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se parait contre les injures de l'air; quelques sauterelles, un peu de miel sauvage, faisaient la délicatesse de ses mets; les oiseaux et les animaux du désert étaient la compagnie qu'il avait devant les yeux, et son occupation et ses délices étaient de prêcher la pénitence à ceux qui venaient le trouver. La vie angélique ! la vie différente de la nôtre, mes frères ! à peine y trouverions-nous un seul trait de ressemblance: les habits de saint Jean sont la haire et le cilice, les nôtres sont des draps les plus fins et les plus à la mode. La nourriture de Jean est une nourriture fade et grossière, et chez les riches quelle profusion! quelle délicatesse! Dès sa jeunesse il sc bannit de la compagnie des hommes, et les compagnies les plus tumultueuses et les moins régulières sont nos compagnies de préférence; sa vie est une pénitence continuelle, et notre occupation ne tend qu'à éloigner de nous les peines et les afflictions.

A comparer la vie de saint Jean avec la nôtre, ne dirait-on pas que nous sommes des justes sans passions, qu'il est un pécheur à grands crimes et à grands défauts ? cependant voyez ce qu'il est aux yeux de Dieu, et ce qu'en dit le Sauveur dans notre Evangile; c'est un prophète qui a annoncé JésusChrist en le montrant de son doigt, il est plus qu'un prophète, et il a eu l'honneur d'être annoncé lui-même par les prophètes ; c'est un ange de qui le Prophète dit : voilà que j'envoie mon ange devant vous pour vous préparer la voie. Voilà donc un juste, un ange dans une chair mortelle, qui souffre, et à qui on fait souffrir la prison, les fers et la mort ; un juste qui est l'ami de Jésus-Christ, et qui ne s'en prévaut point pour lui demander sa délivrance, un juste qui ne fait en cela que ce qu'ont fait tous les saints dans l'occasion, entre autres un saint Ignace, qui disait avant son martyre, aucune créature ni visible ni invisible ne m'empêchera d'arriver à Jésus-Christ; le feu, la croix; les troupes des bêtes, la séparation de mes os, la division de mes membres, la destruction de mon corps: les pires tourments du démon puissent venir contre moi, pourvu que je jouisse de JésusChrist. Voilà ce que disaient les saints, comment ils souhaitaient d'aller à Jésus-Christ à travers les supplices et les

croix, et nous, pécheurs, nous sommes rebutés de la croix de Jésus-Christ, le scandale de sa croix n'a pas encore cessé parmi nous.

Hélas! non, mes frères, il est vrai, la personne même de Jésus-Christ, les mystères de ses humiliations ne nous scandalisent plus; mais que sa loi, que ses exemples vous scandalisent encore! Sondez votre cœur et vous le comprendrez; voyez la passion qui y domine ; je vous le demande, ne seriez-vous pas bien aises que l'Evangile l'autorisât ? N'êtesvous point fâchés qu'il la condamne ! Voilà comme sont les hommes, point d'ambitieux qui ne voudrait que l'ambition fût permise, point d'envieux qui ne souhaitât pouvoir dépouiller son prochain de ce qui fait l'objet de son envie, point de voluptueux qui ne désirât qu'au moins la religion eût épargné l'infâme volupté. Etudiez les sentiments de votre propre cœur, vous y trouverez la vérité de ce que je dis il est donc vrai que la loi, les exemples de Jésus vous scandalisont encore, en ce que vous n'y conformez pas votre vie. Quel contraste entre sa conduite et la nôtre : il est universel: pour éviter un détail qui serait ici infini, arrêtons-nous à l'exemple que Jésus nous donne dans notre Evangile, sur la manière de louer quelqu'un.

Voyez comment il exalte le mérite de son précurscur, l'éloge qu'il en fait est un éloge sincère et véritable; il sonde le fond des cœurs, et il trouve dans celul de saint Jean le principe des vertus qui paraissaient au dehors. L'éloge de saint Jean est un éloge désintéressé, il ne l'a jamais loué en sa présence, aujourd'hui même il attend, pour le préconiser que ses disciples soient retournés, illis abeuntibus. L'éloge de Jean est un éloge édifiant, il ne loue que la seule vertu ; et il ne la loue que pour empêcher que les Juifs ne croient que saint Jean a cessé de regarder Jésus comme le Messie. Quelle différence entre ses louanges et les nôtres ! parmi nous elles sont un commerce de vanité où nous cherchons à faire briller les talents de l'esprit ; un commerce de mensonge, où nous disons les choses dont nous sommes moins persuadés, et dont nous ne persuadons jamais ceux qui sont sages: un commerce d'intérêt où nous désirons gagner la bienveillance

de nos supérieurs; un commerce de politique cù on loue pour être loué ou pour l'avoir été ; un commerce d'une lâcheté scandaleuse, où nous applaudissons aux vices de nos amis, tandis que nous blâmons jusqu'aux vertus de nos ennemis ; un commerce d'iniquité, où on tend des piéges à des âmes faibles, pour les engager dans des desseins criminels; un commerce en un mot, où se perdent et celui qui loue, et celui qui est loué : celui qui toue, par son adulation ; celui qui est loué par la présomption qu'il en conçoit. Telle est la fin malheureuse où aboutissent trop souvent les louanges des hommes, et voilà un trait entre mille que je pouvais citer, qui prouve combien nous suivons peu les exemples de JésusChrist; ainsi ce Jésus-Christ est encore pour nous un scandale dans sa doctrine et ses exemples; cependant on aime tout ce qui vient de son bien-aimé : c'est donc que nous n'aimons pas Jésus-Christ, que nous n'avons pas pour Jésus cet attachement tendre, constant et généreux que nous demande JésusChrist. O honte ! ô froideur indigne d'un chrétien !

