trouve à vendre à propos fon Lin & fon Chanvre aux Tifferands, Lingers, Merciers, Manufacturiers, & generalement à tous ceux qui en font quelque ufage, une bonne ménagere fçait gagner elle-même ce qu'ils gagneroient, en donnant ce qu'elle peut amaffer de Lin & de Chanvre, à filer à nombre de fervantes, à des vieilles femmes, enfans & pauvres gens, qui pour peu de chofe lui rendent en fil de quoi faire des pieces de Toiles groffes & fines, fur lesquelles on prend tout le linge neceffaire à la maison, & on garde le refte pour le vendre dans les occafions favorables. C'eft ainfi que nos bonnes ménageres de Normandie, Picardie & Flandres, qui fongent plus à l'utilité qu'au fafte, ont toûjours leurs coffres & armoires pleines de bonnes & amples pieces de Toile, qu'on garde tant qu'on veut, fouvent jufqu'à la quatrième & cinquiéme generation, fi on ne juge pas on ne juge pas à propos de s'en défaire plûtôt au-dedans ou au dehors. Ce font des amas qui fe faifant tous les jours croiffent infenfiblement & prefque fans dépenfe, & cependant c'eft toûjours de l'argent prêt pour qui veut s'en défaire; il n'y a jamais rien à perdre. On en peut faire autant dans tous les Païs; car le Lin & le Chanvre font de tous Climats, pourvû qu'on les feme en terre forte & un peu humide. III. Outre l'ufage des Toiles & Fils aufquels on employe le Lin & le Chanvre, on en fait encore, fur-tout du Chanvre, quantité de chofes de confommation, comme Coutils, Ficelles, Cordes & Cordages, Cables, Voiles & autres Agrets de Vaiffeaux ; des Lignes, Rets & Filets pour l'eau douce & pour la Mer; des Cordons, des Sangles, Difciplines, des Echelles, même des Ponts, & des Souliers que les Efpagnols appellent Alpargates, dont on fait grand trafic aux Indes, jufqu'à en charger des Navires. C'eft pourquoi on fait beaucoup de Chanvres, & de ces Chanvres beaucoup de Cordages, Voiles, Filets & autres Ouvrages de Corderie fur les Côtes de Mer, comme en Normandie, Bretagne, &c. Le profit en eft d'autant plus grand, que ce font la plupart des menus Ouvrages qu'on fait faire à loifir par des enfans, ou dans les mortes faifons. Il n'y a point d'endroits où on ne puiffe profiter de ces exemples, quand ce ne feroit que pour avoir commodément & fans frais tout le détail de Corderie neceffaire à une Maifon de Campagne. Fruits. Les Plains-Champs ont auffi-bien que les Jardinages, leurs Fruits particuliers à chaque faifon de l'année. 1o. Les Fraifes & Framboifes; les Cerifes, Guignes, Bigarreaux, Griottes & Merifes, & les Groifelles tant rouges que vertes ; tous ces Fruits champêtres que l'on appelle Fruits rouges, s'y fuccedent les uns aux autres, dans la faifon hâtive du Primtemps: mais ils ne font point de garde, & il faut les manger ou en faire au plûtôt des Liqueurs ou Confitures; ou bien les vendre en détail ou en gros quand on en a affez pour cela; par exemple quand on a quelque belle Čerifaie, ou quand on eft auprès de quelque Ville. 2o. L'Eté donne en pleine Campagne quelques Prunes & Prunelles quelques Pommes & Poires, comme Rambours, Calvilles, Rousselet, que l'on peut manger au coûteau; & quelques autres plus fauvages que Pon peut cuire & confire; & enfin des Mûres, des Noix & des N ifttes. 3. L'Automne eft la vraie faifon des fruits Champêtres; la plûpar. de ceux. qu'on y a en cette faifon font de garde, plufieurs ne font même bons qu'en Hyver: on y a en plein les Noix, Noifettes, Pommes & Poires ; les Mirons & Chataignes, les Coins, les Cornoäilles, Jujubes, Azeroles, Alifes & Epinevinettes; les Olives, Pignons & Dattes ; les Arboufes, Carronges & Capres ; & enfin les Neffles & les Cormes. Tous ces fruits font de garde particulierement ceux qui chargent le plus, & qui font les plus utiles, comme les Noix, Marons, Chataignes & Olives. C'eft pourquoi dans les années abondantes, on en reserve pour les années fteriles; & on les vend à propos, foit aux Fruitiers ou dans les Marchez, ou bien on les fait porter dans les grandes Villes. Il vient à Paris des Marons, Chataignes & Olives de plus de deux cens lieuës, Du Houblon, du Saffran, du Paftel, de la Garence, &c. Le Houblon eft fort recherché à Paris, en