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gile : les mystères de sa mort et les suites qu'elle devait avoir, voilà donc ce qui occupe Jésus-Christ, et ce qui l'a occupé pendant les trente-trois ans qu'il a vécu sur la terre. Sa vie a été une vie de souffrances et de douleurs, une mort con. tinuelle; dès sa première entrée il s'offre à Dieu son Père en holocauste, et lui témoigne qu'il est venu faire sa volonté et se substituer à la place des victimes de l'ancienne loi; ecce venio, ut faciam, Deus, voluntatem tuam. Il choisit une crêche pour y prendre naissance, et pour éprouver dès le premier moment de sa vie toutes les incommodités et les inisères de la pauvreté ; après l'espace de huit jours, il soumet sa chair délicate au glaive douloureux de la circoncision, il passe tout le temps de sa vie cachée dans les travaux pénibles du métier de Joseph, qu'il exercè, et n'est connu que sous le nom d'artisan et de fils d'artisan; les trois ans qu'il donne à l'instruction publique sont des années de fatigues et d'épuisement, il parcourt la Judée et fait tous ses voyages à pied, il prêche et il est contredit, il reprend les vices et il est calómnié, outragé, persécuté, condamné à mourir entre deux voleurs. Telle a été la vie de notre divin Rédempteur sur la terre, et voilà, mes chers frères, ce qui devrait bien vous faire comprendre la nécessité des souffrances, car voici comme chacun de nous devrait raisonner.

Le serviteur n'est pas plus grand que son maître, non est servus major Domino suo (1). Si celui-ci a souffert, celui-là ne doit pas s'attendre à un meilleur traitement : or Jésus-Christ notre maître souverain a souffert de la part des hommes la persécution la plus cruelle, pourquoi donc me plaindrais-je de celle que je souffre de la part de mes ennemis ?

Jésus-Christ est la voie véritable et la seule qui conduit à la vie c'est lui-même qui nous le déclare; ego sum via, veritas el vita. Celle qu'il a tenue était semée de ronces et d'épines, par quel privilége voudrais-je donc marcher par un chemin jonché de roses et de fleurs ?

Ceux, dit saint Paul (2), que le Père a connus dans sa prescience, il les a prédestinés pour être conformes à l'i

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mage de son fils; quos præscivit et prædestinavit conformes imaginis filii sui. Ciel ! ah! que vois-je dans cette image de ce fils bien-aimé ? des membres délicats étendus sur le bois de la croix, des mains et des pieds percés de clous, une tête couronnée d'épines, une chair innocente en lambeaux, un corps couvert de blessures, un Homme-Dieu en qui sont effacés les traits qui le distinguaien!; voilà le touchant spectacle que ma foi présente à mes yeux ; il faut donc, puisque je suis un de ces enfants du calvaire conçus dans la douleur, que je porte toujours sur mes pieds et mes mains, sur tout mon corps, la mortification de ce divin Sauveur, afin que sa vie paraisse aussi dans tout mon extéricur; semper mortificationem Jesu in corpore nostro circumferentes, ut vita Jesu manifestetur in corporibus nostris (1). Les souffrances sont la marque à laquelle le Sauveur a voulu faire connaître aux hommes qu'il aimait son Père, et qu'il observait ses commandements levez-vous, disait-il à ses apôtres après la cène, afin que le monde puisse juger de la sincérité de ces dispositions à l'égard de mon Père; allons vers la mort, marchons vers les ennemis qui nous attendent; ut cognoscat mundus quia diligo Patrem, et sicut mandatum dedit mihi Pater, sic facio, surgite, eamus hinc (2). Les souffrances sont aussi une marque certaine, et presque la seule certaine que nous aimons Dieu; il est à craindre que dans la prospérité nous ne lui soyons moins attachés qu'aux dons qu'il nous fait; la plus grande consolation que nous puissions goûter sur la terre, c'est d'avoir quelque certitude que nous l'aimons. Quel amour ne devons-nous donc pas avoir pour les croix et les afflictions! avec quelle patience et quelle résignation ne devons-nous pas les recevoir, puisqu'elles peuvent nous donner cette assurance, puisqu'alors nous pouvons dire sans crainte de nous tromper: oui, mon Dieu, je vous aime, mon amour pour vous sera plus fort que des chaînes ni la vie, ni la mort, ni le présent, ni l'avenir ne pourront me séparer de vous; faites-moi passo par des épreuves plus difficiles encore,

(1) 1. Corinth. 4 (2, Joan. 14.

:

sondez mon cœur et mes reins par le feu des afflictions; proba me, Domine, et tenta me, ure renes meos et cor meum (1)! J'ai mis en vous mon espérance, et je ne crains pas d'être affaibli, je puis tout en celui qui me fortifie; in Domino sperans non infirmabor (2).

Jésus-Christ a souffert parce qu'il s'était revêtu de l'apparence du péché en se revêtant de notre chair. Ah! que souffrirai-je donc, moi le plus grand de tous les pécheurs, moi qui ne cesse de pécher depuis que je suis en état de faire le mal?

Jésus-Christ a souffert pour détruire en moi les causes du péché, mon ambition par ses opprobres, ma délicatesse par ses tourments, ma paresse par ses travaux, mon avarice par son indigence. Etait-ce pour son intérêt ? n'est-ce pas pour le mien? comment donc pourrais-je refuser de faire ce que me dit saint Paul, de mortifier les membres de l'homme terrestre qui est en moi, l'impureté, les mauvais désirs et l'avarice (3) ?

