Imágenes de páginas
PDF
EPUB

plus à craindre de lui que le chaste Joseph de ses frères ? il les a déjà avertis en secret de l'énormité du crime qu'ils commettent, il a la douleur de voir que la correction secrète est inutile, il sait que si Jacob fait des reproches à ses enfants, il passera pour être leur délateur, il connaît déjà toute la malignité de leurs dispositions à son égard, il prévoit qu'ils seront capables de faire tout ce qu'ils ont fait, de le jeter dans une citerne pour le faire périr, de le vendre à des étrangers comme un vil esclave, de l'envoyer en Egypte où il sera chargé de fers; n'importe, cet orage qu'il prévoit ne peut l'arrêter, son devoir lui paraît préférable à son repos, il consent à souffrir tous les effets de leur indignation, pourvu qu'il réprime par les avis de son père une licence honteuse qu'il n'avait peut-être fait qu'irriter davantage par les siens : voilà, mes frères, comme on se conduit quand on préfère la gloire de Dieu et le salut de son prochain à son repos et à sa fortune. Oh! qu'il y en a donc peu qui donnent cette préférence à Dieu et au salut de leurs frères! car enfin la correction fraternelle fut-elle jamais moins en usage ? Tous les jours vous voyez votre prochain offenser Dieu, passer les bornes de la tempérance, tenir des discours contraires à la pureté, déchirer la réputation des uns, s'emporter contre les autres, entretenir des commerces criminels, exercer des concussions, des monopoles, des usures et d'autres injustices, négliger les devoirs de la religion, et vous le voyez tranquillement. Les inférieurs ignorent presque généralement l'?bligation où ils sont de s'y opposer; les égaux ne disent mot; si les supérieurs demandent d'être avertis des désordres de leur maison, c'est lorsque ces désordres préjudicient à leur intérêt ; s'ils les punissent, c'est lorsqu'ils en ont souffert; ni la gloire de Dieu, ni le salut du prochain n'entrent pour rien dans leurs corrections. Que deviendra donc votre propre salut? à quoi l'expose votre insensibilité sur celui de vos frères ? hélas ! à une perte éternelle. Dieu vous ordonne à tous de corriger votre prochain; corripe proximum, ne fortè iteret (1). Et le commandement qu'il vous en fait vous

(1) Eccli 19.

oblige sous peine de péché mortel, lors même que vous auriez à craindre la critique et la censure du public, c'est la décision formelle de saint Thomas (1) ; prælermittitur correctio fraterna cum peccato mortali quando formidatur judicium vulgi. Lors donc que vous pouvez prudemment exercer la correction fraternelle, vous perdez la grâce sanctifiante, l'amitié de Dieu, votre éternité, si vous ne la faites, et si le péché de votre frère cst considérable; si au contraire vous usez de cette miséricorde à son égard, vous procurez la gloire de Dieu et le salut de votre prochain, vous sauvez encore votre âme, et vous méritez que Dieu vous pardonne vos péchés; Dieu vous le promet par un de ses apô'tres : mes frères, vous dit saint Jacques (2), si quelqu'un d'entre vous s'égare du chemin de la vérité, et que quelqu'un l'y fasse rentrer, qu'il sache que celui qui convertit un pécheur, et le retirera de son égarement, sauvera son âme de la mort, et couvrira la multitude de ses péchés; salvabit animam ejus à morte, et operiet multitudinem peccatorum.

Tant et de si précieux avantages ne pourront-ils pas nous déterminer à corriger nos frères ? formons ici, mės frères, devant Dieu qui nous le commande, ces résolutions si utiles à notre salut, de nous reprendre mutuellement, et de trouver bon qu'on nous corrige. Et vous, Seigneur, donnez-nous le zèle, la douceur, la fermeté, et toute la prudence nécessaire pour corriger nos frères utilement et efficacement, inspireznous assez de docilité, d'humilité et de reconnaissance pour profiter des corrections qu'on nous fera, afin qu'à la mort il ne se trouve plus en nous de vices à punir, mais des vertus à récompenser pendant toute l'éternité bienheureuse, que je vous souhaite Ainsi soil-il.

(1) 2. Quæst. 33. 2) Cap. 5.

ÉVANGILE

Du Dimanche des Rameaux.

En ce temps-là, Jésus étant près de Jerusalem‚ ̈et étant déjà arrivé à Bethphagé, près de la montagne des oliviers, il envoya deux de ses disciples, et leur dit: Allez à ce village qui est devant vous, et vous y trouverez, en arrivant, une ânesse liée, et son ánon auprès d'elle; déliez-la, et me l'amenez. Que si quelqu'un vous dit quelque chose, diteslui que le Seigneur en a besoin, et aussitôt il les laissera emmener. Or tout ceci s'est fait, afin que cette parole du Prophète fût accomplie: Dites à la fille de Sion: Voici votre roi qui vient à vous plein de douceur, monté sur une ânesse, et sur l'’ánon qui est sous le joug. Les disciples s'en allèrent donc, et firent ce que Jésus leur avait commandé. Et ayant emmené l'ânesse et l'ânon, ils les couvrirent de leurs vêtements et le firent monter dessus. Une grande multitude de peuple étendil ses vêtements le long du chemin, el les autres coupaient des branches d'arbres et les jetaient par où il passait. Et tous ensemble, tant ceux qui allaient devant lui, que ceux qui le suivaient, criaient: Hosanna, salut et gloire au fils de David: Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur.

