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fans appel; cependant il ne peut être qu'un, & l'on doit convenir en même tems qu'il eft arbitraire, fans qu'il foit poffible de s'accorder fur le tribunal auquel on pourroit s'en remettre: cet embarras, cette oppofition de principes & de conféquences, ne font pas encore fon plus grand malheur; cette belle partie eft altérée & corrompue fans ceffe par les projets d'un amour-propre voilẻ même sous les apparences de la fimplicité, & fur l'aveu de l'ignorance; enfin, le goût, cette partie fi nécessaire aux Arts, eft fondé fur le prétexte & les erreurs de la nouveauté, fa plus grande ennemie. Ces moyens éternels, liés à la chofe elle-même, ont détruit & détruiront à jamais les Arts. Je ne puis en donner un plus grand exemple: ils ont donné naiffance à ce que nous appellons le Gothique; ils l'ont nourri, ils l'ont entretenu jufqu'à la deftruction abfolue du goût; & tous les jours encore, malgré les barrières que l'on croit avoir élevées, ils raniment différentes parties d'une hydre née au milieu des exemples Grecs, & qu'un peuple d'Hercules entreprendroit vainement de détruire: enfin, ces mêmes prétextes autorifent des raisons spécieuses pour établir ou pour excufer le nombre d'écarts que nous voyons dans tous les fiècles, & qui s'éloignent plus ou moins de la jufteffe, de la convenance, & par conféquent de la raison. Pour finir cette embarrasfante difcuffion, on pourroit dire avec vérité que le bien & le mal, ou plûtôt le bon & le mauvais génie de la Religion des Perfes font représentés par le bon & le mauvais goût, & que leur antipathie produit les révolutions & tous les mêmes effets dans les Arts. Ces réflexions regardent encore plus particulièrement l'ornement, puisqu'en effet il n'eft point établi fur une imitation conftante & précise de la nature, & que le tems ou l'habitude nationale confacre également & le bon & le mauvais.

PLANCHE LIX.

UNE ville ancienne, retrouvée dans un lieu nommé aujourd'hui Maciniffo, fitué dans le voifinage de Plaisance, eft une des curiofités de ce fiècle. J'ai du moins le plaifir d'annoncer cette découverte au Monde curieux, & de prouver la certitude de cet évènement par les Figures de bronze dont cette Planche eft remplie. Ces monumens ont été trouvés dans le terrein que cette ville occupoit autrefois, long-tems avant que l'on eût commencé la fouille entreprise depuis quelques mois *, avec l'intelligence & les foins dont M. du Tillot eft capable pour l'exécution des ordres &

des défirs de l'Infant.

Ce terrein étoit déja recommandable par la découverte que l'on fit en 1747. de la belle Table de bronze dont l'Înfant vient de faire l'acquifition pour orner fon Palais de Parme. Ce fuperbe monument eft déja connu dans le Monde fçavant par les belles & doctes Differtations de Lâmi & de Muratori: l'un & l'autre l'ont donnée fous le nom de Table Trajane, parce qu'en effet elle contient un règlement fait fous le règne de Trajan, pour la nourriture des enfans des pauvres, tant légitimes que bâtards, garçons ou filles.

Les morceaux fuivans prouvent, par la différence de leur goût, que cette ville a fubfifté long-tems fous la puiffance des Romains. On ignore la date & les circonftances de fa ruine; mais on peut affurer, felon l'ordre des vraisemblances, que le terrein de cette ville a été occupé anciennement par les Etrufques, & que l'on trouvera des monumens de cette nation dans les recherches qu'on y fait.

Ces fouilles magnifiques dans lefquelles on décou

*Ceci est écrit au mois d'Octobre de l'année 1760.

vre des villes entières, semblent réservées pour les Princes de la Maifon de France établis en Italie: les foins qu'ils daignent y donner, leur affurent une gloire durable, & non moins précieufe que des conquêtes. Nous n'avons rien à délirer fur les foins de la fouille, & nous pouvons être tranquilles fur l'hiftoire & les détails que nous fommes en droit d'efpérer: l'étude & les talens font fêtés & careffés à Parme; ce bon goût nous répond de la capacité des fujets qui feront chargés du foin de tranfmettre aux fiècles à venir ce grand monument de l'antiquité.

Edit. Hard.

En attendant les éclairciffemens que je viens d'annoncer, voici ce que j'ai pû trouver fur cette ville ancienne: Phlégon dans fon Traité de Longavis, l'appelle nous Beλua; & Pline en parle comme d'un lieu Liv. VII. cap. 50. voifin de Plaisance, circa Placentiam in collibus oppidum est Veleïacium. L'air y eft très-pur; Pline ajoute que fix perfonnes y avoient vécu 110 ans, quatre 120 ans, & une 140 ans; auffi cette ville étoit-elle fituée fur des collines.

