Imágenes de páginas
PDF
EPUB

nous étions sourds à la voix du Seigneur, il nous a guéri de cette surdité en parlant à notre cœur; surdi auḍiunt : nous étions morts à la grâce, condamnés à une mort éternelle, hors d'état de nous ressusciter, et d'éviter par nous-mêmes ce malheur souverain; il s'est mis à la place des coupables, il s'est exposé à la mort pour leur donner la vie de la grâce et celle de la gloire; mortuiresurgunt : nous étions sous une loi de terreur qui ne pouvait justifier ses sectateurs, il nous a annoncé la bonne nouvelle de la liberté chrétienne ; pauperes evangelizantur. Ainsi Jésus-Christ nous a guéris non pas d'une, mais d'une infinité de maladies: non des maux du corps, mais des misères spirituelles incomparablement plus à craindre que celles du corps; non d'un danger de mort, mais d'une mort certaine ; non d'une mort temporelle, mais d'une mort éternelle ; non d'une mort douce qui ressemble à un léger sommeil, mais d'une mort qui fait souffrir à chaque moment les supplices de la mort la plus cruelle ; non pas une seule fois, mais dix fois, vingt fois, autant de fois que nous avons commis. des péchés mortels, non-seulement en s'exposant, mais en donnant avec une pleine liberté son sang et sa vie, non pour des amis, mais pour des pécheurs, des ingrats: Jésus-Christ a fait tout cela pour chacun de nous, chacun de nous peut se dire avec saint Paul (1), Jésus-Christ m'a aimé, et il s'est livré pour moi, il s'est encore disposé à le faire s'il cessait d'être notre soutien, nous retomberions pour jamais dans les abîmes éternelles d'où il nous a tirés : quel cœur serait insensible à tant de bienfaits ? qui pourrait encore nous séparer de la charité de Jésus-Christ? ô que le souvenir de tant de grâces est propre à nous attacher à lui! Ecoutez, mes frères, l'usage qu'en faisait saint Polycarpe : il était à Rome, entre les mains du proconsul, prêt à souffrir le martyre; pour l'en délivrer on demandait qu'il dît des injures à Jésus-Christ; quelle apparence que je le fasse, répondit-il, il y a quatre-vingt-six ans que je le sers et il ne m'a jamais fait de mal, comment pourrais-je dire des blasphèmes contre mon roi qui m'a secouru ? c'est ce que nous

(1) Ad Galat. 2.

devons dire dans les occasions qui nous sollicitent au péché ; comment pourrais-je pécher contre mon Seigneur et mon Sauveur ? il est infiniment aimable, il m'a infiniment aimé, il m'aime encore, et me comble de ses grâces, il m'en propose que jamais l'esprit de l'homme ne concevra. Que n'aije mille cœurs pour les lui donner! périsse le moment qui lui a dérobé le mien ; que jamais le jour ne l'éclaire (1), et qu'il soit enveloppé dans les ténèbres éternelles, je vous serai plus fidèle, ô mon roi; mon rédempteur, vous posséderez seul mon cœur, il vous sera attaché sans partage; vous en avez vu les motifs, mes frères; voyez les qualités de cet attachement : c'est le sujet de mon second point.

SECOND POINT.

Et bienheureux est celui qui ne prendra pas en moi un sujet de chute et de scandale; et beatus est qui non fuerit scandalizatus in me. Ces paroles et les suivantes vous marquent trois qualités que doit avoir votre attachement à Jésus-Christ; il doit être tendre, constant, et fort comme la mort; parce qu'il doit du moins ressembler à cclui de Jésus, s'il n'est pas possible qu'il soit le même; et quelle a donc été, et quelle est donc encore la vivacité, la tendresse de l'amour de Jésus-Christ pour nous ? Vous venez de l'entendre dans ma première réflexion : il a pour nous l'amitié d'un bon maître, d'un ami, d'un frère, d'un époux à l'égard d'une épouse chérie: voilà, mon cher auditeur, le rang qu'un Dieu Sauveur veut bien donner à nos âmes (2); il a pour elles tous les sentiments d'un époux, et pour les faire mieux connaître, il s'en attribue jusqu'aux défauts ; il est jaloux de vos cœurs, il ne peut souffrir que vous les partagiez, il vous promet les plus grands biens, si vous les lui conservez entiers, et il menace de punir vos infidélités des plus grands châtiments.

Ecoutons-les, mes frères, ces menaces et ces promesses, elles sont renfermées dans les paroles mêmes de notre Evan

[blocks in formation]

gile: celui-là, dit Jésus-Christ, sera bienheureux qui ne sera point scandalisé en moi; c'est-à-dire, qui croira en moi, qui s'attachera à moi, malgré ma bassesse apparente, ma pauvreté, mes humiliations. Vous voyez que Jésus-Christ promet à celui qui s'attachera à lui, de le rendre heureux ; et pour quel temps? Pour la vie présente et pour la vie future; pour la présente, parce qu'il sera pour ce disciple fidèle un consolateur dans ses afflictions, un soutien dans ses disgrâces; un Sauveur dans ses dangers, un conseil dans ses doutes, sa paix, son contentement intérieur, unique félicité dont l'homme puisse jouir en ce monde ; pour la vie suture, parce qu'après l'avoir récompensé ici-bas au centuple, il lui donnera encore la vie éternelle, il la promet à quiconque aura tout abandonné pour le suivre le puissant attrait pour donner à Jésus-Christ toute la tendresse de notre cœur!

