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si l'humilité ne le dérobe, loin de l'exposer aux yeux des hommes; il se prévaut, le dirai-je? il se prévaut du crime même ; on dirait que nous sommes malheureusement replongés dans ce paganisme audacieux, où les dicéarques élèvent hautement des autels à l'impiété et à l'injustice, pour insulter plus sûrement à Dieu et aux hommes : dans le bas âge on se vante, comme le jeune Augustin, de ses vols et de ses rapines, pour s'en faire un mérite devant ses compagnons d'école aussi injustes: un voluptueux se vante des désordres qu'il a commis; et souvent même des crimes qu'il n'a pas faits : le militaire, s'il n'a beaucoup de religion, se fera gloire d'être toujours prêt à venger son honneur dans le sang de son ennemi: on ne veut voir dans ces jactances impies rien de ce qui devrait faire rougir, ni le scandale qu'on donne au prochain, et dont on devient responsable, ni le défaut de charité, dont on est redevable à soi-même, ni le second péché qu'on commet devant Dieu, par cela seul qu'on ne désapprouve pas le premier: on n'a honte que d'une chose, c'est de n'être pas aussi impudent que les impudents (1): quelle est donc la fureur dont les hommes sont possédés pour une fumée de gloire qui fait leur confusion?

Revenez à vous, mes frères, et prenez des résolutions plus sages: avez-vous, femmes jusqu'aujourd'hui trop peu chrétiennes, avez-vous mis vos complaisances dans cette figure et cette beauté, pour laquelle vous étiez peut-être seule prévenue? souvenez-vous de ces avis du Saint-Esprit, que Dieu ne met pas son plaisir dans le port majestueux de l'homme, que sa beauté n'est point matière à louange, et moins encore ses habits, ses parures, l'arrangement de ses cheveux, le fard qui couvre son visage, et les pierreries qui chargent sa tête, mais l'homme invisible caché dans le cœur, et la pureté incorruptible d'un esprit plein de douceur et de paix (2). Jetez les yeux sur Jésus-Christ méconnaissable aux Juifs, au milieu desquels il était, sans beauté, sans autre figure que celle d'un lépreux, et détestez tous les sentiments de vanité qui pourraient naître d'un éclat passager.

(A) Conf. Aug 2) Pel. 3.

Avez-vous tiré vanité de vos biens? souvenez-vous de cet avis du sage, que la crainte du Seigneur est toute la gloire du pauvre et du riche, du grand et du petit ; gloria divitum honoratorum, et pauperum timor Dei est (1).

Avez-vous abusé du pouvoir que Dieu vous avait donné, en exerçant un pouvoir dur et arbitraire sur vos inférieurs ? souvenez-vous que vous serez mesuré comme vous aurez mesuré les autres, et que le devoir d'un homme en place est de ne point s'élever; rectorem te posuerunt, noli ergo extolli (2).

Est-ce la science et les talents de l'esprit qui font de vous un orgueilleux ? considérez, pour guérir l'enflure de votre cœur, quelles sont les ténèbres de cet esprit, combien il cst borné, ce que deviendra sa science dans le ciel, où saint Paul annonce qu'elle ne sera plus, scientia destruetur (3) ; les démons en ont infiniment plus que vous qui oserait se glorifier de ce qu'il a de commun avec ces esprits de ténè, bres ?

Sont-ce les qualités du cœur, qui vous inspirent des sentiments de vanité ? hé! qu'est-ce que toutes ces qualités sans l'humilité qui les conserve et qui les cache à nos propres yeux ?

Est-ce la sainteté de votre vie, vous en êtes redevable à Dieu ? vous ne l'avez pas portée au degré où un autre l'aurait portée, peut-être n'ètes-vous rien moins que Christ, qu'Elic et que Prophète, c'est-à-dire, rien moins que saint, que doué des qualités du cœur et qu'orné des talents de l'esprit ? peut-être dans votre âme, si vous cherchiez à vous connaître, vous ne trouveriez que péché, dans votre cœur que mauvai ses inclinations, dans votre esprit que ténèbres ? humiliezvous à la vue de tout cela, refusez, à l'exemple de saint Jean, les honneurs que vous n'avez point mérités, fuyez ceux que vous pouvez ne point recevoir, ne dites rien qui puisse donner de vous une bonne opinion. C'est l'exemple que nous donne saint Jean dans notre Evangile, et ce sont les résolutions que nous devons former: c'est à vous, mon Seaveur,

(1) Ecol. 11. (2) Ecl. 33.

3. Corinth. 13.

le maître et le modèle de l'humilité la plus parfaite, c'est à vous que nous nous adressons pour exécuter ces résolutions: apprenez-nous à nous humilier à la vue de nous-mêmes et de tout ce qui nous environne, faites que nous vous suivions dans vos humiliations sur la terre, afin de vous suivre dans votre gloire éternelle.

ÉVANGILE

Du IV. Dimanche de l'Avent.

