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cœurs, pour manifester la force de sa parole et de sa grâce ? quelle force, quel pouvoir n'était pas nécessaire pour détruire le culte des idoles, si ancien et si ami des passions de l'homme ? nonne utitur gentibus ad materiam operationis suæ ? ne se sert-il pas des hérétiques pour faire rechercher la vérité, pour en donner l'intelligence, pour la faire prêcher avec plus d'éclat? quand est-ce que les pasteurs sont plus vigilants, que lorsqu'il est à craindre que le loup n'entre dans la bergerie ? nonne utitur hæreticis ad probationem doctrinæ suæ ? ne se sert-il pas des schismatiques pour rendre plus sensible la perpétuité de l'Eglise ? n'admire-t-on pas que la division de ses membres n'ait jamais pu l'ébranler ? nonne utitur schismaticis ad documentum stabilitatis suæ ? ne se sert-il pas des juifs pour convaincre les gentils par les prophéties qui sont entre leurs mains ? comment prouverionsnous que ces livres ont la date que nous leur assignons, si nos plus grands ennemis, si ceux qui ont le plus d'intérêt de nous contredire, ne convenaient avec nous de la divinité de ces livres ? nonne utitur judæis ad comparationem pulchritudinis sua? Disons-en autant des mauvais chrétiens; Dieu s'en sert, et pour éprouver les bons, et pour tirer sa gloire de leur patience, de leur fidélité et de leur constance à souffrir: c'est ainsi que dès aujourd'hui la sagesse de Dieu fait concourir les méchants malgré eux à la sanctification de son nom. Mais c'est surtout au jugement dernier que cette gloire éclatera aux yeux de tout l'univers; alors écoutez bien ceci, pécheurs, et tremblez, écoutez aussi, justes, et consolez-vous; alors voici ce que le fils de l'homme dira à ses anges allez, arrachez l'ivraie de mon champ; liez-la en bottes et brûlez-la. Tel est l'arrêt qui sera porté contre les pécheurs impénitents, et dans le même instant tous les impies seront arrachés avec violence à l'objet auquel ils tenaient; colligite: dans le même moment ils seront liés, serrés par des liens que le feu de l'éternité ne sera pas capable de dissoudre, alligate ea : dans le moment ils seront comme mis en bottes, entassés et pressés les uns avec les autres, chacun avec ceux de son espèce : l'ivrogne avec l'ivrogne, l'orgueilleux avec l'orgueilleux; alligate ea in fasciculos:

dans le même moment ils seront ainsi jetés, sans pouvoir se remuer, dans un feu en comparaison duquel le nôtre n'est qu'un feu en peinture, dit saint Augustin; alligate ea in fasciculos ad comburendum. Telle est la justice que Dieu exercera contre ceux de cet auditoire qui auraient le malheur de mourir impénitents; en peut-on imaginer un plus grand? les justes au contraire, figurés par le pur froment qui doit être porté dans le grenier, entreront dans le royaume des cieux, et y brilleront comme autant de soleils pendant toute l'éternité. Pourquoi ? pour s'être garantis des mauvaises compagnies, pour n'avoir pas voulu participer à leurs œu vres de ténèbres.

O! que cet homme est donc heureux qui ne s'est pas laissé aller à suivre le conseil des impies! beatus vir qui non abiit in concilio impiorum : qu'il est heureux celui qui ne s'est point arrêté dans la voie des pécheurs ! et in via peccatorum non stetit : qu'il est heureux celui qui ne s'est point assis dans la chaire contagieuse des libertins! et in cathedra pestilentiæ non sedit. Heureux donc, heureux ceux qui n'ont pas suivi les méchants dans leurs péchés, dans leurs actions et dans leur endurcissement ! Mais qu'ils sont rares ces hommes ! me tromperai-je en disant que dans cet auditoire nombreux il n'y en a peut-être pas dix qui ne soient liés d'une amitié particulière avec celui ou celle qu'ils connaissent pour l'ennemi de leur Dieu ? me tromperai-je en disant que de ceux qui ont ici la grâce de Dieu, il n'y en a peut-être pas deux qui ne l'aient perdue dans la société des méchants? Aimez-les done comme chrétiens, aidez-les par vos prières, vos exemples, vos corrections, mais fuyezles comme pécheurs, et comme une occasion certaine de péchés pour vous. Considérez ce qu'ils sont dans leur principe et dans leurs progrès, comment ils agissent par l'impression du démon, combien sensible est le progrès que fait l'impiété ; dites ensuite avec le prophète, dans la sincère résolution d'accomplir votre promesse :

Non, Seigneur, je ne m'assiérai pas davantage dans l'assemblée de la vanité et du mensonge, je n'entrerai plus dans le lieu où sont ceux qui commettent l'îniquité ;

non sedi cum concilio vanitatis, et cum iniqua agentibus non introibo : j'aurai horreur de l'assemblée des personnes remplies de malignité, et je ne m'assiérai pas avec les impies; cum impiis non sedebo : je laverai mes mains, je me sanctifierai dans la compagnie des âmes innocentes ; lavabo inter innocentes manus meas. Confirmez, Seigneur, ces résolutions, ne perdez pas mon âme avec les impies; ne perdas cum impiis, Deus, animam meam. Que je me sépare aujourd'hui des méchants, afin que votre ange m'en sépare pour une éternité bienheureuse. Ainsi soit-ii.

EVANGILE

Du VI. Dimanche après l'Epiphanie.

