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venir ! ô la consolation infinie que nous goûterions, si nous nous disions un jour, je possède un royaume éternel, c'est que j'ai été pauvre d'esprit (1) ; je possède la terre des vivants, c'est que je n'ai jamais disputé pour les biens terrestres ; mes larmes sont essuyées, c'est que je n'ai soupiré qu'après mon Dieu ; j'ai le bonheur de le voir face à face, ah ! c'est que j'ai eu le cœur pur, et j'aurais préféré la mort à la moindre souillure! Vivons dans ces dispositions, écoutons pour cela les avis que Jésus-Christ nous donne par rapport à ce jugement si terrible pour le pécheur, et si consolant pour le juste. Les voici ces avis réunis sous un seul point de vue.

Le dessein de Jésus-Christ dans notre Evangile, c'est de nous inspirer la crainte de ses jugements. Il faut donc opérer notre salut avec crainte dans cette pensée effrayante, mais salutaire, que toutes les créatures seront témoins contre le pécheur, que notre propre conscience sera le premier accusateur du pécheur, et que notre juge alors ne se laissera ni gagner par faveur, ni toucher par compassion, ni corrompre par argent (2), ni fléchir par prière, ni apaiser par aucune satisfaction. Premier avis de Jésus-Christ. Les prédictions de notre Evangile s'accompliront, le ciel et la terre passeront et les paroles de Jésus-Christ ne passeront point; cela est certain, cœlum et terra transibunt, etc. Mais autant ce jugement est certain, autant le moment est incertain, ce qui doit arriver aux hommes à la fin des siècles, nous arrivera à la fin de nos jours; l'heure de la mort et aussi celle de notre jugement particulier, nous surprendra lorsque nons nous y attendrons le moins: il faut donc, je ne dis pas, nous préparer, mais être prêts à chaque moment; estote parati. Second avis de Jésus-Christ (3). Le bon serviteur est celui que le maître de retour trouve à veiller sur luimême et sur les biens qu'il lui a contiés : Beatus servus quem cùm venerit Dominus ejus invenerit vigilantem (4). Veillez donc, vous dit le Sauveur, prenez garde que vos cœurs ne s'attachent à la terre, ne s'appesantissent par les excès de bouche, par l'ivresse, et par les soins de cette vie,

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vigilate. Troisième avis de Jésus-Christ (1). Cette crainte, cette préparation habituelle, cette vigilance, sont des effets de la grâce; demandez-la donc, afin d'être préservés des malheurs à venir, et de paraître avec assurance devant le Fils de l'homme. Vigilate omni tempore, orantes, etc. (2). Quatrième avis de Jésus-Christ. Le serviteur qui n'avait pas fait valoir son talent, fut jeté dans les ténèbres extérieures ; les bonnes œuvres sont l'usure que Dieu exige des talents qu'il nous confie ; il faut donc nous appliquer à toutes sortes de bonnes œuvres, oportuit te committere pecuniam meam nummulariis. Cinquième avis de Jésus-Christ (3). Les vierges folles avaient des œuvres ; quelles œuvres que celles de la chasteté inviolablement conservée ! cependant elles n'entrent pas avec l'époux dans la salle du festin, on leur dit qu'on ne les connaît pas : Nescio vos (4). Elles sont rebutées, parcé qu'elles ont pensé trop tard à mettre de l'huile dans leurs lampes; cette huile est le symbole de la charité, le principe des œuvres méritoires; brûlons donc de ce feu divin, prenons des résolutions de crainte, de confiance, de prière, de ferveur, et gémissons de nous être si mal préparés pour le grand jour, le jour de colère. Ah ! que deviendrions-nous, si Dieu nous jugeait en ce moment? Saint Augustin s'écriait en considérant les jugements de Dieu, malheur à la vie même louable, Seigneur, si vous la jugez sans miséricorde : væ etiam laudabili vitæ, si remotá misericordiâ discutias eam. Et qu'aurait-il dit s'il eût parlé d'un pécheur comme moi ? Dieu des miséricordes, ayez pitié de moi, quand vous jugerez l'univers, inspirez-moi aujourd'hui la crainte de vos jugements, afin que j'y paraisse avec confiance.

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ÉVANGILE

Du II. Dimanche de l'Avent.

En ce temps-là, Jean ayant appris dans la prison les œuvres merveilleuses de Jésus-Christ, il lui fit dire par deux de ses disciples qu'il lui envoya : Étes-vous celui qui doit venir, ou si nous devons en attendre un autre? Jésus leur répondit: Allez dire à Jean ce que vous avez entendu, et ce que vous avez vu. Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, l'Evangile est annoncé aux pauvres ; et heureux celui qui ne prendra point de moi un sujet de scandale et de chute. Lorsqu'ils s'en furent allés, Jésus s'adressant aux peuples, leur parla de Jean en cette sorte: Qu'êtes-vous allés voir dans le désert? Un roseau agité du vent? Qu'êtes-vous, dis-je, allés voir? Un homme vêtu avec luxe et avec mollesse? Vous savez que ceux qui s'habillent de cette sorte sont dans les maisons des rois. Qu'êtes-vous donc allés voir? Un prophète ? Oui certes, je vous le dis, et plus que prophète : car c'est de lui qu'il a été écrit: J'envoie devant vous mon ange qui vous préparera la voie.