Il paroît par les Obfervations faites fur le terrein & depuis le commencement de la fouille, que cette ville a péri par un tremblement de terre qui a renverfé une montagne tombée du côté du Nord.

N°. I. & II.

Cette Victoire de bronze eft représentée en l'air : l'Artiste qui l'a compofée, a pris un moment pareil à celui que l'on remarque dans les oifeaux lorfqu'ils joignent & étendent leurs pieds, en abattant leur vol pour arriver à terre. On trouve fouvent cette difpofition dans les Peintures antiques, non-feulement pour la Victoire, mais pour quelques autres Divinités ailées. C'est un moyen ingénieux qui fert à diftinguer un vol

terminé, d'avec un vol qui commence. La Figure dont il est question dans cet article, n'a jamais été fou- tenue par aucune bélière; elle ne pouvoit être placée dans le milieu d'un piédeftal; mais on voit par le profil représenté au no. II. un tenon faillant d'environ un pouce, fondu avec la pierre, & placé au-deffous des reins; il s'enclavoit dans le corps qui devoit porter le morceau; cette force, ou plutôt cet appui, étoit même secondé par une entaille perdue dans le derrière de la draperie, & placée à neuf lignes au-deffus de l'extrémité des pieds. On fent aifément qu'elle fervoit à fixer la Figure fur le devant du piédestal ou de la faillie qui devoit la porter; l'arrangement des pieds ne permettant aucune autre pofition.

Le travail de ce morceau indique un fiècle affez bas ; c'est-à-dire, qu'il est médiocre : fa conservation laisse également à défirer; il manque une aîle & les deux mains à cette Figure, & même une partie de la palme dont elle étoit chargée.

Hauteur cinq pouces moins une ligne : cette Victoire avoit fept pouces d'envergeure,

No. III.

J'ai débuté par le monument précédent, comme le plus fingulier de ceux que j'ai pu avoir de Maciniffo, & non comme le plus ancien; je n'aurois pas même balancé à mettre ce Jupiter dans la claffe Grecque, fi j'avois voulu féparer les monumens trouvés dans cette ancienne ville. Ce Bronze eft de la plus grande finesse de trait & d'exécution; la perte de fes deux bras empêche abfolument de lui choisir une épithète dans le nombre de celles que les Anciens ont données à ce Dieu. Le morceau de draperie placé fur fon épaule, ne peut être mieux jetté ni mieux travaillé, & la tête eft réparée avec autant de jufteffe que de précision, Hauteur quatre pouces fix lignes.

N°. IV.

N. IV.

Ce Bacchus, enfant, ou cet Amour du vin; car la Figure eft aîlée & représentée dans une attitude de gaieté, qui convient à ce Dieu, il ne pofe que par un pied, fur un petit focle de bronze fondu avec la Figure; il tient une grape de raisin dans une main, & portoit peut-être de l'autre une coupe ou un thyrse; car cet attribut ne fubfifte plus. Ce morceau eft d'ailleurs de la plus belle confervation: fa coëffure de feuilles, difpofées en rayons, mérite quelque difcuffion. J'ai dit dans le III. Volume, à l'occafion d'une Pag. 210, no, I. couronne pareille à celle de ce Bacchus, que les Romains ne donnoient ces couronnes qu'à quelques-uns de leurs Prêtres, & non aux Divinités; ce Bacchus ou cet Amour préfente cependant une idée contraire ; j'ajoûterai que c'eft au lierre que les feuilles de cette couronne reffemblent, fi cependant on a voulu repréfenter des feuilles naturelles. On pourroit croire, pour rendre raifon de la foibleffe de leur imitation, que l'habitude de répéter un ornement a conduit d'autant plus à le négliger, qu'on pouvoit le diftinguer, quoique mal rendu ; & fi l'on oppofe que le même lierre eft facile à reconnoître fur les Ouvrages antiques, quand fa feuille eft représentée à plat, on peut répondre qu'elles font plus difficiles à exprimer quand elles font faillantes & traitées de relief, comme on le voit fur cette couronne. Quoi qu'il en foit, j'ai cité dans le même endroit, Feftus, qui nous apprend que In Donat. Cor. les grandes feuilles, ou ces fortes de couronnes, étoient attribuées aux Dieux Lares: l'Amour, & fur- tout Bacchus, peuvent être aisément regardés comme des Dieux domestiques & familiers.

Hauteur cinq pouces dix lignes.

Tome IV.

A a

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