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& comme en prenant cette voie pour sûreté de là dette, le débiteur demeuroit en poffeffion de l'héritage, on y mettoit des marques ou brandons qui fe voyoient de loin, afin que chacun pût connoître que l'héritage étoit engagé.

Les Romains dans les premiers temps avoient imaginé une efpèce de vente fimulée par le moyen de laquelle le créancier entroit en poffeffion de l'héritage de fon débiteur jufqu'à ce que la fomme prêtée fût rendue.

Mais comme fouvent les créanciers abufoient de ces ventes fimulées pour s'emparer de la propriété, cette manière d'engager les héritages fut abolie; on introduifit l'ufage d'en céder ouvertement la poffeffion.

II parut encore dur aux débiteurs d'être obligés de fe défaifir, c'est pourquoi l'on parvint comme par degrés, à fe contenter de la fimple hypothèque dont l'ufage fut emprunté des Grecs.

L'hypothèque ne fe fupléoit point, elle dépendoit de la convention; mais il n'étoit pas befoin que l'acte fût publié ni authentique.

Les biens préfens étoient feuls fujets à l'hypothèque, jufqu'à ce que Juftinien l'étendît aufli aux biens que le débiteur avoit acquis depuis fon obligation.

Il étoit parlé des gages & hypothèques dans la loi des Douze Tables; mais on a perdu la onzième Table qui concernoit cette matière, & nous n'en avons connoiffance que par le commentaire de Caius.

L'ufage de mettre ces marques aux héritages engagés ou hypothéques fe pratiquoit à Rome avant les Empereurs, comme il paroît par plufieurs lois du Digefte.

Les Empereurs défendirent à toutes perfonnes de faire de ces appofitions de marques fur les héritages, de leur autorité privée : cette défense fit perdre l'ulage d'appofer aucune marque publique ni privée pour l'hypothèque conventionnelle.

Il ne paroît pas qu'en France on ait jamais ufé de marques ou brandons pour la fimple hypothèque, mais feulement aux gages de Justice & chofes faifies.

L'hypothèque le contracte par le feul confentement des parties. Chez les Romains la preuve de l'hypothèque pouvoit être faite par témoins, & cette Jurifprudence s'obferva pendant plufieurs fiècles, jufqu'au règne de l'Empereur Léon qui monta fur le trône l'an 456 de l'ère chretienne. Ce Prince fit un changement confidérable à l'égard de cette preuve ; il donna une conftitution qui a été observée tant en orient qu'en occident, jufqu'à l'entière extinction de l'empire romain & même long-temps après.

Cette conftitution qui eft fort célébre, porte qu'une ftipulation d'hypothèque prouvée par écriture privée, fignée de trois témoins, doit faire preuve pour la date; enforte que l'hypothèque fondée fur cette preuve, eft préférée à l'hypothèque contractée par un acte poftérieur paffé par une perfonne publi

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loit une ftipulation expreffe; enfuite l'hypothèque fut fuppléée de plein droit dans toute obligation authentique.

L'hypothèque judiciaire n'avoit lieu chez les Romains, que du jour de l'exécution de la fentence, c'est àdire, du jour de la faifie des biens du débiteur; mais en France elle a lieu du jour de la prononciation de la fentence, fi elle eft contradictoire; & fi elle eft rendue par défaut ou fur procès par écrit, du jour de la fignification à Procu

reur.

Suivant la Coutume de Paris, la cédule privée qui porte promeffe de payer, emporte hypothèque du jour de la reconnoiffance qui en eft faite. en jugement ou devant Notaire, & même du jour de la dénégation, dans le cas qu'elle foit vérifiée par la fuite.

Pour mieux affurer l'hypothèque & la rendre notoire, de manière qu'un fecond créancier ne foit point trompé, plufieurs coutumes, notamment dans les provinces de Picardie & de Champagne, ont établi une espèce de tradition fictive de L'héritage hypothéqué qu'on appellenantiffement, & qui fe fait en trois manières; favoir, par faifine ou défaifine, ou par veft ou deveft, par main aflife & par mife en poffeffion : dans quelques coutumes on pratique une autre efpèce de nantiffement pour les rentes conftiruées, appelé enfaifinement en Bretagne on fait des appropriances pour purger les hypothèques : enNormandie on fait lecturer le contrat; mais cette lecture ne fert pas pour l'hypothèque.

