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Lions quelque chofe ensemble, s'offrant de me donner tous les éclairciffements néceffaires fur un art dans lequel il avoit vieilli, m'affurant de plus que le style en étant clair, pur & élégant, je ne pourrois que profiter infiniment dans cette lecture.

Je confentis fans peine à ce qu'il exigeoit de moi. On apprend à s'exprimer en latin, naturellement & avec délicateffe, en lifant les Commentaires de Céfar: pourquoi n'apprendroit-on pas à parler tartare en étudiant dans des Commentaires faits pour former des Céfars Mantchous? Telle fut la réflexion que je fis alors. Apeu-près vers le même temps, j'appris qu'en France on étoit curieux d'avoir des connoiffances fur la Milice. Chinoife; ce fut pour moi un nouveau motif qui acheva de me déterminer. J'entrepris donc, non pas de traduire littéralement, mais de donner une idée de la maniere dont les meilleurs Auteurs Chinois parlent de la guerre, d'expliquer d'après eux leurs préceptes militaires, en confervant leur ftyle autant qu'il m'a été poffible, fans défigurer notre Langue, & en donnant quelque jour à leurs idées, lorfqu'elles étoient enveloppées dans les ténebres de la métaphore, de l'amphibologie, de l'énigme ou de l'obfcurité. Je me fuis fervi pour cela, non-feulement du manuscrit tartare dont je viens de parler, mais encore des Commentateurs Chinois, anciens & modernes.

On a un grand avantage lorsqu'on poffede les deux Langues, je veux dire la Langue Chinoife & celle des Tartares-Mantchous. Lorsqu'on ne comprend pas le Chinois, on a recours au Tartare, & lorfqu'on eft em. barraffé de retrouver le vrai fens dans le Tartare, on Tome VII.

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ouvre le Livre Chinois ;ou, fi l'on veut mieux faire, on les a continuellement l'un & l'autre fous les yeux.. C'eft la conduite que j'ai tenue pendant le cours de mon travail, qui a été de bien des années. Je n'ai pas négligé de confulter les personnes habiles, lorfque je l'ai cru néceffaire. Néanmoins il eft arrivé bien des fois, malgré leurs longues explications & leurs prétendus éclaircifements, que le fecours de leurs lumieres ne m'a guere éclairé.

que

Tous les hommes ont à peu-près les mêmes idées; mais chaque Nation a fa maniere propre de les développer, toujours conformément à son génie, & conféquemment à la nature de la Langue qu'elle parle. Ce qui paroît clair, brillant, pompeux & magnifique chez les unes, est embrouillé & plein d'obscurités, fade & infi, pide chez les autres. Les Chinois ont cela de particulier, leur Langue ne reflemble en rien à aucune de celles qu'on parle dans le refte du monde, fi l'on excepte quelques Nations limitrophes, qui probablement leur doivent leur origine. Cette Langue finguliere, que les Japonois appellent la Langue de confufion, ne préfente que des difficultés à un Européen, fous quelque point de vue qu'on l'envisage. Les caracteres qui font faits pour exprimer les idées chinoises, font comme ces belles peintures, dans lesquelles le commun, ou les connoisseurs médiocres ne voient qu'en gros l'objet représenté, ou tout au plus une partie des beautés qu'elles renferment, tandis qu'un vrai connoiffeur y découvre toutes celles que l'Artiste a voulu exprimer.

La Langue Tartare, beaucoup plus claire,

fans com

paraison, méthodique même comme nos Langues d'Europe, a néanmoins fes difficultés : elle n'explique fouvent certaines obfcurités chinoises que par d'autres obfcurités, parceque la plupart des Traducteurs, fideles à la lettre, ne s'embarraffent pas trop du fens. Comme ces deux Nations ne font plus aujourd'hui qu'une feule & même Nation, leur éducation, leur maniere de penser d'envisager les chofes & de les repréfenter, eft à-peu-près la même; ce qui fait que, ce qu'on n'a pas compris dans le Chinois, on ne le comprend pas quelquefois non plus dans le Tartare. Que fais-je encore fi par la communication que j'ai moi-même avec les Tartares & les Chi

par

nois, & la lecture affidue des Ouvrages compofés dans leur Langue, mes idées ne fe reffentent pas un peu du climat que j'habite depuis de longues années, & fi mon langage n'eft pas une espece de jargon inintelligible pour un François qui fait fon féjour dans fa patrie? Si cela est, les Lecteurs équitables m'excuferont fans peine, & diront du moins, laudo conatum; c'est tout ce que je demande d'eux.

