Imágenes de páginas
PDF
EPUB

qui l'ont d'un rouge- tanné, ce font les Saules francs; ils font meilleurs &

moins communs.

Le Saule croît vîte & jette beaucoup de bois, qu'on coupe tous les trois ou quatre ans, pour en faire du bois à brûler, des perches, échalats, &c. C'est pourquoi on multiplie ce Plant plus que l'on peut, & on fait des Sauffaies qui font d'un bon rapport.

Quoique le Saule foit un Arbre aquatique, il ne veut pas avoir, comme l'Aune, fes racines dans l'eau ; il en aime feulement le voifinage, & fe plaît dans un lieu un peu plus élevé, fur quelque Foffé, Chauffée, Prairie ou autre terre humide, mais non baignée d'eau. On met les Aunes fur le bord de l'eau, les Saules un peu plus loin en terre, & les Ofiers au. deffus des Saules; d'autant plûtôt que les Saules & les Ofiers qui ont le feüillage fort mince & affez rare, ne font point de tort à l'herbe ni aux autres productions du Champ, quand on les y a mis au large.

Pour faire une belle Sauffaie, coupez fur un beau Saule bien placé, des Plançons droits d'une écorce unie & bien colorée, gros comme le poignet, & longs de huit à neuf pieds, pour qu'ils repouffent mieux. On doit les couper par un beau jour & en plein Soleil, parce que s'ils étoient moüillez, ils ne reprendroient pas : ne les laiffez point éventer, & auffi-tôt qu'ils feront coupez, taillez les en talus par le gros bout, & plantez les en échiquier dans des trous profonds de deux pieds, que vous ferez avec une pince de fer ou avec un pieu long de trois pieds aiguifé par le bour, que vous. enfoncerez à coups de maillet. Dans les bons fonds, on plante les Saules plus drus, on les y efpace à trois ou quatre pieds l'un de l'autre, & à fix & huit pieds dans les terres maigres : & pour qu'ils reprennent mieux & ne s'éventent point, on garnit chaque trou de bonne terre bien menuë qu'on preffe avec le pied tout-au-tour du Plantat. Si le fond où on veut planter des Saules, étoit trop pierreux ou trop rude pour y pouvoir faire des trous avec la pince ou le pieu, il n'y auroit qu'à y faire des rigoles d'un pied & demi de largeur & de deux de profondeur, mettre les Plantats au fond, à égale diftance l'un de l'autre, fans les tailler par le bout, & les bien garnir de terre; puis clêôre le Plant de bons foffez, pour qu'aucun Bétail n'aille l'ébranler ou le brouter.

Il faut émonder les. Saules, fur-tout dans les deux premieres années, parce que chaque nœud du Plançon qu'on a pris fur l'Arbre, produiroit autant de branches, qui gâteroient la tige & affameroient la tête; il faut abattre avec la main toutes ces branches naiffantes fur le tronc, jufqu'à la hauteur où on juge que la tête doit fe former; il faut auffi ne laiffer à la tête qu'un certain nombre de belles branches, pour qu'elles. fourniffent du bois qui foit propre à faire plus que du fagotage. Il faut avoir le même foin l'année. d'après la coupe des Saules, parce qu'ils jettent beaucoup : c'eft au mois de Mars qu'on ébranche le fuperflu des Saules, & il faut le faire doucement à coups de feupe, fans offenfer les branches voifines.

Quand les Saules font bien gouvernez & dans un bon fond, on les étête tous les deux ans ; mais il vaut mieux les couper moins fouvent, pour que le branchage en foit plus, gros & meilleur qu'à brûler. On étête les Saules

a

au mois de Fevrier ou de Mars; il faut les couper le plus près du tronc qu'on peut, & toûjours par un beau temps.

On donne communément pour tondre les Saules, un fol de la botte d'échalas, & dix huit à vingt fols du cent de bourrées : des plus grands brins on en fait des Plantats qu'on fiche en terre, & qui venans fans racine, augmentent & renouvellent toûjours les Sauffaies..

Le charbon de Saule eft celui dont les Peintres & les Graveurs fe fervent pour faire les efquiffes de leurs deffeins: on le fait dans un canon de piftolet qu'on met au feu, pour faire brûler le bois de Saule & le convertir en charbon qui fert pour crayonner. Les Orfévres s'en fervent auflii pour polir & travailler l'argent & l'or.

