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leurs horribles dont parle notre Evangile, pour donner une idée de celles que devaient souffrir les Apôtres : et comme elle jetait de grands cris, eh! quoi, lui disait un cruel guichetier, tu te plains actuellement, que feras-tu donc quand tu seras exposée aux bêtes ? la sainte lui répondit : c'est moi qui souffre maintenant ce que je souffre, mais là il y en aura un autre en moi qui souffrira pour moi, parce que je souffrirai pour lui; c'est ce que chaque chrétien qui est affligé pour le Seigneur pourrait répondre: quel est donc celui qui pourra Jui nuire, s'il ne souffre qu'en faisant le bien et qu'au nom du Seigneur ? quis est qui vobis noceat si boni æmulatores fueritis? Pourquoi craindrait-il les maux dont on voudrait lui faire peur ? pourquoi serait-il troublé des maux qui le menacent ? crainte fausse, troubles chimériques; timorem eorum ne timueritis et non conturbemini, Que son âme se trouve accablée sous le poids des afflictions qui la tourmentent, qu'elle renonce à tout secours de la part des hommes, qu'elle se tourne vers Dieu tout entière ; l'ange du Seigneur,› dit saint Jérôme, descendra vers elle comme il est descendu "ers les trois enfants dans la fournaise, et par la vertu de sa divine parole il éteindra l'ardeur de ces flammes qui la dé ́vorent, il empêchera que les dards enflammés de son ennemi ne pénètrent jusqu'au fond de son cœur, et qu'elle ne demcure comme engloutie dans la fournaise; excutit flammæ æstuantis ardores, ut nequaquam ignita jacula inimici, cordis nostri arcana penetrent, nec illius fornace claudantur.

Elevez done, puis-je vous dire, sur des autorités si multipliécs, élevez vos cœurs à Dieu, mon cher auditeur, lorsqu'ils sont dans l'affliction ; vous annonce-t-on la perte de vos noissons, l'incendie de vos maisons, l'enlèvement de vos troupeaux, baisez la main du Seigneur qui vous frappe, et dites: Dieu me l'avait donné et Dieu me l'a ôté ; Dominus dedit, Dominus abstulit. Est-ce le mauvais succès d'un négoce, d'un procès ou de quelque autre affaire qui vous afflige, bénissez la main qui vous frappe, et dites : tout est entre vos mains, Seigneur; quand nous aurons fait tout ce que nous devions, nous serons encore des serviteurs inutiles. C'est à

vous à disposer des évènements. Dieu vous envoie-t-il des maladies ? vous frappe-t-il de ces plaies qui éloignent de nous nos proches et nos amis ? bénissez la main qui vous frappe, et dites: tel est votre bon plaisir, Seigneur, que votre volonté soit faite, et que votre saint nom soit béni. Est-ce l'ennui qui vous abat, la pauvreté qui vous attriste, l'oubli dans lequel vous êtes qui vous révolte ? bénissez la main du Scigneur, et dites-lui : vous voulez, Seigneur, que le monde m'oublie, m'abandonne, me méprise, afin de m'apprendre à oublier le monde, à l'abandonner, et à le mépriser pour être tout à vous, qui êtes mon principe et ma fin: en un mot, quelles que soient les tribulations et les traverses qui vous arrivent, n'en jugez pas comme les gens du monde, regardez-les avec les yeux de la foi, ct faites-en tout le sujet de votre joie ; omne gaudium existimate, fratres mei, cùm in tentationes varias incideritis (1). Pour cela, rendez-vous ces pensées familières ; que Dieu sait ce que vous souffrez, puisqu'il ne tombe pas un cheveu de votre tête qu'il ne l'ait permis; que Dieu veut non pas la mauvaise volonté de ceux qui vous font souffrir, mais tout le mal que vous souffrez, puisqu'il déclare par ses prophètes qu'il crée tout le mal qui n'est point péché, et qu'il n'y a pas une calamité publique ou particulière dont il ne soit l'auteur; ego Dominus creans malum. Que tout le mal que Dieu veut que vous souffriez, c'est pour sa gloire et pour votre salut, et que jamais il ne vous est si propice que quand il punit vos égarements; que Dieu aime celui qu'il châtie, et qu'il ne vous châtie qu'afin que de votre côté vous lui témoigniez toute l'ardeur de votre amour; que Dieu ne vous est jamais si présent que lorsque vous souffrez, puisqu'il souffre avec vous comme le chef avec les membres; que l'épreuve produit la patience, la patience la persévérance, la perfection la sainteté et l'intégrité des mœurs, et cette intégrité la consommation dans l'éternelle béatitude. Je le répète, rendez-vous familières ces sortes de réflexions, et vous ferez par vous-mêmes cette douce épreuve que fit saint Augustin pénitent, que les joies des pénitents

