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curiosité, lève nos doutes, et nous assure de la vérité. L'une et l'autre doivent faire l'objet essentiel de nos vœux, et ce sont ceux que je ne cesse et je ne cesserai de former pour vous, mes chers frères, en disant à Dieu avec l'apôtre : pax -Dei quæ exuperat omnem sensum, custodiat corda vestra get intelligentias vestras; que la paix de Dieu qui surpasse toute pensée garde vos cœurs et vos esprits. L'une et l'autre ont été données aux disciples par Jésus-Christ : n'est-ce pas celles qu'il m'ordonne de vous annoncer? 11 envoya alors ses mêmes disciples vers les Juifs et les Gentils; il envoie encore aujourd'hui ses ministres vers vous comme il a été envoyé par son Père; sicut misit me pater, et ego mitto vos. Or il n'a été envoyé dans ce monde que pour faire notre paix ; je puis donc dire avec saint Paul, que c'est Dieu même qui vous exhorte par ma bouche, et qui me suggère ces paroles: nous vous conjurons au nom de Jésus-Christ, de vous réconcilier avec Dieu; Deo exhortante per nos, obsecramus pro Christo, reconciliamini Deo. Voilà, mes frères, le grand objet de notre ambassade vers vous, et voici les pouvoirs dont ce grand maître a daigné nous revêtir; ils sont contenus dans le sacré texte que voici.

Ayant dit ces mots, il souffla sur eux, pour faire connaître qu'il était avec le père un même principe de la troisième personne de la sainte Trinité; et leur dit, recevez le saint Esprit, hæc cùm dixisset, insufflavit et dixit eis : accipite Spiritum sanctum. Il ajoute incontinent après, pour montrer que c'était moins pour eux que pour les autres qu'ils le recevaient; les péches seront remis à ceux à qui vous tes remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez; quorum remiseritis peccata remittuntur eis, et quorum retinueritis, retenta sunt. Voilà, si j'ose parler ainsi, les lettres de créance que le Seigneur nous a données vers vous: tel est le pouvoir qu'il nous a confié, un pouvoir qu'il n'a pas confié aux princes et aux rois de la terre, un pouvoir que n'ont pas les anges et les archanges, un pouvoir qui convient à la seule Divinité, un pouvoir de remettre vos péchés, tous vos péchés. Vos péchés, quel qu'en soit le nombre et la qualité, fussent-ils multipliés autant que le sable de la mer ;

ces péchés ainsi multipliés fussent-ils d'une malice consom-mée, venez à nous avec un cœur contrit, et nous vous les remettrons. Telle est la puissance avec laquelle nous venons vers vous; et malheur à nous, si en exerçant un ministère si sublime, nous n'étions animés de l'esprit qui nous a été donné par l'imposition des mains: malheur au ministre que sa conscience condamnerait, tandis que ses lèvres prononceraient à un pénitent la sentence d'absolution : malheur à moi, si je vous donnais par ma faute ce que vous seriez indignes de recevoir. Que faut-il donc de votre part pour vous en rendre dignes? quelle est la condition à laquelle Dieu attache la paix de votre cœur? c'est la confession: elle est tellement marquée dans ces paroles de Jésus-Christ, les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, que l'Eglise a frappé d'anathême ceux qui nieraient qu'elles dussent être entendues du pouvoir de remettre les péchés dans le sacrement de pénitence (1). En effet, mes frères, la seule raison (car je ne puis ici m'engager à vous rapporter une longue chaîne de traditions) la seule raison n'aperçoit-elle pas ici la nécessité de la confession pour quiconque est coupable d'un péché mortel? A nous en tenir à l'expression évangélique, n'est-ce pas aux prêtres qu'il doit s'adresser pour en obtenir la rémission? à quoi se réduirait le pouvoir accordé aux prêtres, si le pécheur pouvait se dispenser de recourir à son ministère ? ce prêtre ne doit-il pas tantôt remettre et tantôt retenir les péchés ? et quand est-ce qu'il les remettra ou qu'il les retiendra ? sera-ce suivant son humeur et par caprice? ne sera-ce pas suivant les dispositions du coupable, ou avec prudence? il faut bien qu'il les connaisse ces dispositions, ces péchés qui ont précédé, et cette pénitence qui a suivi; et quel autre moyen que la confession les lui fera connaître? allez donc vous jeter aux pieds du prêtre, faites-lui l'humiliant aveu de vos fautes, j'ose vous promettre la paix du cœur de la part de ce Dieu de miséricorde, avec Dieu, avec votre prochain et avec vous-mêmes; avec Dicu, qui promet de ratifier dans le ciel la sentence que sou