Afin de ne rien omettre de ce qui a été fait pour les Militaires de ces contrées, je joins ici la traduction d'un petit livre qu'Yong-tcheng, fils de Kang-hi & pere de l'Empereur regnant, a compofé autrefois pour l'inftruction des troupes, comme membres de la fociété civile (1). J'ai cru qu'on verroit avec quelque plaifir quelle

(1) On verra, dans la Préface que l'Empereur place à la tête de fes Préceptes, en quel fens il eft l'Auteur de l'Ouvrage qui porte fon nom. C'est la coutume des Empereurs Chinois de ne pas mettre de différence entre ce qu'ils font faire & ce qu'ils font eux-mêmes, en fait de Littérature. J'ai

eft la doctrine qu'on propofe ici aux Gens de guerre. Le premier foin de l'Empereur de la Chine eft de travailler à faire de bons citoyens; il tâche enfuite de faire de bons guerriers.

L'Empereur Yong-tcheng a divifé fon Ouvrage en dix chapitres, qu'il a intitulés les dix Préceptes faits pour les Gens de guerre. De tous ceux que je mets au jour, celui-ci eft le dernier en date; il eft même de tous celui qui a le moins de rapport à la guerre: cependant comme il a été composé par un Souverain, & que c'est pour des Guerriers, que ce Prince l'a composé (1), je le place à la tête des autres Ouvrages Militaires.

tant travaillé fur cette matiere, difoit autrefois Kang-hi, à l'occafion d'un point d'Anatomie, dont on lui rendoit compte, que je dois bien être au fait. Tout fon travail en ce genre confiftoit dans un ordre qu'il avoit donné au P. Parrenin, de traduire en Tartare-Mantchou les Ouvrages de M. Dionis. (*)

(1) Les Empereurs Tartares-Mantchous, qui ont gouverné la Chine depuis la deftruction des Ming, n'ont pas cru pouvoit mieux traiter la théo rie de la guerre, que n'avoient fait les Chinois qu'ils ont vaincus ; c'eft pourquoi ils fe font contentés de faire traduire, avec tout le foin poffible, leurs Ouvrages les plus effentiels: ils fe font approprié tout ce qu'ils ont trouvé chez la Nation vaincue, qui pouvoit leur convenir; & en adoptant la forme de leur Gouvernement, quant au principal, ils n'ont pas jugé qu'il fût indigne d'eux d'adopter également la plupart de leurs préceptes militaires. S'il y a de la différence entre la milice d'aujourd'hui & celle des anciens Chinois, elle ne fe trouve guere que dans une certaine police extérieure, qui ne doit être comptée pour rien. Les dix Préceptes de l'Empereur Yong-tcheng font faits en général pour l'inftruction de tous les Mantchous, parcequ'ils font cenfés être tous gens de guerre.

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(*) Les Lettres au P. Patrenin, contenant diverfes questions fur la Chine, Paris, Impr. Royale, 1775, fe trouvent chez Nyon l'aîné, rue du Jardinet.

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PAR YONG-TCHENG,

TROISIEME EMPEREUR DE LA DYNASTIE RÉGNANTE.

PREFACE DE L'EMPEREUR.

DEPUIS

EPUIS l'antiquité la plus reculée jufqu'à nos jours, les hommes ont toujours eu des Maîtres qui les ont gouvernés, qui les ont nourris, aimés, instruits, qui leur ont montré le chemin de la vertu, & qui ont regardé comme un point capital le foin de les y faire marcher.

Kang-hi, mon Pere, a régné plus de foixante ans (1).

(1) Kang-hi n'a régné dans la réalité que 60 ans ; mais on compte toute l'année dans laquelle il mourut, comme étant de fon regne.

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