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autour de Jésus-Christ, lui représenter les secours qu'ils ont reçus, et plaider la cause de leurs bienfaiteurs!

O qu'heureux est l'homme qui ne méconnaît pas le pauvre et l'indigent, qui voit en lui son semblable, son frère et son Dieu, qui le soulage comme un autre lui-même, comme un membre d'un même corps, comme enfant d'un même père, comme Dieu même, s'il se présentait en personne ! Dieu le délivrera au jour mauvais, lui rendra la vie de l'âme en vue des aumônes qu'il aura faites dans un esprit de pénitence, il sera son-protecteur, et le rendra heureux sur la terre; beatus vir qui intelligit super egenum et pauperem, in die malá liberabit eum Dominus: Dominus conservet eum et vivificet eum, et beatum faciat eum in terra (1).

Si vous le voulez, mes frères, ce bonheur est pour vous. Formez ici la résolution de donner à proportion de vos facultés et des besoins du pauvre, de vos péchés et des dettes que vous avez contractées envers Dieu ; qu'au sortir de cette église vous exécutiez généreusement votre résolution, que le riche supplée à la pauvreté temporelle de l'indigent, je lui promets que sa pauvreté spirituelle sera un jour soulagée par l'abondance spirituelle de celui qu'il aura secouru; et si cette assurance que je lui donne de la part de Dieu ne suffit pas encore, qu'il me dise ce que Dieu pouvait lui promettre de plus pour le toucher. Ah! qu'il faut être insensible, qu'il faut avoir le cœur dur pour tenir contre des réflexions si puissantes! J'ose le dire, cette dureté est une marque aussi certaine que terrible de réprobation. Ouvrez donc, mes chers frères, ouvrez vos cœurs aux pauvres, ou tremblez à la vue de l'éternité qui s'avance

(1) Psal. 40.

ÉVANGILE

Du Dimanche de la Passion.

En ce temps-là, Jésus disait aux Juifs : Qui de vous me peut convaincre d'aucun péché? Si je vous dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous pas ? Celui qui est de Dieu entend les paroles de Dieu ; c'est pour cela que vous ne les entendez point, parce que vous n'êtes point de Dieu. Les Juifs lui répondirent : N'avons-nous pas raison de dire que vous êtes un Samaritain, et que vous êtes possédé du démon? Jésus leur repartit: Je ne suis point possédé du démon; mais j'honore mon Père, et vous me déshonorez. Pour moi, je ne cherche point ma propre gloire, un autre la recherchera, et me fera justice. En vérité, en vérité, je vous le dis: si quelqu'un garde ma parole, il ne mourra jamais: Les Juifs lui dirent: nous connaissons bien maintenant que vous êtes possédé du démon. Abraham est mort, et les Prophètes aussi, et vous osez dire : celui qui garde ma parole ne mourra jamais. Etes-vous plus grand que notre père Abraham, qui est mort, et que les Prophètes, qui sont tous morts? que prétendez-vous être? Jésus leur répondit: si je me glorifie moi-même, ma gloire n'est rien ; c'est mon Père qui me glorifie, que vous dites être votre Dieu, et cependant vous ne le connaissez pas; mais pour moi je le connais; et si je disais que je ne le connais pas, je serais un menteur comme vous; mais je le connais, et je garde sa parole. Abraham votre père a desiré avec ardeur de voir mon jour; il l'a vu, et il en a été comblé de joie. Les Juifs lui dirent: vous n'avez pas encore cinquante ans, et vous avez vu Abraham? Jésus leur répondit? En vérité, en vérité, je vous le dis, je suis avant qu'Abraham fût au monde. Là-dessus ils prirent des pierres pour les lui jeter; mais Jésus se cacha et sortit du temple.

Homélie sur la correction fraternelle.

Pouvoir reprendre tous les hommes, et ne pouvoir être repris de personne, c'est un privilége qui ne pouvait convenir qu'à l'Homme-Dieu, impeccable de sa nature. Faire et recevoir la correction fraternelle, c'est l'obligation commune de tous les hommes pécheurs dès leur origine, et prévaricateurs dès qu'ils ont l'usage de raison; c'est la première obligation que nous impose le second commandement semblable au premier, le commandement d'aimer notre prochain comme nous-mêmes; c'est celle dont le saint accomplissement contribue le plus au bon ordre, à la pureté des mœurs, à la conservation du dogme, à l'honneur de la religion, à la tranquillité publique, au bonheur de la vie présente et de la future. Pourquoi cela, mes frères? c'est que le parfait accomplissement de ce précepte suppose du côté de celui qui fait la correction, toute la prudence nécessaire pour faire goûter son avis; et du côté de celui qui le reçoit, toutes les dispositions nécessaires pour en profiter. Or dans cette supposition, les uns ne peuvent pécher ni contre la religion, ni contre la société, qu'ils ne soient d'abord repris par les autres, et qu'ils ne se soumettent à leur correction; et par conséquent, si on la faisait, et si on la recevait comme le demande la sainteté du christianisme; si on aimait à se rendre et à accepter ces secours mutuels, on verrait renaître les beaux jours de l'Eglise naissante.