(1) Jac. 4.

sont plus douces que les joies profanes qu'on goûte dans les cirques et sur les théâtres.

Je ne dois pas cependant vous dissimuler ici une vérité importante, c'est que les commencements de la vertu sont difficiles, que le poids des souffrances est un fardeau encore pesant pour ceux qui ne l'ont pas porté dès leur jeunesse ; que Dieu ne détruit pas en ceux mêmes qui ont fait le plus de progrès dans la vertu, tout sentiment de douleur et de peine. Aux uns il l'a quelquefois ôté entièrement, aux autres il s'est contenté de le diminuer par les douceurs de sa grâce; enfin il en est d'autres à qui il laisse tout le poids des afflictions, et qu'il laisse néanmoins dans des sécheresses et dans des aridités intérieures pires que les afflictions du dehors ; les plaintes de Job et de Jésus-Christ même en sont des preuves victorieuses. Dieu a ses desseins sur ses élus, et il les éprouve tous en différentes manières : quelle est donc la grande ressource qu'il ménage à ces derniers pour leur consolation? elle est marquée dans la suite de notre Evangile.

Une femme, y est-il dit, une femme lorsqu'elle enfante est dans la douleur, parce que son heure est venue ; muiier cùm parit, tristitiam habet, quia venit hora ejus. Il en est de même de vous, vous serez aussi maintenant dans la tristesse ; et vos igitur nunc tristitiam habetis. C'est-à-dire, mon cher auditeur, qu'il doit nous en coûter pour le grand ouvrage de notre salut ce qu'il en coûte à une femme chrétienne pour mettre au monde le fils que Dieu lui a donné. Nous portons au dedans de nous-mêmes ce que saint Paul appelle le vieil homme, et il faut le détruire pour y faire naître l'homme nouveau : que ce travail est pénible! que de larmes il faut répandre ! que de travaux il faut entreprendre ! détruire ce vieil homme, c'est mortifier sa concupiscence, c'est rompre les liens des mauvaises habitudes, c'est vaincre tous les obstacles que le monde et la passion opposent à la naissance de l'homme nouveau; c'est oublier les injures, Etouffer les haines, pardonner les offenses, faire du bien à tous, mépriser ce qu'on possède, ne désirer rien de ce qu'on ne possède pas, haïr des plaisirs qu'on aime, et aimer des croix qu'on craint et qu'on fuit ; faire naître en nous l'homme

