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que le nouveau, parce que le dernier n'eft pas déchargé des parties volatiles & de l'humidité qui nuifent au corps&qui font une espece d'excrément qu'on voit que le bled nouveau rend tous les ans en fuant quand il eft entaffé dans la Grange;& c'eft pour qu'il ne s'échauffe point qu'on arrofe les gerbes d'eau, lit par lit.

Bien des gens prétendent que le bled fe conferve mieux en paille que battu, parce que la fubftance du grain s'évapore bien moins, tant qu'il eft enfermé dans la balle; on prétend auffi que le bled nouvellement battu fait le pain plus blanc, d'un goût plus délicat & fenfiblement meilleur que quand il eft fait de grains gardez au Grenier ; c'eft pour ces deux raifons qu'ordinairement on n'en fait battre à la Campagne qu'à mesure qu'il en faut pour vivre; mais auffi la farine du bled nouvellement battu ne rend pas tant & ne fe conferve pas fi bien que celle du grain qui a repofé & meuri dans le Grenier. Le froment de Mars fait du Pain plus blanc & de plus belle pâtisserie que le froment ordi

naire.

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Le bled tel qu'il foit ne peut pas faire de bon Pain, s'il n'eft bien vanné, (le mauvais & les ordures qu'on en fépare font pour la volaille ) enfuite on le crible & on le fait bien fecher au Soleil fur dés draps blancs, & on le frotte fi on veut bien s'en donner la peine avec les mains, c'eft le moyen d'en ôter la pouffiere qui y eft attachée & qui donne un mauvais goût au pain; quand il est trop fec, on le baffine d'un peu d'eau comme on fait dans les Païs chauds c'eft affez d'une pinte d'eau pour quatre boiffeaux de froment mefure de Paris, puis on l'envoye au moulin quand il eft reffuyé. Le bled qu'on deftine pour la provifion de la maifon doit être bien conditionné; c'est-à-dire, il faut que le grain en foit bien nourri & non ridé, c'eft pour lors qu'il s'en garde mieux : mais de quelque nature que foit ce bled, la veritable maxime du ménage veut qu'on fçache à combien de mefures peut monter la provifion, & qu'on la mette en réferve avec quelque mefures de plus pour pouvoir aller jufques à l'arrierefaifon. La provifion du Maître fera féparée de celle des Domestiques, & l'une & l'autre bien confervée, foit en paille, foit battuë. Quelques gens fort entendus au ménage trient ces provifions dès les Champs, & les font entaffer féparément dans une des travées de la Grange, & quand c'eft du froment ils le font cribler après qu'il eft battu, & en mêlent les criblures parmi le bled dont on fait le Pain des Domeftiques, à l'exception de l'Yvroye, de la Vefce & de la Nielle qui ne font bons que pour la volaille.

Des differentes fortes de Moulins.

On ne fçavoit autrefois ce que c'étoit qu'un Moulin, & lors qu'on vouloit faire de la farine on broyoit le bled dans un mortier, & ce travail étoit fi pénible qu'on l'impofoit pour peine aux Esclaves qui avoient coûtume de tromper leurs Maîtres.

Les Moulins à eau (ce font ceux qu'une Riviére, ou une chûte d'eau fait tourner,) font à préférer aux autres, parce qu'ils moulent d'un mouvement égal, font la farine plus abondante & moins de fon, fur-tout quand l'eau qui les fait tourner eft rapide..

Les Moulins à vent (ce font ceux qui tournent par la force du vent qu'on recueille dans des toiles ou volants) ne moulent pas toûjours également comme les premiers, parce que le vent interromp le mouvement des meules à mesure qu'il augmente & qu'il change. Kij

On a auffi des Moulins à bras portatifs, pour l'armée; on les fait tourner à force de bras, ou par un cheval; ils ne rendent pas la farine fi belle & on ne s'en fert que dans ces grands befoins.

Il n'importe que ce foit un moulin à eau ou à vent, où l'on aille pour moûdre; mais il eft bon d'avertir de prendre celui qui moûdra le plus promptement; la raifon eft que broyant le bled, il en moud moins le fon, & en rend ainfi la farine plus rafinée, ce qui ne peut que cela ne faffe de bon Pain, fur-tout lors que cette farine a paffé par un fin bluteau.