Flandre, Hollande, Angleterre & generalement dans tous les endroits où on fait de la Bierre. On le vend au poids, par bâle ou facs. Comme c'eft un fruit faifonnier qui donne rarement plufieurs années de fuite, & qui fe garde; il n'y a qu'à avoir de grands lieux fecs pour l'y conferver jufqu'à ce qu'on trouve l'occafion favorable de s'en défaire. Le Saffran fe vend auffi à la livre, & il eft de bonne défaite pour tous ceux qui ont des Correfpondances en Flandre, Hollande, Allemagne, Angleterre & Efpagne, parce qu'on emploie beaucoup de Saffran dans ces Païs-la. Le Paftel, la Voüede, la Garence & la Gaude font de bon débit par tout où il y a des Lainiers, des Teinturiers & des Manufactures on en envoie dans des endroits fort éloignez, fur-tout en Hollande : les Chardons de Bon netier y font auffi de défaite. Du Poiffon & du Lapin. I. On vend le Poiffon de fes Etangs & Viviers, ou journellement & en détail en le péchant à la pièce, ou en gros en pêchant tout l'Etang pour en vendre & le Poiffon & l'Alvin, comme il eft dit au Chapitre des Etangs, où il eft parlé du temps & des manieres de débiter le Poiffon. II. Quant au Lapin, les Hazes en donnent dans tous les mois de l'année, hormis celui de Fevrier: ainfi une Garenne fournit toute l'année ; & c'eft pourquoi les Capitaines des Chaffes, tant des Terres du Roy que de celles des Seigneurs, font fi amateurs des Garennes, qu'ils y en établi fent affez fouvent pour leur interêt unique, parce qu'ils afferment ou dépeuplent la Garenne à leur gré, pendant qu'elles ruinent les Bois du Seigneur, & les Moiffons des Sujets & des Voifins. Au refte c'eft dans la Primeur, aux mois de Mars & d'Avril, & fur l'arriere faifon, que les Lapreaux & Lapins font de meilleur débit. La plupart des Garenniers en font tranfporter pour leur compte dans les groffes Villes, par des voitures ou chevaux de gens affidez. A A A aa iij Ce CHAPITRE II. Commerce du Bois. E Commerce eft le plus lourd, & le plus étendu de tous ceux qui peu- ARTICLE PREMIER. Connoiffance & foins necessaires avant l'achapt & la coupe du Bois. I. Perfonne ne doit fe mêler du Commerce de Bois, qu'il ne poffede tout Ainfi il faut, 1°. connoître du moins les principaux termes de l'Art; ce 20. Il faut que le Marchand de Bois connoiffe les differentes Jurifdictions, ག Pouvoir de Vendre. II. Les Particuliers font Maîtres de vendre leur Bois comme ils veulent & quand il leur plaît, foit Taillis ou Futaies, ou Forêt entiere, foit par triage & canton, par pieds d'arbres ou autrement; fi ce n'eft les Balivaux qu'il faut referver, & le reglement de la coupe des taillis qu'il ne faut faire que tous les dix ans, fuivant l'Ordonnance. Il faut même avertir le Grand Maître & le Controlleur General des Finances, avant que de couper ou vendre fes bois de haute futaie, s'ils font à dix lieues de la Mer ou à deux des Rivieres navigables; fous peine de trois mille livres d'amande & de confifcation des Bois. Mais à l'égard des Bois des Ecclefiaftiques, & des Communautez tant Laïques que Regulieres, on ne peut en acheter aucune futaie ni balivaux, fans Lettres Patentes du Roy verifiées au Parlement & en la Chambre des Comptes : & quant à leurs Bois taillis ils ne peuvent les couper à leur profit, qu'àprès que les Officiers du Roy en ont fait l'Affiette, le Martelage & le Mefurage; & ils ne peuvent les vendre qu'avec la permiffion du Grand Maître Juftice reglée le tout fous peine d'amande & de répétition du quadruple, contre les Acheteurs & les vendeurs. Et quant aux Bois qui appartiennent au Roy, tant ceux qui font actuellement en fa main, que ceux qui font donnez en appanage, en engagement, ufufruit ou autrement; même ceux qui font tenus du Roy en Grurie, Grairie, Ségrairie, Tier ou Danger, ils ne peuvent être vendus en tout ou partie, foit Futaies ou Taillis, que fur uu Reglement du Confeil ou fur Lettres Patentes verifiées, & par le Grand Maître, dans toutes les formalitez de l'Or donnance. Bois en Grurie, Grairie, Tier & Danger; Segrairie, Très-fonciers & Paragers. On appelle Segraiers ceux qui ont des Bois où le Roy a part par indivis e & ces Bois communs s'appellent Segrais ou Segrairies. Et