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de ces expreffions: belle diftribution, belle économie, belle intelligence de lumière, beaux, grands effets de lumière. Pour réuffir à produire ces effets, il faut qu'il y ait dans le tableau une lumière principale à laquelle toutes les autres foient fubordonnées non par leur efpace, mais par leur vivacité; & que les unes & les autres foient réunies par maffes & non éparfes cà & là par petites parties, formant comme une efpèce d'échiquier irrégulier; c'eft ce qu'on appelle papillotter. Des lumières qui papillottent.

A l'égard de la couleur, on dit quelquefois, ce tableau fait un bel effet, un grand effet de couleur ; mais l'on dit plus ordinairement, il y a dans ce tableau un bel accord, une belle harmonie de couleur, la couleur en eft harmonieufe. Il eft peut-être impoffible de donner des préceptes pour réuffir en cette partie; on dit bien qu'il ne faut faire voifiner que les couleurs amies; mais les grands Peintres ne connoiffent point de couleurs qui ne le foient.

L'effet ou l'harmonie de lumière & de couleur peuvent fubfifter dans un tableau indépendamment de l'imperfection des objets qui y font repréfentés: il pourroit même n'y en point avoir, c'est-à-dire, qu'il n'y eût qu'un amas confus, un cahos de nuages, de vapeurs ; enfin une forte de jeu de lumière & de couleur.

Lorfqu'on entend par harmonie. l'effet total, le tout enfemble d'un tableau, on ne dit point de toutes les parties qui concourent à cet effet, cette partie eft harmonieuse, a une belle harmonie: on s'exprime alors plus généralement: cette figure, ce vafe font bien placés là; outre qu'ils

y

font convenablement amenés, ils interrompent ce vide, font communiquer ce grouppe avec cet autre, y forment l'harmonie: cc ciel lumineux derrière cette draperie, fait un bel effet, une belle harmonie cette branche d'arbre éclairée réuniffant ces deux lumières, elles font une belle harmonie: il résulte de cet effet une harmonie charmante: tout concourt, tout s'accorde dans la compofition de ce tableau, à caractériser le fujet & rendre l'harmonie complète. HARMONIE, fe dit en termes de littérature de l'accord parfait des mots, foit dans la profe foit dans. la poësie.

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que

l'ar.

On ne difconvenir peut rangement des mots ne contribue beaucoup à la beauté, quelquefois. même à la force du difcours. Il y a dans l'homme un goût naturel qui le rend fenfible au nombre & à la cadence; & pour introduire dans les langues certe efpèce de concert, cette harmonie, il n'a fallu que confulter la nature, qu'étudier le génie de ces langues, que fonder & interroger pour ainfi dire, les oreil les que Ciceron appelle avec raison un juge fier & dédaigneux. En effet quelque belle que foit une penfée en elle-même, fi les mots qui l'expriment font mal arrangés, la délicateffe de l'oreille en eft choquée : une compofition dure & rude la blesse, au lieu qu'elle eft agréablement flatée de celle qui eft douce & coulante. Si le nombre eft mal foutenu & que la chûte en foit tropprompte, elle fent qu'il y manque quelque chofe, & n'eft point fatiffaite. Si au contraire il y a quelque chofe de trainant & de fuperflu elle le rejette & ne peut le foutenir.. En un mot il n'y a qu'un. difcours.

plein & nombreux qui puiffe la con

tenter.

Par la différente ftructure que l'orateur donne à fes phrafes, le difcours tantôt marche avec une gravité majeftueufe, ou coule avec une prompte & légère rapidité, tantôt charme & enleve l'auditeur par une douce harmonie, ou le pénètre d'horreur & de faififfement par une cadance dure & âpre; mais comme la qualité & la mesure des mots ne dépendent point de l'orateur, & qu'il les trouve pour ainfi dire tout taillés, fon habileté confifte à les mettre dans un tel ordre que leur concours & leur union, fans laifler aucun vide ni caufer aucune rudeffe, rendent le difcours doux, coulant, agréable, & il n'eft point de mots, quelque durs qu'ils paroiffent par eux-mêmes, qui placés à propos par une main habile, ne puillent contribuer à l'harmonie du difcours, comme dans un bâtiment les pierres les plus brutes & les plus irrégulières y trouvent leur place. Ifocrate, à proprement parler, fut le premier chez les Grecs qui les rendit attentifs à cette grâce du nombre & de la cadence, & Ciceron rendit le même fervice à la langue de fon pays.

