qu'il avoit fait de la premiere terre, lui en donna une de quarante familles en un lieu nommé An. 680, Girve, ou Jarou, à deux lieuës de Viremouth, pour y fonder un monastere en l'honneur de faint Paul. Le Prêtre Ceolfrid en fut le premier Abbé, & ces deux monafteres de faint Pierre & de faint Paul étoient tellement unis, que c'étoit comme une feule communauté. Benoît Bifcop mit auffi un Abbé à faint Pierre, à caufe de fes frequens voyages, & ce fut faint Eftervin fon parent. Etant donc allé à Rome pour la cinquiéme fois, il en raporta une multitude innombrable de livres de toutes fortes, & quantité de reliques. Il en raporta auffi plufieurs images des Saints pour orner fon Eglife de faint Pierre. Il obtint du Pape Agathon un privilege fuivant l'ordre qu'il en avoit receu du Roi Egfrid, pour conferver la liberté du manaftere. Enfin pour y établir le chant & les ceremonies Romaines, il pria le Pape d'envoyer avec lui Jean chantre de l'Eglife de faint Pierre, & Abbé de faint Martin de Rome, ce que le Pape lui accorda.

Be. IV.

Le Pape, Agathon chargea l'Abbé Jean d'une commiffion plus importante, qui étoit de s'in- hift., 18, former exactement quelle étoit la foi de l'Eglife d'Angleterre, & en faire fon rapport à Rome. Car le Pape vouloit connoître l'état de cette province auffi-bien que des autres, par raport principalement à l'herefie des Monothelites. L'Abbé Jean emporta avec lui les actes du concile tenu

Ronie fous le Pape faint Martin. Quand il fut arrivé en Angleterre, il affifta à un concile que l'Archevêque Theodore affembla au fujet de cette c. 17. même herefie la dixième année du Roi Egfrid, indiction le quinziéme des calendes d'Octobre, huitiéme c'est-à-dire l'an 680. le dix feptiéme de Septembre. Le lieu de ce concile fe nommoit Hetfeld. L'Eglife d'Angleterre y fit fa profeffion

de

AN. 680.

tom. 2.

de foi, & déclara qu'elle recevoit les cinq conciles generaux, & le concile du Pape faint Martin: anathematifant ceux qu'ils condamnoient, 6.18. & recevant ceux qu'ils recevoient. On donna à l'Abbé Jean un exemplaire de ce concile pour le porter à Rome. Lui de fon côté donna à tranfcrire dans le monaftere de faint Benoît Bifcop le concile du Pape faint Martin.

Il y laiffa par écrit l'ordre de la celebration des fêtes pour toute l'année, dont plufieurs prirent des copies & y enfeigna de vive voix le chant Romain. Les plus habiles chantres venoient l'entendre de tous les monafteres du païs: & plufieurs l'invitoient à venir chez eux. Enfin l'Abbé Jean s'embarqua pour retourner à Rome: mais peu de tems après qu'il eut paffé la mer, il tomba malade, & mourut. Ses amis firent porter fon corps à faint Martin de Tours, où il fut enterré honorablement. Il y avoit paffé en venant car il avoit devotion à ce Saint, dont fon monaftere de Rome portoit le nom. Les Moines l'y avoient reçu charitablement, l'avoient prié d'y repaffer à fon retour, & lui avoient dorné des perfonnes pour l'aider dans fon voiage. Sa mort n'empêcha pas que la confeffion de foi des Anglois ne fût portée à Rome, & reçue avec grande fatisfaction du Pape, & de tous ceux qui la virent.

Saint Benoit Bifcop orna fes deux monafteVitan. 6. res des images qu'il avoit apportées de Rome. Au fond de l'Eglife de faint Pierre, il mit celle Ad.p.1005. de la Vierge, & les douze Apôtres à la muraille meridionale les hiftoires de l'Evangile, à la feptentrionale les vifions de l'Apocalypfe. Car toutes ces images étoient de platte peinture. De forte que ceux même qui ne favoient pas lire entrant dans cette Eglife, trouvoient de tous côtez des objets agréables & utiles.voiant JESUS

AN. 680.

IX.

S. Vilfrid.

Vita per eddi. 6. 31.

C.44.

JESUS-CHRIST & fes Saints, & rappellant en leur memoire la grace de fon Incarnation, ou la terreur de fon dernier jugement. Ainfi en parle Bede qui avoit ces peintures devant les yeux. Benoît Bifcop mit dans le monaftere de ".9. faint Paul des images qui marquoient la concorde de l'ancien & du nouveau teftament. Par exemple Ifaac portant le bois de fon facrifice, & JESUS-CHRIST portant fa croix : le ferpent d'airain, & JESUS-CHRIST crucifié. Après le concile de Rome, faint Vilfrid par- Retour de tit pour retourner en Angleterre par ordre du Concile, dont devoit montrer le jugement à l'Archevêque Theodore, & au Roi Egfrid. Il obtint auffi un privilege du Pape Agathon en faveur de fon monaftere de Ripon. Pour la confolation des Eglifes d'Angleterre, il einporta quantité de Reliques, écrivant les noms des Saints dont chacune étoit : & quantité d'autres meubles pour l'ornement des Eglifes. Aiant paflé c. 31. les plaines de Lombardie, les montagnes des Alpes, il entra fur les terres des François, où il apprit que fon ami le Roi Dagobert venoit d'être tué en trahison, par la confpiration des Ducs & du confentement des Evêques. C'eft-à- v. Mabiš. dire, par le parti d'Ebroïn, qui avoit alors tou- Prefat. te l'autorité en Neuftrie, fous le nom du Roi part. 1. fas. Theodoric: & qui avoit établi même en Auftrafie plufieurs faux Evêques à la place des legitimes, comme Vaimer à Troyes, & Phara-. mond à Maftrict: car en general l'Eglife de France tomba depuis ce tems en une grande défolation, Le Roi Dagobert II. fut enterré à Stenay, & y eft honoré comme martyr depuis plufieurs fiecles: fuivant l'ufage du tems où l'on donnoit ce titre à tous ceux qui aiant bien vécu avoient été tuez injuftement. Plufieurs dans les derniers tems l'ont confondu avec Dago

