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diminuer le sentiment. Je serai infiniment heureux dans mon âme et dans mon corps, je ne me rappellerai mes souffrances que pour m'en réjouir et bénir le Seigneur de m'avoir donné la patience pour les supporter; mon esprit contemplera les beautés de son Dieu, mon cœur s'unira à lui, l'aimera sans craindre de le perdre ; je chanterai pendant tous les siècles les louanges de cet être suprême avec la milice céleste, mon corps brillera comme les étoiles du firmament, je serai exempt de ces maux infinis pour lesquels les méchants sont réservés, je possèderai des biens que l'homme ne peut comprendre, et pourquoi? pour une tribulation légère, pour la peine d'un moment. Non, il n'est pas la moindre affliction par laquelle je ne puisse mériter le ciel, si je la souffre en esprit de patience; je puis le mériter en supportant avec patience la mauvaise humeur des personnes avec lesquelles je suis obligé de vivre; une indisposition passagère telle que serait une insomnie, un accès de fièvre et des maux incomparablement plus petits encore; en me privant de ce qui me ferait plaisir dans le boire et le manger, et qui ne me serait pas nécessaire, en un mot, par tout ce qui peut mortifier ou révolter en nous les sentiments de la nature.

L'avons-nous bien compris, mes frères ? une éternité pour un moment! des torrents de délices pour des larmes que Dieu promet d'essuyer! un poids immense de gloire pour des humiliations d'une durée si courte ! un repos éternel pour le travail d'un instant ! le ciel conquis pour une terre méprisée ! la possession du souverain bien pour quelques années d'épreuve, ou quelques mois de disgrâces! les richesses de Dieu, Dicu lui-même devenu la récompense de l'homme souffrant ! quel précieux avantage des souffrances! c'est cependant celui que le grand Apôtre voyait et faisait apercevoir aux fidèles, pour les encourager à souffrir. Non, leur disait-il, nous ne perdons courage ni dans la mala die, parce qu'elle nous annonce la dissolution de ce corps mortel qui nous montre un asile où on jouit d'un jour sans nuages, et un port où on ne craint rien de la tempête: ni dans les travaux de la pénitence, parce qu'elle opère un salut stable, le seul bien que nous ayons à désirer; ni dans les tourments, parce que nous

sommes nourris de cette pensée, que le ciel est un édifice spirituel, que nous en sommes les pierres vivantes, que ces pierres ne sont placées dans ce sublime édifice, qu'après avoir été ici-bas polies et cizelées par le marteau des souffrances et des afflictions; rien en un mot ne peut nous faire perdre courage; plus en nous l'homme extérieur se détruit, plus l'homme intérieur se renouvelle; non deficimus, sed licèt is qui foris est homo corrumpatur, tamen qui intùs est, renovatur de die in diem (1). Pourquoi? parce que nous savons que le moment si court et si léger de notre tribulation, produit en nous le poids éternel d'une gloire souveraine et incomparable; id enim quod in præsenti est momentaneum et leve tribulationis nostræ suprà modum in sublimilate, æternum gloriæ pondus operatur in nobis. Remarquez toutes ces expressions, s'il vous plaît, chacune renferme un motif de consolation qui lui est propre. Qu'estce que les afflictions de cette vie suivant l'Apôtre ? les plus longues ne durent qu'un instant, si vous les comparez à l'éternité; momentaneum : les plus amères deviendront douces, si vous pensez à celles dont elles vous exemptent dans l'autre vie ; leve; à ces afflictions légères répond une gloire d'un poids immense : gloriæ pondus operatur : cette gloire ́n'est point une gloire qui passe avec ce monde ; elle est toute céleste et toute divine, in sublimitate: cette gloire se com· munique sans mesure et sans fin, suprà modum: c'est au dehors que nous en serons environnés, c'est au dedans que notre âme en sera remplie ; operatur in nobis. Qui ne voudrait à un prix si vil acquérir un trésor si précieux ? comprenez-vous enfin, mon cher auditeur, ce que saint Paul disait ailleurs, que les souffrances de cette vie n'ont point de proportion avec cette gloire qui sera un jour découverte en nous ? qu'il n'est point de chaînes assez pesantes, point de prisons assez affreuses, point de glaives assez tranchants, point de chevalets assez gênants, point de fournaises assez ardentes pour mériter le ciel ; non sunt condignæ passiones hujus temporis ad futuram gloriam quæ revelabitur in

(1) 2. Corinth. 4.

