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les foins & les travaux que la terre exige, regardent tout le monde, & que tout le monde, par conféquent, doit s'y employer de toutes fes forces, puifqu'il n'eft perfonne qui ne profite de ce qu'elle produit.

de

Gens de Guerre, gardez-vous bien en particulier de vous négliger fur cet article. Ouvrez le fein de la terre, préparezla, ensemencez-la, cultivez-la, recueillez ce qu'elle vous of fre; mais que tout foit fait en fon temps. Si chaque année vous êtes exacts à lui donner à propos tous les foins qu'elle demande, chaque année auffi vous aurez, par fon moyen, grands fujets de fatisfaction & de joie; non feulement elle vous fournira le néceffaire, mais encore elle vous mettra en état de nourrir vos parents, d'entretenir votre famille & de paffer agréablement la vie au milieu de l'aifance & des commodités, fouvent préférables à la poffeffion des plus riches tréfors. Dans les mauvaises années, la pauvreté & la difette n'auront aucun accès chez vous, parceque vous aurez mis en réserve le furplus des années abondantes & fertiles (1).

pense, au respect que les Chinois ont eu de tout temps pour celui de leurs Empereurs auquel ils attribuent la perfection de l'Agriculture. Chun qui vivoit environ 2257 ans avant Jesus-Christ; apprit aux hommes la bonne maniere de cultiver la terre, dit l'Hiftorien Chinois, il leur enfeigna les fix manieres de planter les arbres & d'enfemencer la terre. Chun, perfécuté dans fa famille, par un frere du fecond lit, quitta la maison paternelle, & fe fit Laboureur. Il parvint enfuite, par fes vertus & fon mérite, jufqu'à être le Maître de l'Empire. Ses descendants, pour faire honneur à un Art auffi utile à la fociété, & qui avoit été cultivé par un auffi grand perfonnage, établirent cette cérémonie qu'une fage politique a confervée jufqu'aujourd'hui dans tout fon éclat.

(1) On ne doit pas être furpris que l'Empereur recommande fi fort aux foldats de cultiver la terre. Ils font ici nombre parmi les Citoyens; d'ail

Grands de l'Empire, Magistrats, vous tous fur qui je me décharge du foin de gouverner, en détail, les peuples, inftruisez tous mes fujets de mes intentions; faites en forte que les terres foient bien cultivées, & ne fouffrez pas qu'il y en ait aucune en friche.

Officiers, ayez les mêmes attentions à l'égard des troupes que vous commandez; qu'aucune famille, qu'aucune perfonne n'échappe à votre vigilance: il eft de votre honneur, il eft de votre intérêt, que tout le monde fasse son devoir : faites vous-mêmes le vôtre.

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Il faut fe rendre habile dans l'exercice de la fleche, tant à pied qu'à cheval.

L'ART d'attaquer & de fe défendre, torfque l'occasion l'é

xige, regarde, en général, tout le monde; mais en particulier, c'eft l'affaire capitale de ceux qui fuivent le parti des Armes.

Dès qu'une fois vous êtes infcrit au nombre des Gens de Guerre, l'Etat cft chargé de votre fubfiftance, & il y pourvoit avec foin (1). Conviendroit-il de négliger le principal de vos

leurs, à moins d'un cas preffant, on a grand foin de ne pas les occuper aux exercices militaires, lorfque la terre où les fruits ont befoin de cul

ture.

(1) L'Etat est chargé de fournir à chaque foldat & à fa famille une fubfiftance honnête. Les Cavaliers ont fix onces d'argent par mois, dont la moitié leur eft donnée en argent & l'autre moitié en riz; les Fantaffins n'ont que quatre onces d'argent, dont la moitié leur eft également payée en argent & l'autre moitié en riz; ce qui revient, pour les Cavaliers à 45 liv. & pour les Fantaffins à 30 liv. de notre monnoie. Ce qu'on

devoirs, celui pour lequel feulement vous êtes entretenus à grands frais?

Etre en état de tirer de la fleche, tant à pied qu'à cheval; favoir parfaitement l'un & l'autre de ces exercices, ne peut être que l'effet d'une habitude contractée de longue main. Vous n'êtes point aftreints à des occupations étrangeres, votre état vous en dispense; rien par conféquent ne doit vous diftraire de ce que vous devez à l'exercice des armes (1); tout ce que vous voyez, tout ce que vous entendez vous rappelle fans ceffe vos obligations. Que feroit-ce fi, au lieu de donner tous vos foins à les remplir, vous alliez passer dans les plaisirs & dans la débauche un temps que vous ne devez employer qu'à bander un arc & à lancer des traits? De quelle monstrucuse ingratitude ne feriez-vous pas coupables envers l'Etat ?