V.Abr.hift. ord. S. B. bert 10.1 p. 6530

bert I. fon aieul plus connu que lui: à qui ils AN. 680. ont attribué la fondation des Eglifes, & des monafteres fondez par le fecond, principalement en Alface.

Le Roi Theodoric qui regnoit déja en Neuftrie & en Bourgogne, commença alors à regner auffi en Auftrafie, & réunit toute la puiffance des François. Ainfi fut accomplie la proVita fand phetie de faint Eloi : car du vivant du Roi CloElig.lib.11. vis fecond, il eut de nuit une vifion qu'il ra

6.311

conta de cette forte: Je voiois le foleil brillant
avec un grand éclat vers la troifiéme heure du
jour difparoître tout d'un coup. Comme je re-
gardois attentivement ce prodige, je voiois
comme une lune en quartier fe lever environnée
en rond de trois étoiles, & fuivre le cours or-
dinaire du foleil. La lune s'évanouït, & les étoi-
les demeurerent: elles avancerent jusques vers
le midi, fe frapperent l'une & l'autre de leurs
raïons, & la plus belle difparut fubitement. Les
deux autres fembloient fe joindre, mais en un
moment l'une s'obfcurcit, & difparut, la der-
niere continua à fuivre le cours du foleil, aug-
mentant toûjours en lumiere en forte que
quand elle arriva au couchant, elle fembloit
plus éclatante que le foleil même. Telle fut la
vifion de faint Eloi. Saint Ouen qui la rapporte,
ne la voioit encore accomplie qu'en partie, car
il écrivoit du vivant de Chilperic. En voici l'ex-
plication entiere. Le foleil étoit le Roi Clovis
fecond, qui regnoit feul en France, & mourut
peu de tems après. La lune étoit la Reine fainte
Batilde, les trois étoiles fes trois fils Clotaire,
Childeric & Theodoric, avec lesquels elle regna
quelque tems. Après fa retraite ils fe firent la
guerre, & Clotaire mourut bien-tôt. Childeric
fut tué quelque tems après, & Theodoric de-
meura enfin feul Roi des François, comme avoit
été fon pere..
Saint

1

Vita per

Saint Vilfrid arrivant en France, un des Evêques qui avoit fait perir le Roi Dagobert, vint AN. 680. au-devant de lui avec une grande armée, à deffein de prendre toute fa fuite, tuer ceux qui Eddic. 31. refifteroient, vendre les autres à l'encan, & le mettre en prifon lui-même, pour le reserver au jugement d'Ebroïn. Mais faint Vilfrid lui parla fi fortement, qu'il le reduifit à lui demander pardon. Il acheva heureusement fon voiage, & 6.32. arriva en Angleterre.

Cependant en France la vangeance divine éclata fur Ebroin. Trois ans après la mort de faint Leger, c'eft-à-dire en 681. un Seigneur nomme Hermenfroy, qu'il avoit dépouillé de fes biens, & qu'il menaçoit encore de mort, le guetta un dimanche avant le jour; & comme il fortoit de fa maifon pour aller à matines, il lui déchargea fur la tête un fi grand coup d'épée qu'il en mourut. On voit par cet exemple qu'en ce tems-là les plus grands Seigneurs les plus occupez, & les moins pieux, ne fe difpenfoient pas d'aller aux offices publics, même de la nuit. Les Legats du Pape Agathon arriverent à C. P. le dixième jour de Septembre, indiction neuviéme, l'an 680. & furent reçus par l'Empereur Conftantin à l'oratoire de faint Pierre dans le Anaft.in palais. Ils lui prefenterent les lettres du Pape, & Agath. après les avoir reçuës, il les exhorta à traiter, V. Baron. l'affaire de la foi fans contention & fans aigreur: non par des propofitions philofophiques, mais

X. Arrivée des legats à

C. P.

h.an. n.39.

par l'Ecriture, les Peres & les Conciles. Il leur donna du tems pour repaffer leurs inftructions, & cependant les fit loger dans la maison de Placidie, avec ordre de leur fournir toutes les chofes neceffaires. Le même jour dixième de Septembre, l'Empereur écrivit à George patriarche de C. P. Car Theodore ne l'étoit plus quoiqu'il vécût encore ; & on avoit mis à fa place Geor- S. Niceph.

ge Chr.