Il y a ordinairement des bluteaux dans le moulin pour féparer le fon de la farine; chaque bluteau eft une espece de grand fas ou tamis long & Cylindrique fait de plufieurs cercles qui foutiennent une piece de toile de foye ou autre étoffe plus ou moins fine, à travers de laquelle la farine tombe dans la mai du mouÎin on prend tel bluteau qu'on veut, foit le fin, celui des Boulangers qui fait encore la farine plus fine, ou le commun qui fert ordinairement aux Bourgeois, & le gros qui fait la farine du pain des Domeftiques,

Il y a des païs où on ne blute point la farine, en forte qu'elle fort de deffous les meules pêle-mêle avec le fon; mais quand on veut mettre cette farine en œuvre, il faut toûjours la paffer au tamis: les uns la tamifent très finement, font leur pain de cette premiere farine, & ce qui en refte fe paffe dans un tamis plus gros, d'où ils tirent encore une farine commune, qu'ils mêlent parmi celle des Domestiques.

D'autres plus ménagers, paffent la farine qui vient du moulin fans être blutée, par un tamis commun, dont ils font fortir autant de farine qu'ils peuvent, & le fon qui refte eft pour la nourriture des animaux.

Les Moulins où l'on fe fert de bluteaux, font plus commodes, d'autant qu'ils épargnent la peine de paffer la farine par le tamis; il vaut mieux pour le profit, bluter la farine de méteil & de feigle, que de la paffer au tamis, parce que le mouvement du bluteau eft plus fort & détache mieux la farine & le fon.

Il faut fur tout ne point donner à moûdre dans un moulin rebatu de nouveau; car la farine fort d'entre les meules toûjours pleine de gravier, & le moulin rend plus de fon que de farine, à caufe des trop grands jours que la pointe du marteau, avec lequel on a rebatu les meules, y laiffe d'abord : c'eft pourquoi il faut attendre qu'il y ait eu auparavant deux ou trois bichets, ou mefures de bled de mouluës : & alors quand on voit le moulin en bon train, il y a de l'Economie à faire moudre du bled pour quatre mois. Car la farine vieille fait beaucoup plus de profit, que celle qui eft mouluë nouvellement,

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Des differentes Farines, de leurs ufages & de la maniere de les conferver.

La Farine de froment comme la meilleure de toutes, fait auffi le meilleur pain. La farine de feigle dont la pâte bise sert aux Pâtiffiers & aux Perruquiers, pour mettre au four les Pâtez & les Perruques, n'eft pas à beaucoup près fi eftimée; elle fait un pain gras pâteux, noirâtre & defagréable au goût, mais cependant nourriffant & rafraîchiffant; c'eft pourquoi il y a des femmes qui en mangent exprès pour fe tenir le tein frais & le ventre libre. On en fait auffi pour nourrir les chiens & engraiffer les cochons; toutes les autres bêtes, principalement les poules & les chevaux, ont de l'averfion pour le pain de feigle: il fe conferve beaucoup plus & féche moins quand on y a mêlé un peu de farine de froment.

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Celle de bled- méteil fait le pain bien meilleur & facile à digerer. La farine d'Orge mêlée avec d'autres donne du pain moins mauvais que celui de feigle, mais il faut la fçavoir bien employer; on en fait auffi de l'orge mondé en enle vant feulement l'écorce du grain, & de l'orge on en fait une farine grofkere par le moyen d'un moulin fait exprès; on s'en fert fort communément en décoction dans de l'eau ou dans du lait, il rafraîchit & humecte beaucoup. La Farine de Efcourgeon ou Orge carré, est un secours qui vient aux gens de la Campagne un peu avant que l'Août foit ouvert, & qui leur aide à attendre les autres bleds; on en mêle la farine avec d'autre meilleure, pour en rendre le pain plus mangeable, car étant employée feule le pain en eft rude, difgracieux au goût, peu fubftanciel, moins blanc & leger. La Farine de bled de Turquie ou Mays s'employe encore pour faire du pain qui eft plus blanc & plus fubftanciel que celui de froment, mais il eft très-pefant fur l'eftomach; cependant ceux qui y font accoutumez s'en accommodent très-bien : dans les païs où il eft commun on en fait une espece de bouillie appellée Gaude, qui fert de nourriture la plus grande partie du temps à bien des gens de Campagne : on fait du Gruau de la farine d'Avoine, qu'on prend en décoction comme l'orge mondé, dans de l'eau ou du lait, & elle produit le même effet.

Pour avoir de la farine de garde on choifira le bled le plus fec & le plus mår du Grenier; on mettra la farine qui en aura été moulue dans une huche, ou autres vaisleaux en lieu fec, car l'humidité fait prendre un goût de moifi à la farine; fur-tout qu'on foigne que cette huche ou ces vaiffeaux foient bien fermez, crainte que la farine ne s'évente, & qu'il n'y tombe quelque chofe de mal-propre.

