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leurs opinions, et d'avoir voulu faire passer leurs sentiments pour des dogmes incontestables. Voilà le fruit que l'on tire de ces prédications, lorsqu'on veut établir en chaire des opinions, et une doctrine incertaine. L'auteur qui rapporte cette histoire, remarque très-judicieusement que ces inconvénients n'arrivent, que lorsqu'on donne pour certain ce qui ne l'est point, insinuant par là, qu'on peut dire à son peuple ce qui est plus probable et plus consolant; c'est ce que j'ai fait en parlant de la pureté d'intention, du petit nombre des élus, etc.

En troisième lieu, toute doctrine suspecte d'erreur, de singularité, de fausseté, doit aussi être bannie de la chaire ; saint Paul en impose l'obligation à tous les ministres de la parole divine, en ces termes : devitans profanas vocum novitates, et oppositiones falsi nominis scientiæ ; quam quidam promittentes, circà fidem exciderunt (1). Voulezvous éviter cet écueil ? suivez cet avis du premier concile de Milan, de n'interpréter jamais la sainte Ecriture, sinon dans un sens approuvé de l'Eglise catholique, et par le consentement unanime des Pères, et de ne rien avancer qui ne soit conforme au sentiment de l'Eglise et des docteurs orthodoxes.

Enfin le quatrième sujet qui doit être exclu de la chaire, c'est la doctrine curieuse et inutile; ni Jésus-Christ, ni les apôtres, n'en n'ont jamais enseigné une semblable. Le concile général de Latran défend en termes exprès de rien prêcher ou proposer au peuple, qui ne soit utile pour l'extirpation des vices, pour la louange de la vertu, et pour le salut des âmes; nonnisi utilia concurrenti eorum sermonibus populo ad vitiorum extirpationem, virtutis laudem, animarum denique fidelium salutem meditanda et perficienda debent assumere. Louis de Grenade, conformément à ce décret, conseille aux prédicateurs d'examiner tout ce qu'ils ont prémédité, de se demander à eux-mêmes s'il n'y a rien que d'utile pour le bien des âmes, et de retrancher hardiment tout ce qu'ils connaissent ne devoir pas contribuer à cette fin, quelque subtil et quelque ingénieux qu'il leur paraisse.

(1, 1. Ad Thimoth. 6.

Si le pasteur était fidèle à suivre cet avis, et qu'il sé comportât comme un censeur exact de ses propres ouvrages, ses instructions et ses exhortations seraient beaucoup plus courtes, plus intelligibles et plus édifiantes; parce que ce sont les choses superflues qui rendent la prédication longue et ennuyeuse, qui en embarrassent le sens, et qui en ôtent toute l'onction et toute la force.

Il faut bien faire sentir l'importance et la nécessité du sujet d'un air grave et modeste, d'un ton paternel soutenu d'affections saintes, qui fassent connaître le zèle et la ferveur avec laquelle on désire les progrès spirituels de son auditeur.

3. Il faut que l'exorde marque le temps, l'occasion et les autres circonstances du sujet de l'Evangile, qu'il rende raison de l'application qu'en fait l'Eglise, et qu'il renferme une idée générale de ce qu'on doit dire dans tout le discours, excepté certaines occasions où on aime mieux prévenir et résoudre certaines difficultés, dont on n'aurait pas lieu de parler ailleurs. Quelquefois aussi il est à propos d'y parler, par exemple, de la nécessité de pratiquer une vertu ou de fuir un vice, parce que dans le discours on sera tout occupé d'autre chose.

4. Il faut que l'exorde soit toujours tiré de son Evangile, et comme on dit, ex visceribus rei, du fonds de la même chose.

5. Il fant que l'exorde soit court, sa longuenr annoncerait celle du discours, et l'auditeur assuré qu'il s'ennuiera à la fin, s'ennuierait dès le commencement, et ne tirerait aucun avantage de l'instruction.

Il pourra paraître à quelqu'un que j'ai oublié cette règle dans la pratique; qu'aurai-je à répondre à celui qui m'en fera la remarque ? trois choses; la première est un aveu sincère qu'il eût mieux valu être court; la seconde est que mes Homélies sont faites pour être lues, et non pour être prêchées telles qu'elles sont. Or la lecture d'un exorde n'ennuiera pas comme la prononciation qui s'en fait en chaire, parce que le lecteur peut voir d'un coup d'œil toute l'attention qu'il a à fournir, ce que ne peut pas l'auditeur. La troisième raison enfin, est que je n'aurais pas aimé perdre des réflexions es

sentielles à mon sujet ; cependant je ne pouvais pas toujours les placer dans le corps du discours : quel parti me restaitil donc à prendre, sinon de les renvoyer à l'exorde, que j'avaiş coutume de commencer après que tout était fini. Voilà ma réponse à un point de critique que j'ai prévu.

6. Il faut que l'exorde renferme une proposition unique et principale, à laquelle se rapporte tout le discours; il faut diviser cette proposition en deux points pour l'ordinaire, quelquefois en trois, rarement en quatre, à moins que la matière ne l'exige de sa nature; par exemple, si je parle sur les vertus cardinales, dans un premier discours, il sera naturel de diviser la matière en quatre points, parce qu'il y a quatre vertus cardinales, la justice, la prudence, la force et la tempérance. Si je parle des vertus théologalcs, je ne pourrai mieux faire que de diviser dans mon premier discours la matière en trois points, qui auront pour objet, l'un la foi, l'autre l'espérance, et le troisième, la charité. Si je parle du jugement dernier, je diviserai naturellement la matière en deux points, en montrant dans le premier combien il est terrible pour les méchants, et dans le second, combien il est doux pour les justes : quelquefois aussi on peut se restreindre à un seul point, soit que la matière semble l'exiger, soit que le temps ne permette pas de faire autrement; c'est ce que j'ai observé en parlant de la communion fréquente, et des prétendus obstacles à la fréquente communion; et c'est ce qu'il est bon d'observer, lorsqu'on prévoit qu'il faudra beaucoup multiplier les sous-divisions.

