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fede: c'est pourquoi cette poffeffion lui eft précieufe, & il n'en fçauroit être trop jaloux, fur-tout quand il n'a point de Titres, ou qu'il poffede plus qu'ils ne marquent. Ainfi s'il eft troublé dans fa poffeffion, qu'il agiffe aufsitôt, pour fe la conferver. Il eft auffi de fa prudence de prévenir le trouble & de rendre fa poffeffion ftable, en obligeant fon voifin à mettre des bornes entre ce que chacun poffède.

Les Bornes fe mettent donc en conformité ou des Titres, ou de la fimple poffeffion qui eft l'effet du Titre ; & les bornes deviennent elles mêmes des Titres non écrits, qui fuppléent aux Titres écrits & à la poffeffion : les Bornes font même plus facrées, en ce qu'elles font communes, & confiées à la foi pubique, pour être les indices éternels & les témoins toûjours prefens du Droit de chaque Propietaire. Auffi traite-t-on comme voleurs, ceux qui touchent furtivement aux Bornes.

Tout voisin peut contraindre l'autre à s'entreborner à frais communs.

On met les bornes, ou par autorité de Juftice, & alors elles s'appellent bornes de Loi; ou par fimple accord entre Voifins, qui doivent rediger l'Acte de bornage par écrit fous feings privez, ou pardevant Notaires.

11 eft affez d'ufage de mettre en terre aux côtez de la borne, quatre ou cinq pieces de pierre platte ou de tuile caffée, qu'on appelle Garands ou Témoins, pour certifier que c'eft une veritable borne; c'eft pourquoi quand on doute de la verité ou de l'ancienneté d'une borne, on la découvre jufqu'au pied pour voir s'il y a de ces témoins muets qui garantiffent la borne: autrefois on y employoit du charbon de terre.

V. De la nature des Effets de Campagne.

Tout ce que nous pouvons avoir eft Meuble, ou Immeuble, du moins il eft reputé être l'un ou l'autre.

On appelle Meuble, tout ce qui peut être changé de place, n'étant point attaché ni présumé attaché à aucun fond: tels font les meubles meublans, les hardes; l'or & l'argent monnoyé & non monnoyé, les livres, les tableaux, les outils, les beftiaux, les obligations qui tendent à nous faire avoir quelque chofe de pareille nature de Meuble.

L'Immeuble au contraire est tout ce qui eft immuable, qui eft fond of nature de fond, comme Pré, Maifon, Cenfive, Champart.

Il est très important de connoître de quelle qualité eft un effet, meuble ou immeuble; car les meubles fe reglent par la Coûtume du domicile de la perfonne à qui ils appartiennent, en quelqu'endroit qu'ils foient fituez ; & les immeubles ne fe reglent que par la Coûtume du lieu où ils font fituez: les Coûtumes reglent les difpofitions & les fucceffions de meubles bien differemment de celles des immeubles ; & la fuite par hypotheque, la Complainte, le Retrait lignager, le Decret, la Refcifion pour lézion d'outremoitié de jufte prix, & l'Infinuation de Donations, font toutes chofes qui n'ont lieu qu'en immeubles.

Tout Meuble attaché ou incorporé à l'Immeuble par le Proprietaire pour perpetuelle demeure, eft reputé immeuble, & fait partie du fond; mais s'il n'y a pas lieu de préfumer qu'il y ait été mis pour toûjours, comme s'il

n'y a été mis que par un Fermier ou un ufufruitier, en ce cas, il n'eft cons. fideré que comme meuble, & il en peut être ôté en remettant l'heritage en.

bon état.

Tous Moulins font immeubles, à l'exception des petits Moulins à bras que l'on tient dans les maifons, & des Moulins affis fur bateaux qui ne font point Banaux ; car s'ils font Banaux, ils font auffi immeubles, de même que le Bac d'un Seigneur de Fief.

Les Preffoirs font auffi immeubles & font partie de la maison, de même que les armes qui y font pour fa fortification, & encore les ornemens & livres de la Chapelle.

Des matereaux deftinez pour un nouveau Bâtiment, font meubles jusqu'à ce qu'ils foient mis en œuvre; mais quand ils procedent de la démolition d'un édifice & qu'ils font destinez pour le réédifier au même lieu, ils font reputez immeubles.

Les Bateaux, Barques, Chaloupes & Navires, de quelque grandeur qu'ils foient, font meubles.

