

Ces animaux font extrêmement chauds, & ils multiplient fi fort, que celà a fait croire à plufieurs que le Lapin étoit hermafrodite. Les Lapines font fujettes à la fuper fetation, c'eft-à-dire à concevoir de nouveau, quoique déja pleines on dit même qu'on en a vû, qui dans le temps qu'elles allaitoient leurs petits, ne laiffoient pas que d'en mettre deux ou trois au monde, & qu'au bout de quatorze ou quinze jours elles en engendroient de nouveau un nombre égal.

Un peu avant que les Hazes lapinent, il faut les mettre feules dans des terriers particuliers, & les y tenir enfermées avec leurs petits, jufqu'à ce qu'ils puiffent fe paffer d'elles : ils en feront mieux élevez, les meres plus fécondes, & il n'y aura pas de danger que les vieux mâles ne les tuënt. On peut pourtant lâcher la Haze au Mâle dans quelque endroit écarté, peu de temps après qu'elle a mis bas fes petits, afin qu'elle en conçoive toûjours d'autres, qui avanceront d'autant, pendant qu'elle nourrira les premiers.

Si le Clapier eft affez garni, auffi-tôt que les petits feront affez grands, pour pouvoir fe paffer de la mere, il faudra les mettre dans la Garenne pour la peupler & devenir fauvages; parce que s'ils reftoient plus long-temps dans le Clapier, ils deviendroient lourds & endormis, comme les Lapins de Clapiers qui font plus gras, mais plus péfans & bien moins bons que les fauvages: c'eft auffi pourquoi on ne doit jamais mettre dans une Garenne les Lapins de Clapier quand ils font une fois grands, parce que n'étans pas affez agiles ni accoûtumez à courir comme les autres, ils font prefque toutjours la proïe du Renard.

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On met trois mâles fur cent femelles de Lapins qu'on jette à la Garenne; & on les y laisse multiplier jufqu'à la troifiéme année qu'on commence à les chaffer modérément : ou fi elle n'eft pas encore affez peuplée, on y met toû jours du peuple du Clapier à mefure qu'il y en naît.

Comme le grand nombre des Mâles eft la deftruction du Clapier & de la Garenne, parce que comme je l'ai dit, ils font mourir les Petits pour avoir toûjours les Meres; il faut toûjours détruire les mâles dans l'un & dans l'autre. Pour cela on y fait la chaffe avec des Furets, ou bien on les rabat avec des Panneaux; & de tous les Lapins qu'on prend, on ne tue ou vend que les mâles & on laiffe aller toutes les femelles ; on leur fend les oreilles, pour qu'on les reconnoiffe & qu'on ne tire pas deffus : il en renaît toûjours affez de mâles, QQ q q ij

& un feul fuffit à plus de cinquante femelles.

Elles connoiffent bien que leurs mâles détruifent leurs petits; c'eft ce qui fait que quand elles veulent mettre bas, auffi-bien en Clapier qu'en Garenne elles ont l'inftinct de fe creufer un terrier de la longueur du bras, qu'elles laiffent ouvert jufqu'à ce qu'elles y ayent lapiné; elles font leur nid tout au fond avec de la mouffe qu'elles y portent; quand elles ont mis bas, elles s'arrachent encore le poil du ventre pour tenir leurs petits chaudement, bouchent adroitement le trou de leur taniére avec du foin, de la paille & de la terre, & tout ce qu'elles peuvent ramaffer, afin qu'aucun mâle ne l'apperçoive; elles ne reftent dans leurs terriers que la nuit, pour y nourrir leurs petits; elles en fortent à la pointe du jour pour aller chercher à vivre, rebouchent proprement leur trou, & l'aplatiffent en frapant contre avec le derriere, en forte qu'il ne paroît prefque pas; & à la fin du jour elles y retournent porter les vivres à la famille.

Les Hazes fauvages font volontiers leurs nids dans les Vignes, dans les chemins & autres lieux frequentez qu'elles rencontrent, parce qu'elles y craignent moins le Renard. Ainfi quand on trouve dans fa Garenne ou ailleurs, quelques-uns de ces trous de Lapines rebouchez, il n'y faut pas toucher; finon ou quelque Lapin y entreroit & tueroit toute la nichée, ou la mere elle-même qui croiroit, à voir, en rentrant, fon trou dégarni, quelle mâle y auroit été, ne manquerois pas de fe défaire tout d'un coup de tous les petits.

Difference des Lapins de Garenne, d'avec ceux de Clapier.

