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mencent à se faire sentir; sortir de votre tombeau, ce serait vous renouveler dans la piété, ne fréquenter que des personnes vertueuses; affaiblir le germe de ces passions par le jeûne, la retraite et l'oraison. Combien y en aura-t-il après Pâques qui observeront ces saintes pratiques? quis revolvet tapidem? Hélas! ma crainte serait-elle une vaine alarme ? ne verrai-je pas avec douleur ce dont mes yeux ont été témoins les années précédentes? ne verrai-je pas les festins succéder aux abstinences du carême, la dissipation du jeu, des promenades, des divertissements publics au recueillement qui vient de nous édifier? les folles joies, aux saints gémissements que nos mystères ont excités dans nos âmes? Eh! qu'est-ce donc qui va vous rappeler au monde ? consultez votre cœur, mes frères, et il vous répondra que ce sont moins les plaisirs du monde que la difficulté de rompre les chaînes de l'habitude, et de vous passer d'un objet que la passion vous a rendu comme nécessaire, que les dégoûts et les ennuis que vous croyez inséparables de la piété, en un mot, que la difficulté d'ôter pour jamais cette pierre du péché qui ferme l'entrée de votre âme aux suggestions de la grâce.

Ainsi parlait saint Cyprien lui-même dans une lettre qu'i écrivit à Donat aussitôt après son baptême; apprenez donc par son expérience à corriger l'erreur qui vous séduit. « Lors» que j'étais encore engagé dans les ténèbres de l'infidélité, >> dit ce grand saint, lorsqu'agité par les flots impétueux de » la mer du siècle, j'étais jeté misérablement de côté et » d'autre sans savoir même où j'allais, je regardais comme » une chose très-difficile et très-lure, à cause de la corruption » où mon cœur était plongé, de pouvoir renaître de nou» veau, et de changer mon esprit et mon cœur. Comment, » disais-je, est-il possible qu'il se fasse en moi un change»ment si prompt et si prodigieux, que je me dépouilie tout-à» coup de ce qui s'est affermi en moi par une dégradation » de la nature, ou de ce qui s'est tourné en habitude? qui » possibilis, aiebam, tunta conversio, ut repentè ac per» tinaciter exuatur, quod vel genuinum situ materiæ na»turalis obduruit, vel usurpatum diù senio vetustatis yinolevit? Ah ! toutes ces choses ont pris de trop profondes

» racines en moi, et y sont trop fortement attachées ; alta » hæc et profunda penitùs radice sederunt. Oui, quand » une fois on s'est accoutumé aux attraits tenaces de la pas>>sion, il est comme nécessaire qu'on soit ensuite ce qu'on » était auparavant : gouverné par l'amour de l'intempérance, » enflé d'orgueil, inquiet par l'envie d'amasser, emporté par >> la colère, tourmenté par des désirs de vengeance, flatté par » des pensées d'ambition, entraîné par la volupté. C'est là, >> continue ce saint martyr, ce que je me disais souvent à >> moi-même. » Et voici comment il fut détrompé, et ce qui devrait bien vous détromper. « Mais, ajoute-t-il, après que » par la vertu de l'eau qui nous fait renaître, les taches de » ma première vie furent effacées, et la lumière d'en-haut » répandue dans mon cœur ainsi purifié ; après que cette se» conde naissance m'eut changé en un nouvel homme par >> l'infusion du Saint-Esprit, je sentis dans le moment que » par un effet admirable tous mes doutes furent éclairés, > tout ce qui était auparavant fermé pour moi, me fut ou» vert, mes ténèbres furent dissipées, ce qui me semblait impossible, me parut facile; protinùs confirmari dubia, » patere clausa, lucere tenebrosa, geri posse quod impos»sibile videbatur. Pourquoi ? parce que cette seconde vie » était en moi un effet de la grâce et du souffle du Saint-Es» prit. » Ce sont jusque-là les paroles du saint Evêque de Carthage, ne vous semblent-elles pas un commentaire exact des paroles de notre Evangile ? avez-vous remarqué combien une vie nouvelle lui avait paru d'abord difficile ? et ensuite combien il l'avait trouvée facile ? c'est, mon cher auditeur, la douce expérience que vous feriez bientôt, si vous aviez plus de courage. Tant que vous écouterez votre propre faiblesse, vous crierez avec les femmes de notre Evangile : quis revolvet lapidem? qui nous ôtera la pierre? Mais entrez comme elles dans le chemin de votre conversion, sans vous piquer d'une fausse prudence, et prévoir des obstacles qui ne seront jamais; mettez comme elles toute votre confiance en Dieu, pénétrez jusque dans le sépulcre du Seigneur pour vous y dépouiller du vieil homme, vous goûterez les mêmes consolations qu'elles. Elles virent un ange sous la forme d'un jeu