En Eté on la mettra à la cave, pourvû qu'elle ne foit pas humide, ou bien dans un autre lieu qui foit frais: fi c'eft en Hiver, la Boulangerie fuffira pour la garder. Un Cellier eft encore très-propre pour cela.

Enfin, il fera bon de la remuer quelquefois, afin que l'air paffant au travers empêche qu'elle ne s'attache, & qu'elle ne prenne un mauvais goût.

La fatine bien conditionnée & de bon bled fe garde fept & huit mois.

Ce qu'on appelle Folle-farine ou farine volante, fert à faire non pas du pain, mais de la cole, les Meûniers l'amaflent & la vendent à ceux qui en ont befoin pour cet effet.

L'Amidon fe fait de fleur de froment qu'on met en farine, fouvent fans meule, & dont on fait une pâte qui eft l'Amidon.

Comment on fait l'Amidon & l'Empois.

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Cette pâte d'Amidon fe fait donc avec la farine du plus beau froment, moulu bien fin; d'autres au lieu de le moudre le mettent dans un fac & le laiffent tremper long-temps dans l'eau, même pendant plufieurs jours, afin qu'il se gonfle & s'amolliffe ; quand il eft moû & prêt à crever, on tire de l'eau le fac & le bled, & on le tord pour en faire fortir la farine au travers de la toile cette farine étant ainfi faite par la mouture ou par l'expreffion, on la moüille & remoüille avec de l'eau bien claire qu'on change cinq fois par jour & autant la nuit, pour la laiffer bien fermenter; on la braffe dans l'eau comme on fait l'orge quand on fait la Bierre; & avec un crible ou un écumoir, chaque fois qu'on change l'eau, on ôte le fon qui nage au deffus : la farine mêlée avec l'eau tombe

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au fond comme du caillé ; on verfe l'eau par inclination, & ce qui refte au fond eft l'Amidon, qu'on met fur des tables fecher au Soleil; fouvent il s'y endurcit. fi fort qu'il faut le couper par tranches. L'Empois n'eft autre chofe qu'une cole délicate faite d'amidon délayé & cuit, dont on fe fert pour affermir le linge, afin qu'il ne fe chifonne pas fi-tôt, ou pour coller, &c.

Maniere de faire le Pain, & des differens Froments,

Les Eaux les plus legeres font toûjours les meilleures ; ainfi en général celles. de puits, de fources & de fontaines font à préférer à celles de riviere qui ont toûjours quelque chofe de groffier: cependant on ne laiffe pas que de s'en fervir en bien des endroits avec fuccès.

Pour faire le Pain, il faut avoir un levain pefant deux ou trois livres, plus ou moins fuivant la quantité de pain qu'on veut faire; ce levain n'eft autre chofe qu'une pâte crue qu'on a gardé pendant fept ou huit jours & qui s'eft aigrie, il eft d'une néceffité indifpenfable d'en avoir pour faire du pain, fans quoi on ne pourroit y réuffir. Ce levain fe prend ordinairement de la pâte de la derniere fournée de pain qu'on a faite, foit de froment, de méteil ou autre nature de pain qu'on veut faire; ce levain qui n'eft qu'un morceau de pâte gros à peu près comme la tête, en s'aigriffant fermente & fait fermenter la pâre ou on le met. Les uns y mettent du fel, d'autres du vinaigre, d'autres du verjus de grain & des pommes fauvages, de la levûre ou écume de biére, qui font tous des acides qui provoquent la fermentation : de quelque maniere qu'on faffe le levain, il faut toûjours beaucoup de chaleur pour le conferver; pour cela on le couvre de farine, on le met aux pieds du lit entre la paillaffe & le lit de plume, ou autre lieu chaud. Les Flamands font leur levain en mettant bouillir du froment dans de l'eau dont ils écument la mouffe qui furnage, la laiffent épaiffir & l'employent en pâte où elle fait un pain fort leger. Nos Boulangers fe fervent plus fouvent de l'écume de bierre qu'ils détrempent avec de la farine pour en faire le pain mollet.