Lancer une fleche avec dextérité a été de tous temps un art chéri des Mantchous : ce n'eft que par cette voie qu'on pouvoit anciennement fe faire un grand nom parmi nous, qu'on pouvoit même être mis au nombre des hommes. Quoiqu'on ne pense pas tout à fait de même aujourd'hui, cepen

leur donne en riz revient à la même fomme. En temps de guerre les foldats font défrayés jour par jour, & leurs femmes perçoivent, dans les villes ou villages où elles font leur féjour, une partie de la folde de leurs maris, ce qui fuffit pour leur entretien & celui de leurs familles.

(1) J'ai déja dit que les foldats avoient tout le temps qu'il falloit pour cultiver la terre: ils ont autli celui de s'exercer aux armes; parcequ'outre qu'il eft rare que les foldats ne fe foient pas défaits de leurs terres, s'ils en avoient, en faveur de ceux de la banniere qui ont eu de quoi les acheter, on ne les fatigue pas à force d'exercice; feulement en certains temps de l'année, les Officiers Généraux les affemblent & les examinent. Ceux qui font en défaut font punis par le bâtonou, pour parler plus justė, par le fouet; car le bâton eft pour les Chinois, & le fouet pour les Mantchous), & quelquefois callés, ce qu'ils craignent infiniment.

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dant un Mantchou qui tireroit mal une fleche, feroit fans ceffe sujet aux reproches & aux châtiments des Officiers qui le commandent; il feroit fujet aux railleries de ceux qui le fréquentent; il feroit la honte de fa famille, & une efpece d'opprobre pour fa Nation. Dans une nuit profonde, lorfque le tambour vous annonce les différentes veilles, faites de férieuses réflexions fur un fujet fi important (1). Que chacun de vous prenne la résolution de faire déformais tous fes efforts pour réussir dans un art d'où fon honneur particulier & le bien de l'Etat dépendent également.

Dans tous les exercices que vous ferez, tant en public que dans votre particulier, ne foyez jamais contents que vous ne donniez au milieu du but; ne foyez nullement fatisfaits si, lorfque vous êtes à la chaffe, vous ne percez chaque fois la bête que vous aurez tirée. C'est par votre habileté en ce genre qu'on mefurera le degré d'estime qu'on doit avoir pour vous. On ne vous donnera des emplois militaires qu'à proportion de votre capacité & de votre adresse. Les Soldats deviendront Of ficiers, les Officiers feront élevés à des grades plus diftingués; &, tous, vous jouirez d'une réputation qui ne fera pas moins glorieufe pour vos ancêtres que pour vos defcendants. Vous n'ignorez pas quel eft le chemin qui doit vous conduire à la félicité & aux honneurs; vous favez de même quelle eft la voie qui mene aux infamies & aux miferes: fuivez l'un fans relâche; écartez-vous de l'autre avec toute l'attention dont vous êtes capables.

(1) Les Chinois diftinguent la nuit en cinq parties, par les veilles qu'ils font battre d'intervalle en intervalle. La premiere veille est à l'entrée de la nuit, & la derniere fe bat à l'aurore,

VII. PRÉCEPTE

Il faut ufer d'économie.

L'HOMM 'HOMME ne doit rendre aucun de fes jours inutiles: il ne doit être aucun de fes jours fans avoir de quoi le paffer. Il faut qu'il ait ordinairement quelque chofe de réserve pour le temps de calamité. Ce n'eft qu'en fe conduifant ainsi qu'on peut mériter le titre d'économe.

Les troupes font payées aujourd'hui comme elles l'étoient autrefois; cependant, parmi les Gens de Guerre, on en trouve fort peu qui foient à leur aife. La prodigalité eft la vraie cause de la mifere où ils font réduits pour la plupart. Ils favent en général qu'il eft une vertu qui s'appelle économie; du refte ils fe mettent peu en peine de la connoître en détail & de la pratiquer. Ils veulent être propres & brillants dans leurs habits ils veulent dans leurs repas ce qu'il y a de meilleur, & dans leurs mets ce qu'il y a de plus exquis.

C'eft' ainfi que dans le cours d'une Lunaifon, ils confomment la paie de plufieurs mois (1). Ils empruntent enfuite pour

(1) Du temps de Kang-hi, il n'étoit pas rare de voir des Grands mêmes aller à la Cour avec des bottes de toile. Aujourd'hui il n'eft pas jufqu'aux moindres foldats qui ne foient tout habillés de foie, lorsqu'ils montent la garde, ou qu'ils font l'exercice. Pour ce qui eft des mets exquis que l'Empereur leur reproche de vouloir dans leurs repas, il ne faut pas croire que ce foient des ragoûts finement apprêtés dont il veut parler il veut leur dire feulement qu'ils ne doivent pas manger de la viande dans rous leurs repas; car ici la viande eft ce qu'il y a de plus exquis pour les Tartares & les Chinois de ces parties boréales. Du refte ils ne font pas fort délicats fur le choix. Quelque viande que ce foit leur eft bonne. La

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