(1) Trid sess. 14. cant. 3.

ministre aura prononcée sur la terre, de vous faire sortir des tribunaux de la pénitence aussi blancs que la neige, d'éloigner vos péchés de lui autant que les cieux le sont de vous; avec le prochain, que vos injustes usurpations éloignaient de vous, et qu'une exacte restitution rapprochera, que vos querelles, vos emportements, vos duretés intimidaient, et qu'un ton de douceur, de bonté, de charité fraternelle rassurera; que vos piquantes railleries, que vos noires médisances, vos discours calomnieux aliénaient, et que de sincères excuses, un parfait rétablissement dans sa réputation ne manqueront pas de gagner: avec vous, par la contrainte où vous mettrez vos passions, par la violence que vous ferez à vos habitudes, par les remèdes qu'on vous prescrira pour redresser vos inclinations vicieuses, par votre fidélité à en user, par votre attention sur vous, et votre éloignement pour tout ce qui pourrait affaiblir l'amour divin dans ce cœur que vous lui aurez donné.

Non, me disent ici des âmes chrétiennes et timorées, mais qui s'alarment peut-être un peu trop : non, la confession ne procure pas cette profonde paix que vous promettez. J'ai rempli, grâce au ciel, toutes les obligations pascales, j'ai avoué toutes mes injustices au Seigneur dans la personne de ses ministres ; et à quelles fâcheuses inquiétudes mon cœur n'a-t-il pas été livré depuis ? la recherche de mes fautes a-telle été exacte et proportionnée au temps qui s'était écoulé depuis ma dernière confession? ma déclaration a-t-elle été sincère et sans déguisement ? ma douleur était-elle intérieure et souveraine ? mes résolutions étaient-elles bien formées ? comment le croirai-je, puisque je pèche encore, puisque je suis encore faible et assailli de tentations comme auparavant? comment pourrais-je me persuader que je suis en la paix de Dieu ? et dans ce doute, quelle serait la paix de mon cœur ? Voilà ce qui jette de continuelles alarmes dans mon âme.

Il est vrai, chrétiens sincèrement pénitents, vous n'aurez jamais une certitude entière de votre réconciliation avec Dieu. Vous ne pouvez savoir si vous êtes dignes d'amour ou de haine; mais ce que vous pouvez savoir, et qui doit vous consoler, c'est que le Seigneur, dont les miséricordes sont infi

nies et les promesses véritables, court au devant de l'enfant prodigue qui retourne à lui; c'est que l'on retourne au Seigneur par sa volonté et ses affections, et que vous souhaitez n'avoir d'autre volonté que la sienne; de haine ou d'amour, de tristesse ou de joie, de crainte ou d'espérance que celle qu'il approuve. Ne sont-ce pas là vos dispositions? n'estce pas ce que vous auriez répondu à quiconque vous en aurait demandé compte? et n'est-ce pas la réponse que vous avez faite aux ministres de la pénitence ? ce que vous pouvez encore savoir, et qui est propre à vous rassurer, c'est que vous ne connaissez aucun défaut dans vos confessions qui les rende nulles, aucune attache dans votre cœur qui déplaise à Dicu, aucun dessein formé de commettre le péché. Ainsi vous pouvez dire à Dieu : non, je ne puis assurer que je sois à vous, mais je ne connais rien qui me sépare de vous ; mais je sais que je veux ne m'en séparer jamais, que dans l'actuelle disposition de mon âme rien ne sera capable de m'en séparer or ce doux témoignage d'une conscience qui ne cherche point à se tromper, quelle consolation ne répandpas dans votre âme !

