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ceux à qui vous avez pardonné davantage, comme n'ayant pas eu besoin de cette miséricorde qui remet les péchés à ceux qui se convertissent? Que celui-là donc qui aura été assez heureux pour écouter votre voix, et éviter ces désordres dont je fais une confession publique, ne se raille pas de moi en me voyant tomber dans de si extrêmes maladies, parce que le même médecin qui m'a guéri est celui qui l'a préservé d'être malade, et qu'ainsi il ne vous aime pas moins ; mais qu'il vous en aime encore davantage, parce que celui par qui il reconnaît que j'ai été purifié de mes péchés, est le même qui a rendu son áme impénétrable aux atteintes mortelles du péché ; amplius diligat, quia.... per eum se videt tantis peccatorum languoribus non implicari. Entrez dans ces pieuses dispositions, âmes justes, et dites avec ce grand Saint (1): Seigneur, que je vous aime, qué je vous rende mille actions de grâces, et que je bénisse sans cesse votre souveraine majesté.., je reconnais que c'est votre grâce qui m'a empéché de faire tout le mal que je n'ai point fait ; gratiæ tuæ deputo, et quæcumque non feci mala. J'avoue, Ô mon Dieu, que vous m'avez tout pardonné, et tous les maux que j'ai commis, et ceux que je n'ai pas commis parce que vous ne m'avez pas abandonné à moi-même ; et quæ med sponte feci, et quæ te duce non feci. Ce sont là les vifs sentiments de reconnaissance que doit produire dans les justes la vue d'une providence attentive à les garder dans toutes leurs voies.

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Et vous, pécheurs, que le Seigneur envoie encore aujourd'hui à sa vigne, quoiqu'il soit déjà peut-être la neuvième ou la onzième heure du jour, quoique vous n'ayez plus à lui offrir que les restes d'une vie mondaine : avec quelle gratitude et quelle humilité ne devez-vous point recevoir cette visite miséricordieuse! serait-il possible que vous puissiez encore prétendre à la vie éternelle figurée par le denier de l'Evangile, que vous puissiez encore occuper dans le ciel la même place que les justes ? Oui, mes frères, vous le pouvez, tout

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l'Evangile vous l'annonce. Dans un endroit Jésus-Christ assure qu'il est venu chercher les pécheurs et non les justes; dans un autre il déclare aux Scribes et aux Pharisiens que les Publicains et les femmes de mauvaise vie les devanceront dans le royaume des cieux; ici il fait entendre par sa parole que les derniers recevront autant que les premiers, et même qu'ils les précèderont; erunt novissimi primi, et primi, novissimi. Ineffable consolation pour ceux qui touchaient au moment d'un désespoir éternel! le puissant motif pour nous remplir tous de ferveur dans le service de Dieu ! car je vous le demande, mes frères, pourquoi les justes sont-ils mena. cés de n'occuper que les dernières places ? c'est, dit saint Grégoire, que s'ils ne sont jamais tombés dans de grands péchés, aussi ils ne témoignent pas un grand désir du ciel; ils croient pouvoir user d'autant plus librement des choses permises, qu'ils n'ont jamais rien commis d'illicite; ils vivent dans la négligence et une fausse sécurité sous prétexte qu'iis n'ont pas commis des crimes énormes. Pourquoi ceux au contraire qui ont commis de grands péchés arrivent-ils à un haut degré de gloire? c'est qu'ils conçoivent une vive douleur, ils sont touchés d'une grande componction, qui allume dans leur cœur un ardent amour de Dieu; ils embrassent la pratique des plus éminentes vertus, ils se soumettent aux plus difficiles combats de la vie chrétienne, ils renoncent au monde, ils fuient les hommes, ils sont pleins de zèle et de fervcur; et cette ferveur est ce que Dieu considère et non le temps du travail, ce qui fait dire au sagé que ce qui rend la vieillesse vénérable n'est pas la longueur de la vie, ni le nombre des années, mais la prudence qui tient lieu de cheveux blancs, et la vie sans tache qui est une heureuse vieillesse; senectus venerabilis est non diuturna neque annorum numero com· putata, cani autem sunt sensus hominis et atas senectutis vita immaculata (1). Vous pouvez donc, pauvres pécheurs, qui avez vicilli dans les désordres de votre jeunesse, vous pouvez par votre fervour realir le vide de votre vie, et

(1) Sap. 4.

fournir la carrière de longues années dans la piété, quoique vous y ayez peu vécu : c'est le Saint-Esprit qui vous le dit encore; consummatus in brevi explevit tempora multa. Nous pouvons tous employer le peu de jours qui nous restent à vivre sur la terre à combattre nos passions, à expier nos péchés, à acquérir les vertus de notre état, à croître en grâce et en mérite devant Dieu, et à gagner le ciel; par un court moment de travail nous pouvons mériter un bonheur éternel. Ah! dit saint Augustin, ne négligez donc pas de travailler pendant ce temps, afin de vous réjouir pendant l'éternité; noli piger esse laborare breviter et gaudere incessanter. Il est vrai, le travail que l'Evangile vous demande est un travail constant, un travail fervent, un travail pénible à la nature; mais ce travail finira, et votre récompense n'aura point de fin ; quod pateris finitur, quod accepturus es, finem non habebit : Autant il y a de disproportion entre le temps et l'éternité, autant il y en a entre votre peine et votre récompense; nolo jam æques pœnam cum præmio, temporalia æqua æternitati, si potes. Jetez les yeux sur la couronne qui vous est préparée, et alors quels travaux seront capables de vous rebuter ? si vis sustinere laborem, attende mercedem.