A ces promesses le Seigneur joint les menaces les plus effrayantes, il déclare que celui qui sera tombé sur cette pierre d'achoppement, le Seigneur le froissera dans sa colère; qui ceciderit super lapidem istum confringetur (1). Voilà la peine pour ce temps; et il ajoute que s'il ne vient à résipiscence, il sera brisé, écrasé sous le poids des vengeances. Voilà sa peine pour l'éternité, voilà comment Jésus-Christ se fâche contre ceux qui ne l'aiment point, comment il récompense ses épouses fidèles. Quel amour! quel tendre amour, qui s'épuise en menaces, en promesses, en titres les plus doux; en actions les plus héroïques! quelle honte pour nous d'y avoir si mal répondu, d'avoir eu un cœur si froid pour cet aimable Jésus! ce cœur a de la tendresse pour un ami, pour un bienfaiteur, et il en manque pour le meilleur des amis ! pour le bienfaiteur le plus généreux ! il en a pour des objets terrestres ; ah! vous le savez, vous qui brû lez d'un amour criminel; vous ne faites jamais à votre gré assez de protestations d'amitié, vous êtes féconds à trouver des termes qui màrquent le feu dont vous êtes dévorés, vous répétez cent fois la même chose, vous y trouvez toujours un

(1) Matth. 21.

plaisir nouveau, et vous auriez un cœur moins sensible pour votre Sauveur ce cœur ne s'épuiserait pas en désirs et en affections! vous ne feriez pas pour ce Dieu ce que vous faites pour une vile créature! Non, Seigneur, il n'en sera pas ainsi; nous vous aimerons, et nous vous aimerons tendrement. Cent fois le jour, puisque vous nous le permettez, nous vous parlerons de la tendresse de notre attachement, nous vous dirons : oui, divin Jésus, vous êtes l'époux de mon âme, mon bien-aimé est à moi et je suis à lui, j'aime mon Jésus et je ne veux aimer que lui; vous êtes mon Dieu et mon tout, après vous je ne désire rien, vous êtes l'objet de mon espérance. Voilà, mes frères, une faible idée de la tendresse avec laquelle il faut de moment à autre vous entretenir avec Jésus; rougissez de l'avoir fait si peu, et ne dites pas pour vous excu¬ ser, que la sensibilité de l'amour ne dépend pas de vous ; craignez plutôt que ce défaut ne vienne de votre indifférence: aimez mieux dorénavant, attachez-vous à Jésus tendrement et constamment; c'est ce qu'il nous demande, en louant JeanBaptiste de sa confiance.

Qu'êtes-vous allés voir dans le désert? demande-t-il au peuple, un roseau ayité par le vent? Loin de lui une faiblesse et une semblable inconstance, jugez-en par vous-mêmes; vous le connaissez dès ses tendres années; vous l'avez vu dans le désert, vous l'avez suivi à la cour d'Hérode, vous le savez aujourd'hui chargé de chaînes : l'admirable constance à préparer mes voies! Dans le désert il est déjà un censeur et un censeur sévère des crimes; race de vipères, dit-il aux Pharisiens (1), qui vous a appris à fuir la colère à venir? quis domonstravit vobis fugere à ventura ira? A la cour, loin d'y devenir, comme le grand nombre, un sujet de scandale, il s'oppose avec vigueur au scandale qui y règne, il condamne hautement le mariage incestueux du roi avec la femme de son frère; il lui déclare sans détour qu'il ne peut vivre avec elle, non licet (2). Dans la prison les fers ne l'abattent point, il continue à instruire ses disciples, il leur apprend par des leçons qu'il scelle de son sang, que la vérité est préférable à la

(1) Mailk. 3. - (2, Matth. 4.

ct.

vic. Un homme de ce caractère est-il un roscau agité par les vents? Ne voyez-vous pas en lui un caractère de fermeté ? un caractère qui ne s'attache qu'à la vérité ? qui partage avec elle son immutabilité, qui consulte toujours la loi de Dieu, jamais la passion de l'homme? Voilà, mes frères, une partic de l'éloge que Jésus-Christ fait de la constance de JeanBaptiste; vous le voyez, saint Jean se ressemble partout à lui-même, ni la tristesse du désert, ni les délices de la cour, ni les horreurs de la prison, ne sont pas capables d'abattre son courage; à la vie, à la mort, il est à Jesus-Christ, et ce Jésus admire lui-même l'héroïsme de son précurseur.

Admirez-le donc aussi, mais souvenez-vous que le dessein du Sauveur est que vous l'imitiez; faites de vos maisons une espèce de désert, d'où soient bannis les jeux, les danses, les spectacles, toutes les compagnies dangereuses à l'innocence des mœurs; un lieu de retraite où vous fassiez vos délices de la prière et des devoirs de votre état; une aimable solitude où on ne parle que de Dieu, de pénitence et de religion.

Paraissez-vous dans le monde même, mères chrétiennes ? y conduisez-vous dans les compagnies une jeune personne du sexe? apprencz-lui par votre exemple à garder la modestie de son état, à ne point prêter les oreilles aux discours enchanteurs du serpent, à ne point laisser amollir son cœur par ces chansons et ces airs qui ne sont capables que d'inspirer la passion.

Est-ce la maladie qui vous afflige, la perte de vos biens, la mort d'un proche ? Considérez Jean dans sa prison, considérez Jean dans son désert, la pénitence austère à laquelle il se condamne : elle fait l'admiration de Jésus aussi bien que sa constance.

Qu'êtes-vous alles voir dans le désert, demande-t-il encore, lorsque les disciples de Jean sont partis, êtes-vous allés voir un homme vêtu avec luxe et mollesse? Vous savez, répond-il, que les hommes vêtus de la sorte sont dans les maisons des rois. Quels étaient donc les habits du saint précurseur et toute sa manière de vivre ? Quelques peaux de bêtes que la providence lui fournissait; voilà toutes les fourrures dont il

« AnteriorContinuar »