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SUR LES

ÉVANGILES

DE TOUS LES DIMANCHES ET PRINCIPALES FÊTES DE L'ANNÉE.

ÉVANGILE

Du II. Dimanche de Carême.

En ce temps-là, Jésus ayant pris en particulier Pierre, Jacques et Jean son frère, les fit monter avec lui sur une haute montagne, et il fut transfiguré devant eux : son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements blancs comme la neige. Et en même temps ils virent paraître Moïse et Elie, qui s'entretenaient avec lui. Alors Pierre dit à Jésus: Seigneur, nous sommes bien ici, faisons-y, s'il vous plaît, trois tentes, une pour vous, une pour Moïse, et une pour Elie. Lorsqu'il parlait encore, une nuée humineuse les couvrit ; et il sortit une voix de cette nuée, qui fit entendre ces paroles : c'est mon fils bien aimé, dans lequel j'ai mis toute mon affection, écoutez-le. Les disciples les ayant ouïes, tombèrent le visage contre terre, et furent saisis d'une grande crainte ; mais Jésus s'approchant les toucha et leur dit: Levez-vous, et ne craignez point. Alors levant les yeux, ils ne virent plus que Jésus scul. Lorsqu'ils descendaient de la montagne, Jésus leur défendit d'en parler, et leur dit: Ne parlez à personne de ce que vous avez vu, jusqu'à ce que le Fils de l'homme soit res suscité d'entre les morts.

THIEBAUT. Homel. II.

1

Homélie sur le Mystère de la transfiguration.

La grandeur du prodige que raconte notre Evangile, pouvait le rendre incroyable aux yeux d'un peuple encore charnel; il était à craindre qu'après avoir entendu parler d'une gloire si surprenante, il ne fût plus que jamais scandalisé de la mort que le Sauveur devait endurer sur la croix ; c'est pour cette raison, dit saint Jérome, que Jésus-Christ défend à ses Apôtres de dire ce qu'ils ont vu sur la montagne avant sa résurrection; nemini dixeritis visionem donec filius hominis à mortuis resurgat. Cette défense fut religieusement observée par les trois disciples jusqu'au temps prescrit; ils gardèrent, dit saint Luc, le silence sur les choses qu'ils avaient vues, et ils n'en dirent alors quoi que ce soit à personne: mais autant ils les avaient tenues sécrètes jusqu'à la mort du Sauveur, autant ils les rendirent publiques après sa résurrection. Saint Jean dit dans son Evangile qu'il a vu la gloire du Verbe éternel, comme du fils unique de Dieu : saint Pierre dans sa seconde Epître se sert de cette vision pour prouver la vérité de la religion chrétienne. Non, dit-il, ce n'est pas en suivant les fables ingénieuses que nous avons fait connaître la puissance et l'avènement de notre Seigneur Jésus-Christ; mais c'est après avoir été nous-mêmes les spectateurs de sa majesté : car il reçut de Dieu le Père un témoîgnage d'honneur et de gloire, lorsque de cette nuée où la gloire de Dieu paraissait avec tant d'éclat, on entendit cette voix : Voici mon fils bien-aimé en qui j'ai mis toute mon affection, écoutez-le; hic est filius meus dilectus in quo mihi complacui, ipsum audite. Enfin les trois Evangélistes, saint Matthieu, saint Marc et saint Luc, ont exactement rapporté ce fait. Pourquoi, mes frères, cette attention des Ecrivains sacrés? Ah! c'est qu'ils connaissent, ces hommes inspirés de Dieu, combien l'homme est attaché à lui-même, et à tous les objets qui l'environnent ici-bas, combien il est difficile de l'arracher à la vie des sens, combien faibles sont tous les efforts humains pour l'élever au-dessus des créatures, si la grâce ne s'en mêle. Ils savaient, ces saints, combien puissante