Celui de Garenne a le poil plus roux & moins épais que celui de Clapier, & il n'eft pas fi gros ni fi gras; mais il a la chair bien plus délicate, plus agréable & plus faine, parce qu'il vit en pleine liberté, dans un grand mouvement, & fe nourrit fouvent de Plantes aromatiques. C'est aussi pourquoi il eft fauvage, & beaucoup plus vif & plus agile que le Clapier, qui eft lourd, mélancolique, endormi, & fe laiffe fouvent prendre par le Renard, quand on le met en liberté dans la Garenne.

En récompenfe, les Lapins de Clapier peuplent beaucoup plus que ceux de Garenne, parce que ceux-ci étant fauvages, ils fe rencontrent & s'accouplent moins fouvent, & ne portent que trois ou quatre fois l'an; au lieu que dans le Clapier, les Hazes portent tous les mois de l'année, hormis quelquefois le mois de Fevrier.

On appelle Lapins de Clapier, & communément Mangeurs de choux, tous les Lapins domeftiques, foit qu'ils viennent d'un Clapier, ou qu'ils ayent été nourris dans un grenier, une grange ou ailleurs; de même qu'on qualifie Lapins de Garenne tous les fauvages, foit Lapins de vraie Garenne, Lapins de Bois, Buiffonniers ou autres.

Au refte, il ne faut pas toûjours s'arrêter à la couleur des Lapins; car il y en a de blancs, de bruns, de noirs, de gris, de jaunes & de bigarrez. Soins neceßaires aux Lapins.

Quand ils font une fois bien emplacez comme nous l'avons dit, il n'y a point d'autres foins à avoir que de détruire le plus qu'on peut les mâles & les bêtes ennemies; pourvoir à leur nourriture, & empêcher qu'ils ne fal fent le dégât.

Les Clapiers fe nourriffent de tout ce qu'on leur prefente, foit foin, fruits, plantes potageres, herbes, &c. & les fauvages fubfiftent des fruits, du brout, des feuilles, écorces & racines des Plantes de leur habitation, principalement des Plantes aromatiques, comme thim, ferpolet, geniévre; & fi la Garenne eft trop peuplée, pour qu'ils ayent une nourriture fuffifante & falfent bon corps, il faut y femer un peu d'orge ou d'avoine, pour y refter & leur fervir de pâture. Il faut auffi leur y porter du foin pendant l'Hyver, à caufe de la fterilité de la faifon.

En leur portant à manger, on peut aisément les accoûtumer à venir au fifflet, pourvû que ce foit une perfonne qu'ils ayent coûtume de voir, par exemple un Garennier; & alors d'autres perfonnes peuvent avoir le plaifir de les voir venir par troupeaux, en fe tenant cachez fous quelque loge pour ne les point effaroucher.

On punit, comme voleurs publics, ceux qui détruisent les Halots ou Rabong liéres; c'eft ainfi qu'on appelle les trous où le Lapin fe retire.

Du dégât que font les Lapins.

Le voisinage des Garennes eft très dangereux pour les Vignes & les Bleds: car les Lapins paiffent fouvent par troupes les Bleds en herbes, & ils broutent des bourgeons de la Vigne, & jufqu'aux racines des Plants quand la terre eft couverte de neige.

Le moïen le plus fûr pour prévenir ces defordres, c'eft de leur donner affez de foin à manger dans le Bois ; d'autant que le grand danger n'est que pendant quelques jours du Printemps, ne pouvant pas encore alors trouver beaucoup à vivre.

Hy a des gens qui pour écarter les Lapins de leurs Vignes pendant qu'elles font en bourgeon, & de leurs Bleds pendant qu'ils font en herbes, font fondre du fouffre, puis y trempent des bâtons de faule fort menus & fort fecs, par un bout, & les fichent en terre par l'autre bout tout le long des bords de la piece de terre que l'on veut conferver; on met ces petits bâtons enfoncez à fix pieds l'un de l'autre, puis on y met le feu, les Lapins haïffent l'odeur du fouffre & n'approcheront point de la piece enfouffrée; & comme cette odeur dure quatre ou cinq jours, il n'y aura qu'à recom mencer de quatre jours en quatre jours, jufqu'à ce que le bourgeon de vôtre Vigne & vôtre Bled foient hors de danger.

Des bêtes ennemies des Lapins.

Les Serpens leur font beaucoup de tort; & quand il s'en trouve dans une Garenne, c'en eft affez pour la faire deferter. C'eft pourquoi en la dressant on y plante quantité de Fresnes : le Serpent haït fi fort cet Arbre, qu'il n'en approche jamais.

Les Renards & autres bêtes noires, même les Chiens & les Chats, tant domeftiques que fauvages, font encore tous grands deftructeurs de Lapins ; & ce n'est qu'à force de leur tendre des pieges & de les chaffer, qu'on peus en preserver la Garenne.