on appelle Bois tenus en Grurie, Grairie, Tier & Danger, ceux dont le très-fond, c'est-à-dire la proprieté appartient totalement à des Particuliers ou à des Communautez, mais à la charge d'en rendre un certain droit ou part au Roy ou autre Seigneur, qui prend fa part à fon choix, en Bois, ou en argent fur le prix de la vente: & cette part ou droit eft differente fuivant la Tenûre du Bien. Le droit de Grurie eft de la moitié. Celui de Grairie eft different fuivant les lieux; à Orleans il eft de deux fols & demi d'une part & dix-huit deniers d'autre. Et le droit de Tier & Danger (qui fe perçoit principalement en Normandie) eft du tier pour droit de Tier, & du dixième pour le droit de Danger en forte que de trente arpens de Bois vendus trente mille francs, celui à qui le Tier & Danger en eft dû, aura à choifir, treize mille livres ou le Bois de treize arpens, pourvû qu'il ait en même-temps le Tier & le Danger car il y a bien des bois qui ne doivent que l'un ou l'autre, le Tier ou le Dixiéme. 734 par On appelle Très-fonciers ou Paragers, ceux qui ont des Bois fujets a ces fortes de droits; & on les paye au Roy à caufe de la Juftice qu'il y fait exercer fes Officiers pour la confervation des Bois. Cependant on fe regle fur l'ufage des lieux, pour fçavoir fi le droit eft dû & de combien il eft. Et même les Morts-bois, dont nous avons parlé ci devant page 65;, ne font fujets à aucuns de ces droits, c'eft à dire que les Très-fonciers prennent ou vendent les Morts bois, fuivant l'ufage des biens, fans en faire part, en essence ni en eftimation, au Seigneur de qui leurs Bois relevent en Grurie, Grairie, Tier ou danger. Sept fortes de ventes de Bois. III. On appelle Ventes ordinaires, celles qui fe font reglément tous les ans dans les Taillis ou Futaies qu'on a mis en coupes reglées par triages, comme on l'a expliqué ci-deffus, page 655: & on appelle Ventes extraordi naires, toutes celles qui ne fe font pas de coupes reglées; telles font les ventes des Chablis, des Balivaux, des Futaies entieres, comme il s'en fait fouvent dans les Bois des Abbayes où les Abbez Commendataires, les Marchands & fouvent les Officiers font de bons coups. Des fept fortes de Ventes qui fe font dans les Forêts, les deux premieres & les plus ordinaires font la Vente des Taillis & la Vente des Futaies : mais il eft de l'Economie de ne vendre les uns & les autres que par quartiers & en coupe reg'ée, & il faut y laiffer des balivaux, comme je l'ai expliqué ci- d.ffus page 65: on vend les Futaies par arpent ou par pieds d'arbres; mais le meilleur & le plus ordinaire et de les vendre a l'arpent ; c'est le plus court, il y a moins de fraude & de dar ger à craindre, moins d'embaras & de difpute pour l'abbatis, l'encroüage & la vuidange des Bois; on se défait du mauvais comme du bon, c'eft le feul moyen de receper ce qui doit l'être ; & chaque canton de la forêt fe trouvant exploité a fon tour, tout le bois fe renouvelle, & l'on a toûjours dans fa Forêt des bois de tous âges, qui l'entretiennent dans toute fa valeur. C'est auffi pourquoi l'Ordonnance défer d la vente des Futaies par pieds d'arbres, parce que cela dégrade & ruine les Forêts. La troifiéme forte de vente eft celle de Chablis, qui comprend les bois de délit, ainfi que ceux que le vent a abattus ou rompus. Ces tortes de Ventes font plus ordinaires dans les Forêts du Roy, parce qu'elles font ordinairement plus vaftes & plus expofées aux inconveniens on y adige les Chablis en l'état qu'ils font, au dernier Encheriffeur, après que les Officiers ont dressë Procez verbal de leur état. Les Particuliers qui ont peu de bois, trouvent mieux leur compte à employer eux mêmes leurs Chablis, ou a les façonner & vendre en détail. La quatriéme vente eft celle des Baliuaux fur Taillis, parce qu'il eft permis à chaque Particulier de difpofer de fes balivaux, quand ils ont plus de quarante ans dans les Taillis, & de cent-vingt ans dans les Futaies. La cinquiéme eft la Vente par éclaircißement, qui le fait pour éclaircir les Bois trop garnis, principalement les Taillis qui étouffent & languillent fous les grands Arbres quand ils font trop gros & trop drus La |