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Dieu! s'écriait autrefois un Prophète en se rappelant les phénomènes arrivés sous Moïse, est-ce donc contre les fleuves qu'éclate votre colère? est-ce la mer qui a mérité votre indignation? Numquid fluminibus iratus es, Domine, vel in mari indignatio tua (1)? Les montagnes souffrent les douleurs de l'enfantement, l'abîme fait retentir sa voix mugissante, le soleil s'arrête, pourquoi ce renversement de l'ordre naturel ? Le péché d'un peuple que vous avez dessein de punir, la terreur dont vous voulez le frapper; voilà l'origine de ces catastrophes effrayantes : in furore tuo obstupefacies gentes. Voilà le dessein de Dieu, apprenez l'efficacité de ces moyens qu'il emploie. Une frayeur subite suit de près ces phénomènes, les princes d'Edom en sont troublés, les plus assurés de Moab sont effrayés jusqu'au tremblement. Les habitans de la terre de Chanaan restent glacés, immobiles comme le rocher; obriguerunt omnes habitatores Chanaan (1). Voilà l'épouvante qui saisit les cœurs; mais à la fin des siècles les phénomènes seront infiniment plus redou tables, ce ne sera plus la seule mer rouge, ce sera la vaste étendue des mers qui sera dans une agitation horrible, toutes les montagnes seront en feu, les éclairs brilleront de tou, tes parts, les tonnerres gronderont sur la tête de tous les mortels, les rochers se fendront, les astres s'entrechoqueront, tous les éléments seront dans la confusion ; jugez donc de l'excessive frayeur qui saisira les coupables, jugez-en, je ne dis plus par les feux du Mont Sinaï, mais par les calamités publiques et par l'impression qu'elles font sur vous; des tremblements de terre, des villes ébranlées, des milliers d'habitants ensevelis sous leurs ruines, des guerres, des maladies contagieuses, une indigence universelle: voilà ce dont on vous entretient tous les jours, ce qui vous effraie tous les jours à proportion que vous êtes coupable, et que le danger vous menace de plus près. Si le seul bruit de ces maux temporels peut, s'il doit selon les vues de la religion, vous inspirer ces sentiments de crainte dont nous sommes témoins, ah! que deviendrez-vous donc, lorsque toutes les

(1) Rabac, 3. (2) Exod.

créatures s'élèveront contre vous, lorsqu'elles vous accuseront auprès de Dieu, et qu'elles vous l'annonceront comme un juge inexorable ? Aujourd'hui un seul ennemi peut trou bler la paix de notre cœur, quelle paix l'impie osera-t-il es pérer, lorsqu'il verra que tout est pour lui un ennemi, un accusateur, un témoin? quelle paix espèrera-t-il, 'quand sa conscience avec l'univers s'élèvera pour le juger et le condamner?

Cependant c'est ce qui arrivera, et c'est ce qui causera cette consternation générale dont parle l'Evangile : erit in terris pressura gentium. Alors, dit saint Ambroise, en expliquant ce passage, l'agitation des esprits ressemblera aux flots de la mer. La crainte du jugement sera extrême, les âmes chargées de crimes se livreront au désespoir : varii animorum metus ita graves erunt, ut delictorum multitudine malè conscientiis sacri fons roris arescat. Ne perdez rien, s'il vous plaît, des paroles de ce grand saint; les hommes seront dans une agitation inouïe, c'est la multitude de leurs péchés, c'est la source des grâces tarie qui les accablera.

Que nous nous connaissons peu aujourd'hui ! nous nous fuyons, nous cherchons à nous distraire, à éloigner de nos yeux nos imperfections, nous travaillons, nous lisons, à l'extérieur nous remplissons chacun les devoirs de notre état, nous rendons, nous recevons des visites, nous faisons tout cela; ah! c'est que nous avons peur de nous-mêmes, nous n'osons nous tenir vis-à-vis nous-mêmes, nous craignons de rentrer en notre cœur, et d'y trouver ce qui révolterait notre amour-propre, des péchés à expier, des penchants à dompter, des sacrifices à faire; aujourd'hui notre amourpropre, autant que la lâcheté des casuistes, justifie des liaisons, des delicatesses que réprouve la sévérité de l'Evangile ; aujourd'hui nous affectons d'ignorer nos devoirs; si nous consultons, c'est à condition qu'on nous dira des choses qui nous plaisent.

Cependant ni cette dissipation, ni cet amour-propre, ni cette ignorance ne peuvent calmer nos alarmes ; quelles sc ront-elles donc au jour du Seigneur, à ce grand jour qui éclai

