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avoir. Que la modeftie & l'humilité accompagnent toutes vos

actions.

Confolez ceux qui font dans l'affliction, ayez de l'indulgence pour les défauts que vous appercevrez dans les autres excufez leurs foibleffes, pardonnez fans peine les infultes que vous croyez avoir reçues. Un feul affront fupporté patiemment fuffit pour établir votre réputation. Telle eft la doctrine que je vous propose. Si vous vous en écartez, les murmures, les querelles, les inimitiés regneront parmi vous, & la concorde, le plus defirable de tous les biens, s'éclipfera, ou peutêtre difparoîtra pour toujours. Comment après cela pouvoir vivre tranquillement ? Quelles douceurs pourriez-vous trouver dans la vie? De quel exemple feriez-vous pour vos enfants, pour vos petits-fils, & pour toute la postérité? Gens de Guerre, écoutez mes ordres avec respect, & n'hésitez point à leş fuivre (1).

(1) Les troupes que l'Empereur a principalement en vue dans son inftruction, font celles qui demeurent dans les garnifons de Tartarie ou des Confins. Ce font là les troupes favorites d'un Empereur Tartare-Chinois; ce font, du moins, les feules qui pourroient le tirer d'affaire en cas de malheur. Auffi n'oublie-t-on rien pour les bien difcipliner, & pour entretenir parmi elles cette inclination guerriere qui eft le propre de la Na tion Tartare. Uu foldat Mantchou, difoit l'Empereur regnant, à l'occa

fion du peu de troupes qu'il envoyoit pour une expédition affez importan

tę, un foldat Mantchou en vaut dix d'une autre Nation.

IV. PRECEPTE.

Il faut inftruire fes Enfants & fes Freres cadets. SI la conduite de vos enfants & de vos freres cadets n'est

pas

telle qu'elle devroit être, c'est assurément votre faute; c'est que Vous ne les avez pas inftruits comme il étoit de votre devoir de le faire: ainfi, ne cherchez pas d'autre fource de leur mauvaise conduite & de leurs défordres.

Un enfant qui manque d'instruction se livrera à tous les penchants: fi naturellement il eft porté au bien, il peut arriver qu'il devienne honnête homme; mais fi fes inclinations le portent au mal, il fera nécessairement un mauvais fujet. C'est à vous, Peres, c'est à vous, Aînés de famille, à inftruire vos enfants, à veiller fur l'éducation de vos cadets. Vous pouvez par vos fages inftructions & par vos bons exemples, empêcher qu'ils ne fuivent le torrent des vices qui les entraîne : Vous pouvez les corriger de leurs défauts, & les faire rentrer dans la bonne voie lorfqu'ils s'en écartent.

Tout homme eft naturellement porté à aimer ses semblables, à avoir du refpect & de la condescendance pour ceux qui font au-deffus de lui, ou par l'âge ou par les emplois. Il faut cultiver cette heureuse inclination; il faut en profiter pour enfeigner aux enfants la maniere dont ils doivent aimer & refpecter leurs parents, celle dont ils doivent fe conduire à l'égard des Magistrats; pour leur inspirer l'obéiffance aux loix & à ceux qui font prépofés pour les faire garder; pour leur apprendre quels font les devoirs réciproques du mari & de la femme, & des freres entr'eux ; pour leur expliquer en

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quoi confifte la véritable amitié; pour leur inspirer une fidélité à toute épreuve; pour leur faire connoître toute l'étendue des obligations qu'ils ont contractées, ce qu'ils doivent faire pour remplir celles de bons Citoyens, fuivant leur âge, leurs forces & leur capacité, & pour leur faire éviter jusqu'aux plus petites fautes.

Le Ciel, fuivant une ancienne maxime, donne la faculté d'apprendre; l'étude & l'application donnent la fcience. Celui qui fait fouvent des actions qui ne font pas bonnes, s'y accoutume; & l'habitude qu'il en contracte, lui rend le mal comme naturel. Le jeu, le vin, la débauche, la fréquentation des méchants, font les fources ordinaires de la dépravation du cœur; & quand une fois le cœur eft dépravé, on ne connoît plus de frein; la crainte des châtiments impofés par les loix, en est un bien foible pour arrêter le défordre.

Peres, Aînés de famille, fi vous avez des fils, fi vous avez des freres qui foient tels, pouvez-vous être tranquilles? La vie peut-elle avoir des douceurs pour vous? Triftes victimes de leurs crimes, vous verrez tomber fur vous, comme fur eux tout le poids de la févérité des loix; fans avoir eu part à leur crime, vous partagerez leur ignominie, & la honte vous suivra par-tout. Au contraire, fi vous inftruifez bien vos enfants & vos freres, fi vous veillez fur leur conduite, fi vous mettez tous vos foins à leur donner une bonne éducation, votre front fera rayonnant de gloire, la porte même de votre maison brillera d'un éclat qui éblouira les passants (1).