Les Bois, le Foin, le Bled, les Pommes & autres Grains & Fruits, quoique mûrs, font reputez immeubles à l'égard des Proprietaires, & font partie du fond tant qu'ils font fur pied; mais fi tôt qu'ils font coupez ou abbattus, quoiqu'ils foient encore fur le Champ, ils font meubles; cela eft de droit general, à moins que la Coûtume du lieu n'ait à ce fujet quelque difpofition patticuliere.

De même, le Poiffon qui eft dans l'Etang ou dans le Foffé, eft reputé immeuble & fait partie du fond; mais il eft meuble, quand il eft en bouti que ou refervoir, ou quand la pompe de l'Etang eft ouverte : il eft même toûjours meuble à l'égard du Marchand qui l'a acheté.

De même encore les Pigeons qui font en Colombier font immeubles; mais en Voliere, ils font meubles.

De même que les Lapins font immeubles dans les Garennes, & meubles dans les Clapiers.

Les Ruches de Mouches à Miel font reputées immeubles.

Les Feurres Pailles & Fumiers font reputez faire partie de la Terre, comme deftinez pour fa culture. C'eft pourquoi ils appartiennent à l'Heritier qui fuccede à la Terre ; c'eft auffi pourquoi un Fermier ne peut pas en emporter quand il fort de la Ferme, il doit les confommer ou les y laiffer comme neceffaires pour l'entretien du fond qui les a produit.

Les Echalats portez dans une Vigne font auffi cenfez en faire partie, que la Vigne y foit attachée ou non.

foit:

Il y a pourtant des cas où les Fruits, quoique pendans par les racines, ne fuivent pas le fond; ainfi entre le nouveau Titulaire d'un Benefice & les heritiers du precedent, les Fruits de l'année fe partagent à proportion du temps que chaque Titulaire a joüi avant la récolte; la même chofe a lieu à l'égard de : tout ufufruitier à Titre onereux.

LA

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LIVRE CINQUIEM E.

Consommation des Productions des Terres aux Champs.

CHAPITRE PREMIER.

Commerce des Grains, Foins, Fourages, Lin, Chanvre, Fruits,
Poiffon & Lapins.

E

N parlant de toutes ces Productions des Terres aux Champs, j'ai maiqué en détail le temps de leur maturité, les ufages aufquels on les employe, & les manieres de les conferver. Ainfi il me refte ici peu de chofe à dire à ce sujet.

Tome 1.

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Il y a plufieurs chofes neceffaires pour se bien défaire de fes Marchandiles champêtres. 1. L'Economie neceffaire pour les ménager & les conferver précieufement pour les occafions de bon débit. 2°. La prudence pour prévoir les occafions, comme le peuvent être des années ftériles qui viendront après plufieurs qui auront été toutes abondantes; des guerres, des grêles, des inondations, des amas que feront des Commerçans fur Mer : connoître les endroits où les Marchandifes font rares, ceux où il s'en fait une gran de confommation; fe procurer des connoiffances & des débouchemens pour confommer fes danrées, foit en gros ou en détail, près ou loin, fur terre ou fur Mer; & fi l'on va loin porter fes Marchandifes, prendre fur le lieu chofes qui peuvent être d'un bon retour, afin de profiter deffus, & que la voiture n'aille ou ne vienne point à vuide; fçavoir le courant des faifons & des Marchez particuliers; être actif & vigilant pour profiter de tout, &c. fur-tout connoître la difference des mefures & des poids de chaque Province & de chaque lieu, afin que l'on ne foit point trompé ou par ceux à qui on vend ou de qui on achéte, ou par fes propres domestiques.

Grains & Graines.

Les Grains font le principal objet de l'Economie champêtre, parce qu'il en vient tous les ans, & il s'en confomme tous les jours, d'autant que la France en fournit à beaucoup d'autres Païs.

Après qu'on en a refervé fa provifion, on les vend fuivant que les bonnes occafions fe prefentent, aux Marchands en gros, aux Pourvoyeurs, aux Blâtiers, aux Grainetiers & aux Marchez.