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Quoique le nombre doive être répandu dans tout le corps & le tiffu des périodes dont un difcours eft compofé, & que ce foit de cette union & de ce concert de toutes les parties que réfulte l'harmonie, cependant on convient que c'eft furtout à la fin des périodes qu'il paroit & fe fait fentir. Le commencement des périodes ne demande pas un foin moins particulier, parceque l'oreille y donnant une attention toute nouvelle en remarque aifément les défaurs

Il y a un arrangement plus marqué & plus étudié qui peut conve nir aux difcours d'appareil & de cé-· rémonie, tels que font ceux du genre démonstratif où l'auditeur loin d'être choqué des cadences méfurées & nombreuses obfervées pour ainfidire avec fcrupule, fait gré à l'orateur de lui procurer par-là un plaifir doux & innocent. Il n'en cft pas ainfi quand il s'agit de matières graves & férieufes où l'on ne cherche qu'à inftruire & qu'à toucher : la cadence pour lors doit avoir quelque chofe de grave & de férieux. Il faut que cette amorce du plaifir qu'on prépare aux auditeurs foit comme cachée & enveloppée fous la folidité des chofes & fous la beauté des expreflions dont ils foient tellement occupés qu'ils paroiffent ne pas faire d'attention à l'harmonie.

Pas

Ces principes tirés de M. Rollin qui les a lui-même puifés dans Ciceron & Quintilien, font applicables à toutes les langues. On a longtemps cru que la nôtre n'étoit fufceptible d'harmonie, ou du moins on l'avoit totalement négligée jufqu'au dernier fiècle. Balzac fut le premier qui prefcrivit des bornes à la période, & qui lui donna un tour plein & nombreux. L'harmonie de ce nouveau ftyle enchanta tout le monde; mais il n'étoit pas lui-même exempt de défauts; les bons auteurs qui font venus depuis les ont connus & évités.

L'harmonie de la profe concerne 1. les fons qui font doux ou rudes, graves ou aigus: 2°. la durée des fons brefs ou longs: 3°. les repos qui varient felon que le fens l'exige: 4o. les chûtes des phrafes qui font plus ou moins douces ou rudes, ferrées ou négligées, sèches ou arrondies. Dans la profe nombreuse

chaque phrafe fait une forte de vers qui a fa marche. L'efprit & l'oreille s'ajustent & s'alignent dès que la phrafe commence, pour faire quadrer ensemble la penfée & l'expreffion, & les mener de concert l'une avec l'autre, jufqu'à une chûte commune qui les termine d'une façon convenable, après quoi c'eft une autre phrafe: mais comme la penfée fera différente, foit pour la qualité de fon objet, foit par le plus ou le moins d'étendue, ce fera un vers d'une autre espèce & auffi d'une autre étendue, & qui fera autrement terminé; tellement que la profe nombreufe, quoique liée par une forte d'harmonie reste cependant toujours libre au milieu de fes chaînes. Il n'en eft pas de même dans les vers, tout y est prefcrit par des loix fixes & dont rien n'affranchit: la mesure eft dreffée, il faut la remplir avec précifion, ni plus ni moins; la pensée finie ou non la règle eft formelle

& de rigueur; mais parceque ce qui conftituoit l'harmonie dans la pochie grecque & latine, étoit fort différent de ce qui la produit dans les langues modernes, les unes & les autres n'ont pas à cet égard des principes communs.

Le premier fondement de l'harmonie dans les vers grecs & latins, c'eft la règle des fyllabes, foit pour la quantité qui les rend brèves ou longues, foit pour le nombre qui fait qu'il y en a plus ou moins, foit pour le nombre & la quantité en même temps: 2°. les inverfions & les tranfpofitions beaucoup plus fréquentes & plus hardies que dans les langues vivantes: 30. une cadence fimple, ordinaire qui fe foutient partout: 4°. certaines cadences particulières plus marquées ou

plus frapantes & qui fe rencontrant" de temps à autre, fauvent la monotonie des cadences uniformes.