DES PARCS.

Pour qu'il ne manque rien au profit ou au plaifir du Maître de nôtre Maifon Ruftique, je fais ici un Article des Parcs.

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C'est un endroit clos où l'on enferme du Gibier, foit gros ou menu comme Sangliers, Chevreuils & Cerfs, Liévres & Lapins, pour le plaifir du Maître, pour la fourniture de fa table, ou pour vendre.

On dreffe le Parc auprès de fa Maison pour plus grande commodité, & on le clôt de bons murs de pierrailles ou de moellon. On fe contente quelquefois de le fermer de Palis hauts d'environ dix pieds, bien ferrez & bien arrêtez en terre; cela fuffit pour retenir les groffes bêtes dans le Parc : mais les menuës, comme Liévres & Lapins pafferoient presque toûjours à travers des Palis, c'est pourquoi il faut un mur pour les arrêter. Il y a pourtant bien des gens qui fe contentent d'une paliffade; ils mettent même les palis à fix pieds l'un de l'autre; mais ils garniffent les entre-deux d'un bon treillis de branches, ce qui demande du foin à entretenir.

On comprend dans le Parc tel nombre telle qualité de terres que l'on veut, foit de Bois taillis ou futaies, foit de terres labourables ou pâturages, & cela n'ôte rien de la bonté ou de l'ufage des terres ; la clôture ne fe fait que pour retenir & multiplier le gibier: il fe plaît même dans la diverfité. Quand le Parc eft un peu fpacieux, on y fait auffi quelques Avenues, quelques Allées & Couverts pour le plaifir du Maître.

Les Plants qui doivent dominer dans le Parc pour la retraite & la bonté du gibier, font les Chênes, Pommiers & Poiriers, Houx, Arboufiers, Geniévres & autres Arbres & Arbriffeaux fauvages portans fruits, dont le gibier fe delecte. Il y faut auffi quelque ruiffeau, ou du moins quelque marre ou endroit bas, qui puiffe recevoir l'eau des pluies & rafraîchir le gibier qui en aura befoin.

Dans la faifon fterile, il faut y jetter pour la fubfiftance des groffes bêtes, du grain, des féves, du marc de vin, du foin & de tout ce qui fera à bon marché on donne au menu gibier des chicorées, des laituës, des pois, de l'orge détrempé dans de l'eau de- pluie, car les Levreaux n'aiment guéres le grain fec. Pour que les bêtes fauvages connoiffent qu'on leur donne à manger, il faut en avoir une ou deux apprivoilées, les mettre dans le Parc, elles y coureront de tous côtez, & amèneront les autres à la pâture. Ce n'eft pas feulement en Hyver qu'il faut leur donner un peu à manger; c'eft auffi quand elles font pleines, ou qu'elles ont nouvellement mis bas.

Il est encore à propos de femer de l'orge, de l'avoine & du farrafin dans les plus mauvaises terres du Parc; ces grains y fervent de nourriture au gibier qui y peuple, & il y en attire d'autres, comme Faifands & Perdrix. On chaffe le gibier de fon Parc, fuivant l'envie ou le befoin qu'on en a, pour manger, donner our vendre, fans regarder âge ni faifon, hormis les temps de ponte, de couvée & de nourriture des petits de la bête qu'on cherche. Il n'y a que le Sanglier qu'il faut prendre en fa force & bonté, c'eft-à-dire quand il a quatre ans, parce qu'il croît jufqu'a cet âge, & dépérit enfuite. Nous parlerons de toutes fortes de Chaffes dans la quatrième partie de cet Ouvrage.

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I

LIVRE QUATRIE'ME.

Les Plants Champêtres.

L ne faut point ici confondre les Plants Champêtres, avec ceux du Jara dinage: les productions du Jardin font des Eleves domeftiques, des Plants délicats & choifis, qui doivent prefque toute leur beauté à l'Art & à l'Homme, comme nous le verrons au Traité du Jardinage; nous n'en fommes encore qu'aux Terres aux Champs; & les Plants groffiers dont il s'agit ici, qui en ornent & en enrichiffent la furface, font des productions volontaires de la Nature, que l'homme n'aide prefqu'en rien.

La culture des Terres aux Champs n'a rien de fi noble, fi varié, fi agréa ble & fi fructueux que les Plants. Il y en a quantité d'efpéces ; & rien n'eft plus aifé, plus amusant ni plus beau, que de joüir chez foi de cette admira ble diverfité. Les Arbres champêtres ne fervent pas feulement à embellic

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