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Il a comblé de mille bienfaits tous fes fujets; il les a ten

drement aimés; il a été leur

pere autant
autant que

leur maître. ¦ Les Mantchous ont été en particulier l'objet des attentions continuelles de fon grand cœur : il se fit un devoir d'examiner par lui-même leur ancienne doctrine, & n'oublia rien de tout ce qui pouvoit la faire revivre & la leur inculquer. Pour cela il ne s'en rapporta pas seulement à ses lumieres ; il ordonna de plus aux Gouverneurs de Provinces, aux Officiers Généraux, & à tout ce qu'il y avoit de plus habile dans fon Empire, de l'étudier, de s'en instruire à fond, de la faire apprendre à tous les Gens de guerre qui leur étoient foumis, & d'employer tous leurs efforts pour la graver dans leur cœur dans le plus grand détail.

Pour moi, je me fuis toujours appliqué à acquérir la grande Science (1); en héritant du Trône de mon Pere, j'ai également hérité de fes inclinations, & dans toutes les affaires, je fens que je penfe comme il avoit déjà pensé lui-même. Comme lui, j'aime tendrement mes Sujets ; comme lui encore, je ne veux rien négliger pour con

(1) La grande Science eft un Ouvrage compofé par Confucius. Tfengtfe, un des difciples de ce Philofophe, y a ajouté quelques commentaires. L'objet de la grande Science eft, 1°. de régler fon propre cœur avant de vouloir régler celui des autres: 2°. elle donne des préceptes fur le bon gouvernement: 3°. elle enfeigne la maniere de pratiquer le bien & de s'y foutenir conftamment, pour avoir la tranquillité de l'efprit & le repos du cœur.

ferver les Mantchous dans leurs anciennes mœurs, afin qu'ils foient toujours la force & le foutien de l'Empire.

L'année derniere, Hata, Gouverneur général de Ningouta (1), vint à la Cour: je l'exhortai, en termes les plus forts, à ne rien négliger pour l'instruction des troupes. C'eft devous autres, Officiers Généraux, lui disje plus d'une fois, que dépend le bon ordre qui doit régner parmi les Gens de guerre: vous devez leur expliquer, dans le détail le plus exact, toutes les Loix & les Ordonnancés qui les regardent particuliérement : il ne faut pas craindre de répéter fouvent les mêmes choses; c'est un point des plus importants pour le bien de l'Etat, que celui que je vous recommande. Pour toi, Hata, il faut que tu rédiges tout ce qui s'eft fait en ce genre, que tu mettes par écrit toutes les inftructions que tu croiras devoir être données aux troupes ; & quand tout fera fini, tu me le préfenteras, afin que je le fasse publier par tout l'Empire.

Hata obéit à mes ordres; mais ne trouvant dans fon écrit que de la confusion, un style bas, & les choses les moins néceffaires, je me fuis déterminé à faire compofer par Tchang-cheou une fimple inftruction divisée en dix parties, que j'ai revue avec un grand soin avant que de la faire publier.

(1) Ningouta eft une des principales fortereffes du pays des Mantchous. Elle est à 44° 24′ 15′′ de latitude, & à 13° 15' de longitude orientale en prenant le premier méridien à Pe-king,

Quoique cet Ouvrage foit fait particuliérement pour ceux qui fuivent actuellement le parti des Armes, & qui portent le nom ou le titre de Soldat ou d'Officier, je prétends néanmoins que non feulement les Gens de guerre, mais que tous les Mantchous, fans exception, en fassent une lecture réfléchie, qui soit dans toutes les maisons, qu'on l'apprenne par-tout, & que ceux même qui ne savent pas lire, trouvent le moyen de le favoir par cœur en entier. C'est par-là qu'on ne perdra pas de vue l'ancienne doctrine des Mantchous, qu'on se la tranfmettra de pere en fils, & qu'en la confervant, on conservera le bonheur qui eft attaché à notre Nation.

Vous, Grands de l'Empire, Gouverneurs de Province, Mandarins & Officiers, ayez foin que mes ordres soient exécutés à la rigueur; instruisez les Mantchous mes esclaves (1), &, en les inftruisant, foyez pénétrés de cet amour paternel que j'ai moi-même pour eux &

vous tous.

pour

Fait le douzieme jour de la huitieme lune de la cinquieme année d'Yong-tcheng (2).