De l'Ozier

L'Ozier eft un Saule nain qui a les branches longues, menues & ployan tes; & il y en a de trois fortes: l'Ozier Franc, qui eft rond, rouge, plus. petit & plus pliable que les autres; l'Ozier Blanc, qu'on appelle Filandre en quelques endroits, eft effectivement d'un blanc jaunâtre; & le Verd', autrement dit Ozier de Riviere, eft le moindre & le plus calfant de tous. On les cultive tous trois de la même maniere; mais l'Ozier Franc eft le plus délicat, craint plus les gelées, les guilées & l'eau trop froide; & les deux autres font plus aquatiques, plus groffiers, & s'élevent davantage.

Les Oziers ont leurs ufages particuliers : les Vignerons s'en fervent pour attacher la Vigne, les Jardiniers pour paliffer les Arbres & faire des Berceaux, les Tonneliers pour lier leurs cercles à tonneaux; les Vanniers em-ployent les plus fins pour faire des paniers, des corbeilles, & c..

L'Ozier vient dans toutes fortes de terres fraîches, même dans les gross fables; mais principalement dans les terres fortes & humides. On le plante fouvent en bordure fur des Vignes ou Vergers; & pour en tirer plus de profit, on fait des Ozeraies, fur. tout dans les Païs de Vignoble & proche: des grandes Villes où il y a du débit..

Il faut mettre ces Plants, quoiqu'aquatiques, dans un endroit bien frappé du Soleil, & moins bas encore que le Saule : car s'ils étoient à l'ombre,, ou s'ils avoient le pied continuellement humide, ils ne feroient que languir.. Pour en élever, on laboure bien la terre, on en caffe avec fóin toutes les mottes, & on la met en raions fi l'on veut, pour y pouvoir tenir de l'eau tant & fi peu qu'on voudra: on choifit fur de beaux Oziers, des Boutures bien vives d'un pied & demi de long; on les aiguife par le gros bout, & après qu'elles ont: trempé pendant quatre jours dans l'eau fraîche, mais pas trop crue, on les pique, un pied en terre, entre deux raies, fi le Champ eft labouré à raies; on met chaque Plant à un pied & demi l'un de l'autre, fur. des des lignes droites éloignées entr'elles de deux à trois pieds..

Il faut garantir les Oziers plus qu'aucun autre Plant, du dégât des Beftiaux,, parce qu'ils s'élevent en menus fions fort tendres, dont le Bétail eft très. friand.

On les laboure ordinairement deux fois par an; vers la mi-May, quand les herbes commencent à y abonder; & fur la fin de Novembre, envirom quinzaine après qu'on en a fait la dépouille. Dans les bonnes terres on ne: Y Y Y Y

Tome I.

les laboure qu'au mois de May, pour détruire les mauvaifes herbes : il ya même des fonds fi heureux, qu'il ne les faut labourer que tous les trois ans, parce que les Oziers y viendroient trop forts & trop gros, ce qui n'eft pas ce qu'on cherche dans ces Plants, parce qu'alors ils ne font bons qu'à faire des Vanneries groffieres, ou du feu; ceux qui font délicats & forts, produifent davantage & fe vendent plus cher.

Les Ozeraies, comme tous les autres Plants, fe dégarnissent à la longue, & il faut les repeupler par le provignement des Oziers voifins des places dégarnies. On choifiit les fouches les plus belles, & on en prend les brins les plus gros, les plus vifs & les plus unis; on les épluche, on les ébranche; & fans les féparer de leur mere fouche, on les plie bien doucement en dos de chat, & on les couche chacun dans une foffe longue & profonde d'un pied & demi, en les tenant fous le pied pendant qu'on les comble de terre bien meuble, qu'on foule enfuite pour mieux y lier le provin, & on en coupe le bout à environ un demi pied au-deffus de

terre.

On tond les Oziers tous les ans. Plus ils font mûrs, mieux ils valent; il faut toujours attendre que la feüille en foit tombée, ce qui arrive d'ordinaire vers la Touffaint ceux qu'on coupe avant leur maturité, encore chargez de feuilles, ne font point de garde, ils noirciffent & fe rident dès avant le Printemps.