Henri III par un édit de 1581. avoit ordonné que tous les contrats fervient contrôlés & enregistrés,

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fans quoi l'on ne pourroit acquérir aucun droit de propriété ni dypothèque; ce qui fut révoqué par dit de Chartres en 1588 & n'eut d'exécution que dans la province de Normandie. Henri IV renouvela cet édit au mois de Juin 1606, mais il ne fut enregistré qu'au Parlement de Normandie : il s'exécute dans cette province, comme il paroît par les articles CXXXIII & ĊXXXIV des Placités.

En 1673 le Roi établit un Greffe dans chaque Bailliage & Sénechauf fée où ceux qui prétendoient hypothèque pouvoient s'oppofer pour la confervation de leurs droits; les oppolans devoient être préférés fur les immeubles à ceux qui n'avoient pas formé d'oppofition.

Cet édit n'eut pas d'exécution & fut révoqué par un autre du mois. d'Avril 1674..

*༔

En 1693, le Roi établit le contrôle des actes des Notaires. L'édit porte que les actes feront contrôlés quinze jours au plus tard après. leur date; & il eft dit que les par-. ticuliers ne pourront en vertu d'actes non contrôlés, acquérir aucun privilège, hypothèque, propriété ni autre droit

Cet édit fut fupprimé par la déclaration du 27 Avril 1694, pour les actes reçus par les Notaires au Châtelet de Paris : le contrôle fut. pourtant rétabli pour Paris, par la déclaration du 29 Septembre 17223 mais par une autre déclaration du 7 Décembre 1723, il fut fupprimé pour cette ville, à commencer du 7Janvier 1724

Tous ceux qui ont la libre difpofition de leurs biens , peuvent: les hypothéquer & l'on peut hypo-théquer tout ce que l'on peur vendre & alicher.

Quant aux effets de l'hypothèque dans l'ancienne Jurifprudence des Romains, l'hypothèque ne produifoit point d'action particulière:lorique l'effet hypothéqué étoit enlevé au créancier, il falloit ufer de la vendication, encore cette voie n'étoit elie propre qu'au gage; car on ne connoifloit pas encore le droit de fuite pour l'hypothèque.

Les Prêteurs y pourvurent en accordant aux créanciers hypothécaires, une action qui fut appelée quafi ferviana on utilis ferviana, parcequ'elle fut introduite à l'initar de celle qu'établit le Préteur Servius en faveur du propriétaire, à l'effet de fuivre & revendiquer les mellbles de fes locataires qui étoient tacitement obligés aux loyers.

Cette action quafi fervienne ou hypothécaire s'intentoit foit contre l'obligé ou contre les tiers détenteurs de la chofe hypothéquée, ils avoient le choix à légard de l'obligé, d'intenter contre lui l'action perfonnelle fans l'hypothécaire ou hypothécaire fans la perfonnelle, ou de cumuler les deux actions enfemble; mais de façon ou d'autre, l'hypothèque ne produifoit qu'une fimple action, les contrats n'ayant point chez eux d'exécution parée.

L'action hypothécaire ne tendoit même pas à faifir l'héritage & à le mettre fous la main de la Juftice, mais feulement à ce que le créancier fût mis en poffetlion pour en jouir. par lui jufqu'au parfait payement de fa dette.

Suivant le droit romain, les meubles font fufceptibles d'hypo thèque aufli bien que les immeubles.

Non feulement ils fe diftribuent par ordre d'hypothèque entre les créanciers, lorfqu'ils font encore.

entre les mains du débiteur; mais ils peuvent être fuivis par l'hypothèque lorfqu'ils paffent entre celles

d'un tiers.

Il y a cependant quelques créanciers privilégiés, tels que le nanti de gages, qui paffent avant des créanciers hypothécaires.

