Imágenes de páginas
PDF
EPUB

votion; vous pourrez considérer cet homme-Dieu dans le jardin des olives, et vous dire: que fait mon Sauveur dans ce lieu de retraite ? il se livre à toutes les frayeurs de la mort, à tous les sentiiments de crainte et de tristesse que peut inspirer une mort terrible qu'on voit de près. Comment excitet-il en lui ces sentiments? il se représente tous les péchés du monde, tant ceux qui se sont déjà commis que ceux qui se commettront, l'obligation qu'il a prise sur lui de les expier, et d'être traité comme une victime chargée de toutes les iniquités du genre humain ; le ciel qui est devenu pour lui un ciel d'airain, le meilleur de tous les pères, qui est devenu un Dieu inexorable, qui va puissamment punir le péché dans celui qui en porte la ressemblance, l'abandon total dans lequel il est de la part de la synagogue, de ses proches, de ses disciples, dont l'un est déjà en chemin pour le livrer à ses ennemis. Voilà ce que considère ce divin Sauveur, et dès ce moment son imagination vive fait déjà sentir à son âme tous les maux qu'il doit endurer en son corps : dès-lors, il est saisi d'une crainte horrible, il est frappé d'une terreur qui glace son sang, il tombe en un chagrin et en un abattement qui le conduiraient à la mort, s'il ne se réservait à une mort plus honteuse; il soutient le combat le plus terrible entre la chair et l'esprit; mon Père, s'écrie-t-il, en rassemblant le peu de forces qui lui restent, faites, s'il est possible, que je ne boive point ce calice; et un moment après il est réduit à une agonic mortelle jusqu'à ce qu'un ange venant le conforter, on voit une sueur du sang qui coule sur son visage et de tout son corps jusqu'à terre: et pourquoi donc se livre-t-il à cette douleur intérieure? c'est que le péché se consomme dans le cœur, et qu'il veut le punir dans son propre cœur ; c'est qu'il prévoit que plusieurs d'entre nous mépriseront les témoignages de sa bonté, et même en abuseront pour pécher plus hardiment; c'est qu'il prévoit combien il y en aura qui se damneront après qu'il aura tout fait pour les sauver. Voilà ce que vous pouvez considérer le mercredi saint pour vous exciter à une douleur intérieure et souveraine, d'avoir offensé un Dieu à qui vos offenses ont tant coûté.

Le jeudi, après avoir considéré les exemples d'humilité

que le Sauveur nous a donnés en lavant les pieds de ses apôtres, et de bonté, en instituant le secerdoce, le sacrifice, et le plus auguste sacrement de la nouvelle loi. Suivezle depuis le jardin des olives jusqu'à Jérusalem, de combien d'opprobres ne le verrez-vous pas couvert ? ce n'est partout que railleries, que mépris, qu'insultes et qu'oppobres, opprobre de la part d'un apôtre qui le vend à vil prix comme un esclave, et qui le livre par un baiser perfide; opprobre de la part de tous ses disciples qui prennent tous la fuite, et l'abandonnent dans le temps de sa passion comme on abandonnerait un insigne coupable; opprobre de la part de tout le grand conseil des juifs assemblé chez Caïphe, qui le traite de blasphémateur, et qui permet qu'il soit couvert de crachats, souffleté, moqué par les sénateurs mêmes, comme il venait de l'être par leurs valets, par une insolente soldatesque, aux outrages de laquelle il avait été exposé une partie de la nuit; opprobre de la part d'Hérode, qui le méprise, et le croit un insensé plutôt qu'un homme d'une doctrine dangereuse; opprobre de la part de Pilate, qui le met en comparaison avec un insigne voleur, et qui, après lui avoir fait souffrir une cruelle flagellation, permet qu'on lui applique une couronne d'épines sur la tête, qu'on lui mette un roseau à la main en forme de sceptre, et qu'on le salue roi des juifs en cet état. Et pourquoi Jésus-Christ souffre-t-il tous ces opprobres? pour expier vos péchés d'orgueil et d'ambition, hommes jaloux des honneurs et des puissances; pour vous apprendre à être plus humbles, femmes trop délicates et trop sensibles au moindre défaut d'attention; comparez vos sentiments avec ceux du Sauveur ; et réformez les vôtres sur les siens, c'est le sujet que vous pouvez prendre pour votre méditation le jeudi-saint.

