Imágenes de páginas
PDF
EPUB

<< que les Chinois combattent formés fur plufieurs lignes, » & que fi en marchant de front à l'ennemi, le terrein s'elargit » ou varie, ils reconnoiffent qu'il faut prendre dans les deuxie» me, troisieme & quatrieme lignes, pour conferver une ega»lité de forces dans le front de la premiere ligne; & de même, » fi le terrein se rétrecit, il faut de la premiere ligne faire passer » à la deuxieme ou troifieme, &c. »

VI. A la page 93, Sun-tfé, parlant des précautions qu'il faut prendre avant de se mettre en marche pour aller livrer bataille, avertit qu'il faut dépouiller les foldats de tout ce qui pourroit les embarraffer; de leurs armes même, ne leur laiffant que celles qu'ils peuvent porter aisément. M. le M. de P. conclut Pag. 54. de-là, que les troupes chinoises avoient des armes de plusieurs especes, destinées à fervir felon les différentes occafions; & qu'en marchant à l'ennemi, on les débarraffoit de celles qu'on prévoyoit devoir leur être inutiles dans le combat où on les menoit. Le texte peut, à la rigueur, s'entendre en ce fens; mais ne peut-on pas auffi l'expliquer plus fimplement, en difant qu'il fignifie que pendant la marche seulement, & pour la rendre plus rapide & moins fatigante, on débarraffoit le foldat des armes pefantes, qu'on pouvoit faire porter jusqu'à une petite distance de l'ennemi, comme nous faifons porter les tentes des foldats par des chevaux de peloton ?

VII. Sur ces mots de la pag. 107, « fi vous êtes dans le voi» finage de quelque montagne, gardez-vous bien de vous » emparer de la partie qui regarde le Nord; occupez au con» traire le côté du Midi »: M. le M. de P. observe avec raifon, Pag. 60. que le mot emparer, fignifie en cet endroit, etablir fon camp; car il est clair, par la fuite même du texte, que l'Auteur chinois n'a prétendu dire autre chofe, finon que lorfqu'on campe fur des hauteurs, il faut de préférence affeoir fon camp fur la partie expofée au Midi; il en donne même la raison (p. 199);

Pag. 61 & 161.

c'est qu'on y trouve l'abondance & la fertilité.... le contentement & la fanté, fuite ordinaire d'une bonne nourriture.

VIII. Il faut peut-être attribuer à quelque distraction du Traducteur, la méprife qu'on trouve à la pag. 299, art. V du Se-ma-fa, on y lit : « dans quelque combat que ce puisse être, » il faut toujours.... voir devant foi quelque lieu elevé, dont » on puiffe s'emparer pour s'y fortifier en cas de défaite ».

M. le M. de Puy-Ségur penfe qu'on s'est trompé, en traduifant devant foi, au lieu de derriere foi. En effet, dit-il, comment fonger à fe retrancher en avant de l'endroit où l'on feroit battu ? Il lui femble donc que le Traducteur a pris la valeur du mot devant, pour celle du mot derriere. Ne pourroit-on pas adoucir cette critique, en fuppofant que le mot chinois qui eft rendu par avoir devant foi, peut fignifier, au figuré, avoir présent à l'esprit, avoir dans fa pensée? Nous difons quelquefois, en ce fens, avoir devant les yeux; alors la faute du Traducteur ne consistera plus qu'en ce qu'il a traduit dans le sens littéral une expreffion qui en chinois eft susceptible d'un fens figuré, & qui n'a pas le même sens figuré dans notre langue. La phrase dont il s'agit, fignifiera donc, qu'un Général doit toujours avoir dans fa pensée quelque lieu elevé où il puiffe fe retrancher après fa défaite. Cette explication difpenfe de fuppofer, contre toute vraisemblance, que M. Amiot ignore la valeur des mots les plus communs de la langue chinoife. On fait qu'au contraire il est un des Miffionnaires les plus inftruits dans la connoiffance de cette langue; & ce Recueil feul fuffiroit pour qu'on ne se permît pas d'en douter.

IX. A la fin du Lou-tao (pag. 315), on décrit le moyen de faire paffer des lettres fecretes, fans craindre qu'elles puiffent Pag. 166. être déchiffrées. M. le M. de P. obferve que nous avons d'au

tres moyens bien plus fûrs pour ecrire en chiffre. Il remarque d'ailleurs que le moyen indiqué par l'Auteur chinois, a un grand inconvénient : c'eft que la lettre fecrete doit être divisée en

trois parties, dont la réunion eft indispensable pour en comprendre le fens; & chacune des trois parties doit être portée par un courier particulier. Or, fi quelqu'un des trois couriers eft intercepté, l'arrivée des deux premiers devient abfolument inutile. On peut dire cependant, en faveur de ce moyen, qu'au moins il met le fecret plus en fûreté; car avant que l'ennemi puiffe foumettre la lettre aux effais du déchiffrement, il faut qu'il ait fucceffivement arrêté les trois couriers.

X. C'eft fur-tout dans le Traité concernant l'exercice & les evolutions militaires, qu'on rencontre des paffages qu'il est difficile d'entendre, & qu'on peut foupçonner de n'être pas rendus avec affez d'exactitude dans la traduction: ce qui n'est pas furprenant, le Traducteur ayant annoncé lui-même que l'art de la guerre lui est absolument étranger.

