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peut faire plaifir à fon pere, de ne lui défobéir en rien, de fuivre en tout fa volonté, de le confulter dans tout ce qu'on entreprend, de ne trouver rien de difficile dans tout ce qu'il commande, de le feconder dans toutes fes & enfin de lui faire hommage de tout ce qu'on poffede. Soyez tels, & vous aurez rempli la plus effentielle & la premiere de vos obligations. Ce n'eft qu'en vous appliquant de toutes vos forces à honorer, à respecter, à fervir & à aimer avec tendresse vos Parents, que vous pourrez exécuter le premier des ordres que je vous preferis, comme votre Empereur & votre Maître dans la doctrine.

vues,

II. PRÉCEPTE.

Il faut honorer & respecter fes Aînés. DANS le fein d'une famille, le pere & la mere font ce qu'il

y a de plus précieux; ils tiennent le premier rang: après eux viennent les enfants, chacun par préféance d'âge. Il convient qu'il y ait de la fubordination, & que les plus jeunes foient fous la dépendance des plus âgés.

Vous êtes le cadet de votre famille; par cette raison, vous devez être foumis à tous ceux qui la compofent, & tous ont droit de vous commander. Vous ne devez rien faire que par les ordres ou avec la permiffion de quelqu'un d'eux ; ou fi vous avez entrepris quelque chofe de votre propre mouvement, ne la finiffez point s'ils font d'un avis contraire. Vous feriez coupable d'entreprendre à la légere ce que vous pourriez avoir imaginé. Chaque jour, chaque moment, vous devez donner des preuves de votre foumiffion. Les occafions ne vous manqueront pas; ne les laiffez pas échapper fans les mettre à profit.

Dans les entretiens ordinaires, ne montrez jamais de l'opiniâtreté, ne difputez pas même pour foutenir votre sentiment; mais, perfuadé que vos aînés pensent mieux que vous, cédezleur avec modeftie, & conduifez-vous comme fi vous n'étiez pas d'un avis différent. Dans les repas, ne vous fervez qu'après tous les autres. Soyez réservé dans vos paroles, & ne parlez guere fans avoir été interrogé.

Si vous fortez, ne précédez jamais vos freres; mais tenezvous un peu à l'écart, & marchez après eux. Debout, affis, dans toutes les occafions, cédez-leur la premiere place.

Qu'un vil intérêt n'altere jamais l'union qui doit régner parmi vous, & ne vous laiffez jamais aller à des murmures indécents. Ne dites point en vous-même : Je fuis plus jeune, il est vrai, que mes freres de quelques années; mais après tout je fuis fils de la maison comme eux. Je ne dois me décharger fur perfonne de ce qui me regarde particulierement; je dois travailler moi-même à ma propre réputation, & me procurer un établissement auquel mes freres ne penferoient peutêtre pas pour moi : ainfi, je tâcherai d'avoir la plus grande part que je pourrai des biens de mon pere. Que dans d'autres circonstances je leur cede, à la bonne heure; mais ici je n'en ferai rien, chacun y cft pour foi (1).

(1) Ici, dès qu'un pere & une mere font morts, le fils aîné entre en poffeffion de tous les droits de la paternité envers fes freres cadets; & ceuxci lui doivent la même déférence, la même foumiflion & le même respect que fi véritablement il étoit leur pere. Cependant ils font libres de fe féparer ou de refter dans la même maison. En cas qu'ils se féparent, l'aîné est obligé de leur donner une portion des biens qu'a laiffé le pere, égale à celle qu'il garde pour lui-même; car, ici, les enfants partagent également. Il n'y a rien de déterminé pour les filles : fielles ne fe marient point, leurs freres font obligés de les nourrir.

De tels fentiments font toujours condamnables. Si vous les aviez, vous manqueriez à votre devoir, & vous ne feriez rien moins que ce que vous devriez être à l'égard de vos freres. Vos pere & mere en auroient du déplaifir, & par-là même, yous manqueriez auffi à ce que vous leur devez. Je paffe fous Silence plufieurs autres chofes qui ne font pas moins mauvaises, & qu'il faut que vous évitiez (1) fi vous voulez remplir les vraies obligations du plus jeune de votre famille.

Si, jufqu'à préfent, vous avez eu à vous reprocher quelque

(1) Une perfonne que je crois au fait de certaines anecdotes de l'ancienne Cour, où fes ancêtres ont joué de grands rôles, étant de la Famille Impériale, m'a dit que cet article avoit coûté la vie d'abord à Hata qui avoit traité ce fujet, & enfuite à Tchang-cheou.