Mais est-il pratique plus négligée que celle-là dans notre siècle ? jamais on ne fut plus répréhensible, et jamais on ne voulut moins reprendre ou être repris. Nos yeux, hélas ! sont tous les jours témoins de quelque chute éclatante, et nous avons aussi peu de zèle pour y remédier que pour les prévenir : s'il nous arrive quelquefois de sortir de notre indolence, nous cherchons plus à contrister nos frères, qu'à leur inspirer un repentir salutaire et selon Dieu; nous paraissons aussi peu touchés des égarements de nos frères, qu'ils sont sensibles à la correction que nous leur faisons; ils sont faibles, sans que nous ressentions leurs faiblesses, c'est le défaut ordinaire

de ceux qui reprennent: celui des coupables est, dit saint Augustin, (1) qu'ils ne veulent pas qu'on leur découvre l'apostume de leur cœur, ni qu'on la presse, ni qu'on y fasse une incision salutaire; ils ne peuvent souffrir qu'on les fasse voir à eux-mêmes tels qu'ils sont : coupables de ce qu'ils désobéissent à Dieu, ils le sont encore plus de ce qu'ils rejettent la correction. La vue de leurs fautes, la honte d'être repris, la douleur d'avoir mérité ce traitement, pourrait exciter en eux un regret sincère, qui attirerait sur eux la grâce de celui qui résiste aux superbes, et qui se communique aux humbles; et leur orgueil ne peut souffrir un remède qui paraît les humilier et les reprendre ; c'est, au tribunal injuste de leur amour propre, les blesser dans leur honneur, leur faire injure et les persécuter. Combien d'autres défauts notre Evangile ne nous fait-il pas encore remarquer dans les pécheurs qu'on reprend ! les reproches que Jésus-Christ fait au Juifs, semblent ne produire d'autres effets que de multiplier leurs péchés et consommer leur endurcissement. Il leur parle quatre fois, et à la quatrième leur emportement va jusqu'à tenter de faire mourir ce divin Sauveur : s'il y a donc de grands défauts à éviter dans la manière de corriger, il y en a peut-être de plus grands encore à fuir dans la manière de recevoir la correction.

Apprenons ici à les connaître, en nous instruisant de la nature de la correction fraternelle et de ses obligations; des vertus qu'elle suppose dans celui qui la fait, et des sentiments qu'elle exige de celui qui la reçoit ; c'est ce que je me propose de vous montrer dans cette Homélie: vous y verrez d'abord la manière dont vous devez exercer la correction fraternelle, ce sera le sujet de mon premier point; vous y verrez ensuite de quelle manière il faut recevoir la correction fraternelle, ce sera le sujet de mon second point. Mon Dieu, donnez-moi la grâce de traiter ce point de la morale chrétienne avec toute la force et l'onction qu'il mérite; je suis touché de la plus vive douleur à la vue de ces iniquités innombrables qui vous déshonorent, et qui perdent tant d'âmes rachetées de votre sang précieux; je voudrais pouvoir en arrêter le cours : ce

(1) Lib. de correp. et gr.cap. 5.

discours, si vous le bénissez, ce serait un des moyens les -plus efficaces et des plus propres pour produire cet esset. Daignez donc le bénir et le faire pratiquer à ce peuple.

PREMIER POINT.

Qu'est-ce que la correction fraternelle dont je me propose de vous parler ? la correction fraternelle est, disent les théologiens, une instruction ou une répréhension charitable que nous faisons au prochain pour le corriger et le porter à la pénitence, ou pour le détourner du péché et de la rechute dans le peché. C'est une instruction, lors par exemple, que vous voyez votre frère dans une ignorance coupable de son devoir, et que vous l'en avertissez, de peur que cette ignorance ne soit pour lui la cause d'un nouveau péché, s'il ne remplissait pas ce devoir qu'il ignorait par sa faute. C'est une répréhension, lorsque vous savez que votre frère a péché, ou qu'il est dans l'occasion prochaine de pécher, et que vous lui représentez le danger auquel il s'expose en l'état malheureux dans lequel est son âme. On appelle cette instruction ou ré préhension charitable, parce que c'est un acte excellent dc charité, et même de justice, s'il vient de la part d'une per sonne supérieure qui par état est obligée de la faire.

Nous faisons cette instruction ou répréhension au prochain, c'est-à-dire, à tous les pécheurs, puisque tous sont notre prochain, comme Jésus-Christ nous l'a déclaré dans l'Evangile ainsi les égaux exercent la correction fraternelle à l'égard des égaux, les supérieurs à l'égard des inférieurs, ct même les inférieurs à l'égard des supérieurs. Quelles vues doit-on se proposer en l'exerçant ? de gagner son frère à Dieu, de le corriger et le porter à la pénitence, s'il a déjà commis le péché, et s'il y a à craindre qu'il n'y persévère faute de correction, et à espérer qu'il en sortira par le moyen de la correction: de le détourner du péché, et de la rechute dans le péché, si on aperçoit quelque péril où il irait se jeter imprudemment. Voilà, mes frères, l'idée que vous devez vous former de la correction fraternelle; cet acte de miséricorde est pour tous d'une obligation indispensable; Dieu nous

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