Les remarques de M. le M. de P. font d'un grand fecours, pour l'intelligence de ces paffages. Par exemple, au no. 12, du premier exercice (pag. 325 ), on lit : « Chaque foldat ayant le » corps ramaffé fous fon bouclier, dont il eft entiérement cou>> vert, fait un pas en avant, en fe roulant fur ce même bou>> clier qui lui fert de point d'appui, comme il feroit fur une » roue; & après le tour entier, il se releve tout de fuite, & fe » trouve debout dans la difpofition d'attaquer »; ce qui est répété à-peu-près dans les mêmes termes, no. 18 du fecond exercice (pag. 328). On eft arrêté dans cet endroit par ces mots, en fe roulant fur fon bouclier, &c.

M. le M. de P., pour rendre intelligible & poffible cette espece d'evolution, fuppofe que chaque foldat accroupi sous fon bouclier, fait une pirouette, s'appuyant fur ce bouclier qu'il fait tourner avec lui. « Alors (ajoute-t-il) on peut com>> prendre comment un Chinois, inftruit à marcher accroupi & » à espadonner dans cette attitude, peut paffer, couvert de >> fon bouclier, fous le ventre des chevaux, fous les trains des » chars, &c.... & qu'il y a telle occafion, où des gens exer

Pag. 174 & 183.

Pag. 175.

»cés à femblable manoeuvre, peuvent forcer des retranche» mens qui feroient formés avec des chars ou voitures; qu'ils » pourroient auffi paffer fous le ventre & entre les jambes des » chevaux, &c. &c. ». C'est par cette evolution, faite à propos, qu'il croit que les Chinois ont pu remporter, du tems des Song, une victoire complette fur les Tartares, comme il eft dit dans une note du Traducteur (pag. 325 ).

Peut-être M. le M. de P. etend-il ici trop loin l'idée de l'Auteur chinois, qui ne paroît pas avoir destiné l'evolution qu'il décrit, à l'attaque d'un corps de cavalerie, ou d'un retranchement formé de charriots. L'evolution paroît confifter uniquement à refter accroupi derriere fon bouclier, en tournant avec ce bouclier même, fur lequel on s'appuie comme fur un pivot;& à conferver dans ce mouvement une telle pofition, qu'en se relevant tout-à-coup, on se trouve prêt à frapper l'ennemi lorsqu'il s'y attend le moins. C'est cette attaque fubite & imprévue qui semble produire le principal avantage de cette manoeuvre, & qui fans doute décida la victoire dont le Traducteur a parlé.

Dans le fecond exercice, no. 2 (pag, 326), on lit; Les foldats fe mettent fur le bouclier l'un de l'autre, comme on le voit dans la planche IV. Effectivement cette evolution y eft figurée; mais de la façon dont elle y eft représentée, il paroît, Pag. 179. comme l'observe M. le M. de P., qu'on fuppofe que « les cinq » fcutiferes plaçoient verticalement leurs boucliers l'un par» deffus l'autre, & perpendiculairement; & que par confé» quent les hommes étoient grimpés les uns fur les autres ». On lit même fur la planche, au-deffous de cette figure, & pour y fervir d'explication: Soldats montés fur le bouclier l'un de l'autre, de cinq en çing. Or une pareille pofition choque toute vraisemblance.

Ibid.

A ce propos, M. le M. de P. rapporte l'hiftoriette fuivante, «En 1756, un Subdélégué de Normandie avoit donné ordre » au Syndic d'un village, de raffembler deux cens Miliciens » des environs, & de les mettre en bataille à trois de hauteur,

» en attendant qu'il vînt lui-même pour les conduire au ren» dez-vous général. A l'heure de l'arrivée du Subdélégué, le » Syndic courut au-devant de lui, pour lui faire fes excufes » de ce qu'il ne trouveroit pas tout prêt comme il l'avoit » demandé; mais, difoit-il, j'ai beau faire, il y en a toujours » qui culebutent ; je n'ai jamais pu les faire tenir qu'à deux de » hauteur, le Subdélégué n'en trouva effectivement que fort » peu qui puffent fupporter fur leur dos la charge de deux » hommes l'un fur l'autre. Le Traducteur ( ajoute M. le M. de » P.) aura fans doute entendu plufieurs termes chinois, comme »ce Syndic avoit entendu ceux de, à trois de hauteur ».

Quoique cette critique foit un peu amere, il feroit difficile de ne pas convenir qu'il y a dans l'endroit dont il s'agit, quelque méprise du Traducteur, trompé fans doute par les deffins qu'il a copiés tels qu'on les lui a fournis.

XI. Mais ce qui est plus intéressant, c'eft de mettre ici fous les yeux, la maniere dont M. le M. de P. explique l'evolution des cinq rangs de fcutiferes, dont les boucliers font appuyés les uns fur les autres; elle est fort ingénieuse, & en même tems paroît poffible à exécuter : la voici.

[ocr errors]

« Les cinq rangs fe portent en avant à files ouvertes, & fe placent à rangs ferrés l'un derriere l'autre. Le premier rang, » genouil droit en terre, couvert de fon bouclier, perpendicu» lairement à l'horison. Le second est supposé dans une attitude » affez gênée, & appuyant fon bouclier fur celui du premier » rang, à trois pieds de terre ; il est posé obliquement, l'autre » côté de ce bouclier étant elevé de quatre pieds. Le troifieme » homme eft presque debout, mais la tête baiffée, tenant fon » bouclier presque horizontalement, & cependant touchant au » bouclier du fcutifere du fecond rang, à quatre pieds, & ayant » l'autre extrémité du bouclier elevé à cinq pieds. Le bouclier » du quatrieme rang fe place un peu plus horisontalement ; il » est elevé d'un côté à cinq pieds, & de l'autre à cinq pieds &

Pag. 176.

« AnteriorContinuar »