L'Empereur Yong- tcheng n'étoit que le quatrieme fils de Kang-hi. La maniere dont il monta fur le trône n'eft pas hors de foupçon, & celle dont il fe conduifit à l'égard de fes freres n'étoit rien moins que louable. Il en fit périr plufieurs, & maltraita fort les autres, ceux du moins qui pouvoient lui faire quelque ombrage. Hata, Gouverneur de Ningouta, qu'il avoit chargé de compofer une inftruction pour la conduite civile & morale des troupes Tartares, & en général de tous les Mantchous, avoit un peu trop insisté, à ce qu'on prétend, fur les devoirs réciproques des freres entr'eux, & en particulier des cadets envers les aînés. L'Empereur crut y voir une fatyre de fa conduite. Il ne s'en plaignit pas; mais il rejetta cet Ouvrage comme ne contenant que les chofes les plus communes, & d'un fort mauvais ftyle pour la maniere dont il étoit écrit.

Tchang-cheou fit la même faute que Hata, & ne fut pas plus heureux: mais l'Empereur ne fupprima pas fon Ecrit en entier; il approuva, au contraire, avec de grands éloges ce qu'il en laiffoit, & le fit publier fous fon propre nom. Il étoit trop bon Politique pour laiffer appercevoir ce qui le choquoit : & comme il étoit auffi fort vindicatif, les deux Seigneurs Tartares ne furent pas long-temps fans être coupables de quelque crime, qui leur fit perdre la tête fur un échafaud.

chofe fur cet article, corrigez-vous promptement. Si au contraire vous avez toujours rempli vos obligations, rempliffezles déformais avec encore plus d'exactitude. Je vous en fais le commandement, & je prétends être obéi.

III. PRÉCEPTE.

Il faut être de bonne intelligence avec tout le monde. DANS toutes les chofes qui regardent le fervice, comme dans celles qui n'y ont point de rapport, il faut vous prêter mutuellement du fecours, & regarder tous ceux qui habitent un même licu que vous, comme fi c'étoit une feule perfonne. à laquelle vous feriez chargé de rendre fervice, & envers laquelle vous voudricz de tout votre cœur vous acquitter de ce devoir.

Ayez pour tout le monde les mêmes égards & les mêmes attentions que vous avez pour vous-même. Partagez le bien & le mal d'un chacun. Réjouiffez-vous avec ceux qui font dans la joie, affligez-vous avec ceux qui font dans la tristesse, affiftez ceux qui font dans le befoin, & n'attendez pas pour cela qu'ils foient réduits à une mifere extrême. Obligez tout le monde à-propos; travaillez de concert comme fi vous n'aviez tous qu'un même but, & comme fi tous ensemble vous ne compofiez qu'une même famille. Si vous tencz cette conduite, les difputes, les querelles & les diffentions n'auront jamais lieu parmi vous: l'union, la concorde & la paix répandront fur vos jours une douceur & une tranquillité que vous ne goûterez.jamais fans elles.

Gens de Guerre, c'est à vous que je m'adresse en particu

lier. Dans la garnison où vous vivez (1), ayez toutes fortes d'égards les uns pour les autres: ne faites aucune distinction entre les perfonnes qui demeurent près de vous & celles qui en font éloignées; mais d'accord avec tout le monde, prévenez-vous mutuellement par tous les bons offices qui dépendent de vous. Ne mettez aucune différence entre les grandes affaires & celles qui ne vous paroiffent d'aucune conféquence; mais dans toutes, employez également vos foins, comme fi toutes vous regardoient perfonnellement. Ne faites acception de perfonne : voyez d'un œil égal le pauvre & le riche, le fimple & l'homme d'efprit; ayez la même condefcendance & les mêmes égards pour tous.

Si vous êtes du nombre des forts, n'infultez point à ceux qui font foibles: fi vous êtes riches, n'ayez aucun mépris pour les pauvres. Ne tirez aucune vanité des talents que vous pourriez

(1) Les garnisons Chinoises different des nôtres, 1o. en ce que les foldats qui les compofent ne font point ambulants comme chez nous. Ce n'est point tantôt un Régiment ni tantôt un autre qui garde telle ou telle ville, tel ou tel pofte; mais les mêmes foldats demeureront dix ou vingt ans de fuite dans un même lieu. 2°. Les troupes qui compofent la garnison sont dans des lieux féparés du refte des habitans. Elles ont des efpeces de cafernes, dans l'enceinte defquelles chaque foldat a fa petite maifon d'environ dix pieds en quarré. Sur le devant de chacune de ces maifons, il y a une petite cour, & par derriere un petit jardin : la cour & le jardin font à-peu près de la même grandeur que la maifon. Il faut qu'il y ait là de quoi loger un foldat, fa femme & fes enfants; car ici les foldats, comme le refte du peuple, font tous, ou prefque tous mariés. De plus, ces maifons ne communiquent point les unes aux autres; elles font féparées par des murailles de la hauteur de fix à fept pieds, afin que les familles ne puiffent pas voir ce qui fe pafle les unes chez les autres, ou plutôt afin que les femmes ne foient pas vues dans la liberté de leurs ménages; car ici c'est une espece de crime à un homme de regarder la femme d'un autre.

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