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moi de nourrir leurs corps d'un pain matériel, de repaftre leurs âmes du pain spirituel de la foi, mais je veux encore les engraisser en leur donnant tous les jours mon corps adorable et mon sang précieux. Où est le Pasteur, où est la mère qui nourrisse ainsi ses enfants de sa propre chair ? c'est le sens qu'on peut donner à ces paroles de Jésus-Christ : je connais mes brebis commé mon Père me connaît.

Il ajoute qu'il les connaît comme il connaît son Père; or la connaissance qu'il avait de son Père était très-efficace. Voyez dans toute la Judée comment il sanctifiait son nom; voyez dans le jardin des olives comment il se soumet à sa volonté ; voyez sur la croix comment il cherche sa gloire. La connaissance qu'il a de son Père ne tend qu'à lui faire des adorateurs, ainsi la connaissance qu'il a de ses ouailles, si elle est aussi efficace, doit contribuer infiniment à leur salut; et c'est ce qu'il marque encore dans les paroles suivantes.

J'ai, dit-il, encore d'autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie, il faut aussi que je les amène ; et alias oves habeo que non sunt ex hoc ovili, et illas oportet me adducere. Que signifient ces paroles du Sauveur : qu'il a d'autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie? Le voici, mes frères, cette bergerie dont il parle, c'était la synagogue composée des seuls Juifs à l'exclusion des Gentils. Or, l'Eglise que Jésus-Christ venait se former devait renfermer dans son sein non-seulement les Juifs, mais les Gentils surtout, et par conséquent contenir des ouailles qui n'étaient pas du bercail dont il parlait, je veux dire, de la Synagogue: il dit qu'il faut qu'ils les amène, et nous savons qu'il les a amenées effectivement, puisque nos pères autrefois païens se sont convertis au culte du Dieu vivant que nous avons le bonheur de servir ; voilà, mes frères, ce que fait no:re divin rédempteur pour devenir notre pasteur. Tels sont les caractères de la connaissance qu'il a de vous et de moi actuellement; il nous connaît parfaitement, sa connaissance est pleine d'amour et de tendresse pour nous, il nous en donne les marques les plus solides, il nous éclaire, il nous soutient de sa grâce, il nous cherche à travers les montagnes de notre orgueil, et dans les déserts où nous ont conduits

nos égarements; il nous prend ensuite sur ses épaules, il guérit nos blessures, et nous rétablit dans tous nos anciens droits. O qu'il est consolant pour nous d'entendre des vérités si intéressantes! ô que notre Jésus est un bon pasteur ! le beau modèle qui m'est proposé! il vous aime et je dois vous aimer, il vous connaît et il faut que je vous connaisse.

Comment pourrais-je sans cette connaissauce vous instruire et vous administrer les Sacrements? Pour vous rendre mes instructions utiles, il faut qu'elles soient proportionnées à votre capacité, à vos besoins et à vos dispositions; à votre capacité, afin de ne donner que le lait de la parole à ceux qui sont encore enfants dans les voies du salut, et une nourriture plus solides aux personnes qui sont plus spirituelles ; à vos besoins, afin d'appliquer des remèdes différents aux différentes maladies de vos âmes; à vos dispositions, afin d'emprunter un langage qui convienne à chacun de vous. Or, comment puis-je garder cette proportion, si je ne connais les talents de votre esprit ? les qualités de votre cœur, et les passions qui l'agitent, les vices ou les vertus qui y regnent, les progrès que vous faites dans le bien et le mal? Oui, il faut, ou que je m'expose à intimider ceux qu'il fallait consoler, et à consoler ceux qu'il fallait intimider; à prendre un ton dur à l'égard des personnes qui se conduisent par la douceur, et à parler avec bonté à ceux qui demandent d'être repris sévèrement; à jeter le trouble dans les consciences déjà scrupuleuses, et à rassurer les âmes qui jouissent d'une fausse sécurité à élever ma voix devant les ignorants, et à l'abaisser devant ceux qui sont les plus instruits; il faut, dis-je, que je m'expose à tous ces inconvénients, ou que je vous connaissé par vos noms, par vos bonnes et vos mauvaises qualités.

Mais je ne puis vous connaître d'une manière bien distincte que je ne réside auprès de vous, que je ne vous visite, et que je ne veille sur votre conduite; il faut donc que je demeure avec mon cher troupeau, et si je m'absentais un long temps sans y être autorisé par des raisons canoniques, si je ne m'absentais que pour mes plaisirs, ou pour des intérêts humains, ô pasteur, s'écrierait le Seigneur, ô idole qui

abandonne son troupeau! ô pastor et idolum derelinquens gregem! Ecoute les malédictions qui vont être portées contre toi, l'épée de ma justice tombera sur ton bras droit, et sur ton œil droit; gladius super brachium ejus et super oculum dextrum ejus. Tu agiras du bras gauche tant que tu voudras pour ta grandeur temporelle, mais ton bras droit se sèchera, sera sans vie et sans mouvement pour les intérêts de ma gloire: brachium ejus ariditate siccabitur. Ton œil gauche verra clair dans les affaires du monde, mais ton œil droit s'obscurcira; il sera couvert de ténèbres pour tout ce qui regardera les âmes et l'éternité; oculus ejus tenebrescens obscurabitur (1). Voilà les châtiments terribles dont mon absence serait punie, si elle n'était fondée sur des principes ou d'obéissance, ou de charité, ou de nécessité.