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rera nos ténèbres, et dissipera nos illusions? En doutezvous, pécheurs, tous vos péchés secrets ou publics ne sontils pas connus du Seigneur, mis en réserve et scellés dans ses trésors anonne hæc condita sunt apud me et signata in thesauris meis (1) ? Or cette connaissance qu'il a de vous et de moi, il nous la communiquera, il mettra, pour ainsi dire, notre conscience avec tous ses défauts devant nousmêmes : arguam le et statam contra faciem tuam (2). Cette Jérusalem de notre âme, il y portera le flambeau (3), et nous le fera porter dans tous les plis; aucuns désirs, aucunes pensées, aucunes intentions qu'il ne découvre dans l'instant. Oui, dans un instant, je verrai toutes les actions de ma vie, je verrai ces consentements au mal que je ne prenais que pour des idées du mal: ces vrais désirs que je traitais de simple tentation, ces animosités que j'appelais antipathies, ces discours libres que je nommais agréments de conversation, ce goût des parures mondaines que je justifiais par le goût dépravé du monde, ces attaches impures que je qualifiais du nom d'amitié; dans un instant je verrai tous mes péchés de pensées, de paroles, etc., dans un instant je verrai mes péchés d'orgueil, d'envie, etc., je verrai les péchés que j'ai commis contre Dieu et contre moi-même, je verrai une infinité de péchés étrangers dont je serai comptable, parce qu'ils ont été commis à ma sollicitation, par mes exemples, mon approbation et mon silence lorsque je devais parler; ma conscience conviendra de tout cela, m'accusera de tout cela au jour où le Seigneur jugera de nos actions cachées : cogitationibus accusantibus in die cùm judicabit Deus occulta hominum. (4) Dans un instant ces péchés s'élèveront comme des montagnes sur ma tête; grand Dieu! ce poids m'accable, ah! j'en conjure votre miséricorde, éloignez de vos yeux mes péchés, que je verse sur eux des torrents de larmes tandis qu'elles sont salutaires aujourd'hui. Un jour elles seront stériles et infructueuses, un jour je verrai tous mes péchés, leur difformité, leur nombre, leurs circonstances, et il n'y aura plus de moyen d'expier la moindre faute :

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tempus non erit amplius (1). Les pensées accablantes pour le pécheur ! un jour, nouveau sujet d'affliction pour lui; un jour les nations verront comme lui l'histoire de sa vie la plus cachée; oui, toutes les nations, hypocrites, connaîtront votre cœur et les conseils les plus secrets de votre cœur : illuminabit abscondita tenebrarum, et manifestabit consilia cordium (2). Votre famille, vos voisins, vos maîtres, toutes ces personnes dont vous cherchez l'estime, à qui vous en imposez par une apparence de piété, ces âmes pieuses qui auraient horreur de vos infamies, et devant qui vous n'auriez pas le front de vous présenter si vous en étiez connu, tous les peuples connaîtront que vous n'étiez qu'un sépulcre blanchi, qu'au dedans ce n'était qu'infection, qu'abomination, que sacrilége, voilà ce que Dieu manifestera, sa parole y est expresse: ostendam gentibus nuditatem tuam, et regnis ignominiam tuam (3). Je découvrirai ton ignominie à tous les empires du monde. Quelle confusion pour celui qui jouit d'une réputation que sa vertu ne lui a point méritée. L'univers connaîtra ce qu'il n'a pas la force de faire connaître à un directeur ; mon Dieu, épargnez-moi cette honte, inspirez-moi des sentiments de pénitence, conduisez-moi aux pieds des Prêtres, le jugement que vous leur avez confié est un jugement de miséricorde, et le vôtre sera un jugement terrible du côté des créatures qui se révolteront contre le pécheur, du côté de sa conscience dont les remords le tourmenteront, du côté du juge qui viendra le condamner.

Alors, dit l'Evangile, les hommes verront le Fils de l'Homme qui viendra sur une nuée avec une grande puissance et une grande majesté : videbunt.... O spectacle bien différent de celui que le Sauveur a donné à son premier avènement ! Ici les hommes l'ont vu comme l'abjection du peuple, là ils le verront comme le maître de l'univers; ici ils l'ont vu comme un simple artisan revêtu de la forme d'un esclave, là ils le verront comme le roi des rois porté sur les nues au milieu de l'assemblée des saints; ici ils l'ont vu persécuté, renié par son peuple, là ils verront toutes les

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nations fléchir les genoux devant lui; ici ils l'ont vu faible, soumis au jugement des hommes, là ils verront tous les hommes soumis à son jugement; ils l'ont vu couvert des derniers opprobres, là ils le verront environné de gloire et de majesté. Nous le verrons tous, les uns comme juge, et les autres comme Sauveur. Oui, mes frères, vous le verrez et vous reconnaîtrez alors la puissance et la sagesse qui a paru dans le signe de notre rédemption. Il paraîtra au dernier jour ce signe du fils de l'homme: apparebit signum filii hominis (1). C'est par lui que Jésus a vaincu et il paraîtra pour honorer son triomphe ; c'est par lui que les élus ont été rachetés, et il paraîtra pour leur consolation; c'est par lui que les méchants doivent être condamnés, et il paraîtra pour les jeter dans un désespoir immortel. Voilà, leur dira le souverain juge, les yeux en feu, avec ce ton de tonnerre qui sied à l'arbitre souverain, voilà le bois où vos péchés m'ont immolé ; c'est pour vous et par vous que ce côté a été ouvert : agnoscitis latus... quoniam et per vos et propter vos apertum est; c'est pour vous et par vous que cette tête a été couronnée d'épines, per vos et propler vos (2) ; c'est pour yous et par vous que ces mains et ces pieds ont été percés de clous; c'est pour vous et par vous que ce sang a été répandu, per vos et propter vos : ce sang vous l'avez regardé comme souillé ; mes grâces qui en étaient le prix, vous les avez méprisées; le ciel qu'il vous ouvrait, vous l'avez dédaigné; allez, maudits, dans le feu éternel: discedite à me maledicti, in ignem æternum (3).

A ces mots, les méchants sont écrasés les cris; d'un désespoir effroyable pénètrent les nues, la nature relentit de ces paroles lugubres: montagnes, tombez sur nous; rochers, ouvrez-vous, dérobez-nous à la vue de l'agneau assis sur le trône cadite super nos, abscondite nos à facie sedentis super thronum (4) Ah! ce n'est plus un agneau, c'est un agneau changé en lion, un Dieu devenu cruel, toujours altéré de notre sang; être séparé de lui, privé de toute espérance de le posséder jamais, exclu pour toujours de la société des

(1) Matth. 24. — (2) Aug. — (3, Matth. 25. (4. Apcc 8.

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