Homélie sur l'attachement à Jésus-Christ.

Connaître Jésus, croire que ce Jésus est le Messie promis, s'attacher à lui comme au vrai libérateur d'Israël: voilà, mes frères, le plus grand bonheur que les hommes puissent avoir sur la terre, celui que saint Jean veut procurer à ses disciples, ceiui que l'Eglise vous rappelle aujourd'hui dans la mémoire, et celui que tous les bons ministres s'empressent de vous procurer; la précieuse connaissance que celle de ce divin Sauveur ! saint Paul se faisait gloire de n'avoir rien su parmi les Corinthiens que Jésus et Jésus crucifié (1). Jésus(1) Corinth. 2.

Christ lui-même disait à son Père dans son discours après la dernière cène, mon Père, glorifiez-moi, afin que votre fils vous glorific, afin qu'il donne à ceux que vous lui avez confiés, la vie éternelle, cette vie heureuse qui consiste à vous connaître, vous qui êtes le seul vrai Dieu, et Jésus-Christ que vous avez envoyé; hæc est vita æterna ut cognoscant te, quem misisti Jesum Christum (1). Prenez-y garde cependant, mes frères, et n'allez pas croire avec les hérétiques que la foi sans les œuvres suffit: la connaissance dont parle ici le Sauveur n'est pas une connaissance de pure spéculation, mais une connaissance pratique, une connaissance qui nous conduise à lui, et qui nous attache à sa personne, à sa loi, à son exemple, qui nous unisse à lui par les sentiments de l'amour le plus pur; sans cet amour, saint Paul (2) prononce contre nous les anathèmes les plus terribles; sans cet attachement, Jésus-Christ lui-même nous déclare que son Evangile ne servira qu'à nous juger et nous condamner (3). Aimons-le donc, attachons-nous à lui inviolablement, c'est le fruit que nous devons tirer de notre Evangile : il nous instruit pleinement sur cette importante vérité, il nous montre ce qu'en ont pensé les Saints; il nous montre comment Jésus-Christ a autorisé leur pensée, il nous expose le malheur de ceux qui s'éloignent de Jésus, enfin il nous marque la manière dont nous devons lui être attachés. Voilà le plan que nous trouvons tracé; suivons-le, mes frères, et d'abord voyons les motifs qui nous attachent à Jésus-Christ, ce sera le sujet d'une première réflexion; voyons ensuite quelles qualités doit avoir cet attachement, ce sera le sujet d'une seconde réflexion. Pensez, chers auditeurs, que vous n'êtes au monde que pour connaître ce Dieu sauveur, que pour l'aimer dans cette vic, afin de le posséder éternellement, et je me promettrai tout de votre attention.

PREMIER POINT..

Le soin que prend saint Jean d'attacher ses disciples à Jésus-Christ, ce que fait Jésus-Christ pour s'attacher les dis

(1) Joan. 17. (2) Corinth. 16.

ΤΟΜ. Ι.

-

(3; Joan. 12.

5

ciples de saint Jean, c'est ce que saint Matthieu nous apprend dans la première partie de notre Evangile, et c'est ce dont je dois vous donner l'explication, vous y trouverez les motifs les plus pressants pour vous attacher à notre divin Sauveur.

Jean ayant appris dans la prison les œuvres merveilleuses de Jésus-Christ, ́envoya deux de ses disciples lur dire: êtes-vous celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ?

Cette demande du saint Précurseur ne vous suprend-elle pas, mes frères ? ne vous semble-t-il pas douter si Jésus est le vrai Messie ? Il est vrai, il fait demander à Jésus s'il est celui qui doit venir; mais une réflexion que je vais vous proposer sur le caractère des hommes en général, et des disciples de Jean en particulier, fera cesser votre surprise, et vous apprendra à respecter, à admirer les actions des saints. De tout temps et partout la jalousie a régné entre les disciples de différents maîtres. Dans le désert, le Seigneur, pour décharger Moïse d'une partie du poids du gouvernement, choisit un nombre d'hommes qu'il lui associe, et à qui il donne le même esprit ; quelle surprise (1) pour Josué quand il les voit prophétiser ! aussitôt il court à son maître, il le prie de leur imposer silence, de peur qu'ils ne nuisent à sa gloire : voilà un trait qui caractérise l'ancien Testament. Dans le nouveau, et lorsque l'Eglise n'est encore que dans son berceau, la multitude des maîtres fait déjà naître à Corinthe un schisme qui divise tous les fidèles. Chacun prend part pour celui qui l'a ou instruit ou baptisé, l'un dit je suis de Paul, l'autre d'Apollon, un autre (2) de Céphas. Encore aujourd'hui on voit tous les corps qui composent l'état se conduire par cet esprit de jalousie, c'est une passion qui se glisse jusque dans le cœur des pénitents et des pénitentes surtout ; on voit les uns et les autres prendre avec force le parti de leurs directeurs, être jaloux de leur gloire, souffrir avec peine qu'elle soit obscurcie par la grande réputation d'un autre, vouloir que chacun admire leurs rares talents, aimer à en parler et à en entendre parler.

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