Il n'en eft pas de même de notre langue par exemple quoique l'on convienne aujourd'hui qu'elle a des brèves & des longues, ce n'eft pas à cette diftinction que les inventeurs de notre poësie fe font attachés pour en fonder l'harmonie, mais fimplement au nombre des mefures & à l'affonnance des finales de deux en deux vers. Ils ont auffi admis quelques inverfions, mais légères & rares; en forte qu'on ne peut bien décider fi nous fommes plus ou moins riches à cet égard que les anciens , parceque l'harmonie de nos vers ne dépend pas des mêmes caufes que celle de Past leur poësie.

L'harmonie des vers répond exactement à la mélodie du chant : l'une & l'autre font une fucceffion naturelle & fenfible des fons. Or comme dans la feconde un air filé fur les mêmes tons endormiroit, & qu'un mauvais coup d'archet caufe une diffonnance phyfique qui choque la délicateffe des organes, de même dans la première, le retour trop fréquent des mêmes rimes ou des mêmes expreffions, le concours ou le choc de certaines lettres, l'union de certains mots produifent ou la monotomie ou des diffonnances. Les fentimens font partagés fur nos vers alexandrins que quelques auteurs trouvent trop uniformes dans leurs chûtes, tandis qu'ils paroiffent à d'autres très-harmonieux. Le mêlange des vers & l'entrelacement des rimes contribuent auffi beaucoup à l'harmonie, pourvu que d'efpace en efpace on change de rimes; car fouvent rien n'eft plus en

trop fouvent

nuyeux que les rimes redoublées. HARMONIE, fe dit auffi de l'entière correfpondance de plufieurs parties qui forment un tour & qui concourent à une même fin, de quelque nature qu'elles foient. C'eft ainfi qu'on dit, l'harmonie de l'univers. Troubler l'harmonie de l'État, &c.

Divers interprètes ou commentateurs ont donné le titre d harmonie évangélique, à des livres compofés pour faire connoître l'uniformité & la concordance qui règnent dans les quatre Évangéliites.

corps

po

En terines de Métaphysique, on appelle harmonie préétablie, l'hypothèse destinée à expliquer le commerce qui règne entre l'ame & le corps. Voici en quoi confifte ce fyftème adopté par plufieurs Philofophes & développé par Leibnitz. L'ame n'influe point fur le ni le corps fur l'ame: Dieu n'excite point non plus les fenfations dans l'ame ni ne produit les mouvemens dans le corps. L'ame a une force intrinsèque & effentielle de repréfenter l'Univers fuivant la fition de fon corps: c'eft en quoi confifte fon effence. Le corps eft une machine faite de telle façon que fes mouvemens fuivent toujours les repréfentations de l'ame. Chacune de ces deux fubftances a le principe & la fource de fes mutations en foimême : chacune agit pour foi & de foi; mais Dieu ayant prévu ce que l'ame penferoit dans ce monde, & ce qu'elle voudroit librement fuivant la pofition de fon corps a tellement accommodé le corps à l'ame, qu'il y a une harmonie exacte & conftante entre les fenfations de Fame & les mouvemens du corps. Ainfi l'ame de Virgile produifoit L'Énéide & fa main écrivoit l'Énéide

fans que cette main obéît en au · cune façon à l'intention de l'auteur;. mais Dieu avoit réglé de tout temps que l'ame de Virgile feroit des vers, & qu'une main attachée au corps de Virgile les mettroit par écrit. En un mor M. Leibnitz regarde l'ame & le corps comme deux automates qui font montés de façon qu'ils fe rencontrent exactement dans leurs

mouvemens.

Les difficultés fans nombre auxquelles ce fyftème eft en butte, l'ont fait attaquer avec fuccès par pluhieurs favans, & aujoud'hui il est entièrement abandonné.

HARMONIE, fe dit en termes d'Anatomie, d'une articulation par laquelle les os font liés enfemble pic des dentelures prefqu'imperceptiles. Teile eft l'articulation de l'os du palais.