Comment le Sauveur du monde a-t-il mérité que son Père l'élevât au-dessus de toutes choses, et lui donnât un nom qui est au-dessus de tout nom, comme parle saint Paul ? n'a-t-il pas fallu pour cela qu'il s'anéantît, qu'il devînt obéissant jusqu'à la mort, et jusqu'à la mort de la croix ? supposé les prophéties et l'ordre de son Père, a-t-il pu arriver à sa gloire que par le chemin des tribulations ? nonne hæc oportuii pati Christum et sic intrare in gloriam suam (4) ? Il est donc juste que ce soit par beaucoup de peines et de tribulations que nous entrions dans le royaume des cieux, per multas tribulationes oportet nos intrare in gloriam Dei (5).

Enfin Jésus-Christ a souffert pour nous, vous laissant un exemple, dit saint Pierre, afin que vous marchiez sur ses pas; Christus passus est pro nobis, vobis relinquens exemplum, ut sequamini vestigia ejus (6). Sije refusais d'y marcher, si je fuyais les peines, si je mettais encore mon soin à ne rien souffrir, comment oserais-je prendre la qualité de

(1) Psal. 25.

~ (5) Act. 14.

(2) Psal. 29.
(6) 1. Petr. 2.

(3) Ad Coloss. 3.- (4, Luc. 24.

disciple de ce bon maître ? Puis donc que Jésus-Christ a souffert la mort en sa chair, armez-vous de cette pensée, dit encore le prince des apôtres, rien n'est si efficace contre la tentation de murmure et d'impatience qui accompagnent les souffrances, que le souvenir de la mort et de la croix de Jésus-Christ.

En effet, mes frères, que souffrons-nous? que pouvonsnous souffrir que notre aimable Sauveur n'ait souffert avant nous? et si en qualité de membres, nous ne sommes traités que comme notre chef, quelle grâce aurions-nous à nous plaindre ? Vous êtes innocent, dites-vous, et vous passez pour un coupable, un perfide et un séditieux, un voleur et un calomniateur; votre réputation est le seul bien que vous estimiez, et on la flétrit par des imputations calomnieuses. Eh! quoi donc, mon cher frère, votre Sauveur n'était-il pas innocent? n'était-il pas le saint des saints? cependant il a été accusé comme un séducteur, condamné comme un maisaiteur, et crucifié entre deux insignes larrons. Considérez donc, dit saint Paul, jetez les yeux sur ce Jésus l'auteur et le consommateur de votre foi; recogitate eum.

Vous consentiriez, dites-vous, à souffrir, mais il ne faudrait pas que les maux fussent si violents. Ah! mes frères, considérez notre Dieu, et voyez si ces maux dont vous vous plaignez, ressemblent à ceux qu'il a soufferts pour vous, si vous avez versé votre sang comme lui, recogitate eum.

Toute autre maladie, dites-vous, vous l'endureriez avec patience; toute autre perte que celle de ce bien qu'on vous a enlevé, où qui a péri vous serait moins sensible; mais c'est dans votre santé que Dieu veut que vous souffriez; mais quelle preuve lui donneriez-vous de votre amour, s'il vous privait d'un bien dont vous faisiez peu de cas? Voyez votre Sauveur, son âme est dans une tristesse mortelle, son cœur a horreur des supplices qu'on lui prépare: mon Père, s'écrie-t-il néanmoins, que votre volonté se fasse et non la mienne; recogitate eum.

Vous seriez résignés, dites-vous, à souffrir de la part de tout autre ; mais être calomnié par celui dont on a fait l'éloge, supplanté par celui qui nous doit sa fortune, trouver

partout dans son chemin celui qu'on a obligé essentiellement, être persécuté par celui qu'on comptait au nombre de ses amis, par un homme dont la haine n'est devenue redoutable que parce que nous lui avons mis les armes à la main, c'est ce qui est insupportable. Insupportable, mon cher frère! mais Jésus-Christ l'a supporté, il a souffert de tous les hommes, des grands et du peuple, de l'officier et du soldat, du prêtre et du laïque, du juif et du gentil, des étrangers et de ses disciples, d'un Judas qui l'a trahi, vendu et livré à ses ennemis. Est-il quelqu'un pour qui vous avez fait ce que ce bon maître a fait pour cet Apôtre? ayez ce modèle devant les yeux, et tout vous deviendra supportable; recogitate eum.

Il y a, dites-vous, bien du temps que le Seigneur vous afflige; vous voudriez voir une fin à vos maux, vous n'avez qu'une mesure de patience ; quelle est, dites-vous avec Job, quoique dans un esprit bien différent, quelle est la force qui est en moi pour pouvoir supporter ces croix ? ai-je la force et la dureté des pierres? ma chair est-elle une chair de bronze? quæ est enim fortitudo mea ut sustineam ? ncc fortitudo lapidum, fortitudo mea, nec caro mea ænea est (1). Il est vrai, mes frères, vous ne trouverez point en vous le secours nécessaire pour vous soutenir dans de longues épreuves; mais vous pouvez le trouver en Jésus-Christ, il a été dans les souffrances pendant tous les jours de sa vie mortelle; rappelez-vous-en le souvenir, et vos genoùx affaiblis se trouveront fortifiés; recogitate eum.

Non, dit une âme tourmentée par les remords de sa conscience, ou par la crainte d'un avenir incertain, non, la pauvreté n'a point de misère, les humiliations n'ont point d'amertumes, les peines du corps n'ont point de douleurs qui puissent entrer en comparaison avec les peines de l'esprit ; et jc serais contente, si Dieu m'éprouvait de toute autre manière. J'en conviens avec vous, mes chers frères, ces peines sont grandes; mais Jésus-Christ a souffert dans son esprit et dans son cœur ; il a été pénétré de la crainte la plus vive à la vue de sa croix et de vos péchés : cette crainte était telle, qu'elle

(1) Job.

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