Mais à quoi pourrait servir ma résidence, si mes ouailles ne recevaient jamais des visites de ma part ? ne trouvez donc pas mauvais que je vous en rende à tous, et ne l'imputez pas à une curiosité déplacée : rien de si doux à un bon père que de voir ses chers enfants, rien de si consolant à un maître zélé que de voir de ses yeux le fruit de ses leçons, rien dc si estientiel à un bon pasteur que d'examiner les besoins de ses ouailles, de relever celles qui sont tombées, fortifier celles qui sont faibles, entretenir celles qui se portent bien. C'est dans toute la pureté de ces motifs que je vois, que je m'informe du bon ordre qui règne dans vos familles, et que je vous témoigne prendre part à tout ce qui vous concerne; c'est pour obéir à Dieu, qui m'ordonne de veiller sur cette portion du troupeau qu'il a confié à mes soins; mon fils, me dit-il et à tous les pasteurs dans le livre des Proverbes, si vous avez répondu pour votre ami, pour une âmè dont la perte ou le salut emporte une éternité de maux ou de biens; si vous avez engagé votre foi, en promettant vos travaux et vos soins à l'Eglise, ah! vous vous êtes mis dans le filet en acceptant une fonction aussi difficile, vous êtes tombé entre les mains de votre prochain: faites donc ce que je vous dis, mon fils, courez de tous côtés vers ces âmes pour lesquelles

(1) Zach. 11.

vous avez donné votre parole; hâtez-vous, ne vous permettez pas un moment d'indifférence ou de tiédeur; réveillez votre ami, en lui remettant sans cesse devant les yeux les périls extrêmes où il se trouve ; ne laissez point aller vos yeux au sommeil, et votre esprit à des pensées humaines; que vos paupières ne s'assoupissent point, et que votre lâcheté ne vous permette pas de dissimuler, lorsque vous connaissez l'état des âmes, et le besoin qu'elles ont d'être secourues; discurre, festina, suscita amicum tuum, ne dederis som-num oculis tuis, nec dormitent palpebræ tuæ (1) : prenez garde à vous-mêmes, me dit-il encore par un de ses apôtres (2), et à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a établis pour gouverner l'Eglise de Dieu, qu'il a acquise par son propre sang ; car je sais qu'il entrera des loups ravissants qui n'épargneront point le troupeau,'et que d'entre vous-mêmes il s'élèvera des gens qui publieront des doctrines corrompues; attendite, veillez attentivement. Voilà le précepte de la vigilance; attendite universo gregi : voilà l'objet de la vigilance pastorale; ce n'est pas quelque brebis privilégiée, c'est tout le troupeau: ces brebis sont le prix du sang de Jésus-Christ, quem acquisivit sanguine suo. Voilà l'importance de la vigilance pastorale; je dois veiller sur vous, comme sur le sang adorable de Jésus-Christ, s'il m'était confié ; c'est le premier motif de ma vigilance. Il y a des voleurs, des loups et des lions qui tournent sans cesse autour de ces chères ouailles pour les enlever; intrabunt lupi rapaces: voilà le second motif qui doit redoubler ma vigilance; le moment où je dormirais, est celui que le démon prendrait pour semer l'ivraie et gâter le bon grain: voilà le troisième motif qui doit rendre ma vigilance continuelle. Je dois un jour rendre à Dieu un compte, et un compte exact et rigoureux de vos âmes ; voilà le quatrième motif qui m'engage à veiller, Ah! mes frères, comment pouvez-vous trouver mauvais que je vous invite, que je vous presse, que je vous sollicite à la pratique du bien, que je coure après la brebis égarée pour la ramener au bercail.

(1)- Proverb. 6. - (2) Act. 10.

que je vole où je sais qu'il se commet des désordres pour les empêcher, que j'interrompe vos commerces scandaleux, que je termine vos différends, que je travaille à réunir les cœurs divisés, que je crie contre la fréquentation des cabarets, des spectacles; en un mot, contre tous les abus contraires aux bonnes mœurs?

Votre devoir est de prêcher, me disent quelquefois de jeunes libertins, dignes de toute ma pitié ; oui, sans doute que je le dois : eh ́, que mon fardeau serait léger, si c'était là l'unique! mais qu'il s'en faut bien ! il faut encore qu'après vous avoir repris en public, je vous reprenne dans le secret ; qu'après avoir paru dans des assemblées de religion, je dissipe, lorsque je le peux prudemment, la synagogue de satan; tous vos péchés, quand je peux les empêcher, et que je ne les empêche pas, me sont imputés ; je me perds en les tolérant, comme vous vous perdez en les commettant. Ah! plutôt mourir que de me taire, lorsque mon ministère m'oblige de parler. Etablissez-moi, Seigneur, comme une ville forte, une colonne de fer et un mur d'airain à l'égard de votre peuple, et des méchants qui y dominent, soyez avec moi pour me délivrer de leurs efforts; tous sont mes frères, tous sont mes chers enfants; faites que je porte leurs défauts sur mes épaules, et leur âme dans mon cœur, comme autrefois le pontife portait le nom des tribus sur ses épaules et sur sa poitrine; faites que je les aime jusqu'à verser mon sang pour eux, s'il est nécessaire; que je les connaisse comme votre fils pour les sanctifier, afin d'être leur bon pasteur, et afin qu'ils soient de bonnes ouailles ; je vous en montrerai les devoirs, c'est le sujet de mon second point.

SECOND POINT.

Connaître son pasteur, en écouter la voix, en deux mots, voilà les obligations des ouailles envers leur pasteur. Je connais mes brebis, dit Jésus-Christ, et mes brebis me connaissent; cognosco meas, et cognoscunt me meæ. Voilà le premier caractère qui distingue les vrais pasteurs d'avec les faux, les bonnes ouailles d'avec les mauvaises ; c'est la con

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