Non, mon Dieu, rien ne nous coûterait, si nous connaissions tout le prix du travail, et tout le mal d'une vie oisive; c'est à vous que nous recourons pour bien comprendre l'un et l'autre le jour vient, et peut-être n'est-il pas éloigné, où il faudra rendre compte de tout le temps, de chaque moment de notre vie, de la manière dont nous l'aurons rempli, d'une scule parole inutile et oiseuse que nous aurons prononcée ; ah! que cette pensée ne s'éloigne jamais de notre esprit : que cette sagesse, Seigneur, qui conduisit le juste par des voies droites, et qui lui fit voir votre royaume, nous donne aussi la science des Saints, qu'elle nous enrichisse de nos travaux, et nous en fasse recueillir le fruit pendant l'éternité bienheureuse. Ainsi soil-il,

ÉVANGILE

Du Dimanche de la Sexagésime.

En ce temps-là: Le peuple s'assemblant en foule, et se pressant de sortir des villes pour venir vers Jésus, il leur ditcette parabole : celui qui sème s'en alla semer son grain, et en semant, une partie de la semence tomba le long du chemin, où elle fut foulée aux pieds, et les oiseaux du ciel la mangèrent. Une partie tomba sur des pierres; et ayant levé, elle se sécha, parce qu'elle n'avait point d'humidité. Une autrẻ tomba au milieu des épines ; et les épines croissant avec la semence, l'étouffèrent. Une autre partic tomba dans de bonne terre, et étant levée, elle porta du fruit et rendit cent pour un. En disant ceci il criait : Que celui-là entende, qui a des oreilles pour entendre. Ses disciples lui demandèrent ce que voulait dire cette parabole. Et il leur dit : Pour vous, il vous a été donné de connaître le mystère du royaume de Dieu; mais pour les autres, il ne leur est proposé qu'en paraboles, afin qu'en voyant ils ne voient point, et qu'en écoutant ils ne comprennent point. Voici donc ce que veut dire cette parabole. La semence, c'est la parole de Dieu. Ceux qui sont marqués par ce qui tombe le long du chemin, sont ceux qui écoutent la parole; mais le diable vient ensuite qui enlève cette parole de leur cœur, de peur qu'ils ne croient et ne soient sauvés. Ceux qui sont marqués par ce qui tombe sur des pierres, sont ceux qui écoutant la parole, la reçoivent avec joie, mais ils n'ont point de racine : ils croient pour un temps, et ils se retirent aussitôt que l'heure de la tentation est venue. Ce qui tombe dans les épines marque ceux qui écoutent la parole, mais en qui elle est ensuite étouffée par les inquiétudes, par les richesses, et par les plaisirs de celle vie, de sorte qu'ils ne portent poin/ de fruit. Enfin ce qui tombe dans la bonne terre, marque

ceux qui ayant écouté la parole avec un cœur bon et sincère, la retiennent et la conservent, et portent du fruit par la patience.

Homélie sur la prédication de la parole de Dicu.

Cette parabole que vous venez d'entendre, mes frères, cst la troisième que l'Eglise nous propose sur la parole de l'Evangile. Les deux dont je vous ai donné l'explication les Dimanches précédents, vous ont fait voir comment le mélange des méchants avec les bons l'empêchait de croître, et quel avait été, malgré cet obstacle, son prodigieux accroissement dans l'univers. Celle-ci, Jésus-Christ la propose aux peuples qui le suivent, et surtout à ses Apôtres, dit saint Chrysostôme, pour les fortifier contre le trouble qui aurait pu un jour s'élever dans leur âme, en voyant la plupart de ceux à qui ils auraient prêché l'Evangile, se dérégler et se perdre ; quelle a été la conduite de ce divin Sauveur ? quoique toujours présent en tout lieu par sa divinité et sa qualité de Verbe éternel, il est sorti, c'est saint Chrysostôme qui fait cette réflexion, il est sorti en quelque sorte du sein de son Père, par la divine économie de son incarnation, et s'est rapproché de nous en se revêtant de notre chair. Comme nous ne pouvions aller jusqu'à lui, il est venu lui-même jusqu'à nous; pour quel sujet? dans quel dessein? étaitce pour perdre la terre toute couverte d'épines, et pour punir ceux qui auraient dû la cultiver? nullement ; ç'a été pour la cultiver lui-même, et pour y semer la parole de la piété ; car il déclare dans la suite que la semence est sa divine instruction, que les âmes des hommes sont le champ qui est labouré et semé, et que lui-même est celui qui sème; mais que devient donc cette semence ? il y en a trois parties qui se perdent, et une seule qui se sauve; quid fit semini isto? tres depereunt partes, et una salvatur (1). C'est ce que la sagesse éternelle prévoyait, et cependant elle n'a pas laissé de répandre la divine semence avec profusion sur

(1) Chrysost. Hom. 45 in Matth.

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