Imágenes de páginas
PDF
EPUB

n'entre point dans la terre promise (1). Saint Pierre marchant sur les eaux entre-t-il dans un sentiment de crainte lorsqu'il entend la violence des vents? Jésus-Christ l'en reprend sévèrement après avoir permis qu'il commençât à enfoncer dans l'eau. Un démon qui possédait un enfant ne peut-il être chassé par les disciples? c'est que leur peu de foi les rendait répréhensibles aux yeux du Seigneur ; de là, mes frères, quelle conséquence tirerons-nous pour notre édification ? que sans la foi nous n'obtenons rien, qu'avec la foi nous obtenons les biens du corps et ceux de l'esprit; enfin nous obtenons ceux du cœur, ceux de la grâce sanctifiante et de la gloire éternelle, qui sont les seuls biens que le cœur puisse désirer : c'est ce que nous pouvons encore prouver par notre Evangile.

La lèpre de l'un des malades dont il est parlé fut purifiée, l'autre fut guéri de sa paralysie: or, suivant saint Chrysostôme et suivant saint Matthieu même, dans le chapitre que nous expliquons, les guérisons corporelles signifient la guérison spirituelle des âmes. Ainsi nous pouvons croire que ces hommes devinrent justes, s'ils ne l'étaient déjà. Un autre avantage que leur prière leur procura, c'est la promesse de la vie éternelle. L'Evangéliste dit que Jésus entendant lå prière du centenier, déclara que plusieurs viendraient d'orient et d'occident, et auraient place dans le royaume des cieux. Qui ne voit dans ces paroles que non-seulement lá prière de çet officier, mais toutes celles qui lui ressembleront, auront pour récompense le royaume des cieux? un mot de saint Paul va achever de vous convaincre sur cette dernière réflexion. La piété, écrit-il à son cher Timothée, entendant par là (2) la vertu d'oraison, la piété est utile à tout, elle nous assure la vie présente et la vie future: la vie présente, et comment cela, mes frères ? c'est que la vie présente dé l'âme consiste dans une foi soutenue de l'espérance, et animée de la charité ; telle est la vie du juste ; justus ex fide vivit (3) : or une prière bien faite produit en nous, nourrit et perfectionne en nous ces grands sentiments de religion. Les sentiments l'une foi vive, en élevant nos pensées vers le ciel, en nous y

(1) Num. 5.

(2) S. Thom. 3 4d Habr.

montrant un Dicu rémunérateur de la vertu, un Dieu vengeur du crime, un Dieu qui protége les faibles, et qui humilie les orgueilleux les sentiments d'une douce confiance, en nous faisant aimer Dieu comme un père tendre, un père plein de miséricorde comme le meilleur de tous les pères; les sentiments d'un amour parfait, par les demandes que nous faisons, que le nom de Dieu soit sanctifié, qu'il règne dans tous les cœurs, et que sa volonté se fasse sur la terre comme dans les cieux. Voilà comme la prière nous assure la vie de la grâce; comment nous assure-t-elle encore la vie éternelle ? ce n'est pas sculement en ce sens que c'est une bonne œuvre, et que Dicu récompense dans le ciel tout le bien qui se fait en état de grâce pour l'amour de lui, mais c'est par cette grande raison que c'est à la prière que Dieu attache le don de persévérance. Il y a, dit saint Augustin, certaines grâces, que · Dicu nous a préparées avant que nous les demandassions, par exemple, la vocation à la foi ; mais il en est d'autres, comme le don de persévérance, qui ne sont accordées qu'à nos prières; c'est à elle qu'il est réservé de nous procurer la dernière de toutes les grâces, la grâce la plus grande, la plus nécessaire pour notre éternité bienheureuse, la grâce sans laquelle toutes les autres ne serviront à rien pour notre salut, et peut-être beaucoup à augmenter notre malheur éternel, parce qu'elles nous auront rendus plus coupables. Le précieux avantage de la prière !

Enfin, elle est utile à tout, pour nous et pour notre prochain, pour les justes et pour les pécheurs, pour les vivants et pour les morts, pour le corps et pour l'âme, le temporel et le spirituel, le temps et l'éternité; elle est en un sens plus puissante que Dieu même, elle fait sur son cœur une douce violence, de laquelle il ne peut se défendre. Moïse le prie de suspendre l'arrêt de mort porté contre les Hébreux dans le désert, et Dieu empêché par Moïse, prie, pour ainsi dire, son serviteur de lui permettre d'exterminer son peuple à qui il est enfin comme obligé de donner la vie (1) ; Josuć prie, et Dieu, docile à la voix d'un homme, consent que le soleil

(1) Exod. 32.

soit arrêté dans sa course (1); le prophète Élie prie, et pendant trois ans et demi il ne tombe pas une seule goutte de pluie sur la terre. Il prie de nouveau, et cet homme semblable à nous, sujet comme nous aux misères de la vie, ouvre les cataractes des cieux qui donnent ensuite à la terre une pluie abondante (2); l'impie Achab prie dans des sentiments de pénitence, et Dieu révoque les malédictions prononcées contre sa personne (3); on dirait même, par la manière dont il parle à Élie son Prophète, qu'il s'en glorifie; les trois enfants dans la fournaise prient, et le féu, oubliant son activité, leur permet de se promener et de bénir Dieu au milieu de ces flammes; saint Étienne prie, et Saul, de persécuteur, devient un Apôtre zélé: sainte Monique prie, et Augustin, auparavant ennemi de la grâce, en devient le disciple et le défenseur le plus zélé. Je vous le demande à présent, douterez-vous encore de la force et de la vertu de la prière? douterez-vous encore que par son moyen vous puissiez obtenir tout ce dont vous avez besoin? les biens du corps, les biens de l'esprit et du cœur,