(1) Tous les Mantchous fans exception, de quelque qualité & condition qu'ils foient, font les efclaves de l'Empereur. Les Grands, les Regulos & tous les Princes fe donnent eux-mêmes le nom d'efclave, lorsqu'ils font en présence de Sa Majesté. Moi votre efclave, difent-ils; ce que ne font pas les Chinois, qui fe nomment fimplement du nom de leur grade, ou de leur dignité.

(2) La cinquieme année d'Yong-tcheng répond à notre année 1728. PREMIER

PREMIER PRÉCEPTE.

Il faut aimer & respecter fes Parents. QUOIQUE vous foyez engagés dans la profeffion des Armes,

&

que l'étude des Livres Sacrés (1) & des Livres d'Hiftoire ne yous ait pas fort occupés, il ne faut pas que vous ignoriez le principal & le plus effentiel de vos devoirs. Quelques réflexions fur la maniere tendre dont un pere & une mere aiment leurs enfants, fuffiront pour vous les rappeller.

Un enfant qui vient de naître eft hors d'état de pourvoir à sa propre subsistance; il ne peut fe rendre à foi-même aucun de ces fervices d'où dependent sa santé & fa confervation : mais ceux à qui il doit le jour les lui procurent avec empreffement & avec joie.

Voyez comment un pere & une mere font attentifs à tout ce qui regarde leurs enfants : ils prêtent l'oreille au son de leurs voix ; ils obfervent leurs visages; ils font dans des perplexités continuelles à leur occafion; s'ils les voient rire, ils font bien-aifes; ils font triftes, s'ils les entendent pleurer. Commençent-ils à marcher, ils comptent leurs pas, ils les fuivent, ils ne les quittent point; font-ils malades, ils en font dans l'affliction, ils en perdent même l'appétit & le fommeil. Lorf

(1) Les Chinois entendent par Livres facrés ces anciens Livres qu'ils appellent King, c'est-à-dire l'Y-king, le Che-king, le Chou-king, le Li-ki, I'Yo-king, dont il ne refte que quelques fragments, & les Ouvrages de Confucius, qu'ils refpectent prefque autant que les King. Parmi ces Ouvrages de Confucius on a placé ceux de Mong-tfée, & le tout ensemble forme ce qu'on appelle les Se-chou.

C

qu'ils commencent à devenir grands, ils les inftruifent, ils leur donnent une éducation convenable à leur état ; & quand ils font parvenus à l'âge qui fait les hommes, ils tâchent de leur procurer un établiffement qui puiffe les rendre heureux le refte de leurs jours. Pour le dire en deux mots, les bienfaits dont un pere & une mere comblent leurs enfants, font comme ceux dont le Ciel lui-même nous comble chaque jour. Ils font de toute efpece, ils font fans nombre. Conviendroit-il de les oublier, de les méconnoître, de n'en pas avoir la plus parfaite reconnoiffance?

La maniere de rendre à fes Parents une partie de ce qu'on leur doit, est d'avoir pour eux la tendreffe & tous les égards convenables, eft de les respecter, de leur être foumis en tout, de leur procurer la fubfiftance, & de les entretenir décemment (1). La fortune des hommes n'est pas la même : les uns font dans l'abondance, & les autres dans la médiocrité ou dans la pauvreté ; mais le riche & le pauvre peuvent également 'remplir les mêmes devoirs. Celui qui eft pauvre ne sauroit donner à fon pere & à fa mere des mets exquis pour nourriture, ni des habits fomptueux pour vêtements; mais il s'acquittera de fon obligation envers eux, s'il les nourrit & les entretient fuivant fon état & fes facultés.

Le respect, la foumiffion, la tendreffe font de tous les états. C'est être bon fils que d'aller au devant de tout ce qui

(1) Les Chinois, & aujourd'hui les Mantchous, ont ce principe fi fort gravé dans le cœur, que dès qu'ils ont des enfants un peu grands, ils ne penfent plus qu'à jouir tranquillement de la vie, fe repofant de tout fur ceux à qui ils ont donné le jour : auflì, la qualité de pere eft fi refpectable, que les enfants, voulant jouir à leur tour des prérogatives & de tous les avantages qui y font attachés, fe la procurent le plutôt qu'il leur eft poffible.

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