Serait-il nécessaire de vous en indiquer pour le jour suivant? un Dieu crucifié que l'Eglise proposera à votre adoration, quel sujet de réflexions profondes! sortez donc ce jour hors de Jérusalem pour partager les douleurs de JésusChrist, et frappés du spectacle qui est offert à vos yeux, dites-vous à vous-mêmes : quel est celui qui souffre? c'est le juste par excellence. N'est-il donc pas bien raisonnable

que je consente à souffrir, moi qui suis le plus grand des pécheurs ? ah! si le bois vert est ainsi traité, comment le bois sec méritera-t-il de l'être ? si in viridi ligno hæc faciunt, in arido quid fiet? Que souffre-t-il ? dans son corps et dans son âme, dans son cœur, dans son esprit, dans son imagination, dans sa tête couronnée d'épines, dans ses pieds et ses mains percés de clous, dans son côté ouvert d'une Jance, partout, et depuis la plante des pieds jusqu'au sommet de la tête, il n'y a pas un seul endroit de son corps qui ne soit meurtri, baigné de son sang. Ah! quelles seront donc désormais les souffrances qui me paraîtront trop dures, puisque l'Homme-Dieu est comme noyé dans une mer de douleurs. Où souffre-t-il? à Jérusalem, où toute sa nation est rassemblée, fausse délicatesse par conséquent que celle qui me ferait fuir les humiliations publiques. De la part de qui souffre-t-il? du Juif, du Gentil, du Prêtre, du Laïque, des siens et des étrangers, vaines excuses par conséquent, lorsque j'allègue la condition des personnes pour me dispenser de souffrir de leur part. Pourquoi souffre-t-il ? pour moi et pour mes péchés ; noire ingratitude, par conséquent, chaque fois que je refuse de souffrir quelque chose pour lui. Comment souffre-t-il? avec une patience unique ; c'est un agneau qui se tait devant ceux qui l'immolent, il prie pour tous les hommes, et en particulier pour ceux qui le font mourir, siéra-t-il done à un disciple de se plaindre, lorsqu'il voit son maître se réjouir du moment de ses souffrances ?

Ce sont là, mes frères, les différentes considérations que je vous prie de faire le vendredi saint; jetez-vous au pied de votre crucifix, contemplez à loisir l'image de votre Dieu, écoutez toutes les leçons qu'il vous y fait sur les piaisirs, les honneurs et les richesses; est-il rien de si capable de vous détacher de ces objets ?

Enfin le mystère de la sépulture pourra vous occuper te samedi saint, vous vous direz ce que dit saint Paul dans une de ses Epîtres: que dans votre baptême vous avez été ensevelis avec Jésus-Christ, qu'un homme enseveli n'a pas plus de commerce avec le monde que le monde n'en a avec lui, qu'i! faut donc que le monde soit crucifié pour vous, et que vous

le soyez pour le monde; que le monde corrompu cesse de vous plaire, et que vous cessiez de votre côté de plaire au monde corrompu. Le feu nouveau qu'on allume à l'entrée de l'église, le cierge nouveau, les fonts nouveaux, toutes les cérémonies de l'Eglise doivent vous apprendre à vous renouveler vous-mêmes au Seigneur je serais infini, si je parcourais toutes les saintes pratiques qui peuvent vous exciter dans ce temps à la piété; il faudrait vous dire que le silence des cloches vous annonce le deuil dans lequel semble entrer la nature à la mort de son auteur, que les offices que nous célébrons le soir son appelés ténèbres, pour marquer la tristesse de l'Eglise à la vue des souffrances de son divin époux, et représenter les ténèbres qui furent répandues sur toute la terre le vendredi saint; que les cierges s'éteignent successivement pour figurer la vraie lumière d'Israël qui va s'éteindre pour reparaître avec plus d'éclat trois jours après; que le bruit tumultueux que nous commençons et que vous continuez, nous rappelle le tumulte des juifs et le bruit des pierres qui se fendent à la mort de Jésus-Christ; mais il est impossible de vous expliquer le sens de ces différents usages dans un seul discours.