Le Bled a cela de bon, qu'il fe conferve cinq ou fix ans fans fe gâter, pourvû qu'on ait foin de le bien remuer & cribler. 11 eft affez cher au mois d'Octobre & de Novembre, parce que c'est le temps d'en femer. Ceux qui ne font pas à plus de quinze lieues de Paris, y portent leur Bled dans les Marchez où il eft le plus cher, & fur le champ ils en vont chercher d'au tres dans les Provinces plus éloignées, dont ils font à portée; & par l'entrepôt de leurs maisons, ils le rapportent à Paris tant que la cherté y dure: c'eft ainfi qu'ils l'entretiennent, & par-là non feulement ils tirent tout le profit qu'y feroient les Provinces, mais même ils y portent fouvent la cherté, en emportant les provifions ou en annonçant la difette de Paris, qui de cette maniere reflue fouvent jufqu'aux extremitez du Royaume. Mais enfin le profit confifte à bien garder fon Bled & à avoir de bons grains & de la diligence, fur-tout quand on a des Rivieres de tranfport pour les groffes Villes.

L'Avoine & l'Orge fe vendent auffi pour l'ordinaire en Carême : les groffes Maisons font alors leurs provifions d'Avoine; les Braffeurs font la leur d'Orge un peu plûtôt, pour façonner les Bierres de Mars.

Le Millet, la graine de Chanvre, celle de Lin & la Navette, fe gardent bien plus que les autres graines; & quand on ne trouve plus à s'en défaire en graine, il est toûjours temps d'en faire de l'huile.

La Vefce & les Pois fe débitent en verd & en fec: en verd, tout le long de l'Eté; & en fec au Carême : il y a des Blatiers qui les vont chercher dans les Campagnes, pour les revendre dans les Villes, comme le Bled.

Foins & Fourrages.

1. Les Foins font de très bonne défaite pour les Païs de Montagnes & de Plaines, pour les endroits où il y a Guerre, & pour toutes les groffes Villes, principalement pour Paris, où on ne donne aux Chevaux que le Foin avec l'Avoine. On l'y amene de fort loin par batteaux; il en vient auffi par charois des lieux voifins: on vend le Foin tout bottelé, ou bien en meule; quelquefois même on vend la dépouille d'un Pré à fort- fait. La botte de Foin doit pefer quinze livres quand il eft verd, & au moins onze livres quand il eft fec.

On ne vend pas tant de Sainfoin, de Luzerne, Dragée & autres Foins qui viennent de culture, qu'on vend de Foin; on a coûtume de les confommer à la maison pour ménager les Foins de Prez, qui font les feuls Foins que l'on confomme à Paris.

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II. Quant aux Fourrages ou Pailles, celles de Froment, fi l'on ne peutconfommer tout en Litière & Fumier, fe vendent aux Grenetiers qui les vont chercher au loin, pour les débiter en Litiére, Paillaffes, &c. On en vend auffi aux Maraichers & autres Jardiniers qui ne font leurs Couches à Champignons que de Pailles de Froment.

On vend celle de Seigle, qui eft la grande Paille ou Gluy, pour faire: des Couvertures de maifons, des Liens de Gerbes & d'Echalas, des Paillaf fons & autres Ouvrages d'Agriculture.

La Paille d'Avoine eft douce & délicate : les Verriers, Vitriers & Miroi tiers s'en fervent pour le transport de leurs Verres & Glaces.

Celle d'Orge fe donne auffi en fourage aux Beftiaux ; mais il eft bon d'en. êter la bâle avant que de la donner aux Chevaux & aux Vaches, de que les Barbeaux de cette bâle n'entrent dans leurs dents.

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On vend auffi la Paille à nombre d'Ouvriers, comme Tourneurs, Nattiers & autres, qui en font plufieurs Ouvrages de débit, comme Natres, Cordons, Chaises, Paniers, Chapeaux & Capelines; on la teint en diverfes couleurs celle de Seigle y eft meilleure que celle de Froment, parce qu'elle eft plus longue & moins épaiffe; & celle d'Orge vaut encore mieux, parce qu'elle a les canons plus longs & moins larges. La Paille eft plus belle,. moins tachée, & fe vend mieux quand elle n'a point été à la pluye. Au furplus, voyez ce qui a été dit ci-deffus de la Bâle & des Pailles Page 552...

Lin,

Chanvre & Corderies

I. Le Lin fe vend tout roüi & façonné, à la Botte ou au cent de Botres, qu'on appelle Pierres de Lin en quelques endroits; on en fait de belle toile de fin lin & autres chofes, dont les Tifferands, les Lingeres les Merciers font très avides. Il ne faut qu'une bonne année de Lin pour payer le fond de la terre.

II. Le Chanvre fe vend de même,à la botte ou poignée, qui eft plus groffe: que celle du Lin.

Le Commerce des Toiles eft très lucratif, comme on le voit à Alençon, à Saint-Quentin, en Flandre & en Hollande; & outre le profit qu'on y AAAaa i

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