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nobis (1). Considerez-le donc ce jour heureux, pour vous soutenir dans les peines de votre exil; pensez bien, comme ont fait tous les saints, que dans cette patrie céleste il n'y aura plus de pleurs, plus de cris, plus de douleurs, et vous vous trouverez disposés à tout souffrir. En effet, Moïse jettet-il les yeux sur cette récompense? il devient insensible aux rigueurs auxquelles sa désertion va l'exposer, David regardet-il la rétribution qui lui est promise ? il est prêt à souffrir tous les châtiments que mérite son péché. La mère de ces sept enfants dont il est parlé dans le second livre des Machabées, éleve-t-elle les yeux vers le ciel? cette pensée la touche, et elle offre à son divin maître tous ses enfants à la fois, sans hésiter un moment à lui faire ce grand sacrifice du fond de ses entrailles. Lorsqu'il ne lui en restait plus qu'un, que le cruel Antiochus avait inutilement tenté de gagner par ses caresses, ce tyran l'appela, et l'exhorta à inspirer à ce fils des sentiments plus salutaires que n'en avaient eu les six premiers qu'elle venait de voir mourir à ses yeux : après donc qu'il lui eut dit beaucoup de choses pour la persuader, elle lui promit d'exhorter son fils. Qui n'eût cru, demande saint Augustin, après l'avoir entendue ainsi parler, qu'elle allait dire à son enfant : consentez, mon fils, à ce que demande Antiochus, et ne soyez pas si dur que d'abandonner votre mère ? Mais qu'elle est éloignée d'un tel langage ! que sa conversation est remplie de piété ! qu'elle est digne d'une vraie mère ! qualis collocutio! quàm pia! quam materna! Mon fils, lui dit-elle, ayez pitié de moi qui vous ai porté neuf mois dans mon sein, qui vous ai nourri de mon lait pendant trois ans, et qui vous ai élevé jusqu'à cet âge où vous êtes : ne diminuez pas, mon fils, le nombre de mes couronnes; soyez uni à vos frères dans les souffrances du martyre, comme yous l'avez été dans les entrailles qui vous ont enfanté ; que la vertu ne vous rende pas moins frère que la nature; ne faites pas qu'étant mère de sept enfants, je ne la sois que de six martyrs; ah! je vous en conjure, mon fils, regardez, mon fils, regardez le ciel avec les biens immenses qui vous y

(1, Rom. 1.

attendent; regardez la terre avec toutes les misères que vous quittez; peto, nate, ut aspicias ad cælum et terram: vous comprendrez que ce bourreau va vous délivrer de bien des maux, pour vous rendre éternellement heureux, et que jamais personne ne pourra vous procurer un plus grand bonheur, et qu'au lieu de le craindre, il est digne de votre amour, ità fiet ut non timeas carnificem istum.

Permettez, mes frères, que je vous adresse les mêmes paroles; l'exemple de Jésus-Christ et de ses saints vous invite à souffrir, il est pour nous tous d'une obligation indispensable de nous conformer à leur exemple. Les souffrances peuvent être quelquefois le sujet d'une violente tentation de murmure et d'impatience. Eh! combien n'en voyons-nous pas tous les jours que la pauvreté, la maladie, un mariage mal assorti jettent dans l'abattement et le désespoir! Ah! je vous en conjure, vous tous pour qui je crains le découragement, considérez le ciel qui va s'ouvrir à vous et qui va mettre fin à vos maux; peto, nate, ut aspicias ad cœlum. Considérez les misères de cette vie dans leur brièveté ; et par rapport au bien qu'elles vous procurent, que sont-elles en comparaison de l'éternité ? peto, nate, ut aspicias ad cœlum et terram: alors rempli d'un nouveau courage, vous direz avec ce jeune martyr que sa mère exhortait :

Il est juste, Seigneur, que je souffre pour mes péchés; tous mes frères qui sont aujourd'hui les citoyens du ciel, ne sont entrés dans l'alliance d'une vie éternelle, qu'après avoir supporté les douleurs passagères de cette vie ; j'abandonne volontiers à leur exemple mon corps et mon âme pour la défense des lois de mes pères; ceux qui se réjouissent aujourd'hui, il les contraindra par des tourments éternels à confesser qu'il est le seul Dieu; mais sa colère qui est justement tombée sur moi, finira à ma mort, et ma tristesse sera changée en une joie éternelle : c'est, mes frères, la grâce que je vais demander pour vous au Seigneur, par le sacrifice de l'agneau immolé dès le commencement du monde.

ÉVANGILE

Du IV. Dimanche après Pâques.

En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples: Maintenant je m'en vais à celui qui m'a envoyé, et aucun de vous ne me demande où je vais. Mais parce que je vous ai dit ces choses, votre cœur est rempli de tristesse. Cependant je vous ai dit la vérité; il vous est utile que je m'en aille; car si je ne m'en vais point, le consolateur ne viendra point à vous; mais si je m'en vais, je vous l'enverai. Et lorsqu'il sera venu, il convaincra le monde touchant le péché, touchant la justice, touchant le jugement; touchant le péché, parce qu'ils n'ont point cru en moi; touchant la justice, parce que jem’en vais à mon Pere et que vous ne me verrez plus ; et touchant le jugement, parce que le prince du monde est déjà jugé. J'aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter présentement. Quand l'Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité. Car il ne parlera pas de lui-même ; mais il dira tout ce qu'il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir. C'est lui qui me glorifiera, parce qu'il recevra de ce qui est à moi, et il vous l'annoncera. Tout ce que mon Père a est à moi ; c'est pourquoi je vous ai dit qu'il recevra de ce qui est à moi, et qu'il vous l'an

noncera.

Homélie sur la préparation à la Fête de la Pentecôte.

Cette nouvelle intéressante du départ de Jésus-Christ, et de son retour à son Père Eternel, ne remplit-elle pas vos cœurs de tristesse comme celui des apôtres ? c'est un bon maître qui va quitter ses chers disciples; c'est un excellent médecin qui laisse des malades désespérés sans son secours ; c'est un puissant protecteur qui se sépare de ses pupilles

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