En ce temps-là, Jésus dit au peuple cette parabole : Le royaume du ciel est semblable à un grain de sénevé, qu'un homme prend et sème en son champ. Ce grain est la plus petite de toutes les semences: mais lorsqu'il a crú, il est plus grand que tous les autres légumes, et il devient un arbre; de sorte que les oiseaux du ciel viennent se reposer sur ses branches. Il leur dit encore une autre parabole : Le royaume du ciel est semblable au levain qu'une femme prend, et qu'elle mêle dans trois mesures de farine, jusqu'à ce que la pâte soil toute levée. Jésus dit toutes ces choses au peuple en paroboles, et il ne leur parlait point sans paraboles, afin que cette parole du Prophète fût accomplie: J'ouvrirai ma bouche pour parler en paraboles ; je publierai des choses qui ont été cachées depuis la création du monde.

Homélie sur la force de l'Évangile.

Preuve de la divinité de la religion chrétienne.

Presque tous les interprètes de l'Écriture sainte en ont fait la remarque: la force surnaturelle et toute divine de la parole de Jésus-Christ, c'est la principale vérité qu'il a voulu nous marquer dans ces deux paraboles du grain de sénevé et du levain caché dans la farine. Le moyen dont il se sert pour mettre cette vertu de l'Evangile dans toute son évidence, c'est le parallèle qu'il fait de la petitesse de cette parole avec l'étendue immense qu'elle devait avoir, et qu'elle a eue effectivement dans moins d'un demi-siècle. Qu'était dans son origine ce que Jésus-Christ appelle ici le royaume des cieux, l'Eglise, l'Evangile, la parole divine qui y est contenue ? un petit grain de sénevé, un peu de levain mêlé avec de la pâte : cette Eglise, cette divine parole, que sont-elles devenues, un arbre semblable à celui que vit autrefois Nabuchodonosor : un arbre grand et fort, dont la hauteur est allée jusqu'au ciel, et qui s'est répandue jusqu'aux extrémités de la terre ; un arbre chargé de fruits capables de servir de nourriture à tout être animé, sous lequel ont habité les bêtes privées et les sauvages, les juifs et les gentils, le grec et le barbare; un arbre sur lequel ont demeuré les oiseaux du ciel, et où tout ce qui a vie trouve de quoi se nourrir ; une grande masse de pâte toute changée par un peu de levain qui y avait été caché; c'est-à-dire, pour parler un langage moins figuré, que les Apôtres mêlés avec le monde, en sont insensiblement devenus les maîtres et la lumière, l'ont, pour ainsi dire, changé en eux-mêmes, en y faisant des imitateurs de leurs vertus, de leur patience et de leur foi. C'est cet accroissement de l'Evangile comparé avec la faiblesse de ses commencements, qui démontre la vertu divine qui y est cachée ; et cette vertu est ce que Jésus-Christ voulait faire remarquer à ses Apôtres, afin de les confirmer dans la religion qu'il leur annonçait. Ah! mes frères, qu'il est bien plus nécessaire de vous le faire remarquer ! permettez que je m'explique sur un point qui me fait

gémir, et qui fera gémir tous ceux à qui il reste quelque peu de zèle pour la gloire du Seigneur. Quelles sont la plupart des personnes qui composent cet auditoire ? les unes croient, et ne peuvent rendre raison de leur foi, ne savent pas même pourquoi elles croient; les autres n'ont qu'une foi morte, une foi que saint Jacques appelait une foi de démon, parce qu'ils l'allient avec le péché et les œuvres de ténèbres; peut-être même en est-il ici qui ne respectent ni loi, ni religion; car combien le libertinage n'a-t-il point produit d'athées de cœur ! combien de jeunes débauchés ont nié la vérité du christianisme, parce que leur cœur le souhaitait, parce qu'il serait de l'intérêt de l'impie impénitent qu'il n'y eût point d'éternité ! De quelle nécessité n'est-il donc pas de parler et de parler souvent de ce qui peut nous affermir dans la vérité de l'Evangile! de quelle importance n'est-il pas de convaincre tous les hommes de sa divinité ! les premiers, afin de rendre leur foi raisonnable, et les mettre en état d'en rendre compte ; les seconds, afin de rendre leur foi plus efficace en les animant ; les troisièmes, afin de les éclairer, s'il est possible, et de les rendre plus inexcusables s'ils continuent à étouffer les remords de leur conscience. Et vous, justes, quel intérêt n'avezvous pas aussi à ces instructions! vous y trouverez un abrégé de la morale chrétienne, et une idée de la haute perfection à laquelle vous devez tendre; vous y trouverez une preuve des plus touchantes de votre foi: on ne cesse de vouloir l'ébranler par la comparaison qu'on fait de l'étendue des religions étrangères avec celle du christianisme, et vous verrez ie défaut essentiel de la comparaison. Soyez donc tout attentifs à cette pensée: l'Evangile a une force véritablement divine et surnaturelle : c'est la principale proposition de Jésus-Christ dans ses paraboles, et ce sera la mienne. Pour la prouver, Jésus-Christ fait considérer deux choses qui seront le sujet de re discours; il fait considérer premièrement la petitesse de l'Evangile dans ses commencements; c'est ce qui fera le sujet de mon premier point. Il fait en second lieu considérer sa grandeur dans ses progrès, et c'est ce qui fera la matière de mon second point. Grand Dicu, communiquez à ce cher auditoire la sainte confiance que vous m'inspirez ; c'est votre

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