il

Mais vous craignez, dites-vous, de vous tromper, et en vous trompant de vous perdre ; aussi ne prétendons-nous pas, mes frères, que la paix que nous vous annonçons exclue toute crainte et toute perplexité; au contraire, c'est cette crainte même qui doit faire une partie de votre paix, et comment? c'est que le plus grand malheur qu'un mortel ait à craindre, c'est de ne craindre pas, parce qu'il est sûr de ne pas opérer son salut, puisqu'on ne l'opère que dans la crainte et le tremblement, suivant l'Apôtre. Dieu qui vous livre à toutes les frayeurs qu'inspirent ses jugements, vous accorde donc une grâce précieuse de salut, une grâce nécessaire au salut, une grâce qui vous assure de votre prédestination éternelle. Ce sont donc vos inquiétudes qui doivent vous rassurer, vos craintes qui doivent vous faire espérer. Ah! mon Seigneur et mon Dieu, devez-vous donc dire, il ne me sera plus dur de vivre dans cet état de perplexité qui me trouble ; c'est un effet de votre justice, mes fautes ont mérité ce châtiment, je l'accepte avec résignation, il est bon que vous 17

Thiébaut. Homél. II.

m'humiliiez pour m'apprendre désormais à observer votre loi, bonum mihi quia humiliasti me, ut discam justificationes tuas (1).

Vous craignez, dites-vous encore, parce que vous retombez dans les mêmes fautes dont vous sembliez avoir fait pénitence, et que vous êtes peut-être plus tentés que jamais : car comment penser qu'on a jamais été en paix avec celui qu'on offense tous les jours, et que trop vraisemblablement on offensera encore dans la suite? Oui, mes frères, on peut avoir été réconcilié et pécher encore; et pour juger de la nature de cette réconciliation, il faut examiner quelle a été la nature des fautes qui l'ont suivie; sont-ce des fautes de faiblesse et de surprise, des fautes qui échappent à la fragilité humaine, et qu'une prudence ordinaire ne prévoit pas de loin ? tranquillisez-vous sur cette confession passée, la pénitence ne vous a point rendus impeccables; mais ces fautes, les avez-vous commises pour avoir négligé les précautions nécessaires, pour n'avoir pas fui l'occasion, pour n'avoir pas renoncé de bonne foi à votre habitude, pour n'avoir fait qu'en suspendre le cours ? ah ! ce sont ces faux pénitents que nous voyons les plus tranquilles, et qui ont terriblement à craindre. Non, non, leurs confessions n'ont pas été pour eux un moyen de paix : c'est à ces sortes de pécheurs qu'on peut dire dans un sens plus véritable ce que Jézabel disait à Jéhu ; Numquid pax potest esse Zambri qui înterfecit Dominum suum? Un sujet qui est devenu le meurtrier de son maître peut-il goûter les douceurs de la paix ? car ces hypocrites qui retournent déjà à leurs anciennes habitudes, ou que vous verrez y retourner dans peu, quel crime n'ont-ils pas commis pendant cette quinzaine ? ils ont peut-être satisfait à leur réputation, peut-être à l'édification publique, je dis, peut-être ; car je n'assurerais pas que plusieurs n'aient été surpris de les voir approcher de la sainte table, la bouche encore souillée de leurs conversations, et le cœur tout brûlant d'une flamme impure. Mais certainement ils n'ont point satisfait à leur religion, ni à leur conscience: ils ont

(1) Psalm. 118,

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