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homme assis du côté droit et non du gauche, ( pour marquer, dit saint Grégoire, que notre rédempteur était passé de cette vie corruptible à une glorieuse immortalité, ) elles le virent vêtu d'une robe blanche, couleur, ajoute le même Père, qui signifiait la joie ineffable de la solennité que nous célébrons; viderunt juvenem sedentem in dextris coopertum stola candida. Et parce que le premier aspect d'un ange dans le fond d'un sépulcre les effraya d'abord, obstupuerunt : ne craignez point, leur cria l'Esprit céleste. Qu'elles craignent, ces âmes lâches qui n'aiment point la descente des citoyens du ciel, cela leur est utile ; paveant illi qui non amant adventum supernorum civium. Qu'ils tremblent ces hommes terrestres qui désespèrent de parvenir jamais à la société des saints, parce qu'ils se laissent dominer par leurs désirs charnels; pertimescant illi qui carnalibus desideriis pressi ad eorum societatem pertingere se posse desperant. Ces sentiments leur conviennent, mais pour vous, eh! pourquoi craindriez-vous de voir vos concitoyens; vos autem cur pertimescitis quia vestros concives videtis ? C'est le sens de ce que dit l'ange aux saintes femmes, et c'est ainsi qu'à peine vous aurez commencé l'œuvre de votre conversion, que vous serez rassurés contre ces fausses craintes où vous jette l'avenir. N'en prévoyez pas un long, armez-vous de courage seulement pour aujourd'hui, formez encore demain les résolutions d'aujourd'hui, continuez ainsi quelque temps, et alors quel admirable changement ne verra-t-on pas dans vos mœurs ? L'ange disait aux femmes: vous cherchez Jésus de Nazareth, il est ressuscité, il n'est plus ici; Jesum quæritis Nazarenum, surrexit, non est hic. Nous dirons, quoique dans un autre sens, la même chose de vous: vous nous parlez, dirons-nous à quiconque s'informera de vous nous parlez d'un homme mort, et il est plein de vie. Ce n'est plus cette jeune personne du sexe dont on parlait dans le public, et qui se plaisait à recevoir le mortel 'encens de ses insensés adorateurs, elle est ressuscitée, elle fait couler les larmes sur cette beauté qui la perdait et dont elle perdait les autres, elle est tout à son devoir, tout à la piété, tout à Dieu; surrexit. Ce n'est plus cet homme qui

vous,

dissipait son patrimoine aux jeux et aux plaisirs de la table, il est aujourd'hui ressuscité, il n'est plus ni joueur, ni ivrogne, ni ami de la bonne chère; surrexit. Ce n'est plus cet homme dur envers les pauvres, cet ambitieux qui prétendait à toutes les préséances, ce jeune débauché dont on fuyait avec raison la compagnie; ces hommes sont ressuscités, cet avare est devenu libéral, cet orgueilleux est prévenant sans fierté, et obligeant avec sincérité, ce jeune homme se fait autant admirer par la modestie de tout son maintien et la retenue de ses discours, qu'il était craint pour la liberté de ses propos; surrexit. Voilà ce que nous dirons de vous, si vous cherchez Jésus ressuscité comme vous le devez avec amour et avec courage, ce sont les premières qualités que doit avoir cette recherche.