En coupant les Oziers, on en fait des bottes qu'on met fraichement à la cave ou au fellier; ou bien on les entaffe à l'air, jufqu'à les veüille d'élire.

Elire, ou comme on dit, délire les Oziers, c'eft les trier; on met à part ceux qui font gros, parce que pour l'être trop, ils ne font point propres à être fendus; on ne peut qu'en faire du Plant, ou les vendre aux Vanniers on ébranche & on épluche les autres, & on les fépare en trois rangs, fuivent leurs grandeur & groffeur : au premier rang font les fions. les plus longs & les plus gros, ils fervent entr'autres à lier des cercles; ceux de trois à quatre pieds de long, compofent le fecond rang, ils fervent à lier des gros treillages & à d'autres ouvrages, on les estime felon qu'ils font minces: on fait le troifiéme rang des petits brins qui n'ont pas plus de deux pieds & demi de long; & on met au rebut ceux qui n'ont pas un pied & demi.

Vos Oziers étant triez & épluchez, on les lie par poignées pour ne les point mêler, & on les fend à loifir. Pour cela on prend le fion d'Ozier par le petit bout; on le cafle entre les doigts, ou bien avec un coûteau. On l'ouvre en deux ou trois, jufqu'à ce que la moëlle de l'Ozier paroiffe, & que le corps du brin foit affez fort, pour qu'on puifle y introduire le Fendoir c'eft une espece de Navette de Tifferand; ou plûtôt un morceau de bois fait en forme de coin rond à trois faces creusées, qui se terminent en pointe, comme la lame d'une épée à trois quarres: on s'en fert pour fendre l'Ozier jufqu'au bout, en le conduifant de la main droite dans le brin qu'on tient de la main gauche, & qui fe plie & fe recoquille à mesure qu'on avance.

Tous ces petits ouvrages fe font l'Hyver, aux veillées, ou quand vos

n'ont rien de mieux à faire: on fend les plus gros brins en deux ou trois, & on les met en Môle.

gens

On peut laiffer les Oziers expofez à la neige & à la pluie pendant tout Hyver, jufqu'à ce que les hâles du Printemps viennent; car l'Ozier n'aime pas moins l'humidité quand il eft cueilli, que quand il eft fur pied.. Quand on en a trié & fendu les fions, on laille à la même expofition les moyens & les petits; mais on porte les gros au grenier pour les conferver..

Du Peuplier & du Tremble.

Le Peuplier vient fort haut; il a la tige droite, unie, belle & blanchâtre; le bois blanc, leger & tendre; fes feuilles (que l'on dit qui tournent à tous les folftices ) larges, gluantes, & d'un verd liffé.

Nous en comptons de deux fortes, le Peuplier Blanc qui est le Peuplier ordinaire; & le Peuplier Noir qui eft le Tremble.

Le Peuplier Blanc a le tronc gros, l'écorce liffe & blanche, les feuilles comme la Vigne, mais toutes blanches en- deffous & mouffuës; & il ne porte point de fruit, quoiqu'il jette en Mars & Avril des boutons qu'on cueille pour en faire l'onguent Populeum.

Le Tremble vient plus haut & plus droit; il a l'écorce de couleur cendrée & épaiffe, les feuilles comme le Lierre, vertes, petites & non dentelées, quoiqu'un peu pointues; elles font attachées à une longue queue mince & fort tendre, ce qui fait qu'elles tremblent toûjours, même fans vent, d'où vient à cet Arbre le nom de Tremble: fon fruit vient en grappe & par perles, qui s'évanouiffent & fe perdent dans l'air quand elles font mûres; il donne auffi de la refine, & les yeux de ce Peuplier qui paroiffent quand fes feuilles commencent à germer, font odoriferans & vifqueux,

Il y a une troifiéme efpece de Peuplier qu'on appelle Peuplier Lybique, qui a l'écorce noire, le tronc plus court que les autres, les feuilles plus. rondes & plus minces, taillées à coins, & legérement dentelées, tremblantes auffi, & du refte femblables au Peuplier Blanc : il en croît beaucoup en Bohême & en Allemagne.