7. Il faut que ces divisions soient autant de sentences prononcées d'une manière claire, simple et sans ornement; uu défaut notable dans certains prédicateurs, est, ce me semble, de trop user d'antithèses, de répétitions étudiées, et de · jeux de paroles; à chaque instant vous croyez avoir saisi leur pensée, à chaque instant elle vous échappe ; et après qu'ils l'ont exposée en bien des manières, vous savez à peine ce qu'ils ont voulu dire.

Ces divisions doivent aussi être justes, c'est-à-dire, embrasser toute l'étendue du sujet, sans que rien y manque, ou qu'il y ait rien de superflu, par exemple, que j'aie des

sein de vous parler de l'oraison, et que je la divise en oraison vocale et mentale, ma division sera juste; pourquoi ? parce qu'il n'y a aucune autre sorte de prière que j'aie pu ajouter à cette division, et il n'y en a pas une des deux que j'aie pu retrancher'; une autre raison qui la rend juste encore, c'est que ces deux sortes de prières ont du rapport entre elles, puisqu'elles sont prières l'une et l'autre, et cependant elles ne sont pas renfermées l'une dans l'autre ; elles sont même opposées, qualité essentielle à toute division.

Ce n'est pas assez que les divisions soient claires pour être comprises facilement, simples pour fixer l'esprit, justes pour épuiser la matière; il faut qu'elles soient pratiques, c'està-dire, qu'elles nous proposent des devoirs à remplir, lors -même qu'il s'agit de mystère; par exemple, j'ai dit du mystère de la Purification, 1. que Jésus et Marie y cachaient leur grandeur, 2. que le Père éternel du haut des cieux y relevait l'éclat de leur grandeur. Ces deux divisions considérées en elles-mêmes, paraissent purement spéculatives; joignez-y néanmoins ce qui précède et ce qui suit, vous verrez qu'elles nous apprennent, l'une à nous humilier, et l'autre à exalter le Dieu du ciel et la terre, en imitant le langage et l'avis du bienheureux Siméon.

9. Après avoir annoncé les divisions de son homélie, le prédicateur peut faire une courte prière à Dieu, lui demander de verser ses grâces sur ses lèvres, et s'adresser à Marie par le salut angélique, pour implorer son intercession: mais l'homélie approchant beaucoup de l'exhortation familière, je crois que cette prière et ce salut n'y entrent pas nécessairement; aussi ai-je presque toujours omis l'un et l'autre.

Il paraît que du temps du célèbre Bourdafoue, on annonçait seulement après l'Ave, Maria, la proposition principale avec les divisions, et que tout cela était précédé d'une espèce de narration. Cette méthode n'est plus en usage en ce temps, et on peut s'en tenir à ce que je viens de marquer pour l'exorde, duquel on passe immédiatement au corps de l'homélie.

IV. Cette seconde partie du discours renferme l'introduction, les sous-divisions, les preuves, les réflexions, les affections et les résolutions. Pour introduction, on définit la

différemment sur l'endroit de l'Evangile que vous expliquez rapportez, si vous le voulez, leurs différents sentiments ; louezles, faites-les valoir l'un après l'autre, mais ne les combattez jamais; vous n'êtes pas monté en chaire, dit saint François de Sales, pour disputer contre les Pères et les docteurs catholiques. Observez enfin, après avoir expliqué le passage, d'en tirer une conclusion morale, que vous appliquerez à votre auditeur; par exemple, après avoir dit d'après saint Pierre, que ce monde passera, que cet univers sera consumé par le feu ; concluez avez ce prince des Apôtres : cùm igitur hæc omnia dissolvenda sint, quales oportet vos esse in sanctis conversationibus? Voilà en abrégé ce qu'il vous faut observer touchant l'usage de l'Ecriture sainte dans une homélie; or ce que j'ai dit des passages de l'Ecriture sainte, doit s'appliquer en partie à ceux des Pères.

De l'usage des Pères et des conciles dans l'Homélie.

VI. En effet, j'ai dit qu'il fallait se servir de l'Ecriture sainte, et il faut aussi, dit saint François de Sales, se servir des témoignages des saints Pères, parce qu'ils ont été les instruments par lesquels Dieu a communiqué le vrai sens de sa parole; et après les sentences de l'Écriture, ajoute ce saint, celles des Pères et des conciles tiennent le premier rang. 'J'ai dit qu'il ne fallait pas trop multiplier les textes sacrés ; et il faut aussi citer peu de passages des Pères à la fois, afin, dit le même saint, de pouvoir mieux les développer, les dire avec efficace, et les faire valoir. J'ai dit qu'il fallait rapporter des passages courts, ou les diviser en plusieurs parties, et il faut cucore que les sentences des Pères soient courtes et fortes, comme celle-ci de saint Augustin : Qui fecit te sine te, non salvabit te sine te; et les prédicateurs, dit le saint Evêque de Genêve, qui en allèguent de longues, rallentissent la ferveur et l'attention de la plupart des auditeurs, outre le danger auquel ils s'exposent de manquer de mémoire ; ( je n'ai pas toujours observé cette règle dans mes homélies, parce que je ne les prononçais pas, et parce que je voulais laisser le plaisir au pieux lecteur de lire quelquefois de longs

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