Une troisième est l'édification. Il faut que vous soyez ressuscités non-seulement devant Dieu, mais encore devant les hommes. L'ordre que reçoivent les saintes femmes de notre Evangile, c'est d'annoncer aux disciples et à Pierre que Jésus est ressuscité, qu'il s'en va devant eux en Galilée, ct que c'est là qu'ils le verront. L'ordre qui vous est donné, n'est plus seulement de publier la résurrection du Sauveur il y a dix-sept siècles et au-delà qu'elle est connue, sans que l'éclat de ce miracle ait jamais pu être affaibli; mais c'est votre propre résurrection que vous devez rendre publique. Pourquoi cela, mes frères ? pour les mêmes raisons que notre Sauveur a eues de se manifester au monde ; il s'y est manifesté, pour faire connaître la gloire de son Père, et vous la ferez connaître en publiant ses miséricordes infinies envers vous, la force toute puissante de la grâce qui vous a arrachés des bras de la mort, malgré les obstacles de vos péches et la résistance de vos passions, la volonté sincère que le Seigneur a de sauver tous les pécheurs, puisqu'il vous a sauvé, vous le plus grand des pécheurs. Jésus ressuscité s'est manifesté au monde pour la consolation de ces âmes pieuses qui pleurent sa perte; eh! combien de saintes âmes n'ont pas pleuré la vôtre ! combien de ministres zélés s'en sont allligés! combien d'amis sincères en ont gémi? combien de parents chrétiens en ont eu le cœur percé de douleur ! Toutes

ces personnes charitables, vous les consolerez, vous les réjouirez, vous les engagerez à bénir le Seigneur avec vous des grandes grâces qu'il vous a faites, en leur apprenant votre conversion. Jésus-Christ ressuscité s'est manifesté au monde, pour relever le courage de ses apôtres abattus par la perte qu'ils croyaient avoir faite de leur maître : combien de faibles la perte trop réelle de votre âme n'a-t-elle pas scandalisés ! pensez-y, vous, dont les habitudes étaient connues et publiques, vous, dont le crime exigeait des complices, et vous encore dont le mauvais exemple influait fortement sur la conduite de vos inférieurs: toutes ces personnes pour qui vous avez été une occasion de chute, ont les yeux sur vous; elles vous ont suivi dans vos égarements, elles vous suivront dans votre retour à Dieu : ne pourrons-nous pas, se diront-elles, ce qu'ont pu celui-ci et celle-là ? nous les avons crus lorsqu'ils nous éloignaient de Dieu, ah! pourquoi donc ne les croirions-nous pas lorsqu'ils nous rappelent à lui ? nous avons écouté la voix de leurs passions, ah! il est bien plus juste de céder à la voix de la pénitence et de la religion. JésusChrist s'est manifesté au monde, et pourquoi encore? pour assurer la foi que nous avons d'une autre vie après celle-ci. Je l'ai déjà observé, si le Sauveur ne fût pas ressuscité, nous n'avions pas de résurrection à espérer; mais ce dogme de notre sainte religion étant une fois aussi solidement établi que vous l'avez vu par toutes sortes de témoignages, par l'aveu de ceux qui étaient et les plus interressés à le nier, et les plus éloignés à le croire, combien n'en résulte-t-il pas de conséquences favorables au christianisme ! Il s'ensuit, mes chers frères, qu'un jour viendra où nous ressusciterons nousmêmes, et où nous paraîtrons au tribunal de notre souverain juge, pour y entendre l'arrêt ou d'une éternelle réprobation, ou d'une éternelle élection ; il s'ensuit qu'il faut nous préparer à ce grand jour par la fuite du péché, et par la pratique des bonnes œuvres ; il s'ensuit qu'il faut croire et faire tout ce que Jésus-Christ nous ordonne de croire ou de faire ; qu'il n'est pas un seul article de notre religion qui ne mérite d'être soutenu jusqu'à l'effusion de notre sang ; pourquoi cela? parce que la résurrection du Sauveur prouve in

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