Imágenes de páginas
PDF
EPUB

mais de quels malheurs êtes-vous menacés, si la passion s'en mêle? c'est alors que le vin se changera en eau, les ris en larmes, la joie en tristesse, l'amitié en haine, la passion de l'amour en passion de fureur votre maison ne sera plus que l'image de l'enfer, le feu de la discorde y sera allumé, l'ennemi sera toujours présent à vos yeux, il ne vous laissera aucun repos, par la funeste commodité qu'il aura de vous tourmenter toujours; tout un voisinage retentira de vos cris, de vos emportements, de vos grincements de dents, des' malédictions que vous porterez contre le jour infortuné qui forma les liens que vous détesterez alors; on vivra, on mourra peut-être dans ces dispositions, et on passera de l'enfer du mariage à l'enfer des démons, et de l'enfer du crime à l'enfer des châtiments éternels.

Mon Dieu, ne permettez pas qu'aucun de cet auditoire tombe dans ce malheur, arrêtez ceux qui s'approcheraient d'un sacrement si auguste avec de mauvaises dispositions, préservez-les de ces dépits, de ces repentirs, de ces divisions, de cette cruelle servitude dans laquelle ils s'engage raient, en se plaçant contre l'ordre de votre providence; répandez vos bénédictions sur ceux que vous appelez à un état, qui figure votre union sainte avec l'Église; répandezles sur ceux qui y sont engagés, répandez-les sur nous tous, afin que nous en rendions de continuelles actions de grâce dans l'éternité bienheureuse. Amen.

ÉVANGILE

Du III. Dimanche après l'Epiphanie.

En ce temps-là, Jésus étant descendu de la montagne, une grande foule de peuple le suivit ; et un lépreux venant à lui, l'adorait, en lui disant: Seigneur, si vous voulez, vous pouvez me guérir. Jésus étendant la main, le toucha, et lui dit: Je le veux, soyez guéri, et la lèpre

TOME 1.

15

!

fut guérie au même instant. Alors Jésus lui dit : Gardezvous bien de parler de ceci à personne ; mais allez vous montrer au prêtre, et offrez le don prescrit par Moïse, afin que cela leur serve de témoignage. Jésus étant entré dans Capharnaüm, un centenier vint le trouver, et lui fit cette prière: Seigneur, mon serviteur est malade de paralysie dans ma maison, et il souffre extrêmement. Jésus lui dit: J'irai et je le guérirai. Le centenier lui répondit : Seigneur , je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison; mais dites seulement une parole, et mon serviteur sera guéri. Car, quoique je ne sois qu'un homme soumis à d'autres, ayant néanmoins des soldats sous moi, je dis à l'un Allez, et il va ; et à l'autre : Venez, et il vient; et à mon serviteur : Faites cela, et il le fail. Jésus entendant ces paroles, fut dans l'admiration, et dit à ceux qui le suivaient : je vous dis en vérité, que je n'ai point trouvé une si grande foi dans Israël. Aussi je vous déclare que plusieurs viendront d'orient et d'occident, et auront place dans le royaume du ciel avec Abraham, Isaac et Jacob; mais que les enfants du royaume seront jetés dans les ténèbres extérieures. C'est là qu'il y aura des pleurs et ́des grincements de dents. Alors Jésus dit au centenier : Allez, et qu'il vous soil fait selon que vous avez cru. Et son serviteur fut guéri à la même heure.

Homélie sur la prière.

Cette montagne d'où Jésus-Christ descend, est celle-là même où il avait fait cette divine instruction qui contient l'abrégé de toute la morale évangélique. Les peuples l'avaient admirée (1); il fallait que d'une stérile admiration ils passassent à une foi vive et pratique des vérités sur lesquelles ils avaient été instruits. Pour inspirer cette foi, les miracles étaient alors nécessaires, et l'occasion d'en faire ne manqua point à celui qui pouvait la faire naître à son gré. D'abord il se présenta un lépreux, sur qui Jésus-Christ étendit la main,

(1) Matth. 5.

et qu'il guérit par le seul acte de sa volonté : ensuite, et lorsqu'il fut entré à Capharnaüm, un officier Romain vint demander au Sauveur la guérison de son serviteur paralytique, et il lui rendit l'usage de ses membres : ce sont les deux miracles dont Jésus confirma d'abord sa doctrine. Entrons icl dans un détail plus circonstancié, et tirons du fond même de ces histoires l'instruction de ce jour.

Que signifient le lépreux et le paralytique dont parle notre Évangile ? le premier était la figure du pécheur; il était banni de la société des hommes, et il devait l'être suivant la loi, dès que sa lèpre était déclarée; le pécheur est banni de la société des Anges, et il est exclu de la présence intime et consolante du Seigneur, dès le même instant que son péché est consommé : le lépreux devait être examiné par les prêtres, celui-ci doit l'être par les ministres de la pénitence; c'est à eux qu'appartient le discernement du péché, et de ce qui ne l'est pas ; c'est à eux qu'il est réservé d'approfondir l'état de sa conscience, et de sonder la profondeur de sa plaie le lépreux étant guéri, le prêtre le rétablissait dans ses droits; le pécheur, en recevant l'absolution, rentre aussi dans tous les droits de son adoption divine. Le second, c'est-à-dire, le paralytique, représentait les hommes faibles et languissants pour le bien depuis le péché de ses premiers parents.

