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vons point d'autre reffource, je vais en propofer quelques-unes fur les Egyptiens, le peuple fur lequel l'Antiquité préfente le plus de problêmes tous difficiles à réfoudre, le peuple qui réunit les plus grandes idées & les plus étonnantes fingularités.

Il eft conftant que la Fable elle-même ne fait aucune mention de tranfmigration ni d'établissement de peuple en parlant des Égyptiens, & qu'ils paroiffent fur la fcêne en même tems que l'Égypte. Quand cette même Fable cite Ifis & Ofiris comme leurs premières Divinités, elle les préfente accompagnés & environnés d'une nation établie & formée, qu'elle décrit comme témoin des actions de ces Dieux; cette fingularité mérite d'être remarquée, & prouve l'antiquité de ce peuple; mais fi on ne peut découvrir fon origine, on peut fe former des idées fur fa conduite & fon gouvernement.

Il paroît que les Égyptiens les Égyptiens ont eu plufieurs formes de gouvernement: en effet, on voit dans les tems anciens qu'ils ont foutenu & entrepris des guerres, qu'ils ont fait de grandes navigations, ou du moins qu'ils naviguoient & qu'ils commerçoient; on entrevoit des communications étrangères & des colonies établies dans des pays voifins, mais d'une grande étendue. Les monumens ne préfentent à la vérité que des vûes confuses & générales fur ce point; mais elles fuffisent pour perfuader que ce peuple a commencé comme les autres nations, qu'il a eu les mêmes idées fur les conquêtes, fur l'extenfion de fes limites, & fur la propagation de fa puiffance. Le tems auquel ces idées dominoient en Égypte feroit difficile à déterminer; mais quoique l'époque de ce changement foit incertain, la révolution produite dans l'efprit des Égyptiens n'en eft pas moins furprenante. Quelle fageffe & quelle conduite ne doiton pas fuppofer dans les chefs de cette nation pour la rendre philosophe & la ramener à cet efprit de modéra

tion qui fe contente des dons que lui offre la nature ! Son heureuse situation contribua fans doute à lui faire sentir affez vivement la fupériorité de fes avantages fur les autres climats, pour l'engager à profcrire les étrangers dont le commerce pouvoit le corrompre. Ses chefs firent plus encore: ils rendirent odieux les voyages de mer au point de déclarer les marins infâmes; dans la vûe, fans doute, de conferver leurs fujets, dont ils s'étoient apperçus que la navigation diminuoit le nombre & caufoit la deftruction. Le tems auquel les Égyptiens ont fait éclore ce prodigieux changement, ne peut être que très-poftérieur à leur origine; cependant c'eft celui auquel nous commençons à les connoître. Les Philofophes Grecs ont trouvé la révolution fi folidement établie, qu'ils en ont ignoré la date; & fi l'on oppofe qu'il ne paroît aucune trace de cette révolution, & que par conféquent elle eft fuppofée; je répondrai que les Philofophes Grecs n'avoient de commerce qu'avec les Prêtres, qui ne leur difoient que ce qu'ils jugeoient à propos de leur confier, & que ces Prêtres animés de la même fageffe qui avoit opéré le changement dont je parle, étoient obligés de garder un profond filence à cet égard, & qu'ils étoient trop éclairés pour renouveller dans l'ef prit du peuple des idées naturelles & faciles à réveiller, quand même elles auroient été détruites & bannies fans aucun effort; de quelque façon qu'une pareille révolution ait été conduite, on ne peut s'empêcher d'admirer cet exemple de fageffe dans une nation entière.

Cette réflexion générale, moins difficile à développer qu'à approfondir, eft la feule que je me permettrai fur ce peuple célèbre. Les yeux de l'Hiftoire n'ont point encore percé le cahos dont les annales Égyptiennes font enveloppées ; mais s'il n'eft pas poffible de porter un jugement d'après des témoignages certains fur les premières origines de ce peuple, on peut fe renfermer dans la

partie des Arts & fe livrer au moins par dédommagement aux conjectures que les monumens peuvent four

nir.

PLANCHE PREMIERE.

LA REPRÉSENTATION de cette Figure Égyptienne est très-connue. J'en ai même rapporté une abFlanc. VII, no. 1. folument femblable dans le II°. Volume de ce Recueil, à laquelle je renverrois fimplement le Lecteur, fi je ne fçavois qu'il n'aime point à chercher dans un autre Volume les différences ou les rapports qu'on veut lui faire remarquer. Il eft donc plus fimple de mettre le même objet fous fes yeux. La Figure dont il eft queftion est deffinée entière fous le n°. I. Sa grandeur, fa richesse & principalement fa belle confervation m'engagent d'autant plus à détailler plufieurs de fes parties, qu'elles. peuvent non-feulement donner des éclairciffemens fur Pindustrie des Égyptiens, mais nous inftruire fur l'habillement de leurs Prêtres & fur la repréfentation de leurs Divinités.