Tous les Peupliers font beaux, viennent aisément, & jettent bien du bois qui eft d'affez bon débit; c'eft pourquoi on en fait des Allées, même. des Tremblayes entieres qu'on éleve à haute tige, ou qu'on tient baffes fi on veut, comme les Aunes, & qu'on renouvelle & multiplie aisément, parce que le Tremble vient de Boutures & Marcotes.

Pour avoir un Arbre qui forme en peu de temps une belle & forte tige & une groffe tête, on n'a qu'à prendre au haut de quelque Peuplier, des Boutures ou petites branches des plus unies, longues de trois à quatre pieds, les aiguifer par le bas, & les planter fur le bord d'une Riviere, d'un Etang, ou dans quelque terrain marécageux; car le Peuplier ne profiteroit guére dans une terre qui ne feroit pas bien humide, à peu près comme le Saule; y croîtra bien vîte, pour peu qu'il y ait de bonne terre, pouryû qu'on ne lui coupe pas la tige.

& il

On ne doit planter qu'avec prudence, des Peupliers dans les Prairies, parce que les racines ou le grand branchage de ces Arbres, font languir T'herbe elle ne fera point étouffée par l'ombrage des Peupliers, fi on les

Y Yyy ij

[ocr errors]

plante au Couchant du Pré; & leurs racines n'en tireront point la fubftance, fi on les en fépare en les plantant au-delà d'un Ruiffeau, ou en faifant un Follé profond entre le Plant & la Prairie.

Arbres Amphibies.

J'appelle ainfi certains Arbres, qui quoiqu'ils aiment mieux la terre on l'eau, viennent cependant bien dans l'une & dans l'autre. Tels font le Plâne, le Bouleau, le Frêne, l'Orme, l'Erable & le Tilleul, qui quoique Plants terreftres, réüffiffent pourtant dans les terres humides, pourvû qu'ils ne le foient pas trop: de même que parmi les aquatiques, le Peuplier, fur-tout le Tremble, viennent bien en pleine terre quand elle n'eft pas tout-à-fait fans fraicheur. Ainfi il n'y a guére de Maifon de Campagne, où l'on ne puiffe avoir de toutes fortes de Plants; c'eft un plaifir & un profit de le faire d'autant plûtôt qu'on effaye par-là de tout ce qui peut être propre à fes fonds. Les Marfaux, la Viorne & l'Agnus-Caftus, Arbriffeaux dont nous parlerons au Chapitre fuivant, font auffi des Plants amphibies.

CHAPITRE IV.

Des Arbriffeaux Champêtres, Hayes, Foffez, Chemins & Bornes.

C'ES

'EST ici un détail de points champêtres plus importans à nôtre Econome Rustique, qu'ils ne femblent l'être ; & ils n'ont pas pû être mieux placez dans cet Ouvrage.

1. Arbriffeaux Champètres. ·

J'ai parlé des Noifettiers, Pruneliers, Merifiers, Oziers & Charmille: je renvoye au Jardinage les Grofeliers, Rofiers, Framboifiers, Lilacs & autres qu'on a coûtume d'y voir: refte donc ceux qui font vraiement ruftiques.

Du Baguenaudier.

Le Baguenaudier (Colutea) eft un petit Arbre qui a la feuille du Sennegré, & qui, les trois premieres années, n'a qu'une tige; mais la quatrième, il produit des branches & devient Arbre : fa fleur eft jaune, & fa graine eft auffi jaune, ronde & liffe enfermée dans une gouffe, comme la lentille ; il fleurit en May, & les Baguenaudes font mûres en Août.

Le Baguenaudier eft joli quand il eft bien fleuri: fon fruit fert beaucoup pour engraiffer les Brebis & leur faire avoir bien du lait; il eft bon auffi pour les Volailles, Chévres & Vaches; les Mouches à miel en aiment la fleur: on donne des Baguenaudes en gouffe aux enfans, pour qu'ils s'amufent à Baguenauder, c'eft à dire à faire claquer les Baguenaudes, en les faifant crever entre leurs mains.

Ce petit Arbre demande un terrain gras & un Païs un peu chaud: on n'es 1

« AnteriorContinuar »