HARMONIE, fe dit en termes de Mythologie, d'une fille de Mars & de Vénus, que Jupiter donna pour femme à Cadmus Roi de Thèbes. Tous les Dieux quittèrent l'Olympe pour affifter à ce mariage, & le célébrèrent par des feftins & par des épithalames que chantèrent les Mufes & les Grâces. Cadmus fit préfent à fa nouvelle époufe d'un voile de grand prix & d'un collier: qui étoit l'ouvrage de Vulcain. II! en eut quatre filles, Ino, Autonoé, Agavé & Sémélé, & un fils nommé Polydore. Toute cette famille fuc malheureufe & continuellement en butte à la haine de Junon. Ino fer précipita dans la mer avec fes en-fans: Agavé qui époufa Echion vit: déchirer par les Bacchantes fon fils: Penthé Autonoé femme d'Ariftée eut la douleur de voir Actéon fon

fils dévoré par fes propres chiens :: & Sémélé, pour avoir voulu voir

Jupiter dans toute fa gloire fut confumée par la foudre.

Les deux premières fyllabes font brèves, la troisième longue. On prononce armonie. HARMONIEUSEMENT; adverbe. d'une manière harmonieufe. Chanter harmonieufement.

Le h ne fe fait pas fentir. HARMONIEUX, ÈUSE; adjectif. Harmonicus, a, um. Qui a de l'harmonie. Une voix harmonieufe. Des vers harmonieux.

Les trois premières fyllabes font brèves, la quatrième longue, & la cinquième du féminin très-brève.

Le h ne fe fait pas fentir. HARMONIQUE; adjectif des deux genres. Qui produit de l'harmonie, qui appartient à l'harmonie.

On appelle proportion harmonique, une proportion dans laquelle le premier terme eft au troifième, comme la différence du premier au fecond eft à la différence du fecond au troisième.

le

On appelle fons harmoniques, une efpèce fingulière de fons qu'on tire de certains inftrumens, tels que le violon & le violoncelle, par un mouvement particulier de l'archet qu'on approche davantage du chevalet, & en pofant légèrement le doigt fur certaines divifions de de la corde. Ces fons font fort différens pour le timbre & pour ton de ce qu'ils feroient fi l'on appuyoit tout à fait le doigt. Quant au ton, par exemple, ils donneront quinte quand ils donneroient la tierce, la tierce quand ils donneroient la fixte, &c. Quant aux timbres, ils font beaucoup plus doux que ceux qu'on tire pleins de la même divifion, en faifant porter la corde fur le manche ; & c'eft à caufe de cette douceur qu'on les appelle fons flu

tés. Il faut pour en bien juger, avoir entendu M. Mondonville tirer fur fon violon, ou M. Bertaud fur fon violoncelle des fuites de ces beaux fons, en gluffant légèrement le doigt de l'aigu au grave depuis le milieu d'une corde qu'on touche en même temps de l'archet en la manière fufdite; on entend diftinctement une fuccellion de fons harmoniques du grave à l'aigu qui étonne fort ceux qui n'en connoillent pas la théorie.

Le principe fur lequel cette théorie eft fondée, eft qu'une corde étant divifée en deux parties commenfurables entr'elles & par conféquent avec la corde entière, fi l'obstacle qu'on met au point de divifion n'empèche qu'imparfaitement la communication des vibrations d'une partie à l'autre, toutes les fois qu'on fera fonner la corde dans cet état, elle rendra non le fon de la corde entière ni celui de fa grande partie, mais celui de la plus petite partie, fi elle mefure exactement l'autre; fi elle ne la mesure pas, le fon de la plus grande aliquote commune à ces deux parties.

ou

Qu'on divife une corde 6 en deux parties 4 & 2, le fon harmonique réfonnera par la longueur de la petite partie 2 qui eft aliquote de la grande partie 4: mais fi la corde 5 eft divifée par 2 & 3, alors comme la petite partie ne mefure pas la grande, le fon harmonique ne réfonnera que felon la moitié de cette même petite partie, laquelle moitié eft la plus grande commune mefure des deux parties 3 & 2 & de toute la corde s.

Au moyen de cette loi tirée de l'obfervation & conforme aux expériences faites par M. Sauveur de l'Académie des fciences, tout le merveilleux difparoit. Avec un cal

cul

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