Qu'ont fait ces hommes pour être guéris du mal qui les affligeait ? ils ont prié, et ils ont fait prier celui qui était venu porter nos infirmités. Quel fut le succès de leur démarche et de leurs prières ? Jésus-Christ leur accorda avec une noble et généreuse facilité les grâces qu'on sollicitait. Pourquoi cela encore? autant pour récompenser les dispositions avec lesquelles on le priait, que pour manifester sa gloire.

Appliquons-nous ces observations, mes frères, et concluons quelque chose qui nous concerne; par nos péchés, nos faiblesses, nous tenons, pour ainsi dire, la place de ces deux malades de l'Évangile la guérison de nos maux est infiniment plus intéressante que la leur; il s'agit, non de nos corps, mais de nos âmes; non d'un salut temporel, mais du salut éternel: la prière, une prière humble, fervente et pleine de confiance, est le moyen qu'ils ont employé pour

ètre guéris, et ce moyen leur a réussi. Le Sauveur en les guérissant, leur a accordé beaucoup plus qu'ils ne demandaient, il a opéré dans leurs âmes des guérisons plus admirables encore que celles de leurs corps. Ah! prions donc, mes frères, prions, c'est un de nos premiers devoirs envers Dieu, un devoir sur lequel l'Évangile insiste spécialement, un devoir dont l'Église veut qu'on instruise au moins trois fois l'an, en faisant lire trois Évangiles sur cette matière, tant elle lui paraît importante. Apprenons à bien vivre, en apprenant à bien prier: voyons aujourd'hui quelles sont les dispositions avec lesquelles nous devons prier, ce sera le sujet de mon premier point: considérons ensuite quels sont les fruits d'une prière faite avec les dispositions nécessaires, ce sera le sujet de mon second point. Dispositions et fruits de la prière, ce sont les deux réflexions pour lesquelles je vous demande toute votre attention. Élevez vos cœurs à Dieu, et demandez avec les Apôtres qu'il vous enseigne à prier.

PREMIER POINT.

Qu'est-ce que la prière? La prière en général, est une élévation de l'âme vers Dieu; ainsi une bonne pensée jointe à un mouvement de la volonté vers Dieu, un acte d'adoration, une action de grâce, un désir de conversion, une résolution qui concerne le salut, tout cela peut s'appeler prière : mais nous prenons ici la prière dans un autre sens. Par le mot de prière, nous entendons ici une demande que nous adressons à Dieu pour obtenir de sa miséricorde les biens du salut, ou qui ont rapport au salut. Cette demande, pour toucher le cœur de Dieu et en être exaucé, doit se faire dans des dispositions, 1. d'humilité, 2. de ferveur, 3. de foi et de confiance. Le lépreux et le centenier de l'Évangile vont nous en donner un rare exemple.

Quelle fut l'humilité du lépreux? quelle fut celle du centenier dans la prière qu'ils firent l'un et l'autre à Jésus-Christ, l'un pour être guéri de la lèpre, l'autre pour obtenir la santé à son domestique? Le premier, condamné à vivre séparé de la compagnie des hommes, n'a osé suivre Jésus-Christ sur

la montagne, il attend patiemment qu'il en descende pour s'approcher de lui, et quand il arrive près de ce grand médecin, en qui il a mis toute sa confiancé, quelle marque ne donne-t-il pas de son respect et de sa vénération profonde? il se prosterne le visage contre terre, il se jette aux pieds du Sauveur, il voit à travers sa faiblesse et sa pauvreté apparente la grandeur et la puissance de son Dieu, il l'adore dans un saint tremblement, et le reconnaît pour son souverain Seigneur; ecce leprosus veniens adorabat eum. Que dironsnous encore de l'humilité du Centenier? saint Luc (1) nous en fait faire la remarque; d'abord il craint de paraître luimême devant Jésus-Christ, sa qualité de gentil lui fait appréhender d'être mal reçu du Sauveur, parce qu'il a pris naissance parmi les Juifs; et pour cela il le fait solliciter par des personnes considérables de la synagogue, de lui accorder la guérison de son serviteur: dès qu'il apprend que Jésus-Christ a voulu venir lui-même, il court au devant de lui, son respect pour sa divine personne ne lui permet de dire que ce peu de paroles : Seigneur, mon serviteur est couché malade de paralysie dans ma maison, et il souffre extrêmement; Domine, puer meus jacet in domo paralyticus, el malè torquetur : et quand Jésus lui dit qu'il ira, et qu'il le guérira, aussitôt il proteste de son indignité, il se confond à la vue de son néant et de la majesté de celui à qui il parle Seigneur, s'écrie-t-il, je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison, Domine, non sum dignus ut intres sub tectum meum.

Telle est, mes frères, la première disposition dans laquelle nous devons prier; le lépreux adore, il se prosterne devant le Seigneur, il se tient dans une humble posture lorsqu'il lui parle; cette humilité extérieure et corporelle ne doit pas être négligée dans la prière; elle ne doit pas plus l'être dans la préparation à la prière, dont il est bon de vous dire un mot, puisque l'omission de cette pratique serait aux yeux de Dicu un péché aussi grand que si on le tentait, suivant ces paroles du Saint-Esprit (2), ante orationem præpara

(1) Luc. 7. (2) Eccl. 18.

« AnteriorContinuar »