L'an quinzième de l'empire de Tibère-César, PoncePilate étant gouverneur de la Judée, Hérode tétrarque de la Galilée, Philippe son frère de l'Iturée, et de la Province de Trachonite, et Lisania d'Abilenne. Anne et Caïphe étant Grands-Prêtres, Dieu fit entendre sa parole ù Jean, fils de Zacharie, dans le désert: et il vint dans tout le pays qui est aux environs du Jourdain, prêchant le baptême de pénitence pour la rémission des péchés, ainsi qu'il est écrit au livre des paroles du prophète Isaïe: On entendra dans le désert la voix de celui qui crie : Préparez la voie du Seigneur, rendez droits et unis ses sentiers. Toule vallée sera remplie, et toute montagne, toule colline sera abaissée : les chemins tortus deviendront droits, et les raboteux unis, et tout homme verra le Sauveur envoyé de Dieu.

Homélie sur la pénitence.

et

Les empereurs Romains sont les maîtres du monde, la Judée reçoit de leurs mains ses gouverneurs, les Hérodes sortis de l'Idumée sont Tétrarques en Galiléc, D'autres princes également étrangers commandent dans toutes les provinces où le peuple de Dieu est répandu. Le sceptre n'est plus dans la maison de Juda, le désiré des nations n'est done pas

loin, le Messie par excellence paraîtra donc bientôt; c'est ainsi que Jacob au lit de la mort nous apprend à raisonner, lorsqu'il adresse ces paroles à ses enfants : le sceptre ne sera point ôté de Juda, et il y aura dans Israël des chefs de son sang, jusqu'au temps où viendra celui qui doit être envoyé. L'Evangéliste veut nous faire faire l'application de cette célèbre prophétie; pour cela il nous apprend quels étaient les princes revêtus de la souveraine autorité : voilà la vraie raison de toutes les époques que nous lisons dans l'Evangile. Il est donc près de nous ce Dieu Sauveur attendu depuis le commencement des siècles: tout homme verra dans peu le salut de Dieu, videbit omnis caro salutare Dei. L'heureuse nouvelle, mes frères! en fut-il jamais de plus digne de vos désirs? Ah! préparez donc et ne tardez pas davantage, préparez vos cœurs au Seigneur, expiez vos péchés par les œuvres de la pénitence, réformez votre intérieur, corrigez-en tous les défauts. Tels sont les conseils salutaires que vous donne aujourd'hui le saint précurseur, et plût à Dieu qu'il me fût donné de vous les annoncer d'une manière aussi édifiante que ce nouvel Elie? Après avoir été comme lui un modèle de la pénitence la plus austère, qu'il me serait bien plus facile de faire entendre cette voix au fond de vos cœurs, faites pénitence, pœnitentiam agite : faites pénitence, mais une pénitence prompte, une pénitence qui rachète les peines dues à vos péchés, une pénitence proportionnée à la multitude de vos péchés, une pênitence qui corrige le dérèglement de vos mœurs, une pénitence assez sévère pour réprimer les saillies de la chair, et dompter vos passions. Faites pénitence, justes, pour vous préserver de la corruption du siècle; et vous, pécheurs, pour désarmer le Seigneur en vous armant contre vous-mêmes. Faites pénitence tous, parce que le royaume des cieux approche, et qu'il ne s'emporte que par la violence; pœnitentiam agile, appropinquavit regnum cœlorum. Voilà, mes frères, la matière importante que l'Eglise m'ordonne de traiter aujourd'hui, et voici l'ordre que j'observerai en la traitant: dans ma première réflexion je vous montrerai la nécessité de la pénitence, et dans la seconde, les qualités princi- ·

pales que doit avoir la pénitence. Demandons à Dieu de nous mettre dans les dispositions généreuses de saint Augustin, ces dispositions qui lui faisaient dire: brûlez ici-bas, Seigneur, coupez, soumettez-moi à toutes les austérités de la pénitence, pourvu que vous me pardonniez et que vous me pardonniez pour toujours.

PREMIÈRE RÉFLEXION.

Qu'est-ce que la pénitence dont l'Eglise veut aujourd'hui nous faire sentir la nécessité ? la pénitence est une vertu qui neus porte à deux choses, à satisfaire à Dieu pour nos péchés par le moyen des œuvres pénibles et laborieuses, et à mener une vie toute nouvelle, en réformant en nous le vieil homme: pœnitentiam agere est commissa plangere, et plangendo non commillere (1). Trois raisons tirées de notre Evangile nous font comprendre la nécessité de cette vertu. Il est dit que sous les princes des prêtres, Anne et Caïphe, Dieu fit entendre sa voix à Jean fils de Zacharie dans le désert, et dans le pays qui s'étend le long du Jourdain, préchant le Baptême de la pénitence pour préparer à la rémission des péchés : venit in omnem regionem Jordanis, prædicans baptismum pœnitentia in remissionem pcccatorum. C'est de là, mes frères, que je tire trois motifs puissants pour prouver la nécessité de la pénitence. Quel est celui qui nous l'annonce? un pénitent retiré jusque là dâns le fond du désert. De la part de qui nous l'annonce-t-il ? i! ca reçut l'ordre du ciel immédiatement. Pourquoi nous l'annonce-t-il ? pour nos péchés. Ainsi l'exemple de Jean-Baptiste, le commandement que Dieu nous fait dans sa loi qui commence par Jean-Baptiste, et les raisons de pénitence que nous donne le saint Précurseur, sont les trois pensées auxquelles je vous prie de donner votre attention ; développonsles, et persuadons-nous de l'obligation où nous sommes de vivre en pénitents.

Une voix aujourd'hui part du fond des déserts de la Judée,

(1), Greg.

8/

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