ne,

Finissons celui-ci par quelques réflexions tiréesdu nom principal de cette semaine dans laquelle nous entrons ; elle est appelée et elle est véritablement grande par les jeûnes qu'on y pratique. Autrefois les uns passaient toute cette semailes autres quatre jours, d'autres trois jours sans manger, et le commun des fidèles ne prenait rien de puis le souper du jeudi au soir jusqu'au déjeûné de Pâques. Mais, hélas! où sont ces temps de ferveur ? observateurs voluptueux du carême, nous n'avons jusqu'aujourd'hui fait que changer les objets de notre sensualité; suivrons-nous nous-mêmes pendant cette semaine cet exemple que nous ont laissé les premiers fidèles? j'en doute encore. Elle est grande par le recueillement dans lequel l'Eglise et l'Etat souhaitent que nous vivions; toutes les affaires civiles et séculières vaquent, afin que ces jours soient exempts de trouble, et qu'on puisse les cmployer avec loisir aux exercices de la religion; les personnes les plus mondaines affectent un esprit de retraite; les comé

dies sont fermées, les spectacles sont interrompus, les assemblées se divisent, les grands repas finissent: quelle honte pour nous devant Dieu, si nous n'étions en sa présence que ce que les plus méchants veulent paraître à la nôtre ! Elle est grande, cette semaine, par les veilles qu'on pratiquait autrefois, puisque le samedi saint tous les fidèles restaient à l'Eglise depuis trois heures du soir jusqu'au dimanche le matin, tandis qu'il nous paraît aujourd'hui difficile d'assister pendant quelques heures aux saints offices de l'Eglise. Elle est grande cette semaine par la mémoire des mystères qui s'y renouvellent, puisque c'est alors qu'ont été institués le sacerdoce, le sacrifice et le plus auguste Sacrement de la nouvelle loi, et puisque c'est encore alors que Jésus-Christ a été livré, immolé et enseveli pour le salut des hommes. Enfin elle est grande, cette semaine, parce qu'elle est spécialement destinée à opérer la grande affaire de notre salut, et notre parfaite réconciliation avec le Seigneur.

C'est à vous, mes chers frères, à répondre à ces grandes grâces qui vous sont offertes, par la grandeur de vos sentiments, l'élévation de vos pensées, la vivacité de vos désirs, la ferveur de vos prières, l'austérité de vos jeûnes, la longueur de vos veilles, l'abondance de vos aumônes, la générosité de vos résolutions, la douleur de vos péchés, la sincérité de vos regrets et de vos larmes, votre attachement inviolable au Seigneur. Vous l'avez vu, il est votre Roi, et il mérite de régner sur votre esprit comme la souveraine vérité, sur votre cœur comme la souveraine amabilité; il faut donc que vous lui soyez fidèles, que vous soyez unis avec lui, que tous ses ennemis soient les vôtres, que vous combattiez le démon, le monde et votre chair, qui sont les ennemis de sa gloire, que vous croyiez tout ce qu'il vous propose de croire, que vous fassiez tout ce qu'il vous commande sans avoir d'au tre volonté que la sienne; si vous étiez attachés à un grand de la terre, à un prince, par exemple, dont dépendrait votre fortune, un signe serait pour vous un ordre; ses paroles seraient autant d'oracles que vous respecteriez ; son exemple, son goût, ses maximes seraient votre règle. Pourquoi donc les maximes et les exemples du Sauveur ne seraient-ils pas

« AnteriorContinuar »