On obfervoit la même chofe dans les pays de droit écrit du reffort du Parlement de Paris; mais préfentement on y fuit la difpofition de la coutume de Paris, qui porte que meubles n'ont point de fuite par hypothèque: quoique cette règle femble n'exclure que le droit de fuire contre un tiers, il eft néanmoins certain que dans le pays où elle eft reçue, le prix des meubles étant encore entre les mains du débiteur, ne se diftribue point par ordre d'hypothèque, mais feulement fuivant l'ordre des privilèges,

Dans les Parlemens de droitécrit, les meubles fe diftribuent par ordre d'hypothèque quand ils font encore dans la poffeffion du débiteur, mais its n'ont point de fuite par hypothèque.

Pour ce qui eft de l'hypothèque fur les immeubles, elle produit partout un droit de fuite...

Lorfque le contrat a exécution parée contre l'obligé, il n'eft pas befoin d'intenter contre lui l'action hypothécaire; après un commandement recordé on peut faifir directement l'héritage hypothéqué.

II.

y a proprement trois fortes: d'actions hypothécaires ; favoir, l'ac-tion pure hypothécaire qui a lieu contre le tiers détenteur après dif cuffion du principal obligé & de fes cautions; Paction en déclaration d'hypothèque cu interruption que peut intenter contre le détenteur avant la difcuffion; & l'action là

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perfonnelle hypothécaire qui a lieu contre l'obligé perfonnel ou contre fes héritiers, lorfqu'ils font en même temps détenteurs de quelque immeuble hypothéqué.

L'action perfonnelle & l'action hypothécaire avoient bien lieu en droit contre l'héritier & biens-tenant; mais elles ne pouvoient être exercées que féparément; l'héritier en tant que tenu perfonnellement, avoit le bénéfice de divifion; c'està-dire qu il n'étoit tenu que pour fa part perfonnelle, & en tant qu'il étoit convenu hypothécairement, il avoit le bénéfice de difcuffion.

Mais parmi nous on cumule les deux actions, de manière que chacun des coobligés ou de leurs héritiers qui font auffi biens-tenans, ne peut oppofer ni divifion ni difcuffion; il eft tenu perfonnellement pour fa part, & hypothécairement pour le tout; & lorfque l'action d'hypothèque eft ainfi jointe avec la perfonnelle, elle eft prorogée jufqu'à quarante ans, parceque la pref cription de cette action ne doit point courir tant que dure l'exercice de l'action perfonnelle.

L'action en déclaration d'hypothèque a été prudemment inventée pour prévenir l'inconvénient qui réfultoit du droit romain, en ce que d'un côté le créancier ne le pouvoit adreffer au tiers détenteur qu'après difcuffion, & que d'un autre côté le tiers détenteur prefcrivant par dix ans entre préfens, & vingt ans entre abfens, le créancier pouvoit être fruftré de fon hypothèque.

Il n'étoit pas permis chez les Romains d'hyp théquer les biens à deux créanciers à la fois; il falloit que les caufes de la première hypothèque fuffent acquittées avant d'en contracter une feconde; tellement

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que celui qui céloit une première hypothèque actuelle fubitante étoit réputé ftellonataire; le créancier n'avoit même pas befoin d'exiger de fon débiteur, la déclaration que fes biens étoient francs & quittes, le débiteur devoit la faire de lui-même. Cet ufage s'obfervoit non feulement dans l'ancienne Rome, mais aufli fous les Empereurs grecs, comine on l'apprend de l'églogue des bafiliques: celui qui y contrevenoit étoit poursuivi par la voie extraordinaire & ne pouvoit fe racheter de la peine qu'en reftituant au créancier les deniers qu'il en avoit reçus.

En France il eft permis d'hypothéquer les biens fucceffivement à plufieurs créanciers, & le débiteur n'eft réputé ftellionataire que lorfqu'il fait une faulfe déclaration fur l'état de fes dertes: fi on ne lui demande point cette déclaration il n'eft pas obligé de la faire.

Le Notaire créancier perd fon hypothèque fur un immeuble vendu > par un contrat dont il reçoit la minute, lorsqu'il fouffre que par ce même contrat, le vendeur déclare les chofes vendues franches & quittes de toutes dettes.