Je pressens ici ce que vous pourriez me dire de l'inefficacité des prières que vous avez faites jusqu'aujourd'hui, des distractions qui vous troublent, des sécheresses que vous éprouvez, des dégoûts qui vous en éloignent; surmontez-les ces dégoûts én ne relâchant rien de vos exercices ordinaires de piété, souffrez-les avec patience ces sécheresses, et plaignez-vous tendrement à Dieu de la longueur de ses absences; rejetez-les ces distractions, et vivez dans le plus grand recueillement qu'il vous sera possible; persévérez-y dans ces prières, et emportez par votre importunité ce que vous n'obtenez pas d'abord : voilà ce qu'ii suffit de vous dire aujourd'hui, puisqu'il se présentera encore plus d'une occasion de vous parler de la prière. Ce que je dois ajouter ici à votre honte et à la mienne, c'est, mes frères, qu'il est bien surprenant que nous priions si rarement, et que nous donnions si peu de temps à la prière. Nous sommes dans un continuel besoin des secours du Seigneur pour notre corps, pour sa conser

(1) Josué 10. (2 Jacob.5..— (3) Reg. 31.

vation, sa santé, sa nourriture, son habillement; pour notre âme, pour l'usage de ses facultés, pour faire le bien et fuir le mal; en un mot point de moment dans la vie, point d'action pour laquelle nous n'ayons besoin de Dieu, et à peine lui disons-nous quelques prières à la hâte soir et matin. Ce que je dois ajouter, c'est qu'il est bien surprenant que nous soyons persuadés de la majesté suprême de celui que nous prions, et que nous ayons le cœur si peu humilié, que nous osions paraître devant Dieu comme nous n'oserions paraître devant un grand de la terre; ce que je dois ajouter, c'est qu'il est surprenant que nous demandions les gràces les plus précieuses avec une tiédeur qui tient de l'indifférence, qui va jusqu'à l'oubli de ce que nous demandons. Dieu qui réprouve le sacrifice des lèvres s'il n'est joint à celui du cœur, comment n'a-t-il pas encore puni notre témérité ? ne serait-ce pas de là que viendraient les aridités dont nous nous plaignons ? Ce que je dois ajouter, c'est qu'il est bien étonnant que Dieu n'ait rien omis pour nous exhorter à la confiance, et que nous priions sans foi et sans espérance de devenir meilleurs, souvent sans désirer aucune grâce en particulier, sans dessein de profiter; mais par coutume, par bienséance, parce qu'il en coûterait encore pour renoncer à ce reste de religion. Ne sont-ce pas là, mes frères, les dispositions dans lesquelles vous avez prié ? comparez-les avec celles de JésusChrist dans le jardin des olives, et comprenez l'extrême différence qu'il y a entre vos prières et les siennes : il pousse vers le ciel de grands cris, dit saint Paul (1), et à peine ouvrez-vous vos lèvres pour bénir le Seigneur ; il ne se présente à Dieu son père qu'avec un esprit d'adoration, et vous vous y présentez avec un orgueil pharisaïque, et comme des hommes à qui rien ne manqne, parce qu'ils sont pleins d'euxmêmes; son cœur est attendri jusqu'aux larmes, et le vôtre n'est touché, ni de la confiance, ni de la douleur, ni des autres pieux sentiments que vos lèvres expriment. Qu'ontelles donc été vos prières devant Dieu ? qu'ont-elles été pour l'ordinaire que mensonge, qu'hypocrisic, que péché ?

(1) Ad Hæbr. 7

vous

Voilà, Seigneur, ce que nous sommes obligés de reconnaître, nos prières ont besoin du même pardon qu'elles semblaient solliciter pour d'autres fautes; si vous voulez, pouvez nous purifier de toutes celles que nous avons jamais commises; nous vous le demandons par les mérites de celui que vous exaucez toujours dites-le, et d'une seule parole nos âmes seront parfaitement guéries de leurs péchés d'orgueil, de tiédeur, et de défiance dans la prière: elles le seront de leurs faiblesses et de leurs mauvaises inclinations; elles le seront de toutes leurs maladies spirituelles. Inspireznous, ô mon Dieu, ces sentiments d'humilité, de ferveur et de confiance, dont vous nous donnez aujourd'hui des exemples; accordez à ces dispositions les biens du corps, de l'esprit et du cœur, et surtout la grâce de la persévérance et la vie éternelle : c'est ce que je vous souhaite. Ainsi soit-il.

ÉVANGILE

Du II. Dimanche après l'Epiphanie.

En ce temps-là, Jésus entra dans une barque, étant accompagné de ses disciples. Et aussitôt il s'éleva une si grande tempête, que la barque était couverte de flots; et lui cependant dormait. Alors ses disciples s'approchèrent de lui, et l'éveillèrent; en lui disant, Seigneur, sauveznous, nous périssons. Jésus leur répondit : Pourquoi êtesvous ainsi timides, hommes de peu de foi? et se levant en même temps, il commanda aux vents et à la mer de s'apaiser, et il se fit un grand calme. Alors ceux qui étaient présents furent saisis d'étonnement, et ils disaient : Quel est celui à qui les vents et la mer obéissent ?

Homélie sur les tentations.

Les Pères de l'Église ont eu, mes frères, sur cette tempête mystérieuse de notre Évangile, des pensées différentes

TOM. 1.

17

« AnteriorContinuar »