est la pensée du ciel pour nous détacher de la terre, pour nous le faire oublier, et pour nous occuper de notre éternité: cette pensée les soutenait dans les tentations de cette vie, et ils étaient persuadés qu'elle pourrait faire sur nous la même impression. C'est dans cette vue qu'ils ont pris un soin particulier de nous transmettre l'histoire du mystère de la transfiguration, et c'est, mes frères, dans le même dessein que nous devons aujourd'hui l'étudier: méditons-la donc attentivement, et considérons qui sont ceux qui méritent de monter sur le Thabor, afin de les imiter, quels sont les lieux où le Seigneur aime à se faire connaître, afin de nous y retirer; en quoi consistait le mystère de sa transfiguration, afin de l'accomplir en nous autant qu'il est possible ; de quels sentiments furent pénétrés les Apôtres, afin de nous en pénétrer nous-mêmes ; les moyens de participer un jour à lear bonheur, afin de les employer. C'est pour cela, mes chers frères, que nous sommes sur la terre ; nous n'avons pas icibas de cité permanente, nous en cherchons une dans le ciel, dont Dieu soit l'architecte et le fondateur: tout ici-bas doit nous paraître étranger, nous devons dire à chaque objet qui se présente : non, ce n'est pas pour vous que je suis fait, vous êtes étranger par rapport à moi, je le fais par rapport à vous ; mon corps seul doit être sur la terre, mon cœur, mon esprit, toute ma conversation doit être dans le ciel, son souvenir doit me fortifier dans mes peines, dans mes abstinences et mes jeûnes, dans toutes les pratiques de pénitence que l'Eglise me prescrit, et auxquelles mes péchés me condamnent; fasse le ciel que ce soit le fruit de cette instruction: en voici le plan. Le mystère de la transfiguration nous détache de la terre, vous le verrez dans mon premier point: le mystère de la transfiguration nous attache au ciel, vous le verrez dans mon second point.

PREMIER POINT.

S'attacher au monde, c'est aimer ses plaisirs, désirer ses Diens, rechercher ses honneurs, hair ses croix, craindre es persécutions, fuir ses mépris, c'est par ces différentes

affections de votre âme que vous pouvez juger de votre attachement au monde ; s'en détacher, c'est se réjouir comme ne se réjouissant pas ; posséder, comme ne possédant pas ; être élevé en dignité comme ne l'étant pas ; s'affliger comme ne s'affligeant pas ; n'avoir rien comme ayant beaucoup: tels sont les caractères du détachement que l'Apôtre prêchait aux fidèles de Corinthe, (1) et tels sont les sentiments que vous inspirera l'auguste mystère de la transfiguration, si vous le le considérez avec moi dans sa fin d'abord, et ensuite en luimême, ou dans sa nature.

Quelle est la fin que s'est proposée notre divin Sauveur dans sa transfiguration? Pour la bien comprendre, mes frères, il est bon de reprendre les choses de plus haut. Dans le chapitre précédent, le Seigneur avait prédit ses souffrances et celles de ses apôtres ; en parlant de lui-même, il avait dit à ses disciples qu'il fallait qu'il allât à Jérusalem, qu'il y souffrit beaucoup de la part des Sénateurs, des Scribes et des Princes des Prêtres : qu'il y fût mis à mort, et qu'il ressuscitat le troisième jour : et pour montrer que sa résolution sur ce point serait fixe et invariable, allez, avait-il dit à un des Apôtres qui s'y opposait, retirez-vous de moi, Satan, vous m'êtes un scandale: parce que vous n'avez point de goût pour les choses de Dieu, mais pour les choses de la terre; vade post me, Satana, scandalum es mihi, quia non sapis ea quæ Dei sunt, sed ea quæ hominum : en parlant ensuite à ses apôtres, et à quiconque voudrait devenir son disciple, il ajouta : si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à soi-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive; car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, et celui qui perdra sa vie pour l'amour de moi la retrouvera. Eh! que servirait-il à l'homme de gagner tout le monde et de perdre son âme? quid enim prodest homini si mundum universum lucretur animæ verò sua detrimentum patiatur ? Ces préceptes rigoureux firent sur les apôtres la même impression qu'ils font sur un trop grand nombrre de chrétiens. Nous n'entendons parler de re

(1) 1. Corinth, 1.

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