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DISCOURS ORN

PRÉLIMINAIRE

SUR L'HOMÉLIE.

Je commence par avertir les fidèles que ce discours que je mets à la tête de cet ouvrage ne les concerne point; tout ce qu'on doit attendre et exiger d'eux, c'est qu'ils lisent attentivement le saint Evangile, avant l'Homélie qui le suit; qu'ils lisent l'un et l'autre dans le dessein de s'instruire de la religion de Jésus-Christ, pour en remplir les devoirs avec ferveur, et non dans un esprit de critique ou de curiosité ; et enfin qu'ils lisent lentement les endroits qui peuvent les concerner, afin de les passer de l'esprit au cœur avec plus de succès.

J'ajoute que ce traité abrégé de l'Homélie n'est pas non plus pour mes anciens dans le ministère sacré, il renferme des avis; or je suis certainement dans le cas d'en recevoir de leur part et non de leur en donner, je les supplie même d'être persuadés de la disposition intérieure où je suis de profiter de ceux qu'ils me donneront dans un esprit de paix et de charité.

Pour qui sera-t-il donc ? pour les personnes du monde qui me sont les plus chères, pour Messieurs les Séminaristes, dont la société fait mes délices, et l'éducation l'objet de mes travaux, depuis un bon nombre d'années. Ils se destinent à un état qui exige essentiellement des lumières, non-seulement pour leur propre édification, mais pour celle de leur prochain; ils ne le pourront bien édifier par leur science, qu'ils n'aient appris à bien manier la parole du Seigneur. C'est dans le dessein de leur enseigner ce grand art, cet art des arts, que je joins ici à un essai de méthode pratique, une méthode de théorie, où je parlerai succinctement de la nature

TOM. I.

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de l'homélie, des parties qui la composent, du style qui lui est propre, de son excellence, de son utilité, de sa nécessité, des faux prétextes dont on use pour s'en dispenser, et de la manière de s'y préparer. L'auteur du Pastoral de Limoges, et l'auteur des Maximes sur le ministère de la chaire, seront ici mes guides, le premier surtout j'userai même d'une liberté, dont j'use partout ailleurs très-rarement ( à moins qu'il ne s'agisse de la version des Pères et de l'Ecrituresainte ;) je me servirai de leurs paroles en plus d'un endroit ; le judicieux Ecrivain qui vient de donner au public le traité des devoirs des curés, m'y autorise.

Nature de l'Homélie.

I. Qu'est-ce que l'homélie en général? C'est une explication simple et pieuse de toutes les semences renfermées dans un Evangile ou une Epître.

On peut distinguer trois sortes d'homélies ; la première est une explication de toutes les paroles de l'Evangile verset par verset, accompagnée des affections et des moralités qui paraissent leur convenir : cette méthode est fort ordinaire à saint Bernard, à saint Grégoire-le-grand, à saint Augustin et à d'autres Pères; la seconde qui est plus familière à saint Chrysostôme, est une explication exacte de toutes les parties de l'Evangile, suivie d'une grande morale en ce genre d'homélie l'explication est comme un premier point, et la morale un secɔnd; la troisième est une explication de l'Evangile divisée et réduite à certains chefs principaux.

Toutes ces sortes d'homélies ont leur utilité; mais les deux premières sont sujettes à plusieurs inconvénients, elles proposent à l'esprit une multitude d'objets disparates dont l'un fait oublier l'autre, premier inconvénient. Cette multitude d'objets est cause que l'auditeur ne peut avoir une pleine et entière conviction sur chacun d'eux, second inconvénient, Ce défaut de conviction en entraîne avec lui un plus grand encore, qui est le défaut de persuasion et des grands mouvements qui la font naître, troisième inconvénient. On convient done sur ces raisons que la troisième espèce d'homélie est la

plus utile, parce qu'elle a tous les avantages des deux premières sans en avoir les défauts ; mais jusqu'aujourd'hui je ne connais personne qui ait tenté de réduire l'Evangile à certains points, de manière à ne rien omettre des sentences et des textes qu'il renferme. Peut-on même y réussir ? un célè→ bre auteur à qui on ne reproche ailleurs que de n'être point assez décidé, décide ici qu'il y a bien des morceaux de l'écriture qu'on ne pourrait réduire à un tout sans leur faire beaucoup de violence, qu'on n'en vient à bout qu'à force d'esprit, et que le fruit de ses efforts se termine à une stérile admiration. Je ne crois pas cette décision tout-à-fait juste, si son auteur l'entend des Evangiles, et je me crois fondé à penser autrement. J'ai réduit més homélies à un tout, je ne crois avoir fait aucune violence au texte sacré, puisque le sens que je lui ai donné est constamment celui des Pères ou des interprètes, quoique je n'aie pas toujours cru nécessaire de les nommer; or je n'ai pas cette force d'esprit dont parle ce savant et pieux écrivain, et je pressens à coup sûr que ces homélies ne produiront point d'admiration, aussi ne l'ai-je pas cherché ; ce que j'ai désiré, c'est qu'on dise en me lisant: ó que la pénitence est belle! qu'elle est nécessaire ! Mon Dieu, que vous êtes bon, juste, et semblables choses! (1) et non pas : ô qu'il est grand orateur ! ô qu'il est savant, ô qu'il dit bien! Voilà la seule récompense que j'attends de mon travail, la conversion des âmes et la plus grande gioire de Dieu; que n'est-il digne de concourir à une œuvre si excellente! disons donc qu'on peut faire des homélies de la troisième espèce sur tous les Evangiles, et même sur les Epîtres, comme le public pourra en juger par la lecture de cet ouvrage.