Les bleds de France les plus eftimez à Paris font ceux de Beauffe, de la France, de Brie, de Picardie & de Champagne. Le bleď de Beauffe eft de plus grande montre & fe pâtiffe mieux que les autres, parce qu'il vient en terre graffe & liée; celui de France eft plus court & plus petit, parce qu'il croît en terre médiocre mais en récompenfe le pain en eft meilleur & plus blanc; le bled de Brie eft plus lourd que les précedens, & cependant il rend moins, il eft plus court, plus petit & fait le pain moins blanc & moins bon que les premiers: le bled de Picardie eft inferieur aux trois autres, il eft dur, revêche, plus coéneux, plus. difficile à moudre, & il laiffe toûjours beaucoup de farine dans le fon; le bled de Champagne quoique plus abondant que celui des autres Provinces leur céde à toutes, & quoiqu'il foit de belle apparence, il rend moins que les & autres eft plus long à moudre; il eft long, menu & fendu par le milieu. Un bon feptier de farine de bled pefe avec le fon deux cens quarante livres; il fait ordinairement cent foixante-dix & cent quatre-vingt livres de pain, & l'on tient qu'un boiffeau de farine bien moulu doit faire feize livres de pain. Pour revenir à nôtre maniere de faire le pain, mettez la quantité de farine que vous voulez, dans une huche qui fert à pétrir le pain, rangez vôtre farine des deux côtez de la huche, laiffant un vuide dans le milieu où vous mettrez

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le levain: enfuite faites chauffer dans un chaudron la quantité d'eau qu'il vous faut; quand elle fera chaude à y fouffrir aifément la main, jettez-la dans le milieu de la huche pour détremper le levain, & lorfqu'il fera bien délayé vous en formerez petit à petit, avec un tiers de la farine, une pâte un peu ferme, que vous laifferez au milieu de la huche, prenant foin de la couvrir d'une ferviette; renverfez deffus, les deux côtez de farine qui reftent, puis la couvrez du couvert de la huche.

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Si c'est en Hyver, & que le froid fe falfe fentir un peu fort, il faut couvrir le levain de quelque chofe qui foit chaud, & même on met quelquefois un réchaud de feu par deffous, afin que le levain ait plus de chaleur pour fermenter: cela fe fait ordinairement le foir, & le lendemain matin on fait fa pâte de cette maniere; on fait encore chauffer de l'eau comme pour le levain, on releve fa farine comme elle étoit en premier lieu, & on ôte la ferviette qui eft dessus, on jette l'eau dans le milieu fur le levain, on le délaye encore bien, en forte qu'il n'y ait point de grumeaux; quand le tout est bien délayé, on forme la pâte du reste de la farine; mais fur-tout prenez garde de ne point mettre trop d'eau, peur que la farine ne vous manque, ce qu'on appelle noier le Meunier; il est même à propos de garder un peu de farine pour tourner le pain. Quand toute la pâte eft faite, on la laiffe dans la huche & on la couvre d'une nappe; fi c'eft en Hyver on fait chauffer la nappe & on la couvre encore d'autres chofes, & fi le froid fe faifoit trop fentir on mettroit un réchaud de feu fous la huche; on laiffe la pâte en cet état une heure ou une heure & demie, enfuite on met le feu au four, & pendant qu'il chauffe on tourne le pain de la grofleur qu'on le fouhaite, & on le met fur une table avec un drap deffous, faifant en forte que les pains ne fe touchent point l'un l'autre. Pour éviter cela on peut fe fervir de Jattes de bois & couvrir le pain d'un drap.

Comme on cuit tous les huit jours en Campagne, il faut toujours garder un peu de pâte pour faire le levain; on le couvre de farine, comme nous avons dit, & on le met toûjours dans un endroit chaud, il ne fe garde pas plus de quinze jours bon : & quand il eft trop aigri & qu'on n'en peut point avoir d'autre, il ne faut qu'y mettre pour le détremper, de l'eau plus chaude qu'à l'or dinaire, pour animer la chaleur qui le fait fermenter. Il faut bien manier la farine pour que tout le tourne en pâte fans grumeaux ; plus la pâte maniée est paîtrie vite & mollement, plus le pain eft leger & agréable au goût; c'est pourquoi on fait toûjours celle du pain Bourgeois molle, au lieu que celle du gros pain ou pain de ménage fe paîtrit moins, plus lentement & elle eft plus ferme. On paîtrit le pain differemment dans differens païs : dans la Beauffe avant de le faire on rafraîchit le levain en Eté avec de l'eau fraîche, à midi, à cinq heures & à neuf heures du foir; on y eftime plus l'eau de riviere que les autres, & en Hyver on fe fert d'eau tiede, & enfuite on paîtrit le pain. Il faut moins de levain & une eau moins chaude au bled de France qu'à celui de Beauffe, finon il s'enfleroit trop & feroit rude au manger. Le bled de Picardie eft fujet à faire du pain gras-cuit, parce qu'il s'y fait au four une croûte qui prend couleur difficilement & qui eft forte à cuire; c'eft pourquoi il faut que cette farine foit bien. maniée & remaniée & le four bien chaud. Le bled de Champagne a un goût de terre qui s'augmente dans la pâte quand le levain a trop fermenté, c'eft pourquoi il faut l'employer tout frais & faire le pain vîte. Le pain de méteil eft

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