Je n'ai point vû de figure Égyptienne plus travaillée & plus ornée. Ses richeffes consistent dans l'incruftation d'argent dont fes fourcils & le tour de fes yeux font décorés fes yeux font creux aujourd'hui, mais on ne peut douter qu'ils n'ayent été remplis autrefois & formés par quelque pierre précieufe. Le colier ou la parure de fon col eft compofé de quatre bandes dont la dernière ornée de glands eft également formée par des lames d'argent incruftées. La plante Perféa placée comme à l'ordinaire au menton, préfente le même travail. On voit fur le derrière de l'habit une efpèce de gland applati qui fervoit peut-être à tenir en état le colier auquel il étoit attaché. Le gland marqué au no. II. eft formé par des lames d'argent, & cette même richeffe eft répandue fur le bâton qu'il tient dans fes mains. Ce

Voyez la Table Ifiaque au n°. l'Académie des

KK. Mémoires de

bâton étoit rond, fur toutes les figures de cette espèce que j'avois vûes jufqu'ici. Cette forme n'eft peut-être différente ici, c'est-à-dire, applatie, que par la raifon des hiéroglyphes dont il eft couvert, mais exécutés avec la plus grande délicateffe. Ils font rapportés trèsexactement au no. III, & deffinés pour être vûs du même fens que fur l'original. Ce bâton fe retrécit à l'endroit des mains. Il eft fourchu par le bas & terminé à l'autre extrémité par la hupe. Cet oifeau dont le fceptre d'Horus eft toujours paré, foutient la plante Perfea. Le n°. IV. fait voir la tête plus dévelopée & préfente la parure du col plus en grand. Le profil du n°. V. démontre que cette figure étoit coeffée d'un bonnet de lin ou de coton dont la fineffe & le travail devoient Belles-Lettres pour l'An. 1758. être recommandables; car il prend la tête avec la plus grande jufteffe, fans indiquer le moindre repli. Le bonnet laiffoit fortir les oreilles, & portoit la mentonière à laquelle la plante Ferfea, ou fon imitation étoit attachée; je dis fon imitation, par la raison qu'elle eft représentée fur le monument incruftée avec des lames d'argent trèsfines, & que cette opération ne peut convenir à une plante naturelle dont celle-ci doit être une imitation: indépendamment de la médiocre épaiffeur indiquée pour le bonnet, on voit encore la rainûre qui recevoit une lame d'argent pour enrichir tout le tour du visage. Elle eft principalement marquée fur la partie fupérieure de la mentonière. Cette lame d'argent ne fubfifte plus: elle étoit de la même largeur que celle des yeux & du colier; car les lames du gland qui pend derrière le dos & celles du bâton, ainfi que de la plante Perfea, font beaucoup plus fines & plus délicates.

La faillie arrondie no. V. placée derrière les épaules prouve une mode & un ufage particulier ; d'ailleurs cette faillie ne pouvoit être exécutée que par un corps étranger & arrêté fous l'étoffe. Cette bizarrerie à nos

yeux, fuffit pour faire voir que cette figure eft couverte d'un vêtement. Il est déterminé de plus par l'épaiffeur marquée auprès des poignets, & très-fenfible au no. I. L'égalité répandue fur toute la figure, c'est-à-dire,

le peu de fentiment du nud exprimé, comme il le doit être fous une étoffe légère coupée jufte, pour ne point faire de pli, & cependant couvrir un corps quel qu'il foit, cette égalité, dis-je, ne me paroît point avoir été fentie jufqu'ici, ou du moins reconnue pour ce qu'elle peut être. En effet elle a été généralement attribuée à l'ignorance ou au peu de cas que les Égyptiens faifoient des détails; cependant il faut regarder cette expreffion comme une véritable imitation de l'habit facerdotal emprunté de celui que les Égyptiens fuppofoient à leurs Dieux dans de certaines circonftances. Je fuis donc convaincu par l'examen des monumens, que les Prêtres avoient dans les temples un habillement de lin, comme Plutarque nous l'apprend; que cet habillement étoit filé très-fin, qu'il n'avoit que l'ampleur fuffifante pour renfermer le corps & les bras; que ceux-ci étoient placés dans un état de modestie dont ils ne pouvoient s'écarter, tout le corps étant couvert à la referve du vifage, des mains & des pieds; & que la coupe de l'habit non-feulement ne permettoit aux bras que d'être croisés fur la poitrine, mais qu'il leur étoit impoffible d'avoir d'autres mouvemens que ceux d'une position simple & d'une attitude convenable au respect & au culte. Ces réflexions m'ont conduit à une obfervation que je fuis étonné de n'avoir pas faite plûtôt; elle eft fimple & les monumens en donnent une preuve très-répétée.

Ce vêtement fi jufte & d'une ampleur fi médiocre, couvre & réunit le plus ordinairement les pieds des Figures. Je crois qu'il faut regarder celles de cette espèce comme les représentations de la Divinité à laquelle toute démarche étoit d'autant plus inutile, que les Egyptiens

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