Il en eft de même du propriétaire ou du créancier hypothécaire, témoins dans un contrat de vente ou d'aliénation.

Les hypothèques créées par des mineurs, ont lieu lorfqu'ils les ont ratifiées en majorité, & les créanciers doivent être colloqués du jour de l'acte originaire, préférablement aux dettes hypothécaires contractées entre ce premier acte & la ratification; parceque la nullité des engagemens des mineurs n'a pas lieu de droit, mais feulement en cas de reftitution: cela a été ainsi jugé par

arrêt rendu le 30 Mai 1665, rap-
porté par Ricard, fur l'article 135
de la coutume d'Amiens.

Il est décidé par une déclaration
du 13 Juillet 1700, registrée le 4
Août fuivant, que le Roi n'a hypo-
thèque fur les biens de fes fujets,
pour le payement des amendes aux-
quelles ils font condamnés envers
lui, qu'à compter du jour du Juge-
ment de la condamnation. Cette dé-
claration déroge à cet effet, à celle
du 21 Mars 1671, & à l'édit du mois
de Février 1691.

On n'acquiert point d'hypothèque
pour raifon de lettres de change ou
billets de commerce en les faifant
reconnoître ou en Juftice ou devant
noraire avant l'échéance.

En Provence, les actes paffés de-
vant Notaires, doivent être inférés
& registrés dans un regiftre public,
finon ils font regardés comme écri-
tures privées, incapables de nuire
aux droits d'un tiers; cependant ils
produifent leur effet à l'égard de
ceux qui y font intervenus.

Les Procureurs ad lites ont une
hypothèque fur les biens de leurs
cliens, pour leurs frais, falaires &
avances relatives aux affaires dont
ils font chargés, à compter du jour
de la procuration qui leur eft don-
née; & s'il n'y a point de procura-
tion, ils n'ont hypothèque que du
jour de l'expédition de chaque af-
faire cela eft ainfi décidé par deux
arrêts qu'on trouve au journal des
audiences; le premier de l'année
1672, après que toutes les Cham-
bres eurent été confultées; le deu-
xième a été rendu en forme de ré-
glement le 19 Juin 1674.

Le Parlement de Rennes donne
aux Procureurs une hypothèque fur
les biens de leurs cliens, à compter
du jour de la présentation.

La Jurisprudence a long-temps
varié fur la queftion de favoir fi
les actes pallés devant les Notaires
de Seigneurs, par des particuliers
autres que les domiciliés dans la
Seigneurie, emportoient hypothè
que fur les biens fitués dans tout le
Royaume. Les édits de création de
Notaires royaux, & fingulièrement
l'édit du mois d'Octobre 1705,
fembloient avoir défendu aux No-
taires de Seigneurs, de recevoir
des actes entr'autres perfonnes que
les jufticiables, & pour autres biens
que ceux fitués dans la Juftice dont
ils étoient Notaires, & quelques
arrêts l'ont ainfi jugé ; il y en a
même un du premier Août 1746
contre Charles Meflin, Notaire à
Aubigné, & un autre du 7 Septem-
bre 1752 en faveur de Guyot, No-
taire aux Sables, contre Brochard
& autres Notaires fubalternes;
mais le plus grand nombre des ar-
rêts modernes ont jugé au contraire
que les actes pallés devant les No-
taires de Seigneurs, emportent hypo-
thèque fur les biens des contractans,
en quelque lieu qu'ils foient fitués
(excepté en pays de nantillement)
& lors même que les Parties ne
font pas domiciliés dans la Seigneu-
rie, pourvu que ces actes foient
paffés fur le territoire dans lequel
les Notaires de Seigneurs ont droit
d'inftrumenter.

Les contrats paffés en pays étran-
gers, même les contrats de mariage.
qui font les plus privilégiés, & les
Jugemens rendus dans les mêmes
pays, n'emportent point d'hypo-
thèque dans le Royaume, que du
jour que l'exécution en a été ordon-
née par les Juges de France.

C'eft d'après ce principe que le
Parlement , par arrêt rendu le 10
Juin 1717 en la Grand Chambre

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