Homélie sur le Triomphe de Jésus-Christ.

Enfin, mes frères, nous voilà arrivés à ces temps de salut auxquels nous nous préparons depuis le commencement du Carême; les grands mystères de notre sainte religion, le triomphe auguste de notre divin Sauveur, l'institution de son sacerdoce éternel, et de son sacrifice perpétuel, l'excès de ses souffrances, l'opprobre de sa mort, le repos de sa sépulture, la gloire de sa résurrection, sont les mystères adorables dont nous serons occupés désormais, et fasse le ciel que

ce soit avec tout le recueillement et toute la fervour que le souhaiterait l'Eglise qui vous les propose ! quels a vantages spirituels n'en tireriez-vous pas ? En considérant le triomphe du Sauveur à Jérusalem, vous vous rappelleriez celui des saints dans le ciel, et l'espérance de la même gloire vous porterait à la pratique des mêmes vertus. En méditant sur le sacerdoce et le sacrifice de la loi nouvelle, vous apprendriez à vous unir à la victime qui s'immole tous les jours sur nos autels, et par là vous mériteriez de lui être unis sur l'autel sublime qui est dans le ciel en la présence de la majesté divine. En vous représentant vivement les douleurs du Sauveur, sa mort et sa sépulture, vous comprendriez combien horrible est le péché qui a ainsi fait souffrir un homme Dieu : vous concevriez pour lui toute l'horreur qu'il mérite, vous y renonceriez pour jamais, et il ne règnerait plus dans votre cœur, Jésus-Christ seul en possèderait l'empire.

Considérons-les donc, ces grands objets de notre religion, méditons-les, rendons-nous-les aussi présents que s'ils s'opéraient à nos yeux ; et pour cela transportons-nous en esprit à Jérusalem, mettons-nous à la suite du roi d'Israël qui y entre en triomphe, examinons avec une sainte curiosité toutes les circonstances de ce triomphe. Oh! que ce spectacle est digne d'un chrétien, qu'il est édifiant, qu'il est instructif! on y voit le fils de David prendre possession du trône de son père, régner sur les esprits par l'étendue infinie de ses lumières, et sur les cœurs par les vertus aimables qui les ravissent. On y voit des peuples qui étendent leurs habits dans les endroits où il doit passer ; qui portent des palmes et des branches d'oliviers en signe de la victoire et de la paix qu'ils espèrent ; qui reconnaissent pour Messie et pour roi de la nation, celui qui s'est depuis fait connaître pour le Dieu de tout l'univers. Nous y verrons donc, et ce qui doit faire régner JésusChrist sur nos esprits et nos cœurs, et ce qu'il faut faire pour honorer son triomphe; ce sera là le point principal dont je me propose de vous entretenir aujourd'hui, et parce qu'il est de la dernière importance dè passer cette semaine dans la plus grande dévotion qu'il est possible, j'ajouterai un plan

très-abrégé des exercices spirituels dont vous pourrez vous occuper les quatre derniers jours de la semaine.

Profitez de ce temps, je vous en conjure, mon cher auditeur, c'est le plus précieux de toute votre vie. Dans toute la religion, il n'est point de pensées plus touchantes que le souvenir des mystères que nous célébrons; et si vous n'en êtes touchés, ah! je tremble pour votre salut; si vous n'assistez aux spectacles étonnants que l'Eglise vous met devant les yeux avec les dispositions de ces saintes femmes qui suivaient le Sauveur au Calvaire en pleurant, ah! je crains que vous n'y assistiez comme les Juifs et les Gentils qui l'ont crucifié, je crains que votre dureté ne renouvelle toutes les douleurs de sa passion.

Mon Dieu, éloignez de nous un tel malheur, inspirez-nous des sentiments dignes de cet amour infini que vous nous avez témoigné dans ce temps: pénétrez-nous bien des vérités que renfermera votrė Evangile, afin que vous régniez en nous sur la terre, et qu'ensuite nous régnions avec vous dans le ciel ; c'est, mes frères, tout le fruit que je désire tirer de cette instruction.

Pour y réussir, je vous expliquerai ce qui concerne le triomphe de Jésus-Christ à Jérusalem conformément à notre Evangile; c'est-à-dire, ce que le Sauveur a fait à l'égard des Juifs, et ce que les Juifs ont fait à l'égard du Sauveur, cette explication vous fera comprendre deux choses qui feront la matière de ce discours : vous verrez d'abord par quels titres Jésus-Christ mérite de régner sur vous, ce sera le sujet de mon premier point: vous verrez ensuite par quelles pratiques de religion vous pouvez mériter que Jésus-Christ règne sur vous, ce sera le sujet de mon second point. En un mot, les titres du triomphe de Jésus-Christ sur les chrétiens, les pratiques du chrétien honorant le triomphe de Jésus-Christ, c'est ce qui demande toute votre attention.

PREMIER POINT.

Les Juifs charnels et même les apôtres pendant long-temps se sont imaginés que le royaume du Messie serait un royaume

« AnteriorContinuar »