(1) Ce quatrieme Précepte, comme on l'a vu, ne regarde pas feulement les peres, mais encore les aînés d'une maifon; au défaut des peres, ce font les aînés que les loix rendent refponfables des défordres de leurs cadets. Il n'eft pas rare de voir ici des Grands dépouillés de leurs

Mantchous, retenez bien ce que je viens de dire, & conformez-vous-y de toutes vos forces.

VOUS

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Il faut cultiver la terre avec foin.

ous qui formez le Corps des troupes, n'oubliez jamais que vous êtes entretenus aux dépens de l'Etat. A chaque Saison, à chaque Lune, chacun de vous reçoit exactement la folde déterminée pour le rang ou le pofte qu'il occupe: vous avez, outre cela, des terres (1) qu'on vous a données dans la vue de

biens, privés de leurs charges, & quelquefois même châtiés plus févérement, par la feule raifon que quelqu'un de leurs freres cadets est mauvais fujet. Cette rigueur me paroifloit outrée dans les commencements que j'étois à la Chine; mais aujourd'hui je la trouve raisonnable : je la crois même nécessaire, vu le génie des Chinois; l'intérêt & la crainte font les deux principaux mobiles de toutes leurs actions.

(1) Après que les Tartares Mantchous fe furent emparés de la Chine, l'Empereur, fans toucher aux terres du peuple, fe faifit de toutes celles qui étoient incultes, qui appartenoient aux Princes & aux Grands qui avoient conftamment fuivi le parti des reftes de la Dynastie qui venoit d'être éteinte, & celles auffi de tous ceux qui fe trouverent atteints de quelque crime auprès du Vainqueur. Il en fit comme l'apanage de ceux de fa Nation auxquels il les diftribua toutes. Les huit bannieres fous lefquelles font tous les Mantchous, eurent, par les réglements qui furent faits alors, des fonds de terre déterminés, dont, à proprement parler, elles ne font que les ufufruitieres; car le droit d'aliénation ne leur appartient pas. Un particulier pourroit bien vendre le fonds de terre dont il étoit poffeffeur, mais feulement à un autre particulier de la même banniere que lui. Malgré cela, les Chinois trouvoient les moyens de s'en rendre peu-à-peu les maîtres, foit en les achetant fous des noms empruntés, foit en trom

vous faire paffer la vie avec plus d'aifance & de commodités; il faut les faire valoir de votre mieux : fi vous ne les cultivez pas avec foin, elles ne vous donneront que peu de profit; peut-être même n'en retirerez-vous aucun : fi vous les laiffez en friche, elles ne vous produiront rien. C'eft ce que l'expérience apprend tous les jours.

Si vous vous livrez à la pareffe, fi vous ne préparez vos terres, fi vous ne les enfemencez pas à propos, fi, après les avoir enfemencées, vous vous négligez fur les autres foins qu'elles demandent, votre récolte ne fera point faite dans le temps convenable; elle ne fauroit être bonne. Dans un temps de féchereffe, ceux qui ne font occupés que des travaux de la campagne, qui y donnent toute leur attention, qui font tout ce qui dépend d'eux pour fuppléer à ce que la nature leur refufe, ne recueillent fouvent que très peu que doit-il arriver à ceux qui ne fe donnent aucun mouvement, & qui négligent les travaux les plus effentiels? Moi-même, qui fuis le grand Maître de tout ce qui eft fous le ciel, & qui, comme tel, fuis à l'abri plus que perfonne, de la difette & des maux qu'elle entraîne après elle; moi-même, chaque année, en présence des Princes & des Grands, je laboure la terre de mes propres mains (1). Ce que j'en fais, eft pour convaincre l'Univers que

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pant de mille manieres ces nouveaux venus qui n'avoient point encore perdu leur ancienne bonne-foi, ni leur fincérité naturelle. Les Empereurs de cette Dynastie ont fait chacun des réglements pour tâcher de remédier à cet abus; mais il paroît qu'ils n'ont pas eu tout le fuccès qu'ils avoient droit d'en attendre. L'Empereur regnant a publié un Edit par lequel il permet aux defcendants des propriétaires de terres aliénées hors de la banniere, de les reprendre, en rendant feulement le prix du premier achat.

(1) La cérémonie du labourage de la terre, faite par l'Empereur une fois chaque année, eft fort ancienne à la Chine. Elle doit fon origine, je

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