Ah! c'en est fait, mon Sauveur, les exemples des saints, vos qualités personnelles à mon égard me pressent de marcher à vous, et je m'y attacherai; mon attachement sera tendre, constant et généreux, mon amour sera celui que vous demandez à l'épouse du cantique, un amour plus fort que la mort, un amour que les eaux des tribulations ne pourront éteindre : vous serez sur mon cœur et sur mon bras comme un sceau précieux, mes affections et mes actions seront toutes à vous, je vous suivrai partout; sequar te quocumque ieris. Je suis prêt à aller à la prison et la mort; tecum paratus sum, et in carcerem, et in mortem ire; (1) oui, j'en suis sûr (2), ni les menaces de la mort, ni l'espérance de la vie, ni le dési. de F'élévation, ni la crainte des humiliations, ni la violence de la maladie, ni la force de la tentation. ni aucune créature ne me séparera de vous dans le temps et l'éternité. Je vous la souhaite. Amen.

(1) Luc. 2. —(2) Rom. 1.

ÉVANGILE

Du III. Dimanche de l'Avent.

En ce temps-là les Juifs envoyèrent de Jérusalem vers Jean, des Prêtres et des Lévites pour lui demander qui êtes-vous? Et il confessa, et il ne le nia pas; il confessa, dis-je, qu'il n'était point le Christ. Ils lui demandèrent : Quoi donc? Êtes-vous Elie? Et il leur dit : je ne le suis point. Eles-vous Prophète ? Et il leur répondit: Non. Ils lui dirent: Qui êtes-vous donc, afin que nous puissions rendre réponse à ceux qui nous ont envoyés: Que ditesvous de vous-même? Je suis, répondit-il, la voix de celui qui crie dans le désert : Rendez droites et unies les voies du Seigneur, comme a dit le Prophète Isaie. Or ceux qu'on lui avait envoyés étaient des Pharisiens, et ils_lui firent encore cette demande: Pourquor donc baptisez-vous, si vous n'êtes ni le Christ, ni Élie, ni Prophète ? Jean leur répondit: Pour ce qui est de moi, je baptise dans l'eau, mais il y en a un au milieu de vous que vous ne connaissez pas. C'est lui qui doit venir après moi, qui m'a été préféré, et je ne suis pas digne de dénouer les cordons de ses souliers. Ceci se passa en Béthanie le long du Jourdain où Jean baptisait.

Homélie sur l'humilité.

Vous l'avez vu le premier Dimanche de l'Avent, le Dieu que nous attendons à la fin des siècles sera un Dieu terrible, et la crainte de ses jugements est la première disposition dans laquelle nous devons entrer pour le recevoir : vous l'avez vu Dimanche dernier, le Dieu que nous attendons est un Dieu bienfaisant, un Dieu qui n'use de sa puissance que pour faire du bien à tous les hommes, et la reconnaissance est la seconde des dispositions qui doit nous attacher inviolable

ment à lui ; vous venez de l'entendre; le Dieu que nous attendons est un Dieu véritablement caché, un Dieu humble jusqu'à l'anéantissement, un Dieu qui nous marque une estime singulière pour l'humilité, et cette vertu est la troisième disposition à son avènement prochain; celle dans laquelle l'Eglise veut nous faire entrer; le modèle admirable qu'elle nous propose dans la personne de saint Jean-Baptiste ! c'est un saint comblé d'honneur par la synagogue sa mère, un saint qui a tout ce qui enorgueillit le reste des hommes, la naissance, le mérite, les talents, les emplois les plus augustes; un saint cependant que rien de tout cela n'élève, un saint qui ne veut rien apercevoir de bien en lui que pour le rapporter à Dieu trois fois on l'interroge sur sa personne, et jamais il ne lui échappe une parole qui le flatte, il n'est ni le Christ, ni Elie, ni un Prophète ; c'est toute la réponse qu'il donne, c'est tout l'éloge qu'il fait de lui-même : il observe la même modestie quand il s'agit de son ministère; malgré ses fonctions de précurseur et de Baptiste de Jésus-Christ, il ne se croit pas digne de délier les cordons de ses souliers: ô humilité de saint Jean! prodige de l'humilité ! que vous êtes peu connue de notre siècle! qu'il est important de vous faire connaître ! L'orgueil survit au coup mortel que la croix de Jésus-Christ lui a donné; on se glorifie de la régularité de ses mœurs, des inclinations de son cœur, des talents de son esprit ; on se glorifie de ses emplois, de ses dignités, de ses grands biens, de sa figure : l'amour propre s'attache à tout, se nourrit de tout: détruisons ces appuis de l'orgueil, convaincons notre esprit qu'il n'a rien en quoi il puisse se glorifier, et, ce qui est bien plus important et plus difficile, pénétrons notre cœur des sentiments d'une véritable humilité, mettons dans tout leur jour ces deux vérités qui seront la matière de cette homélie. 1 Que tout en nous doit nous humilier, vous le verrez dans mon premier point. 2. Que rien hors de nous ne doit nous élever, vous le verrez dans mon second point.

PREMIER POINT.

Qu'est-ce que l'humilité que toute notre religion nous inspire. L'humilité, dit saint Augustin, n'est autre chose que

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