nouveau, c'est effacer toutes les traces du premier Adam, pour imprimer dans notre cœur et toute notre conduite les sentiments et les exemples du second Adam créé dans la justice et la vérité. Combien d'efforts de courage et de vertu ne faut-il pas pour cela! qui nous soutiendra dans des douleurs si cruelles? la pensée du ciel, `mon cher auditeur, la vue de la récompense, voilà ce qui vous soutiendra, ce qui vons ravira, ce qui vous transportera de joie au milieu de ces afflictions. Voyez cette femme qui enfante un fils, dit le Sauveur, elle ne se souvient plus de tous ses maux dans la joie qu'elle a d'avoir mis un fils au monde ; cùm autem peperit puerum, jam non meminit pressuræ propter gaudium, quia natus est homo in mundum. Dans le temps même de son enfantement, elle a plus de joie de ce qu'elle doit mettre un enfant au monde, que son travail ne lui cause de douleurs; plus gaudet de futurâ prole quam tristis est de præsenti labore (1). Il en sera de même de vous, je vous reverrai de nouveau, et votre cœur se réjouira, et presonne ne vous ravira votre joie: iterùm autem videbo vos et gaudebit cor vestrum, et gaudium vestrum nemo toldet à vobis, Comme si Jésus-Christ disait :

Quelle vicissitude de sentiments! quelle différence de dispositions dans cette femme ! quelle douleur et quelle trisItesse d'abord! quelle joie et quelle satisfaction ensuite ! ceci est une idée imparfaite de ce qui doit arriver à tous ceux qui croiront en moi; ils seront d'abord dans l'affliction, et ensuite ils se réjouiront: leurs douleurs seront grandes, il -est vrai, ils crieront souvent vers moi avec un de mes prophètes: nous sommes devant vous, Seigneur, comme une mère qui jette de grands cris dans la violence de ses douleurs; sicut quæ concipit, dolens clamat in doloribus suis (2). Mais la joie qu'ils goûteront ensuite sera infinic, leurs souffrances dureront peu, et leur joie sera éternelle. Cette vie figurée par le fils de cette mère sera le fruit qu'ils enfanteront dans la douleur, et qu'ils recevront dans les transports de la plus pure allégresse ; ils le concevront dans les

(1) Aug. hic. (2) Isale 26.

saints désirs de la prière, et il leur sera remis dans la louange (1); je serai moi-même leur récompense, je les verrai dans ma gloire, et ils me verront face à face; la joie dont leur cœur sera rempli sera éternelle, et rien ne pourra la troubler. Qu'elle est bien différente de celle à laquelle se livre le monde ! celle-ci est une joie insensée qui ne consiste que dans la folie des passions, une joie superficielle qui ne laisse dans le fond de l'âme que tristesse et qu'ennui, une joie si peu solide que la moindre égratignure peut l'enlever dans un instant; un joie inconstante et sans cesse contrebalancée par mille accidents divers, par les maladies, par les dissensions, par tous les maux inséparables de cette vie, une joie passagère, qui à la mort, hélas ! ne laisse que des regrets inutiles de s'y être livré; une joie enfin qui est le principe des pleurs amers que verseront les méchants pendant l'éternité: voilà ce que c'est que la joie du monde. Peut-on lui en donner le nom? celle au contraire que jc promets à mes élus est une joie éternelle, une joie que rien ne pourra troubler, ni la douleur de la maladie, parce que dans le ciel où ils la goûteront, les principes en sont détruits; ni la violence des hommes, parce qu'on y jouit d'une paix profonde; ni la crainte de la mort, parce qu'elle a perdu son aiguillon pour l'autre vie, gaudium vestrum nemo tollei à vobis.

Ah! qu'il est consolant pour nous, mon cher auditeur, d'entendre ces promesses magnifiques: il faudrait une éternité de douleurs pour mériter une éternité de joie, et cette éternité de joie est le prix attaché à l'affliction d'un moment; que cette pensée est douce ! qu'elle est capable de nous soutenir dans les peines de la vie présente! si vous faisiez bien avec moi les réflexions suivantes, auriez-vous encore pour les souffrances la même répugnance que vous avez eue jusqu'à ce jour ? Si je veux souffrir toutes les peines de mon état, les souffrir en vue de Dieu et pour mon salut, le Seigneur paraîtra à la fin des siècles dans toute sa gloire, en découvrira l'éclat à mon âme, il la comblera d'ụn bien dont rien ne pourra

(1) Aug. hic.

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