De l'excellence de l'Homélie.

Il. Il est important d'expliquer les Epîtres et les Evangiles en forme d'homélie. Cette façon d'instruire a été la plus familière aux Pères de l'Eglise, et elle est sans contredit la plus excellente de toutes les manières d'enseigner; elle porte

(1) S. François de Sales, liv. 1. ép. 31.

avec elle une bénédiction apostolique. Expliquez votre Epître ou votre Evangile, l'auditeur séra content : une homélie, quoique faible, passera pour sermon médiocre ; et des homélies médiocres ont mis le ministre au rang des bons prédicateurs (1) : voici la manière de faire cette sorte d'ins truction.

De l'exorde de l'Homélie.

III. Dans une homélie comme dans un sermon on distingue trois parties, qui sont l'exorde, le corps du discours et la péroraison. L'exorde est cette première partie de l'homélie qui sert à disposer les esprits pour le reste du discours; plusieurs choses sont nécessaires pour y réussir. 1. Il faut que le sujet qu'on annonce soit non-seulement important, ( l'Evangile n'en propose point d'autre ) mais qu'il intéresse pour l'ordinaire toute l'assemblée, ou le grand nombre de ceux qui la composent. Pourquoi ? parce que rarement sommes-nous disposés à écouter les vérités de la religion, lors même qu'elles nous touchent de près : avec quelle froide indifférence n'écouterions-nous pas celles qui n'ont nul rapport à nos devoirs. Je dis pour l'ordinaire, parce qu'il y a des cas particuliers, où on est obligé de parler des obligations attachées aux états particuliers, par exemple, à l'état de père et mère, à celui de religieux dans la cérémonie d'une profession, etc. Pour mieux faire comprendré quél peut être le sujet d'une homélie, et généralement de toute instruction chrétienne, je rapporterai ici ce qu'ont dit les Pères du concile de Trente : voici comme ils s'en expliquent dans la cession vingt-cinquième (2). Apud rudem verò plebem difficiliores ac salubriores quæstiones quæque ad ædificationem non faciunt, et quibus plerumque nulla sit pietatis accessio, à popularibus concionibus secludantur, incerta ilem, vel quæ specie falsi laborant, evulgari ac tractari non permillant: ea verò quæ ad curiositatem quamdam aut superstitionem spectant, vel turpe lucrum sapiunt tanquam

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scandala, et fidelium offendicula prohibeant. Ces paroles Hous montrent qu'il y a quatre sortes de sujets qui doivent ètre bannis de la chaire chrétienne; d'abord, les questions difficiles, c'est la décision que saint Augustin avait donnée avant les Pères assemblés à Trente. Il y a certains sujets, dit ce saint docteur, qui sont si relevés d'eux-mêmes, qu'il est presqu'impossible de les faire comprendre, quelque netteté d'expression qu'ait celui qui les traite, et quelque soin qu'il puisse apporter pour les expliquer d'une manière intelligible; et l'on ne doit point parler au peuple de ces sortes de sujets, si ce n'est très-rarement, et lorsqu'on y est contraint par une pressante nécessité. En second lieu, toute doctrine incertaine, lorsqu'on la donne pour certaine; le récit d'une histoire rapportée dans le Pastoral de Limoges en montre l'inconvénient. Deux prédicateurs, y est-il dit, prêchant dans ce diocèse le jour de Noël, traitèrent cette question, savoir, si le Fils de Dicu se fût incarné, supposé qu'Adam n'eût pas péché : celui qui prêcha le premier, soutint que l'amour de Dieu était si grand envers les hommes, qu'il l'eût porté à envoyer son Fils au monde, bien que le Verbe divin n'eût pas pris en cette occasion une chair passible et mortelle: il tâcha d'appuyer son sentiment par quel·ques passages de l'Ecriture et des saints Pères, et par des raisons de convenance. Le second de ces prédicateurs qui prêcha une heure après dans une autre Eglise, dit que le Fils de Dieu avait tellement aimé les pécheurs, que c'était uniquement pour eux qu'il s'était incarné, et qu'il ne se scrait jamais revêtu de notre nature, si Adam ne lui en cût donné l'occasion par son péché; il ajouta que ce sentiment était plus conforme aux saintes Ecritures et à la doctrine des saints, dont il apporta plusieurs témoignages. Ceux qui avaient entendu le premier prédicateur, se regardant les uns les autres; les uns prennent le parti du premier, les autres du second, et la plupart sont scandalisés. Chacun de ces prédicateurs s'offense de ce que l'autre a dit, et tâche de défendre son opinion, Les plaintes viennent jusqu'aux oreilles du prélat et de ses officiers, qui font perdre la cause à l'un et à l'autre, et les blâment tous deux de s'être ainsi entêtés de

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