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ces.

Terres, Chafteaux & Seigneuries de France, ainfi que bon leur fembloit, & mefmes les Chappellains demandoyent les Bénéfices & Prélatures fans attendre la mort de ceulx qui les poffédoient; chofe vrayement qui ne devoit eftre fans fcrupule de confcience. Or il arriva au pays de Saluces où il féjourna quelque temps, attendant que les trahifons du valeureux (a) Marquis fuffent bien meu-( ) Le Mar res, lequel défyrant de n'arriver quis de Salu poinct devant l'Empereur les mains vuydes, [ felon que requeroit l'ancienne couftume de qui fe préfentoit la premiere foys devant un grand Prince] tout ainfy comme il luy portoyt le cœur tout taché de merchanceté, auffy cherchoit-il de luy porter les mains fouillées de la ruine des Capitaines Françoys, ou d'une partie de l'armée, ou au moins du Îarcin & robement de quelque ville; mais n'eftant venu à bout finon de la tromperie faicte à ceulx de Foffan, alla finablement devers l'Empereur, non feulement avec les mains, mais auffy avec le cœur vuyde de foy & loyaulté, & plain de toute malice, fans luy porter une feule excufe de

fa mefchanceté; mais feulement la pure trahison faicte à fon maistre, Seigneur & bienfacteur. Depuis s'eftans mis en chemin, entrarent en Provence là où l'Empereur fe repofa en plufieurs lieulx avec fon armée, comme s'il fuft allé pour veoir le pays, & non pour faire la guerre. Et après voulant faire la pénitence de la faulte qu'il avoit commife, d'y eftre entré, alla à Ais, comme en ung défert; & là après qu'il eut jeufné quarante jours & quarante nuitz, il eut fain, par quoy il délibéra de retourner en Italye, l'efperit luy difant,fi tu as force fupernaturelle, comme de plufieurs es eftimé, en ce lieu appellé des anciens, champs pierreux, pour la multitude des pierres, dy que ces pierres deviennent pain? mais puisqu'en fentant la fain, tu es homme, & non plus que· homme comme tu as bien monftré en affaillant le Royaulme de France, retourne dont tu viens: car le Roy eft arrivé en fon champ: auquel efperit il fut obéiffant, & n'eft rien plus certain que le jour mefmes que le Roy arriva en fon champ, l'Empereur commença à envoyer fon

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avantgarde pour s'en retourner, n'ayant faict aultre chofe que ce que j'ay dict, ne prins ung feul de plufieurs partitz qu'il povoit prendre ou de donner l'affault à quelque ville, ou d'affaillir le champ, ou de paffer le Rhofne, ou d'entrer en Daulphiné; chascune defquelles chofes euft au moins monftré le vouloir qu'il avoit de meêtre à effect une partie de fes maintes menaces: mais n'ayant faict chofe de ce monde qui appartienne à la guerre, a donné à entendre à beaucoup de gens, qu'il n'eftoit allé en France pour aultre chofe, finon pour y facrifier & immoler Anthoine de Lefve, & pour luy faire de fon péché porter la peine en ce pays-là dont il avoit cherché la ruine: eftant chofe très-certaine que ledict Anthoine de Lesve avoit envoyé enFrance unConteSebaftien de (a) Montecucolj pour empoifonner (4) Montecu le Roy très-Chreftien, & fes trèsnobles enfans, & de cecy ne fault poinct doubter: car ledict Conte Sebaftien mis en prifon à Lyon, la ainfy confeffé devant beaucoup de gens de bien, & a monftré le faufconduit dudict de Lefve, & les

culli.

venins appareillés, & plufieurs foys a ratiffié & confermé d'avoir eu telle commiffion de luy; de laquelle chofe , comme j'entends, doibt eftre faict ung procès folennel & autenticque qui fera leu à la Court du très-Chreftien devant les Ambassadeurs de tous les Princes Chreftiens. Pour faire à doncques ceft acte de justice, de punir le malfacteur au lieu où il a commis le mal, l'on eftime qu'il aye fait ce voyage en France: les autres difent qu'il l'a fait pour montrer au Marquis de Saluces, quel fondement & raifon il avoit de trahir le Roy très-Chreftien duquel il eft vaffal, pour fuivre le party de l'Empereur, & quelz fruitz il commenfoit à recueillir de fes trahifons. Chafcune de ces raifons me femble bonne : vous en pourrez prendre celle qui plus vous plaift, puis retournez ung petit voftre efperit à cefte tant honnorable retraicte & pencez quelz debvoyent eftre les vifaiges & couraiges des jadis Duc de Savoye & Marquis de Saluces, bien que à dire le vray, je ne veulx pas blafmer la faulte du Duc de Savoye : car il me

fembleroit proprement dire mal de noftre grand pere Adam, à l'imitation duquel le bon & vray Duc a péché par la coulpe de fa femme : mais de ce malheureux de Saluces; je ne craindray à dire qu'il a fait la plus grande lafcheté que jamais fust faicte, de laquelle je croy auffy que la pénitence ne doibve eftre moindre je dy oultre la perte de fon dommaine, quant il luy fouviendra d'avoir perdu la grace & compaignie du plus noble des Chreftiens du plus vertueux & gentil Prince du monde, & duquel il a reçeu honneurs & biens infinis, au lieu defquelz il l'a récompenfé de la plus villaine & laide ingratitude que ufaft oncques homme. Quant il luy viendra en mémoire d'avoir abandonné le plus riche, le plus noble & délectable Royaulme du monde, avec l'amityé & familiarité de tant de Princes & Gentilzhommes: quant il penfera d'avoir vendu fa foy & fon Seigneur & Prince, pour acheter pour luy & pour fa maison infameté immortelle & que dedans peu de jours il voirra comme il fera eftimé parmy ceulx à la re

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